Rira aux larmes
Le plus " pirandellien ", complexe, fascinant, et aussi le moins achevé des quatre romans s'ouvre quasiment comme un Amélie Nothomb : un défi est lancé, dès les premières pages, une mécanique est mise en branle, inéluctable. Brusque début suivi par un long développement sinueux, fascinant pour l'extrême ambiguïté dans laquelle se débattent les personnages, toujours prêts à s'inventer une nouvelle identité.
Rira (le nom de la protagoniste) accepte de prendre le rôle de l'amour perdu d'Alexis, Elise. Elle rejoue avec lui l'ultime mercredi, l'ultime étreinte avec Elise. C'est un " jeu " pervers : Rira doit devenir Elise, s'identifier à elle, pour retrouver les derniers mots de celle-ci. Parce qu'Alexis veut savoir : est-ce une condamnation ou alors le salut qu'elle s'apprêtait à lui crier au moment elle a été fauchée par la voiture ?
Les deux personnages - immobiles comme sur une scène de théâtre - semblent englués dans ce jeu vertigineux de dissimulation. L'auteure a manifestement eu peur de cette situation romanesque, d'où peut-être le fait qu'elle souligne et déclare trop ses intentions. Pourtant là encore le lecteur trouvera quelques perles : le récit hilarant d'un réveillon de Noël dans un orphelinat, la douce image d'Elisa qui amène en promenade sous la pluie des petits sans-papiers drôles et tendres.
Et surtout : le thème de l'identité bascule dans une mise en abyme de la narration: " c'est simplement qu'on essaie une autre vérité possible, qui correspond mieux à ce qu'on ressent, à ce qu'on voudrait être en réalité " ou encore " je m'inventais l'amour dont j'avais besoin ". Le rachat de l'amour naît de cette affabulation obstinée et désespérée, comme un hymne au pouvoir de la création: " chanter, dessiner, se parler, ça aussi c'est lutter contre l'intolérable ". (PL)