|  
                     [...] 
                      La narratrice se souvient : Janice Winter, qui avait dix 
                      ans à ce moment-là, va tenter de restituer 
                      le monde tel qu'il apparaissait alors à ses yeux 
                      d'enfant - elle le décrit peu lisible, presque indéchiffrable 
                      dans une approche faulknérienne. Tout près 
                      d'elle, ou peut-être assez loin, Janice ne saurait 
                      le dire, il y a ses parents, qui, malgré tout leur 
                      amour pour Léa, leur fille aînée, n'ont 
                      pu l'empêcher de faire une tentative de suicide. 
                     [...] 
                      Dans son monologue, la narratrice essaie de définir 
                      la lisière qui sépare la vie raisonnable, 
                      familiale, et la folie, soeur du rêve, qui rôde 
                      sous l'aspect d'un petit-cousin plus âgé qu'elle, 
                      Horst, réapparaissant huit ans après sa fugue. 
                     [...] 
                      Comme la Maisie de Henry James, Janice scrute des images 
                      du passé, leur couleur, leur densité ; elle 
                      tente aussi d'évaluer le poids des mots, des phrases 
                      prononcées par les parents et dont Léa n'a 
                      pu se contenter. 
                     Janice Winter,Editions 
                      du Rocher, 2003 
                     Francine de Martinoir 
                        
                      28.08.03 
                       
                    
 L'été des Winter 
                     Séduction et ravages de 
                      la folie sous le regard d'une petite fille 
                     [...] 
                      Pour donner une idée de ce livre qui porte son nom, 
                      citons à nouveau Janice Winter : "L'intrusion 
                      et le dérangement auraient pu m'anéantir car 
                      j'étais encore entièrement constituée 
                      de moi-même, d'une densité d'enfant. Mais en 
                      un clin d'oeil, sous l'effet d'un charme, et d'une foule 
                      de mots qui tels des outils d'or et de lumière entrèrent 
                      et travaillèrent en troubillonnant dans mes veines, 
                      celles-ci s'élargirent et je ne fus pas anéantie." 
                     [...] 
                      Tout est image, visions, chez Janice et les siens. Ils regardent 
                      les mots. Leurs sensations ont des couleurs, leurs sentiments 
                      sont mesurables en volts. L'auteur est fort capable de traiter 
                      sur le même plan un chapeau et des illusions, en les 
                      coinçant sous un tabouret. L'abstraction change de 
                      statut. 
                     [...] 
                      Une voix ordonne à Horst de déplacer les objets, 
                      Horst est malade. "Bien 
                      sûr, s'apercevoir un jour que son enfant transparent 
                      et heureux de vivre abrite en lui son contraire est une 
                      épreuve presque indépassable pour les parents", 
                      dit la mère de Horst, car il s'agit d'un livre sur 
                      la folie. "Il n'est pas 
                      malade, il accomplit une tâche", proteste 
                      Janice, voilà comment Janice Winter peut être 
                      à la fois un tombeau et un tableau. 
                     Claire Devarrieux 
                        
                       
                      04.09.03 
                       
                    
 Rose-Marie Pagnard pare le deuil 
                      d'or, de cuivre et de lumière 
                     Une petite fille doit porter des 
                      secrets trop lourds pour elle. Une famille est ravagée 
                      par les dérives de ses enfants perdus. Mais cette 
                      tragédie se déroule avec légèreté, 
                      comme dans un rêve ou un conte de fées. 
                     Une lumière dorée baigne 
                      les livres de Rose-marie Pagnard; ce scintillement éblouit 
                      et fait oublier dans un premier temps l'extrême mélancolie 
                      du propos. 
                      [...] 
                     Dans Janice 
                      Winter, dès les toutes premières lignes, 
                      l'or, le cuivre d'une saison brûlante masquent le 
                      froid mortel tapi dans le patronyme de l'héroïne. 
                     Janice Winter se souvient, vingt 
                      ans plus tard, de ces journées de l'été 
                      1982. [...] 
                     D'abord, Janice dit "je", 
                      puis elle prend de la distance, regarde de loin, de haut, 
                      le tableau qui "fixe pour toujours dans un bonheur 
                      précaire" la famille Winter réunie autour 
                      de la table. 
                      [...] 
                     Horst est un Arlequin aux cheveux 
                      jaunes, un joueur de flûte de Hameln que les filles 
                      sont prêtes à suivre mais qui s'égare 
                      lui-même, un voleur d'étincelles. Il obéit 
                      à un devoir étrange qui le contraint à 
                      remettre à leur juste place les objets dévoyés. 
                      Dans la vie ordinaire, cela s'appelle du vol; dans le monde 
                      où erre le bâtard, c'est un acte de justice. 
                      Horst, le revenant clandestin, va faire des deux enfants 
                      ses complices, entraînant d'abord la grande puis la 
                      petite dans une alliance trop lourde. 
                      [...] 
                     Dans cet univers de conte, les arbres, 
                      les objets, les mots même vivent leur vie propre. 
                      [...] Les adultes ont besoin d'être préservés, 
                      tâche écrasante pour une petite fille. Souvent, 
                      elle doit fuir sa peur et celle des autres dans le sommeil. 
                      [...] 
                     Le souvenir du grincement des bouteilles 
                      que les parents débouchaient au cours de leurs fêtes 
                      sacrilèges éveille un autre bruit, celui d'un 
                      couvercle de cercueil que l'on visse : c'est tout ce que 
                      nous saurons de la fin de Léa, "notre fardeau 
                      resplendissant que nous tenons par la main, tout au bord 
                      de l'abîme". 
                     Isabelle Rüf 
                        
                       
                      Samedi culturel - 30.08.03 
                     
                    
                     
                      
                    Page créée le: 29.09.03 
                      Dernière mise à jour le 29.09.03 
                      
                     |