ISBN: 2-8251-1374-3
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En quoi « à
ciel ouvert » ? Et dabord ceci :
que ce qui caractérise avant tout le
Christ, cest sa résurrection. Autrement
dit, un retournement radical de lordre
dit « naturel ». Ce nest plus
en effet la mort qui succède à
la vie, mais linverse. Or, ce retournement
marque et éclaire chacune des paroles
du Christ (« les premiers seront les derniers
»), comme chacun de ses actes (cest
lui qui lave les pieds de ses compagnons, et
non le contraire). Quelle plus grande ouverture
que ce retournement ?
Second point. Le Christ
commence sa « vie publique » au
désert où, à Satan qui
lui offre tous les avantages de la puissance
en ce monde, il répond par trois fois
non. Car la puissance, il le sait, cest
lécrasement de lautre. Sa
clé de voûte : le meurtre. A quoi
le Christ oppose lénergie de lamour
qui, elle, libère au lieu dasservir.
Et en fonction de laquelle le Christ lui-même,
plutôt que de tuer lautre, a accepté
dêtre tué pour que lautre,
précisément, puisse accéder
à une relation plus intime avec Dieu.
Il est, de ce point de vue, lessence de
lanti-meurtre en même temps quune
infinie ouverture à lautre.
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Troisième
ouverture. A lancienne Alliance des Juifs celle
de Yahvé avec une communauté humaine : Israël,
en loccurrence, le « peuple élu »
il substitue une Alliance nouvelle : celle de Dieu,
non plus donc avec une communauté humaine quelconque,
mais avec chaque être humain en particulier,sans acception
de race, de nation, de classe conférant par
là même à la personne humaine son caractère
unique, à la fois, et sacré.
Hölderlin, dans un vers mémorable,
a dit que, pour nous autres hommes, « tout commence
ici bas, et sachève ailleurs ». Exactement
ce qua révélé le Christ. Il y
a le royaume de ce monde (inscrit dans lespace/temps);
et il y a, invisible, le « royaume des Cieux »
en nous (soustrait à lespace/temps),
notre destination finale. Notre patrie première si
on ose dire. Bref, il en résulte que notre vie sur
terre nest pas une fin en soi, un séjour fermé.
Mais un commencement. Une ouverture elle aussi à
lillimité.
Il est capital enfin de noter que
le Christ ne nous oblige en rien à croire à
ce quil dit. Il nous laisse libres dadhérer
ou de récuser ce quil propose (et quil
a vécu). De même quil est lessence
de lanti-meurtre, il est, contrairement à llnstitution,
lessence même de la liberté. Car ce quil
est venu apporter aux hommes, ce nest pas la connaissance,
suspecte de pouvoir toujours et de sécurisation,
mais la confiance. Et quest-ce que la confiance, sinon
le don entier de soi à cela dont on na pas
de preuves ? Un saut dans labîme.
Une totale prise de risque. Quy
a-t-il donc de plus « à ciel ouvert »
que cette confiance ? Dont certains aujourdhui, et
pour cause, ont une secrète nostalgie. Tant il est
vrai qu« heureux ceux qui ont cru sans avoir
vu».
G. H.
Illustration de la couverture
:La Sainte Face, XIIe siècle, gallerie Tretyakov,
Moscou.
Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01
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