| Odile Cornuz
 Odile Cornuz, Terminus, Lausanne, L'Age d'Homme, 
          2005, pp. 116.
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 Retrouvez également 
          Odile 
          Cornuz dans nos pages consacrées 
          aux auteurs de Suisse. 
           
            | Odile Cornuz 
              / Terminus |   
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                  |  
                      
 ISBN 2-8251-1967-9   | 
                       
                        | Terminus. Un mot qui 
                            appelle la finalité, la terminaison, le deuil, 
                            l'aboutissement plus ou moins heureux de quelque chose. 
                            Justement : envie d'y aller voir - dans les recoins 
                            de la ville où se tordent les cous et les espoirs, 
                            où un être se sent mis à nu sous 
                            le regard d'un autre. Envie de capter des instantanés 
                            de vie intime, tragiques ou ridicules. Sorte de chronique 
                            de mes jours et des vies que je frôle sans les 
                            connaître, mais qui me poussent à la 
                            recréation fictive. Odile 
                            Cornuz est née en 1979, dans le canton 
                            de Vaud. Elle a grandi dans le canton de Neuchâtel 
                            est a beaucoup voyagé, de l'Argentine à 
                            l'Equateur, du Sénégal à l'Angleterre 
                            en passant par l'Espagne. Odile Cornuz expérimente 
                            l'écriture théâtrale depuis 2002 
                            (Saturnale, Mues à vau-l'eau, Amants / Amis 
                            / Ennemis, Sous lune noire, Le concours).   |  |  |   
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              Questions à Odile Cornuz (Pierre 
              Lepori) |   
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                  | Votre première forme d'expression littéraire 
                      a été (et est toujours) le théâtre 
                      : comment s'articule pour vous le rapport entre narration 
                      et dramaturgie, notamment pour ces nouvelles, destinées 
                      à la lecture radiophonique?
 J'ai écrit pour la voix avant 
                      d'écrire pour la scène. La radio m'a poussé 
                      vers la découverte de ce qu'est l'expérience 
                      de dépossession de son propre texte lorsque des comédiens, 
                      metteurs en scène, scénographes, vidéastes, 
                      musiciens, bref, lorsque toute une troupe investit cette 
                      matière textuelle. C'est ce qu'implique pour moi 
                      la dramaturgie: un espace de création et d'échange, 
                      quelque chose de vivant, d'émouvant. La narration 
                      se situe beaucoup plus en retrait. Elle montre moins, partage 
                      moins, parle plus pour elle-même et à son propos. 
                      Si la dramaturgie est discours, la narration est discours 
                      à propos de. Terminus tient des deux, au gré 
                      des personnages. Certains sont en représentation, 
                      tout discours, et d'autres racontent. Je ne crois pas que 
                      ces approches soient incompatibles. Conjuguées, elles 
                      me semblent même mieux cerner ce qui émane 
                      de mon rapport au monde. 
                     Qu'est-ce que cette nouvelle forme 
                      (avec ses règles, ses consignes) a apporté 
                      à votre écriture? Est-ce que les contraintes 
                      radiophoniques vous ont posé problème? Comment 
                      avez vous travaillé (au fur et à mesure de 
                      la mise en ondes ou indépendemment de celle-ci)? En mars 2000, j'ai participé 
                      (avec cinq autres auteurs: Michel Beretti, Isabelle Bonillo, 
                      Isabelle Carceles, Julie Gilbert, Jean-Michel Raeber) à 
                      une résidence d'écriture radiophonique organisée 
                      par Espace 2 à Maisons Mainou. Pour la première 
                      fois, j'ai été touchée par un processus 
                      d'incarnation propre aux arts vivants : mes écrits 
                      prenaient voix. Après deux semaines consacrées 
                      à la composition d'une pièce de quinze minutes, 
                      j'ai pu suivre en studio le travail avec les comédiens. 
                      Les six pièces furent présentées en 
                      mai 2000 au théâtre du Grütli à 
                      Genève, la moitié réalisées 
                      en public, la moitié diffusée en écoute 
                      à des spectateurs curieux et attentifs. Cette expérience 
                      s'est enrichie d'une rencontre avec Jean-Michel Meyer, metteur 
                      en ondes extrêmement sensible, exigeant, toujours 
                      à l'écoute du texte. Après la résidence, 
                      j'ai eu envie de continuer à écrire pour la 
                      voix, parce que cela me fascinait. J'ai fait parvenir à 
                      Espace 2 six textes (les six premiers de Terminus) 
                      qui ont été réalisés. Par la 
                      suite, j'ai continué à composer des instantanés 
                      plus ou moins vitriolés jusqu'à ce que cette 
                      galerie de personnages en comporte trente-trois. Ces 'termini' 
                      ont donc vu le jour indépendamment de la mise en 
                      ondes, et un quart d'entre eux n'ont pas été 
                      réalisés - mais je peux affirmer que l'envie 
                      de faire surgir ces voix a été mon mode d'entrée 
                      en écriture. A travers la radio on peut atteindre, 
                      dans leur espace privé, une quantité de personnes 
                      non négligeable. J'ai eu énormément 
                      de plaisir à faire parler des personnages en les 
                      projetant dans l'intimité des auditeurs - à 
                      provoquer une confrontation entre ma fiction et leur réalité. 
                      La radio permet l'adresse intime sur un autre mode que le 
                      théâtre. En cela, elle est extrêmement 
                      précieuse. Précieuse aussi par la liberté 
                      qu'elle offre à chacun de créer ses propres 
                      images. Je ne vois pas de contrainte majeure à l'écriture 
                      radiophonique. Je crois toutefois qu'il lui est indispensable 
                      de reposer sur une mise en ondes intelligente, qui ne cherche 
                      pas à illustrer le propos mais à en donner 
                      une interprétation.  Au centre de chacun de ces "monologues", 
                      il y a toujours un personnage, une voix, mais aussi le plaisir 
                      de la narration : cela vous a-t-il donné envie d'aborder 
                      des formes narratives plus complexes (roman, nouvelle)? Je travaille en ce moment à 
                      un roman que j'ai commencé à Berlin en janvier 
                      2005. Pour la première fois je disposais de temps 
                      et d'espace, grâce à un appartement et une 
                      bourse du canton de Neuchâtel, pour me consacrer au 
                      projet romanesque qui me trottait en tête. Je sens 
                      que je ne suis qu'au début d'une équipée 
                      qui prend énormément d'énergie, d'un 
                      ouvrage à l'établi qui a le pouvoir de me 
                      faire perdre toute notion de temps. Après six mois 
                      passés à Berlin, je suis rentrée avec 
                      un premier jet que j'ai fait lire à un ami metteur 
                      en scène, Robert Sandoz. Il a eu immédiatement 
                      envie de porter ce texte sur les planches. J'ai accepté 
                      de faire une adaptation de cet état du texte, qui 
                      s'intitule L'espace d'une nuit et sera présenté 
                      les 9 et 10 novembre au Théâtre du Pommier 
                      à Neuchâtel. Cette étape mettra peut-être 
                      en danger le travail romanesque mais elle en constitue d'autant 
                      plus un défi à l'existence d'un personnage, 
                      une sorte d'épreuve du feu qui me séduit. 
                      Je ne reprendrai l'écriture de ce roman qu'après 
                      les représentations. Je le laisse reposer entre temps. 
                      Je ne suis pas pressée.  Votre théâtre, je 
                      pense en particulier à Saturnale, présenté 
                      dans une fascinante mise en scène d'Anne Bisang à 
                      la Comédie de Genève - nous plonge dans des 
                      atmosphères plutôt noires, avec mythes et grands 
                      thèmes à l'honneur (Oedipe, la famille) et 
                      une théâtralité presque "rituelle". 
                      Vos "petites pièces" (réunies dans 
                      Terminus) nous présentent par contre une approche 
                      plutôt réaliste, avec un foisonnement de petites 
                      histoires, de destins individuels, empreintes d'un humour 
                      certain. Quel lien faites-vous entre ces deux pôles 
                      de votre inspiration? L'atmosphère post-apocalyptique 
                      et symbolique de Saturnale peut se retrouver dans quelques 
                      uns des 'termini' qui frôlent la science fiction. 
                      Le regard est pour moi l'essentiel. L'observation, la lecture. 
                      De signes, de personnes, de mots, d'images, de la nature, 
                      d'uvres de tous horizons. J'avance ainsi en me construisant 
                      peu à peu une sémiotique qui m'est propre 
                      et qui peut prendre une forme distincte selon ce que je 
                      souhaite exprimer. Le désarroi théâtral 
                      de Saturnale, noir et mordant, cherchait à 
                      transmettre le désarroi d'une génération 
                      face à son manque d'emprise sur l'histoire de ses 
                      pères. La cruauté des destins dans Terminus 
                      forment ma sémiotique quotidienne, plus réaliste, 
                      tandis que la problématique de Saturnale émane 
                      de mes préoccupations les plus pessimistes, et par 
                      conséquent d'une sémiotique plus intime, qu'il 
                      faut aller chercher plus profondément en soi et qui 
                      s'apparente peut-être de ce fait à l'hallucination. 
                      Je tente de ne pas perdre humour, pourtant, comme on pourrait 
                      perdre courage. Ce qui aide à garder les yeux ouverts. Le titre même de votre recueil 
                      indique bien un choix thématique : l'humanité 
                      décrite dans vos monologues retrace la vie de parias, 
                      laissés-pour-compte, désillusionnés. 
                      Comment avez-vous trouvé et choisi ces personnages 
                      ? Par une observation, sur le tas, des innombrables fantaisies 
                      du quotidien, ou plutôt en laissant libre cours à 
                      votre imagination? Il y a toujours amorce. Ces personnages 
                      sont inventés mais ils ne tiennent pas de la génération 
                      spontanée. Certains doivent leur existence à 
                      une phrase entendue dans la rue, à un faits divers, 
                      à une pensée fulgurante ; d'autres à 
                      un tableau, à un tic observé, à une 
                      colère, etc. Ces amorces sont toutes liées 
                      à une passion pour l'observation, à cette 
                      curiosité que j'éprouve face au genre humain. 
                      Pourtant il ne suffit pas de se laisser traverser par diverses 
                      considérations - il s'agit aussi d'en conserver la 
                      trace. Ces portraits s'approchent d'esquisses de modèle 
                      vivant : saisir un instant et tenter d'en faire saillir 
                      la force expressive. Et si mes personnages se trouvent dans 
                      l'impasse au moment où je les saisis, je ne leur 
                      interdis pas, le plus souvent, de continuer sans moi leur 
                      existence - dans la tête des lecteurs.  Propos recueillis par Pierre Lepori© Le Culturactif, septembre 
                      2005
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            | Revue 
              de presse |   
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 [
] Les personnages d'Odile 
                      Cornuz doivent souvent se forcer pour accepter leur destin, 
                      faire avec, se persuader que l'on peut continuer à 
                      avancer, même si les autres nous regardent de travers. 
                      On a l'impression que l'auteure fuit l'autofiction comme 
                      la peste, qu'elle recherche des sensations d'une autre époque, 
                      un temps à la Flaubert troublé par une langue 
                      d'aujourd'hui: "Voilà: le mouchoir nonchalant 
                      qui tombe au ralenti dans son sillage de la belle et de 
                      ses jambes qui crient!". Il faut attendre longtemps 
                      avant qu'elle affronte avec pudeur et précision une 
                      intimité à peine masquée dans "Le 
                      fils". On ressent un frisson voisin de celui que nous 
                      avions éprouvé au cours de l'ouverture de 
                      "La conversation amoureuse", d'Alice Ferney. La 
                      tension narrative n'est pas la même dans tous les 
                      textes, la langue paraît parfois simple, mais laisse 
                      un impact fort et donne la certitude d'entendre une voix 
                      délicate et affirmée.  Alexandre Caldara
   
 On pense un peu aux Scènes 
                      de la vie des gens de Régis Jauffret en lisant ce 
                      recueil de séquences vocales de la jeune Odile Cornuz, 
                      laquelle s'est fait initialement connaître par ses 
                      écrits pour le théâtre. Il est d'ailleurs 
                      précisé, au début de Terminus, 
                      que ces textes brefs ont été " conçus 
                      pour la radio, à dire mais à lire également, 
                      qui saisissent un moment suspendu de la vie d'un personnage, 
                      une impasse, un terminus ". De fait, cette trentaine 
                      de tranches de vie existe aussi bien dans l'espace imaginaire 
                      de la page, comme des petites nouvelles, qu'on les imagine 
                      dites sur les ondes ou jouées en scène. L'on 
                      y entend les voix les plus diverses, de la petite fille 
                      désemparée à la mémère 
                      jactant dans le bus, ou de la dame excessivement soucieuse 
                      de " problèmes concrets " et d'améliorations 
                      à apporter à son intérieur, au jeune 
                      homme assommant sa partenaire à coups de déclaration 
                      "d'amour profond", entre autre voix bruissant 
                      de par les rues et les chambres de la ville. Il y a, et 
                      cette qualité est plutôt rare par les temps 
                      qui courent, du médium chez Odile Cornuz, dont les 
                      modulations vocales suggèrent, comme en trois dimensions, 
                      les particularités de chaque personnage et sa façon 
                      d'être dans son environnement. Même si ces récits 
                      se bornent souvent à l'esquisse ou au croquis plus 
                      élaboré, un regard vif et attentif, d'une 
                      empathie aiguë, se manifeste déjà dans 
                      ce premier livre prometteur. JEAN-LOUIS KUFFER
  10.06.2005
 
 Sous le titre générique 
                      Terminus, Odile Cornuz propose une série de 
                      petits récits de moments intimes. Terminus, avertit 
                      l'auteur, est "un mot qui appelle la finalité, 
                      la terminaison, le deuil, l'aboutissement plus ou moins 
                      heureux de quelque chose". Approcher ces moments révélateurs 
                      d'un être souvent à la dérive, en déséquilibre. 
                      Une écriture toute en finesse. Et comme ces textes 
                      ont été conçus pour être dits, 
                      à chacun d'eux une indication quant à l'intonation 
                      à prendre.  JS
  28.05.2005
 
 Ce sont de "courts textes conçus 
                      pour la radio, à dire mais à lire également, 
                      qui saisissent un moment suspendu de la vie d'un personnage: 
                      une impasse, un terminus". Avec ce premier livre, Odile 
                      Cornuz s'affirme comme écrivain, après avoir 
                      donné de nombreux textes à la radio, fait 
                      jouer une pièce de théâtre, Saturnale, 
                      à La Comédie de Genève en décembre 
                      2003 et collaboré à un ouvrage collectif consacré 
                      à la rénovation du théâtre à 
                      l'italienne de La Chaux-de-Fonds. [
] Terminus fait 
                      défiler des instantanés, où se livre 
                      une humanité inquiète et désemparée, 
                      attendrissante ou dérisoire. Il y a les maniaques 
                      et les toqués, qui dissimulent leur angoisse sous 
                      un impitoyable besoin d'ordre et de mainmise sur les objets. 
                      Il y a les névrosés et les cinglés 
                      - des femmes, surtout - qui oscillent entre l'apathie morose 
                      et le débordement d'énergie. Plus inquiétants 
                      sont ceux qui passent à l'acte, telle cette "grand-mère 
                      fatiguée" qui trace à l'Opinel, sur le 
                      corps vraisemblablement mort de son mari, 51 "bâtonnets 
                      rouges", symboles de 51 années de vie commune 
                      et dévastée. On remarquera enfin cet homme 
                      accidenté, qui a trébuché sur la fissure 
                      d'un trottoir, et qui médite sur les trous, au propre 
                      et au figuré: comme si notre grande affaire était 
                      toujours la peur du vide, de l'ennui, de la perte, de l'isolement, 
                      le creux au ventre qui prend les formes les plus insolites. Claire Jaquier
  28.05.2005
 
 Page créée le: 01.09.05Dernière mise à jour le: 01.09.05
 
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