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Philip Rohr
Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Retrouvez également Philip Rohr dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

  Philip Rohr / Vie sauvage
 

ISBN 2-86959-611-1

 

Vie sauvage est le roman de notre impuissance.

Une semaine. C'est ce qu'il faudra à Claudia et Bertrand pour voir voler leur couple en éclats. La femme part. L'homme reste. Lui montre vers le succès. Elle, par paliers, descend jusqu'au désespoir. Aucun des deux n'échappera à sa propre violence.

Roman moderne et baroque à la fois, Vie sauvage analyse avec brio la difficulté à rester fidèle à une certaine idée de la liberté.

Philip Rohr vit en Suisse. Il a publié un récit, Du côté de l'ennemi, chez Arléa. Vie sauvage est son premier roman.

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

  Interview de Philip Rohr, par Jean-Louis Kuffer

INTERVIEW: Un rebelle atypique

Après avoir participé à l'exaltation des clichés du bonheur en sa qualité de publicitaire, Philippe Rohr en montre le vide avec un talent singulier.
Malgré l'éloge dont Philippe Sollers gratifia son premier livre, Du côté de l'ennemi (Arléa, 2002), et en dépit du bon accueil fait à celui-ci autant qu'à Vie sauvage, le nom de Philippe Rohr est encore méconnu en nos contrées, ce qui semble d'autant plus injuste que l'auteur est Lausannois, que son deuxième livre se passe en nos murs et, plus important évidemment, que cet écrivain certes atypique quant à son parcours - comparable à celui d'un Martin Suter - manifeste autant de vivacité sensible dans sa perception de la réalité contemporaine que de talent d'expression.
Au tournant de la quarantaine, et en pleine période de remise en question personnelle, Philippe Rohr a bien voulu nous répondre entre deux séances du séminaire de culture théologique qu'il suit tous les samedis pour étancher sa soif de connaissance dans les matières touchant à la recherche du sens de la vie et à l'éternel « grand pourquoi ».

Comment, Philippe Rohr, en êtes-vous venu à l'écriture ?

Je pourrais dire que c'est ... par la vie. De fait, je ne suis pas du tout un littéraire de formation. S'il m'est arrivé, adolescent, d'écrire des poèmes comme tout le monde, j'ai choisi, après mon bac, la filière qui me semblait conduire où « ça se passe ». J'ai donc fait une licence en HEC, après quoi j'ai été engagé dans une multinationale américaine, d'où je suis sorti quand j'ai compris que je n'étais pas fait pour le pouvoir. Devenir manager signifiait à mes yeux: diriger le « faire », alors que c'est le « faire » luimême qui m'intéressait.

» Attiré depuis longtemps par le domaine de la communication, j'ai alors lancé, avec des associés, une agence de publicité à Genève. Parallèlement, je me suis marié, j'ai fondé un foyer. Ensuite de quoi cette existence a été marquée par un premier séisme, qui aboutit à un divorce. C'est dans le désarroi lié à celui-ci que j'ai commencé d'écrire diverses choses, jusqu'au jour où la matière et la structure de mon premier livre, qui traite des péripéties du divorce sous la forme d'une guerre, me sont apparues.

Si votre vécu personnel a été déterminant en ce qui concerne , qu'en est-il de apparemment plus du roman ? Du côté de l'ennemi "Vie sauvage", qui relève

Pour l'un pas plus que pour l'autre, je ne me suis posé la question du genre. Ce qui me semble plus fondamental à la base, c'est un parti pris de sincérité, et donc une implication qui va de pair avec la mise à distance du récit. Dans mon premier livre, j'avais envie de bousculer les bons sentiments qui sévissent toujours hypocritement autour du mariage. Quant à Vie sauvage, il est né de mon besoin de réagir contre un asservissement subi plus ou moins consciemment, dans nos sociétés policées, et d'autant plus paralysant qu'il est subtil et insidieux, évidemment moins visible ou palpable que celui d'une dictature.

Là encore, vous partez donc d'un conflit ressenti ...

J'ai le sentiment d'avoir participé, en tant que publicitaire, à la diffusion de clichés du bonheur qui ne faisaient que renforcer cet asservissement, et c'est de celui-ci que j'aimerais témoigner pour mieux le combattre. Cela étant, il me semble trop facile de cracher dans la soupe, à la manière d'un Beigbeder, immédiatement récupérable par le système qu'il prétend dénoncer. Une remarque de Milan Kundera m'a éclairé, à ce propos: il dit que la vocation du roman est de nous faire saisir et exprimer la complexité de la réalité. Moi qui n'ai pas été, longtemps, un grand lecteur, tout en appréciant un Hemingway ou un Mishima, j'ai découvert l'immense intérêt de la littérature, avec ce sentiment de profonde fraternité que vous éprouvez en trouvant dans un livre les souffrances et les questions qui vous travaillent vous-même.

» Je suis en train de lire, ces jours, des lettres de Pétrarque datant de ses années de vieillesse. En évoquant les Anciens, il écrit à un moment donné que tout a déjà été dit et que le progrès n'existe pas. C'est aussi mon sentiment. Le milieu dans lequel je baigne, et qu'il m'est de plus en plus difficile de supporter, est celui de la précipitation et de l'idée jetée, des objets conçus pour remplir le vide. Dans le monde désillusionné qui est le nôtre, tout contribue à masquer et à remplir à la fois un immense vide, qui est celui-là même que j'évoque avec mon personnage de battant. Ce monde de l'apparente réussite m'a toujours laissé insatisfait, et l'écriture seule m'a permis de développer une sensibilité dont on n'a que faire dans cet univers-là. « L'enfer, c'est de ne plus aimer », disait Georges Bernanos, et ce n'est pas par hasard que j'en ai fait l'exergue de Vie sauvage ...

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Jean-Louis Kuffer

24.06.2003

 

  Extraits de presse

La chute de la Maison Bonheur

Dans Vie sauvage, Philip Rohr détaille, avec une incisive netteté, l'éclatement d'un couple trop lisse pour être vrai.

Comme l'avait prophétisé l'écrivain polonais contre-utopiste Stanislaw Ignacy Witkiewicz dans L'inassouvissement, génial roman paru en 1930, notre époque se caractérise par la dilution de toutes les aspirations philosophiques ou religieuses de jadis dans la recherche du bien-être généralisé, alors que la normalité devient un nouveau mode d'aliénation, voire de folie collective.

C'est exactement cet état que décrit Philip Rohr dans Vie sauvage, observant alternativement les deux conjoints d'un couple moderne parfait, ici et maintenant puisque les Muller, bien sous tous rapports, deux enfants et une villa propre en ordre, vivent dans la région lausannoise.
[...]
Avec une grande netteté dans l'expression (phrases brèves et néanmoins suggestives, trait au scalpel, lumière dans les mots), et une empathie qui le retient de caricaturer ses personnages (celui de Claudia est particulièrement dense et émouvant, tant dans la violence qui la ramène, petite bourgeoise, à une sorte de sauvagerie sensuelle, que par son aspiration à l'absolu), Philip Rohr se livre à un travail d'observation « clinique » qui rappelle celui d'un Michel Houellebecq. On ne peut en outre s'empêcher de rapprocher Vie sauvage du Pays de Carole de Jacques-Etienne Bovard, autre quadra évoquant la (salutaire) crise d'un couple sur fond d'insupportable « brave new World » à la manière suisse.

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Jean-Louis Kuffer

24.06.2003

«Même pour celui qui la gagne, la guerre est un échec»: ce constat amer concluait Du Côté de l'ennemi (Arléa, 2002), qui relatait les étapes d'un divorce à la manière d'un conflit armé. Vie sauvage, premier roman de cet auteur de 40 ans qui vit à Genève, ne lui cède en rien dans la froideur clinique, en disséquant la fin annoncée d'un couple. [...]
Tout se déroule dans des paysages idylliques, d'un bout à l'autre du lacet de l'autoroute, sur fond de discours publicitaires et d'injonctions appelant au civisme, à l'ordre et à la propreté. Et tout se termine ironiquement sur un extrait de l'hymne national suisse...

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Isabelle Martin

29.03.03

Les Bourgeois, c'est comme les Cocons

[...]
En sept jours et une succession de chapitres mordants [...] se dessine la monstruosité d'une vie faite de choix trop confortables, où l'excès de conformisme devient compromission. A trop être contenue, cette "vie sauvage" que chacun porte en soi n'a plus d'autre issue que l'explosion : la leçon est amère, mais imparable.

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Claire Rostan

19.05.03

Dès le bref texte qu'il avait publié chez Arléa en 2002, Du côté de l'ennemi, on avait pu remarquer le style de Philip Rohr : très maîtrisé, avec un goût de la précision, un côté implacable. Pas de psychologie superflue. Juste le constat du désastre. On retrouve tout cela dans ce premier roman. Vie sauvage, qui, emporté dans le flot des publications du printemps, n'a pas eu l'attention qu'il mérite.
[...]

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Jo.S.

18.07.03

Un premier roman [...] de désintérêt. Un homme et une femme [...] s'entredéchirent en une contemplation presque désincarnée et pourtant portés l'un et l'autre vers une détresse profonde. Il faut que ça prenne aux tripes, bon sang ! Qu'on en ressente le trouble, l'essence de l'existence que diable !

La Savoie
6 juin 2003

 

  Vie sauvage  par Pierre Lepori

Una vita molto svizzera, altro che una vita selvaggia, è quella che ci presenta, in un sapiente "montaggio alternato" il losannese Philip Rohr. Bertrand e Claudia Muller, una vita di coppia liscia e con villa, lei che sacrifica la carriera alle ambizioni di lui, soldi figli e un giardino per sentirsi borghesemente a proprio agio. Salvo che… salvo che tutto è percorso da crepe fin troppo evidenti. Il matrimonio - dietro cui si cela l'impotenza di lui e il rimpianto di un vero amore perduto per lei - le certezze del benessere, ma anche soprattutto la tranquilla rassicurante superficie dell'esistere. Rohr alterna in brevi capitoli la parabola ascendente di Bertrand, che sacrifica ogni scrupolo all'ascesa professionale, nel breve spazio della settimana in cui attende la promozione (con l'ossessione ricorrente degli accessori di cui fornirà la sua nuovissima Mercedes); e la parabola discendente di Claudia, che non sapendo come affrontare l'evidenza della vacuità coniugale in cui si è rinchiusa vaga senza meta in un cammino di perdizione (o salvazione?) fin dentro al fango di un amplesso anonimo in un parco. Se la struttura narrativa è forse un po' meccanica, non mancano in questo percorso le sorprese e quei dettagli che rendono mostruosa la polita normalità dei due protagonisti. Certo, il linguaggio volutamente e superbamente superficiale - attento ai dettagli fino alla mania, che siano nomi di farmaci o località geografiche - s'attaglia perfettamente ai capitoli che riguardano Bertrand, così banalmente disgustoso nella sua ansia di successo; nei capitoli dedicati a Claudia, l'autore avrebbe potuto osare una lingua più carnale, perché si stenta a credere alla ribellione cocciuta di questa giovane donna. E' poi vero che l'inno nazionale svizzero come esergo finale - con la sua rassicurante bionda aurora - sembra un po' troppo platealmente annunciare la volontà di un moralismo romanzesco. Ma a fine libro ci si scopre comunque un po' depressi, dopo aver accompagnato i coniugi Muller nel loro inferno dotato di aria condizionata. E il cinismo di Philip Rohr ci lascia dentro un piccolo tarlo d'inquietudine.

Philippe Rohr, Vie sauvage, Paris, Arléa, 2003

Pierre Lepori

Rete2 - RSI

 

Page créée le: 22.08.03
Dernière mise à jour le 25.08.03

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