Peter Stamm Peter Stamm / Blitzeis Ein Pub in New York, ein Eisweiheir im Thurgau, eine Klinik in Deutschland, Hitze, Regen und Blitzeis, Geheimnisse und Geständnisse, Realistische Stories und coole Liebesgeschichten vom Autor des Debüterfolgs " Agnes ". " Eine wunderbar ökonomische, unaffektierte, ins Herz schiessende Prosa " Facts Peter Stamm, geboren 1963. Studierte nach einer kaufmännischen Lehre einige Semester Anglistik, Psychologie, Wirtschaftsinformatik und Psychopathologie. Längere Aufenthalte in Paris, New York und Skandinavien. Lebt in Zürich und Winterthur. Seit 1990 freier Autor und Journalist, schreibt u.a. für Nebelspalter, Neue Zürcher Zeitung, Tages-Anzeiger, Weltwoche. Mehrere Hörspiele für Radio DRS, Radio Bremen und den WDR, ein Theaterstück, Beiträge für verschiedene Bücher. Seit 1997 Redakteur der Literaturzeitschrift Entwürfe für Literatur. Sein 1998 bei Arche erschienener Debütroman Agnes wurde mit dem Rauriser Literaturpreis sowie vom Kanton Zürich und der Stadt Zürich ausgezeichnet und von der Stiftung Pro Helvetia gefördet. Blitzeis - Peter Stamm - Editions Arche
Peter Stamm / Verglas Le second livre de Peter Stamm rassemble neuf nouvelles dans lesquelles se retrouve latmosphère confinée de son premier roman, Agnès, les mêmes personnages sans attaches, qui voyagent beaucoup et parlent peu. Désespérément ils cherchent à communiquer ou tout simplement à survivre, mais la vie sournoisement leur échappe et les plus fragiles ou les plus lucides abandonnent en chemin. Avec un regard dentomologiste, le narrateur exprime dans une prose blanche, distancée, excluant toute allusion psychologique , le désarroi, le mal de vivre, la difficulté daimer de ceux qui ont aujourdhui trente ans. Verglas, ou les souffrances dun jeune Werther de lan 2000. Traduit de lAllemand par Nicole Roethel http://www.christianbourgois-editeur.fr/
Bio-bibliographie Peter Stamm est né en 1963 à Weinfelden. Après un apprentissage de commerce, il suit des études de philologie anglaise, psychologie, informatique économique et psycho-pathologie. Il fait des stages dans des cliniques psychiatriques et prend des emplois temporaires. Il a passé plusieurs années à létranger, notamment à Paris, New York et en Scandinavie. Depuis 1990, il est écrivain et journaliste et travaille, entre autres, pour la Neue Zürcher Zeitung, le Tages-Anzeiger-Magazin et la Weltwoche. Il a écrit presque trois cents textes pour le Nebelspalter, des satires et des parodies ainsi que des critiques de cinéma et de théâtre. Il est également lauteur de plusieurs pièces radiophoniques pour radio DRS, Radio Brême et la WDR. Une première pièce de théâtre, Fremd gehen, a été mise en scène à Berne, en 1995. De plus, Peter Stamm a écrit des contributions pour divers livres. Depuis 1997, il fait partie de la rédaction de la revue littéraire Entwürfe für Literatur. Son premier roman, Agnes, a paru en 1998 aux Editions Arche à Zurich et Hambourg. Il a reçu le prix de Rauris en Autriche et des prix du canton et de la ville de Zurich. En 1999, il a publié Blitzeis, un recueil de neuf récits. Le canton de Zurich lui a décerné une bourse pour un séjour de trois mois à Berlin. En 2000, Agnès paraît en traduction française et anglaise et son auteur termine trois projets pour le théâtre: Die Planung des Plans, un monologue pour le Schauspielhaus à Zurich, How to create your own perfect Billy et Puf? oder der Stellenwert von Sehnsucht und Leidenschaft für das Wachsen des Reiches Gottes, deux pièces de théâtre. Aujourdhui, Peter Stamm vit et travaille à Zurich, Winterthur et Berlin. Bibliographie Agnes, Zurich, Arche, 1998; Frankfurt/M, Wien, Büchergilde
Gutenberg, 1999. Pièce radiophonique "Bildnis eines Knaben mit Peitsche aus einer Privatsammlung". Dans: Ach & Och: das Schweizer Hörspielbuch. En collaboration avec Schweizer Radio DRS, publié par Reinhardt Stumm, préface de Heinrich von Grünigen. Zurich, Haffmanns, 1998. Textes satiriques Alles über den Mann. Avec des cartoons de Brigitte Fries. Rorschach, Nebelspalter-Verlag, 1995. Texte journalistique Gotthard: die steinerne Seele der Schweiz. Photos de Markus Bühler, Zürich, AS-Verlag, 1997. Extrait de la Revue Feuxcroises 3
Un entretien réalisé par Daniel Rothenbühler pour la revue Feuxcroisés Peter Stamm "Etre disponible à linattendu"
Il y a trois ans, Peter Stamm était un journaliste et écrivain peu connu. Il travaillait pour la NZZ, le Tages-Anzeiger et la Weltwoche, publiait des textes dans la revue satirique Der Nebelspalter et écrivait des pièces radiophoniques. En un temps record, le roman Agnès et les récits Blitzeis ont fait de lui une référence de la littérature suisse-allemande au-delà des frontières. A sa parution, Agnès reçut le prestigieux prix autrichien de Rauris. Un an plus tard, Blitzeis passa sans problèmes lépreuve difficile du deuxième livre. Le roman et les récits séduisent la critique aussi bien que le public. Et, fait rare, cet écrivain suisse se vend mieux en Allemagne que dans son pays. Est-ce parce que les histoires quil raconte se passent pour la plupart loin de Suisse, dans le nord de lAmérique ou de lEurope? Ou est-ce parce que ses personnages représentent le "type universel de la vie actuelle" comme laffirme la radio Freies Berlin? Peter Stamm parle damour et de mort, de rencontres et de séparations, de culpabilité et de deuil des expériences dont traite la littérature depuis les mythes de lAntiquité. Son art consiste à les placer dans le quotidien de la vie moderne tout en maintenant leur force primaire. Ses personnages sont des êtres ordinaires, presque médiocres, qui ont de la peine à faire face aux événements et aux émotions qui les envahissent. Ebranlés par lamour ou la mort, ils cherchent à se préserver de tout ce qui pourrait les déstabiliser et recourent aux moyens dont dispose en premier lieu lindividu moderne: le repli sur soi et la fuite. Ils ne vivent ainsi que les amorces de grandes émotions, mais ce fait ne diminue pas limpact des événements sur les lecteurs, il lamplifie. En faisant passer lobservation avant laction, les personnages, chez Peter Stamm, donnent de limportance aux moindres gestes et paroles. Ceux-ci sont rapportés avec précision par des narrateurs soumis à la même inhibition. En résulte un saisissant understatement à laméricaine souligné par un style sobre qui renonce à tout effet. En même temps, Agnès fait entrevoir que ce soin du détail nest pas équivalent à un réalisme plat. Car ce roman, en plus dune histoire damour et de mort, présente également une expérience de lêtre humain en tant que homo narrans. Le roman montre deux amants qui aimeraient préserver leur histoire damour en la transformant en récit. Lironie tragique veut que ce soit justement par cette tentative quils se perdent. Lhomme, se faisant narrateur, est entraîné par la logique de son récit. La femme, Agnès, dabord désireuse quil écrive, se voit finalement obligée de le quitter. Elle le fuit ou elle se tue, le roman ne donne pas de version définitive. Le pouvoir destructeur qua sur elle le récit de son amant sexplique par le fait que, depuis petite, elle se laisse captiver par les histoires quelle lit. Elle est la lectrice idéale dune littérature qui demande quon prenne pour réalité ce qui nest que fiction. Lauteur nous montre donc les méfaits dune lecture réaliste tout en la suggérant par une mise en scène précise des lieux, des atmosphères et des actions. Cest seulement quand on se rend compte de la partialité du narrateur quune double lecture simpose: le lecteur reconnaît le caractère factice du récit dans la mesure où il sest fait captiver par lui. Après le succès dAgnès et de Blitzeis, Peter Stamm sest concentré sur plusieurs projets pour le théâtre. Il a écrit Die Planung des Plans, un monologue pour le Schauspielhaus à Zurich, et deux pièces, How to create your own perfect Billy et Puffi oder der Stellenwert von Sehnsucht und Leidenschaft für das Wachsen des Reiches Gottes. Ces textes sont marqués par le goût de lauteur pour lexpérimentation. Il y déjoue les conventions littéraires comme il la déjà fait dans ses pièces radiophoniques et dans Fremd gehen, pièce mise en scène en 1995 à Berne. Entretien Vous avez fait de longues années dapprentissage et de voyage dans les années 80. Elles ont laissé des traces dans le roman Agnès et dans les récits du recueil Blitzeis. Aviez-vous déjà des projets littéraires à lépoque? Oui, jai commencé à écrire il y a très longtemps, et également lors de mes séjours à létranger. Mais à lépoque, je minspirais de ce que javais vécu auparavant en Suisse. Les sujets américains et scandinaves dAgnès et de Blitzeis ont ressurgi après mon retour en Suisse. Jai dû retourner sur place pour véri?er si mes souvenirs concernant les lieux étaient justes. Est-ce là le souci du reporter que vous êtes aussi, depuis 1990? Quand je parle de lieux concrets, jessaie dêtre exact. Mais à part ça, je ne pense pas être marqué dans mon écriture littéraire par mon travail de journaliste. Au contraire, jai écrit bien avant de faire des reportages. Il sest avéré que mon style se prêtait bien au journalisme. Mon travail de journaliste mimporte encore sous un autre angle. Je ne me vois pas comme écrivain au-dessus de la mêlée, je veux écrire des histoires de la vie normale. Mes personnages mènent une vie de tous les jours, jai donc besoin de garder des liens avec leur façon de gagner leur vie. De plus, je naimerais pas vivre de bourses étatiques ou privées. Je suis même prêt à écrire des textes publicitaires, sil le faut, et je lai déjà fait. Mais cest un travail bien distinct de lécriture littéraire? Je fais cette distinction aussi par rapport à mon travail de journaliste. Contrairement à Meienberg, par exemple, je ne considère pas mes reportages comme un genre littéraire. En tant que journaliste, jessaie de présenter les faits, en tant quauteur, je me sens libre de suivre mes envies. "Blitzeis", par exemple, un récit du recueil éponyme, décrit un reporter enquêtant sur une femme qui souffre dune maladie mortelle. Ce texte est issu dun vrai reportage. Layant terminé, javais envie de montrer ce dont je ne pouvais parler en tant que reporter, notamment la brutalité sous-jacente des rapports entre enquêteur et malade. La brutalité des rapports humains, en particulier lors de séparations entre êtres qui semblent proches, nest-elle pas chez vous un sujet qui dépasse la réflexion sur le journalisme? Je pense effectivement que nous vivons dans un monde où lon napprend plus à faire de vrais adieux. La télécommunication nous fait croire que nous restons connectés quoi quil arrive, et cest ainsi peut-être que nos adieux, comme nos rencontres, se font dans une indifférence qui peut paraître brutale. Il vous arrive aussi de vous moquer de ce genre de phénomènes sociaux. Quentre 1993 et 1995, vous ayez écrit quelques trois cents satires peut surprendre quelquun qui ne connaît que la teneur plutôt sérieuse de votre roman et de vos récits. Jai toujours ressenti deux besoins contradictoires, celui de me défouler dans lexpérimentation sans limites et celui de me soumettre à des formes rigoureuses. Aujourdhui, je nécris plus de satires, mais je donne libre cours à mes fantaisies dans mes pièces radiophoniques. Je lai également fait en écrivant un livre pour enfants. Il na pas encore été publié. Son contenu semble trop farfelu pour être illustré. Mais je suis sûr que cela se fera. Dans un essai sur lhumour vous ne montrez pas une très haute estime pour le rire. Pourquoi? Le rire est une sorte dagression. Je suis un homme agressif, mais au lieu de cogner, je fais rire. Au-delà de cet exutoire, le rire ne mintéresse pas. Le rire nous distancie des choses. En écrivant je cherche au contraire à les cerner le plus près possible. Ce nest pas drôle, mais cest indispensable. En 1995, vous renoncez à collaborer à la revue satirique Nebelspalter, en 1997, vous adhérez au comité de rédaction de la revue littéraire Entwürfe et en 1998, vous publiez Agnès. Aviez-vous décidé de vous consacrer davantage à la littérature proprement dite? Cest le résultat de plusieurs coïncidences. En ce qui concerne Entwürfe, jai suggéré un jour aux responsables de la revue de consacrer un numéro aux pièces radiophoniques. On ma proposé de le réaliser moi-même, et cest ainsi que jai rejoint le comité de rédaction. Maintenant, cest avec plaisir que je contribue à offrir une tribune aux écrivains de valeur qui ont de la peine à se faire entendre autrement. Quant à Agnès, ce roman naurait peut-être pas été publié en 1998 si la Suisse navait pas été linvité dhonneur à la Foire du livre de Francfort. Auparavant, javais envoyé ce texte à cinq éditeurs qui mavaient tous répondu quil ne se prêtait pas à la publication. Cest une agence littéraire, à la recherche de nouveaux talents suisses, qui a établi le contact avec Arche une des cinq maisons dédition qui avaient déjà reçu mon manuscrit. Aviez-vous déjà contacté des maisons dédition pour dautres textes? Oui, javais fait la même démarche pour trois romans. Ils avaient tous été refusés. Aujourdhui je pense quils ne méritaient pas mieux. Avec Agnès cétait différent. Je sentais déjà à la teneur des lettres de refus que ce texte aurait plus de chance malgré les premiers insuccès. Ces premières réactions étonnent aujourdhui, vu le succès du roman auprès de la critique et du public. Comment les éditeurs ont-ils justifié leur refus? Leurs objections étaient pour la plupart moins catégoriques que celles de certains critiques littéraires. Laccueil dAgnès na pas été aussi unanime quil paraît aujourdhui. Lors dun débat télévisé, par exemple, une critique littéraire très écoutée a dit navoir rien trouvé de positif à la lecture de ce roman. A ses yeux, il décrit un univers glacial vu par un narrateur privé de sentiments. Nest-ce pas cela qui fait lintérêt du roman aux yeux dautres critiques? Je ne pense pas que le monde que je décris soit seulement froid et que mes narrateurs ne soient que des cérébraux. Mais il est vrai que certains critiques ont trouvé dans mes personnages limage type du Suisse neutre, même devant ses sentiments, dautres au contraire le représentant universel de nos sociétés modernes. A mes yeux, ces deux visions se rejoignent dans la mesure où la plupart des sociétés industrialisées sont en train de se "suissifier" (verschweizern). A part ça, Agnès ne doit pas être spécifiquement suisse, puisque ses ventes ont été plus importantes en Allemagne quen Suisse. Je suis curieux de voir la réaction des publics de langue française et anglaise. Les premiers échos aux deux traductions sont plutôt positifs. Les métaphores du froid dans vos textes rappellent les jeunes Zurichois qui, au début des années 80, se considéraient comme des brise-glace et voulaient raser les Alpes. A dix-huit ans, en 1981, avez-vous été touché par ce mouvement? Pas du tout. Cest seulement plus tard que jai compris ce qui sy était passé. Après coup, je partage avec cette génération sa désillusion non pas frustrante, mais salutaire. Tôt, jai été fasciné par le personnage du révolutionnaire qui a perdu ses illusions, tel que Übelohe dans Le Mariage de Monsieur Mississippi de Dürrenmatt. Je crois, comme Dürrenmatt, quil ne faut pas chercher son salut dans un projet révolutionnaire ou dans un au-delà. Certes, ce monde est terrible, mais il nest pas mauvais. Limmense vide du cosmos est beau. Aujourdhui, nous pouvons le voir concrètement tandis que dautres époques nen avaient quune connaissance abstraite. Jéprouve une sorte de religiosité de la nature, non pas dans le sens dune divinité maternelle qui nous abrite, mais plutôt dune grande loi à laquelle nous devons nous soumettre. Cest pourquoi les images de la nature me tiennent à cur. Les images du froid dont vous parliez ont certes une valeur métaphorique à la lecture de mes textes, mais elles ont aussi leur importance en elles-mêmes. Renoncer à des visions qui transcendent le monde, cest pouvoir le regarder tel quil est, sans chercher des explications. Une telle vision peut être consolatrice. Là-dessus je ne suis pas daccord avec Dürrenmatt, qui avait horreur de ce qui pourrait être vu comme consolation. A part ça, cest lauteur qui ma le plus marqué, le seul dont jaie quasi tout lu. Nêtes-vous pas aussi influencé par la littérature américaine? Certainement. Hemingway a été important pour moi ou Raymond Carver, même si jai peu lu le second. Mais il y a aussi lItalien Pavese ou, plus loin, le Russe Tchékhov. Carver a dailleurs fait référence à Tchékhov, et sans en avoir encore la preuve, je suis sûr que Hemingway a également été influencé par ce dernier. Et Frisch? Cest drôle. On ma déjà rendu attentif sur certains liens entre mes textes et Stiller ou Homo faber. Mais cest seulement par la suite que jai lu ces deux romans et que jai été frappé des parallèles quon pouvait y voir. En retraçant son histoire damour avec Agnès par une sorte de récit-portrait, le narrateur de mon roman transgresse le commandement "Tu ne te feras aucune image" qui, selon Frisch, doit régir lamour. Mais à la différence de Julika dans Stiller, Agnès ne soppose pas à cette transgression, elle pousse même son amant à écrire. Au départ, mon idée était de montrer un homme et une femme qui, comme tant dautres, ont besoin de se voir eux-mêmes en se racontant leur histoire et qui courent ainsi le risque de rater leur vie. Je voulais dabord les faire écrire tous les deux, chacun sa version de lhistoire. Mais finalement, jai jugé plus intéressant que le narrateur sapproprie seul le rôle de chroniqueur du couple. Il étouffe chez son amie toute envie décrire en dénigrant la première amorce dun texte quelle lui soumet. Cest pourquoi ensuite, quand elle souhaite que son histoire soit racontée, elle doit lui demander de lécrire. Il adopte ainsi le rôle dun Pygmalion à lenvers: il néveille pas son uvre à la vie en laimant, il statufie lêtre aimé en achevant son uvre. Avez-vous pensé au martyre de sainte Agnès en écrivant celui de votre héroïne? Non. Là aussi, je nai pris connaissance des parallèles possibles quune fois le roman écrit. Mon héroïne devait dabord sappeler Solveig. Puis un poème de Keats ma inspiré le nom dAgnès. A la parution du roman, les critiques ont trouvé des liens surprenants avec les Legenda aurea. Cest fascinant. Mais ces découvertes ne devraient pas amener les lecteurs à ne plus voir dans lhistoire dAgnès que le martyre dune jeune fille. Rien nindique par exemple quelle se tue vraiment. Jai dabord écrit une version où le narrateur tombe sur des indices qui prouvent la mort dAgnès, mais jy ai renoncé. Je préfère que, sur ce point, la fin reste ouverte. Maintenant il ny a que laffirmation du narrateur au début du roman qui fait croire quAgnès est morte. Mais on peut se rendre compte par la suite quil nest pas fiable puisquil maintient dans son récit des affirmations qui ont été démenties par Agnès. Le réalisme apparent du roman cacherait donc une déstabilisation subtile de la narration? Exactement. Agnès nest pas marqué par ce réalisme que certains ont voulu y trouver. Cest dailleurs ce qui rend difficile ladaptation cinématographique du roman. Vous êtes en train de préparer un film? Oui. Le cinéaste zurichois Samir est daccord de le réaliser et la production semble être assurée. Je suis en train décrire le scénario et javoue que ce nest pas facile. Comment par exemple montrer dans le film le pouvoir de tout récit sur Agnès? Ou quel visage donner au narrateur? Il nen a pas dans le roman, puisque nous voyons tout avec ses yeux. Cest fascinant de résoudre ces problèmes, mais en ce qui concerne lécriture proprement dite, je ne trouve pas très passionnant délaborer un scénario. Je ne peux pas me laisser aller, cest très technique et il y a beaucoup de contraintes extérieures. Quelquefois, jai limpression de rédiger un mode demploi. Nêtes-vous pas habitué à certaines contraintes par vos productions radiophoniques? Cest autre chose. Jai, certes, dabord dû apprendre les règles du métier, mais maintenant je me sens très libre quand jécris une pièce radiophonique. La langue parlée y est importante, et cet aspect quasi musical me pousse à plus daudace dans lexpérimentation. Pour moi, écrire, cest toujours en premier lieu travailler la langue. Cest valable aussi pour ma prose. Il y a des critiques qui croient que je me soucie plus de lhistoire, mais cest faux. Lhistoire nest que le squelette qui doit porter la langue. Souvent, pourtant, la critique fait léloge de votre art délaborer des histoires bien construites. Je ne fais pas que construire. Jai justement limpression que le scénario moblige trop à construire alors que dans mes pièces radiophoniques et ma prose narrative jaime me laisser emporter par ce qui simpose au cours de lécriture. Je navais pas prévu, par exemple, la grossesse dAgnès, elle ma surpris autant que les personnages du roman. Actuellement je suis en train décrire un roman qui se passe en Norvège et a pour protagoniste une femme. La seule chose que jaie décidée cest que, pour la première fois, je renonce au "je" du narrateur en faveur dune instance narrative qui a accès à la vie intérieure de la protagoniste et que celle-ci va faire un voyage. Mais je ne sais pas encore tout ce que cela donnera. Je mattends à des surprises en avançant dans lécriture. Etre disponible à linattendu, prêt à faire face à ce qui méchappe, cest ce qui fait à mon avis lintérêt même de la vie. Cette ouverture vers linconnu nest-elle pas aussi, dans vos textes, un sujet important? Le récit de Blitzeis que je préfère sappelle "Das schönste Mädchen". Son narrateur se trouve sur une île hollandaise et voit écrit dans le sable le nom dAlien. Il croit y voir le reflet de sa propre solitude, de son étrangeté dans ce monde. Par la suite, il apprend que cette inscription nest quun hommage à la plus belle fille de lîle qui porte ce nom de femme hollandais. Je trouve précieux de tels moments où toute vision préétablie sécroule. On est mis dans une position précaire et parfois on narrive même plus à se reconnaître soi-même. Cette expérience de trouver quelquun détranger dans ma propre image fut dailleurs le déclic décisif pour lécriture dAgnès. Cest terrifiant, un moment pareil, mais cest là peut-être que, sans sen rendre compte, on est le plus proche de la vérité et le plus prêt à aimer. Daniel Rothenbühler un entretien proposé par la revue
Feuxcroisés
Extrait de Blitzeis FEU ! Sous la Roche-à-la-Vache, la falaise de molasse où une vache était tombée jadis et sous laquelle, lhiver, se formaient les plus beaux glaçons, se trouvait la grotte où Sven et moi avions nos rendez-vous. De là, disait-on, un souterrain secret conduisait autrefois au château. Mais à présent, la grotte était obstruée au bout de quelques mètres déjà, et nous y avions pris nos quartiers. Nous allumions des bougies, sculptions des pipes et faisions sécher des feuilles de hêtre que nous nosions jamais fumer. Cest non loin de là que vivait Herbert. La mère de Herbert nous offrait des glaces à leau faites maison parce que nous jouions avec son fils bien quil soit catholique. Nous navions pas dargent. Ce nest que plus tard, à la Fête cantonale de tir, que nous avons gagné quelques sous en nous engageant comme marqueurs. La commune avait dressé une grande tente de fête à côté du stand de tir. Cest à côté du stand quune nuit, jai fumé ma première cigarette, tout près de là, nous enfouissions les os et les cadavres danimaux que nous trouvions parfois dans les bois. Un beau jour, Sven avait apporté une tête de brochet qui puait déjà, et nous lavions brûlée. Là-bas, non loin du stand, il y avait un bois de hêtres, plus lumineux que la forêt de la Roche-à-la-Vache qui entourait notre grotte. Clarté des hêtres, disait mon père. Dans la forêt, à lépoque, nous étions libres, et nous nous moquions des éclaireurs qui chantaient en uniforme. Nous ne chantions pas. Nous mâchions de loseille et de la résine, récoltions faînes et glands. Sven affirmait quun jour, il avait fait rôtir une corneille, et je le croyais, parce quil sétait lui-même percé loreille, avec une aiguille chauffée à blanc, pour y accrocher une boucle. Son père était allemand, ce qui semblait tout expliquer. Mon père était serrurier, celui de Herbert, architecte. Herbert allait tous les samedis aux scouts catholiques, et le mercredi après-midi, il avait le catéchisme. Le soir, il fabriquait avec son papa des modèles réduits davion avec de minuscules moteurs à essence. Parfois, tandis que je jouais avec Sven, il rôdait dans les parages des heures durant sans se faire voir, puis se montrait brusquement en disant: "Venez chez moi, et vous aurez une glace!" Ensuite, nous mangions notre sorbet devant chez lui, sa mère senquérait de lécole et Herbert faisait des grimaces derrière son dos, jusquà ce que nous ne puissions nous empêcher de rire. Herbert avait trois surs. Herbert sétait engagé avec nous comme marqueur à la Fête de tir. Cétait son père, nous révéla Herbert, qui avait voulu quil soit cibare, et aussi, quil soit scout. Dans la commune, on naimait pas son père. Il venait de la ville et nous avait construit une église fort laide au milieu du village. Le père de Herbert, quand il tirait, portait des lunettes spéciales et une coûteuse veste de cuir, rembourrée aux coudes. Herbert disait que son père était tireur délite à larmée, mais nous nen croyions pas un mot. Je métais cassé le bras deux fois, déjà, Sven sétait même cassé la jambe à ski. Herbert navait quune seule cicatrice, au bras, et Sven disait quelle provenait dun vaccin. A la grande Fête de tir, Herbert était cibare à côté de moi. Sur sa cible, il nenregistrait que des 1 et des 2, tandis que mon tireur marquait un 5 après lautre. Herbert avait sur lui une gourde de thé chaud, et je lui ai dit: "Tu aurais le cran daller voir qui est lincapable qui tire si mal sur ta cible?" Je plaisantais, bien sûr, il aurait dû le savoir, nous étions beaucoup trop loin. Mais nous étions tout au bout de la ciblerie, alors il a escaladé le mur latéral et ma crié en riant: "Je vois la fumée des fusils." Puis il est tombé, un trou dans la tête. Il y a eu une grande agitation, mais on voyait bien quil ny avait plus rien à faire. Jétais à côté de Herbert, et le chef cibare ma donné une gifle et ma repoussé. Il pleurait. Par la suite, il ma présenté ses excuses, jen ai été gêné. Le chef cibare a passé en jugement parce quil était responsable, mais il na pas eu à aller en prison, et personne au village na rejeté la faute sur lui. Ni sur moi non plus. Je navais rien dit. On ma même marqué des égards spéciaux parce que javais été sur les lieux, et que javais vu Herbert mort. Le lendemain soir, il y eut la remise des prix, puis la fête. Cest là que jai fumé ma première cigarette, et le président de la Société de tir ma donné du feu en disant: "Si larchitecte avait été un meilleur tireur, il aurait touché le centre de la cible et naurait pas tiré son fils en pleine tête." Extrait de Blitzeis - Peter Stamm - Editions Arche Traduction: Marion Graf Cet extrait est tiré de la Revue Feuxcroisés
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Extrait de presse Stamm Peter : Verglas Né en 1963, Peter Stamm fait partie de cette jeune génération d'écrivains qui ont tous les mêmes approches, les mêmes préoccupations, les mêmes inquiétudes, qu'ils soient anglais, français, allemands, espagnols ou américains, ou encore suisses comme lui. Ils ne pratiquent ou ne connaissent qu'un style dépouillé, sobre, économique, facile à lire, où chaque mot compte, simplement comme pour tous les adeptes du minimalisme. Certains - et Peter Stamm est de ceux-là - réussissent mieux que d'autres. Ils ont beaucoup voyagé, parlent souvent plusieurs langues et se sentent bien ou mal, toujours pareils un peu partout, participant ainsi à une sorte de mondialisation de la littérature générationnelle. Au cours des neuf nouvelles qui composent ce recueil, le narrateur, peut-être toujours le même, se trouve donc en Suisse, à New York, en Suède, sur une île hollandaise ou en Italie. Probablement toujours âgé d'une trentaine d'années, il observe ses amis, la vie autour de lui : les difficultés d'aimer, d'être aimé, de communiquer et tout ce qui s'ensuit, la résignation, la tristesse, le désespoir, le manque d'ambition, une vague fatigue de vivre et, bien sûr, la mort. Il garde souvent ses distances non sans compassion, mais sans plus d'humour que d'ironie. Ce qui retient l'attention, c'est qu'à partir d'une situation banale, quotidienne, Peter Stamm introduit toujours une atmosphère un peu étrange, parfois déplaisante, parfois plus douce si bien que l'on aborde chaque nouveau texte avec curiosité (traduit de l'allemand par Nicole Roethel, éd. Christian Bourgois, 164 p., 95 F [14,48 €]).
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