Peter Stamm
D'étranges jardins, traduit de l'allemand par Nicole Roethel, Christian Bourgois, 2004
Peter Stamm / D'étranges jardins
Ils sont cadres de banque, étudiants, mères de famille ou retraités, des gens ordinaires. Ils vivent à New York, ou quelque part en Suisse, vont travailler à Londres ou à Riga, se croisent dans un bar à fado de Lisbonne. Gagnés par le train train quotidien. La banalité même. C'est à eux pourtant que Peter Stamm donne la parole dans son dernier recueil de onze nouvelles.
A Henry, l'ancien vacher devenu cascadeur qui sillonne le pays en rêvant de rencontrer une femme. A Inger, la Danoise, qui refuse sa vie étriquée et s'est mise en route pour l'Italie. A Regina, si seule dans sa grande maison depuis le départ des enfants et la mort de son mari, qui découvre à nouveau le monde grâce à l'ami australien de sa petite fille et rêve d'un nouveau voyage.
L'écriture épurée de Peter Stamm exprime leur désespoir sans éclats, en douceur, dans des petits gestes, des répliques désarmantes de dérision et d'infinie tendresse. Là où la vie hésite, où rien n'est encore joué, est près de basculer. Tous ils nous deviennent exceptionnels.
D'étranges jardins, traduit de l'allemand par Nicole Roethel, Christian Bourgois, 2004
Revue de presse
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D'après Peter Stamm, ce recueil de nouvelles évoque ce "moment avant un hold-up", où la vie pourrait basculer. L'écrivain ne sort toutefois pas la grosse artillerie. Ses phrases sont cristallines et ses personnages ordinaires. Tous ne font pas le saut (vers soi, vers l'autre, dans l'inconnu) dans D'étranges jardins où ils avancent sans boussole. Chacun garde sa part de mystère sous la plume de Peter Stamm, qui effleure et non effeuille les secrets, qui attire l'attention sur des détails et puis s'éclipse.
Peter Stamm observe, montre, n'analyse pas. [...] Ici, les séismes sont intimes et on ressent d'autant plus leurs secousses que l'auteur n'en dit presque rien. Telle est la force de l'Alémanique qui suggère tant et si peu de mots, en dix par exemple - "elle n'était pas venue à bout de l'obscurité" - dans la poignante nouvelle éponyme, l'une des plus réussies de ce recueil un brin inégal, kaléidoscope du désarroi contemporain, composé de onze extraits de vie. "Il s'en était passé trop et trop peu, pour qu'on se quitte le coeur léger": cette phrase cueillie dans D'étranges jardins traduit bien son climat mélancolique.
D'étranges jardins, traduit de l'allemand par Nicole Roethel, Christian Bourgois, 2004
Elisabeth Vust
24Heures
http://www.24heures.ch
14.09.04
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Il n'y a pas de suspense dans ces nouvelles, mais on y est accroché, ferré comme un poisson au bout d'une ligne vicieuse. Peter Stamm varie les angles de prise de vue, change les décors, les situations, mais c'est toujours la même impasse pour les personnages qui assistent, impuissants, au désastre.
Pour autant, pas de quoi se jeter par la fenêtre après l'avoir lu. L'écrivain est beaucoup trop subtil pour faire appel au registre mélodramatique. [...] Pénétrez donc sans appréhension dans ses Étrange Jardins : il y pousse de curieuses plantes, des fleurs fragiles aux noms simples à retenir, comme Regina, Henry, Eric, Ruth, David. De loin, elles semblent toutes identiques. Pourtant, en s'approchant, on découvre que chacune a ses couleurs, son parfum, sa façon de résister aux éléments, de dire qu'elle appartient encore, pour quelques lunes, au monde des vivants.
D'étranges jardins, traduit de l'allemand par Nicole Roethel, Christian Bourgois, 2004
Le Figaro littéraire
http://www.lefigaro.fr/litteraire/
02.09.04
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Il est toujours plus ou moins question d'attente et de vide, et du vide de l'attente, puisque rien n'arrive vraiment. D'une vie à l'autre, David, Regina, Eric, Ruth et les autres dérivent ainsi dans la conscience aiguë de leur propre impuissance, arpenteurs sans repères de leur désert intérieur. [...] Comme l'idéalisme, l'humour, ici, a les ailes coupées. [...] Dénuée de tout artifice, sans effets de manche, sans béquilles narratives, sans recours à la psychologie, son écriture distille un trouble paradoxal, alliant douceur et cruauté. et de ce dénuement extrêmement maîtrisé naît l'inattendu vertige de la simplicité.
D'étranges jardins, traduit de l'allemand par Nicole Roethel, Christian Bourgois, 2004
Judith Steiner
Les Inrockuptibles
http://www.lesinrocks.com/
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Toute la beauté ambiguë D'étranges jardins, de Peter Stamm, réside bien là. Ses personnages croient à l'accomplissement prochain de leurs rêves mais nous, non, on n'y croit pas vraiment. A quoi, pour l'instant, ressemblent leurs vies ? Maladresses, pièces de théâtre au rideau déjà tombé, immense fatigue, chaussures trop usées.
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L'écriture atone de Peter Stamm fait penser à des paroles chuchotées. Comment cerner ces hommes et femmes ordinaires si ce n'est en s'approchant de leurs existences en silence ? Tout est nuance et détail. L'expression "matière à lire" sur une liste, la description d'un appartement de fonction, des flocons de neige, un portail fermé à clé. C'est triste ou joyeux ? On ne sait pas. L'appartement se révèle confortable, le portail s'escalade aisément, la neige devient belle à regarder, le mot "matière". On est dans du possible mais, il est vrai, du possible tellement fragile.
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D'étranges jardins, traduit de l'allemand par Nicole Roethel, Christian Bourgois, 2004
Marie-Laure Delorme
Journal du Dimanche
19.09.04
"Je n'ai aucune envie d'être ici": ce constat d'un personnage dans D'Étrange Jardins [...] de Peter Stamm, décrit une disposition intérieur qui [...] caractérise la plupart de ses protagonistes.
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Habile dans le non-dit et la mise en valeur du détail qui fait mouche, Stamm excelle à suggérer les sentiments et à créer une ambiance. Le lecteur, presque trop bien guidé par un auteur qu'on souhaiterait parfois un peu moins omniscient, se voit plongé dans un monde sans promesses, morne, froid, cruel, où tous les liens se défont et où "le coeur se nourrit de vie perdue". Restent pourtant, pour détendre cette prose si concertée, quelques traits d'humour et de satire, et la variété des perspectives, dont on reste libre de déduire, avec un personnage, que "le bonheur, c'est une manière de voir les choses".
Wilfred Schiltknecht
Le Temps
http://www.letemps.ch
Certes, d'autres nouvelles sont construites de façon plus complexes, comme les jeux amoureux d'un trio autour de la question suivante: le sexe nie-t-il l'amour? Mais généralement, les scénarios des textes de Peter Stamm sont étonnamment simples.
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L'écriture épurée, la construction millimétrique de ces petits textes, permet à Peter Stamm de situer ces nouvelles sur le fil d'un rasoir. Là où l'on sent que tout pourrait basculer dans la dérision, le drame ou plus rarement le bonheur. Un livre tout à fait remarquable.
Jacques Sterchi
La Liberté
http://www.laliberte.ch
28.08.2004
Si parfois le début d'une piste "romanesque" se laisse entrevoir, l'ombre d'une une péripétie qui pourrait détourer [la] vie [des personnages], le narrateur préfère souvent bifurquer pour l'éviter.
Les atmosphères varient subtilement, cultivant l'ambiguïté, jusqu'à l'extrême "Deep furrows", presque lynchien, qui inquiète comme un rêve, au bord du fantastique, où le lecteur ne sait s'il est question de fantômes. Enfin si "La Halte" et "L'Expérience" sont plus faibles et paraissent hors de propos, ce recueil laisse une empreinte durable: les ciels des jardins de Stamm filtrent une lumière douce et mélancolique, déclinant les gris, mais avec chaleur et sans monotonie.
Julien Burri
Le Passe Muraille No 62
septembre 2004
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