La poésie selon Hugo
Wolf
Un beau livre-CD et d'excellents interprètes
visitent le compositeur via les poèmes qui l'ont
nourri.
CLASSIQUE Les amateurs les plus férus,
la critique et les chanteurs attribuent à Hugo Wolf
(1860-1903) un très haut rang dans l'histoire de
la musique chantée. Pourtant, le public plus large
connaît très peu ce génie. L'an dernier,
le monde musical célébrait le centenaire de
sa disparition dans une relative discrétion. Les
éditions genevoises La Dogana, que l'on connaît
surtout pour leurs volumes de poésie, peaufinaient
de leur côté un bel objet, aujourd'hui disponible:
Le tombeau d'Anacréon. Il combine un joli livre à
un très beau CD en manière d'introduction
à Wolf, avec un choix de mélodies sur des
poèmes allemands (Mörike, Eichendorff, Goethe,
Keller, et une exception heureuse avec Byron).
Un vrai livre
Le geste est simple et pertinent:
il s'agit de donner au texte sa vraie place dans un vrai
livre, que l'on aime tenir en main, lire avant et après
l'écoute, loin des habituels livrets étriqués
des CD. L'excellence de Wolf tient en effet surtout à
son art d'adhérer aux poèmes, à chaque
syllabe, avec une précision et une sensibilité
uniques. Wolf lui-même les déclamait lors des
concerts, avant de laisser la place au chant et au piano.
Quoi de plus juste dès lors que de les mettre en
valeur aussi sur le papier ? Les vers sont imprimés
en regard de leur traduction française, soignée,
par l'éditeur Frédéric Wandelère.
Ce dernier signe en outre un texte d'introduction sur Wolf
et le rapport entre musique et poésie. Florian Rodari,
l'autre animateur de La Dogana, propose quant à lui
quelques pages sur la voix et le lied, où l'on trouve
de belles idées, qui auraient pourtant gagné
à rester plus sobres. Dans l'ensemble, toutefois,
les textes emportent l'adhésion de par la sincérité
de leur enthousiasme.
Or, la sincérité est
aussi le maître mot de l'enregistrement. La mezzo
Angelika Kirchschlager chante ces textes avec engagement.
Les inflexions très subtiles de sa voix portent des
intentions fines et précises, dans le premier comme
dans le second degré essentiel chez Wolf ,
jamais surfait. La prise de son les met à nu plutôt
que d'esthétiser le timbre, un choix cohérent.
Seule ombre peut-être: le piano de Helmut Deutsch
s'en retrouve un peu plus assourdi. En tendant l'oreille,
on est pourtant saisi par son intelligence musicale. Deutsch
se taille aussi la part de la souris dans le petit choix
de photos qui illustrent ce volume. Il intervient en revanche
avec malice aux côtés de la chanteuse dans
un petit entretien qui clôt le livre. A relever encore
des notes sur chaque pièce, comprenant des extraits
de la correspondance du compositeur. Indéniablement,
un projet réussi.
Angelika Kirchschlager et Helmut Deutsch,
Le tombeau d'Anacréon, Ed. La Dogana, 2004.
Gigliola Borlotti
21.10.2004
Angelika Kirchschlager, mezzo-soprano,
chante avec une sobriété habitée d'émotion,
Helmut Deutsch joue au piano, avec toute la présence
qu'il faut, un choix de lieder de Hugo Wolf. Le livre est
construit autour: les poèmes de Goethe, Möricke,
Eichendorff, Byron et Keller sont donnés avec une
traduction en regard, qu'en vrai poète Frédéric
Wandelère a soupesée avec bonheur.
Le Tombeau
d'Anacréon, Editions La Dogana, 2004
Pierre Michot
21 août 2004
Page créée le: 04.11.04
Dernière mise à jour le 04.11.04
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