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Gustave Roud

 


J'aimais la noire vallée, le bruit de l'eau à ma droite, ces flaques d'odeur, inexplicables, que je traversais tout à coup. Les phares d'une automobile cachée tiraient violemment de l'obscur un dessin d'arbre, arrachaient à l'informe des fûts, des frondaisons figées - touchaient la forêt avec une espèce de doigt hagard. Puis ils ont peint sur le talus mon ombre trébuchante, avançant, reculant par bonds et (j'entendais déjà ce trot de cheval peupler la solitude) côte à côte avec mon ombre, fraternelle, l'ombre d'un dragon derrière moi, qui s'élança soudain contre la pente, gagna la crête, immense, démesurée, et sauta dans le ciel.

 


Amavo la valle nera, il rumore dell’acqua alla mia destra, quelle pozzanghere di odori, inesplicabili, che attraversavo d’improvviso. I fari di una macchina nascosta strappavano al buio con violenza la sagoma di un albero, estorcevano all’informe cortecce, un disegno immobile di rami - toccavano il bosco con una sorta di mano stravolta. Poi hanno colorato sulla scarpata la mia ombra pencolante, che avanzava, indietreggiava a piccoli balzi e (già sentivo il trotto di cavallo a gremire la solitudine) accanto alla mia ombra, fraterna, l’ombra di un drago dietro di me, che si lanciò d’un tratto verso la rada, fu presto sulla cima, immensa, smisurata, e in un balzo fu nel cielo.

Da L’aria della solitudine - Oeuvres II - p. 196

 

 


Route aiguë au coeur du village rose là-bas comme une flèche, ah par pitié rejette sur ta rive ce corps brisé par ta houle de poussière et de parfums, les mains percées de taons et qui étouffe. Je sais ! Quel cadavre frôlé de fleurs vivantes, à l'heure de la rosée, sous l'arbre obscur où brille un chant d'oiseau limpide comme une étoile ! Mais j'aurai dit mon adieu sans larmes ! Voici naître aux feuillages la longue plainte harassée et sourde et si triste où mon coeur a reconnu le chant même de sa voix perdue. O pour une heure encore qu'elle jaillisse de mon désert, celle qui m'a chassé jadis vers le monde comme vers une proie. Qu'elle se nourrisse d'elle-même comme une flamme parmi l'extase, la fièvre, les songes, avant le retour du silence et la victoire de ce sommeil qui me divisera jusqu'à la mort.

p. 17

 


Strada aspra al cuore del villaggio rosa laggiù, come una freccia, oh per pietà, rigetta sulla tua riva questo corpo spezzato dall’onda di polvere e profumi, le mani bucate dai tafani e che soffoca. Io so! Cadavere carezzato di fiori viventi, nell’ora della rugiada, sotto l’albero oscuro ove brilla un canto d’uccello, limpido come una stella! Ma avrò pronunziato il mio addio senza lacrime! Ecco nascere all’ombra del fogliame il lungo lamento sfiancato e sordo e così triste in cui il mio cuore ha saputo riconoscere il canto medesimo della sua voce perduta. Oh, per un’ora ancora, che sgorghi dal mio deserto, colei che un tempo mi cacciò nel mondo come verso una preda. Che si nutra di sé stessa, come una fiamma dentro l’estasi, la febbre, i sogni, prima del ritorno del silenzio e della vittoria del sonno che mi dividerà fino alla morte.

Da Requiem - Oeuvres I, p. 17

 

 

La route est à nous encore ! Ha ! crevons d'un coup de poing nos vitres, sautons ! Au-delà de l'herbe, au-delà des arbres, là-bas commence la route. Toutes les étoiles nous attendent, déjà le soleil nous tire avec sa forte main éblouissante. L'espace, le temps couchés comme des chiens à nos pieds. Douze mois bondissent et hurlent à nos talons. Nous ne choisirons rien, ni l'un ni l'autre, Tous en chasse !

p. 101

 

 


La strada è nostra, ancora! Ah! Frantumiamo col pugno nudo il vetro, saltiamo! Oltre l’erba, oltre gli alberi, laggiù comincia la strada. Tutte le stelle ci aspettano, già il sole ci trascina con la sua forte mano abbacinante. Lo spazio, il tempo, distesi come cani ai nostri piedi. Dodici mesi balzano ed urlano alle nostre calcagna. Non sceglieremo nulla, né l’uno, né l’altro. All’inseguimento!

Da Piccolo trattato della marcia in pianura, O I, p. 101

 

 

© Extrait de : Gustave Roud, Oeuvres, III Vol, Lausanne, Bibliothèque des Arts, 1978
Traduction en italien: Pierre Lepori

Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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