La voix nomade d'Anne Perrier

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Mot précaire, certes, mais la conscience de sa précarité est nécessaire à la vie du poème. Cette fragilité du verbe a en effet une face lumineuse. La crainte d'un chant trop lourd habite le poète, qui prend pour modèle l'envol de la fleur d'amandier ou "la grâce du danseur de corde" dès qu'elle perçoit que ses vers risquent de s'embourber dans la souffrance. Le mot peut et doit être allégement.

Inventer en poésie un nouveau langage du tragique, tel nous semble bien un apport essentiel de l'expérience du désert. Les oiseaux qui ceignent le front du poète pourraient bien selon son voeu être changés "En étincelles" (OP, p, 172). L'expérience des limites éclaire en effet d'un seul et même éclat la violence de la rencontre avec la mort et la violence du désir de vivre. Il serait donc réducteur d'avoir de La Voie nomade une vision trop sombre. La deuxième partie du recueil présente d'ailleurs en quelque sorte un espace transitoire, celui de la Grèce: Mycènes, lieu mythique de la tragédie, mais aussi lieu d'un bonheur primitif suggéré par la présence des paradisiers. Le poète reprend sa flûte, et retrouve sa confiance dans l'aptitude du geste humble à éclairer le réel en s'emparant de l'infini :

"Plus le temps se fait sombre
Et la route aride
Plus je remplis
Mon fichu d'étoiles." (OP, p. 176).

La Voie nomade est donc en dépit de tout un hymne à la lumière : célébration du soleil, dont la splendeur souligne mais illumine aussi la finitude humaine, célébration de la nuit, à la façon d'un nocturne qui rendrait sensible, dans le vide du désert, la proximité des étoiles.
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Jeanne-Marie Baude
La voix nomade d'Anne Perrier
Extrait de la Revue de Belles-Lettres 1-2 2002