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Klaus Merz
Déplacement - Kurze Durchsage, Editions Empreintes, 2002

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  Klaus Merz / Déplacement - Kurze Durchsage
 

ISBN 2-940133-66-2

 

Klaus Merz, poète et conteur, est né en 1945 en Argovie, où il vit aujourd'hui. Maître secondaire de formation, il est l'auteur d'une quinzaine de recueils de proses, poèmes ou brefs récits.

Déplacement est le premier recueil de poèmes à paraître en français.

Si Klaus Merz est un poète laconique (ou disons : un partisan de la brièveté), il se méfie du laconisme et doute que le "mot juste" que prisent haut et fort les défenseurs du beau style rende réellement justice aux choses. Ses textes ne circonscrivent rien, ne fixent rien, ils dégagent plutôt la vue et proposent une échappée.

Elsbeth Pulver (extrait de la préface)

Marion Graf, critique littéraire, traductrice du russe et de l'allemand, a traduit Anna Akhmatova, ainsi que plusieurs romans alémaniques contemporains, parmi lesquels Frère Jacques de Klaus Merz. Elle a reçu le Prix André Gide 2002 pour la traduction des microgrammes de Robert Walser.

Déplacement - Kurze Durchsage, Editions Empreintes, 2002

 

  Extrait de la préface d'Elsbeth Pulver


[...]
Tôt déjà , durant ses années de lycée, Klaus Merz a commencé à écrire des poèmes, encouragé, inspiré aussi par Erika Burkart, qui non seulement est une poétesse de premier plan, mais encore agit en Argovie comme une sorte d'esprit protecteur de la poésie tel que l'on pourrait en souhaiter à chaque région. Il a publié ou pour ainsi dire fait exploser ses premiers petits recueils à la fin des années 60, à une époque, donc, où se succédaient les détonations sociales de moyenne portée, tandis que l'explosion muette d'une gesse ou d'un poème passait inaperçue. Toutefois, loin d'être simplement en opposition avec cette époque très politisée, Merz en a reçu et développé plus d'une impulsion, encore qu'à sa façon toute personnelle. On en perçoit les traces dans les poèmes les plus anciens du présent recueil, tels Vie campagnarde (p. 217) ou De la formation des Alpes (p. 209). Plus que les idées sociales et critiques, c'est ce qu'il a vécu dans son enfance et dans sa famille qui l'a profondément marqué : à savoir que la souffrance et la mort - comme aussi, rares et fulgurantes, les pépites de bonheur - sont une partie intégrante de la condition humaine.

Les impulsions décisives de ses débuts sont venues à Merz non pas des protagonistes de la poésie politique, mais de poètes comme Rilke, Celan, Ingeborg Bachmann, Erika Burkart, ou encore, ce qui est sensible surtout dans les textes les plus récents, comme Günter Eich, dont il partage le sens de l'absurde et l'humour, le plus sûr recours contre le désespoir. Bientôt, Merz se tourne vers la prose, renonçant même à la poésie pendant toute une décennie pour se vouer à l'élaboration de ses proses narratives ; elles finiront par lui attirer un succès mérité (si le succès se mérite), en particulier un récit sous-titré "à vrai dire un roman" :Jakob schläft (Frère Jacques, Zoé, 1998).

Lorsque Merz rompant son abstinence poétique, publie les recueils Landleben (1982) et Bootsvermietung (1985), il n'a pas simplement évolué.Quelque chose a changé: dorénavant, il conjugue dans le même livre poèmes et proses brèves, et il le fait jusqu'à nos jours, donc également dans le livre traduit ici, publié en allemand en 1995. Ce panachage de poèmes et de proses représente davantage qu'une sorte de marque signalétique de Merz. Si aujourd'hui il se considère surtout comme un prosateur, ainsi qu'il le déclare dans une interview récente, ses racines plongent "sur l'autre versant", côté poésie, justement. Cette identité complexe se perçoit d'une bout à l'autre de l'oeuvre, qui, en vers et en prose, démontre avec éclat que la poésie n'est pas tout entière dans les vers, mais peut rayonner aussi, non moins belle, plus libre parfois, dans la prose. Et à l'inverse, certains éléments narratifs ont leur place et leur fonction dans les vers de Merz. Coïncidence nullement fortuite, c'est à l'époque où se tissait cette nouvelle relation entre les formes que l'auteur a franchi le pas décisif vers une langue vraiment personnelle. Sa parole à lui.
[...]

Extrait de : Déplacement - Kurze Durchsage, Editions Empreintes, 2002

Elsbeth Pulver


 

  Poèmes bilingues

Nachtmal

Au clair de la lune,
ein runder Butterkeks hängt
über der nächtlichen Landschaft
auf der Biskuitpackung. Wie schön
war es doch, als wir noch nicht
mit jedem Lungenzug an den Tod dachten,
die Moderatorin des Spätprogramms
direkt zu uns sprach und auch die dritte
schlaflose Stunde nach Mitternacht
mit unserem bedingungslosen Einverständnis
nicht rechnen konnte.

Der Mond aber war ein wüstes,
doch leuchtendes Gestirn.

 

Signal de nuit

Au clair de la lune
un petit beurre tout rond
pend sur le pays nocturne
du paquet de biscuits. Que la vie était belle
quand nous ne pensions pas à la mort à chaque cigarette,
quand la présentatrice du programme de nuit
s'adressait directement à nous et que même
la troisième heure d'insomnie après minuit
ne pouvait pas compter
sur notre soumission aveugle.

Et la lune était un luminaire
désert, mais brillant.

 

In Frieden leben

Ins Erwachen hinein
warf mir ein Mann
seinen nassen Handschuh
vor die Füsse.

Ich hob ihn auf und
legte ihn zum Trocknen
auf den Radiator.

 

Vivre en paix

A l'instant du réveil,
un homme a jeté
à mes pieds
son gant mouillé.

Je l'ai ramassé
et mis à sécher
sur le radiateur

 

Extrait de : Déplacement - Kurze Durchsage, Editions Empreintes, 2002

Page créée le: 27.02.03
Dernière mise à jour le 27.02.03

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