La recherche du principe
Nous vivons encore dans l’écho du bruit du XXe siècle et interprétons à tort notre existence comme sa résonance dans le vide silencieux qu’il laisse derrière lui. Pourtant, notre origine est ailleurs.
Le siècle passé aura été celui de la crise du langage sous toutes ses formes. Seule, peut-être, la critique ou la philosophie du langage, par son double statut de symptôme et de pseudo-antidote, y a trouvé un terrain fertile et a donné lieu à une inflation sémantique quantitative et qualitative des termes «crise» et «fin» dans notre parler. À force de les utiliser, en effet, nous en ressentons les causes et conséquences. Il en résulte que la mentalité qui nous anime est bien plus crépusculaire qu’apocalyptique: nous sommes plutôt résignés qu’en attente d’une révé́lation.
Pour sortir de ce cercle vicieux, il importe de rechercher en deçà et au-delà de la diversité des langages – artistique, scientifique, religieux, économique, social, etc., le ou les principes qui font le langage en tant que rapport au monde. Principe voulant aussi dire «commencement», il faut se demander où débute l’instrument que nous utilisons, qui nous relie au monde, et qui devrait nous permettre de vivre l’existence, non seulement de la commenter. Rechercher le principe sous-jacent à l’existence, guetter et accueillir une possible manifestation du Verbe, ce qui était au début, qui s’incarne, et se situe ainsi bien au-delà des types de discours et des formes de langage, qui ne font que signifier.
Afin d’être original, retournons donc à l’origine, réfléchissons à l’idée de création sous toutes ses formes en substituant l’esprit créateur à l’esprit critique. Le XXe siècle a en grande partie commis l’absurdité de proposer la critique du langage et d’en faire une grammaire de la création. Mais que reste-t-il de l’art contemporain si l’on ignore la critique qu’il effectue du passé et de la tradition? L’échec du XXe siècle est d’autant plus tragique qu’avec le recul, il paraissait annoncé, car si la crise a une fin, la création ne fait toujours que commencer.
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In search of the principle
We still tend to think of ourselves and our existence as an echo of the noise of the 20th century, sounding in the void. Yet, our origin might be rooted elsewhere.
The last century was characterised by a crisis of language. Even philosophy was forced to narrow down its scope, and focus on the problem of language. Words like « end » and « crisis » have increasingly entered common parlance. The more we use them, the more we feel them. That is why our mentality is now far more crepuscular than apocalyptic, and why we hopelessly wait for the end rather than expect a revelation.
In order to avoid being caught in such a vicious cycle, we should look beyond the plurality of language we use to comment on existence, be it artistic, scientific, religious, economical, social, or otherwise. Instead, we should search for the principles that define language, and enable it to make sense of the world. To look for the underlying principle examines the origin, what was in the beginning and what can be incarnated : the Word. It is only through this quest that we can avoid signifying nothing.
In order to be original, let us then go back to the origin and ponder the concept of creation in all its manifold aspects. Let us gain a creative insight into creation and abandon criticism. The 20th century chose criticism as a grammar of creation, but now the question must be asked : what remains of most of contemporary art and music, if we remove its intrinsic criticism of the past ? Such a failure is surely tragic in the sense that it is predictable : crisis always comes to an end, whereas creation is always just beginning.
Christophe Herzog
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