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Revue des Arts et des lettres fondée en 1975


  Espaces No 223, juillet- août 1999 / Sommaire


Au sommaire de ce numéro 223/1999

  • Espaces 2000 : résultats et commentaires de notre sondage du 21 mars 1999
  • Pierre-Olivier Walzer et ses humanités provinciales: Qu'est-ce que la musique?
  • Même les oiseaux, six nouvelles de Bernard Comment
  • Poésie contemporaine :Fenêtre sur écran, un poème inédit de Cyril Suquet
  • Clémence, par Yves Bichet
  • Pollen du temps, un nouveau volume de l’état de poésie de Georges Haldas
  • Histoire : Joseph Trouillat, maire de Porrentruy (1848-1860), par Dominique Prongué

Notre nouveau tiré à part

Les Sacrifiées, un texte d’Henri Warnery (1859-1902) contre l’expérimentation sur les animaux.
(Avec un portrait de l’écrivain). No de commande : 992, prix : Fr. 10.- + port.

 

  Pierre-Olivier Walzer : qu'est-ce que la musique ?

Pierre-Olivier Walzer : qu’est-ce que la musique ?

Qu’est-ce que la Musique ? Il semble qu’il faille se contenter d’une réponse peu métaphysique et peu ornée. Au-delà de ces sons que je perçois et auxquels je donne des noms, au-delà de la musique matérielle, il y a la Déesse : un ensemble de sonorités qui parlent directement et mystérieusement à notre sensibilité, qui fait naître en nous, par quelque ensorcelante génétique, des sentiments et des émotions rayonnantes, peut-être aussi quelque pensée, suggérant éventuellement des images ou imitant des spectacles et des bruits naturels. Tout cela est diffus, harmonieux, envoûtant. C’est un langage, si l’on veut, mais que chacun traduit selon son humeur et selon son génie. C’est donc un discours de l’âme, d’ailleurs transmissible et que d’autres peuvent entendre de la même manière, ce qui fait dire à Proust que, s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la musique aurait pu être l’unique instrument de communication entre les hommes.

Humanités provinciales, Ed. L’Age d’Homme, mars 1999, coll. Contemporains

P.-O. Walzer (p. 125)

Pierre-Olivier Walzer, né en 1915, après études à Lausanne et à Paris, a été professeur de littérature française à l’Université de Berne durant trente ans, et dans le même temps chroniqueur littéraire au Journal de Genève. Il a consacré des études critiques aux poètes Toulet, Valéry, Mallarmé, Renfer, et édité les oeuvres de Lautréamont, Nouveau, Cros (avec Forestier) et Corbière dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Avec deux amis, il a fondé à Porrentruy, pendant la guerre, les Editions des Portes de France. Il a contribué, derrière Marcel Joray, à la création de l’Institut jurassien. Il a mis sur pied à Berne le Centre de recherches Blaise Cendrars, etc. Son nom reste attaché à la réalisation de l’Anthologie jurassienne, à celle du Dictionnaire des littératures suisses, à la publication des Oeuvres complètes de Charles-Albert Cingria.

Il a codirigé la collection Langages à la Baconnière. Il dirige depuis le premier jour la collection Poche Suisse à L’Age d’Homme.

 

  Bourses littéraires Pro Helvetia 1999 par André Durussel

Bourses littéraires Pro Helvetia 1999

Au cours d’une conférence de presse qu’elle a donnée dans le Bündner Kunstmuseum, à Coire, la Fondation suisse pour la culture, Pro Helvetia, a publié les noms des écrivain(e)s des quatre régions linguistiques de Suisse, auxquel(le)s elle a attribué une bourse littéraire pour 1999.

Les bourses d’un montant de 8'000 à 40'000 francs vont à des projets d’écriture auxquels les auteurs désirent se consacrer. Les bourses littéraires (une somme totale de 750'000 francs) devraient permettre aux écrivain(e)s de délaisser, pendant plusieurs mois, leurs autres activités professionnelles pour s’adonner exclusivement à l’écriture. Parmi les lauréats de cette année figurent pour la Suisse alémanique : Erika Burkart (Althäusern), Gerhard Meier (Niederbipp), Urs Richle (Genève), Franz Hohler (Zurich), Mariella Mehr (Tomils et Lucignano, en Italie), Hansjörg Schneider (Bâle), Dieter Bachmann (Arzo), Eleonore Frey (Zurich), Rudolph Jula (Berlin), Armin Senser (Loèche Ville), Bruno Steiger (Zurich), Christian Uetz (Romanshorn), Daniel Zahno (Bâle), Peter Stamm (Winterthur) ; pour la Suisse romande : Sylviane Chatelain (St-Imier), Corinne Desarzens (La Rippe), Yves Laplace (Carouge), Jean-François Sonnay (Paris), Frédéric Wandelère (Fribourg), Roger Favre (Neuchâtel), Marie-José Piguet (Exeter, Grande-Bretagne), Pascal Rebetez (Mervelier), Lev Shargorodsky (Genève) ; pour la Suisse italienne : Fabio Muggiasca (Comano), Marco Alloni (Mendrisio), Leopoldo Lonati (Chiasso) ; enfin pour la Suisse rhéto-romane : Oscar Peer (Coire), Flavia M. Bearth (Zurich) et Elvira Pünchera.

traducteurs et traductrices

Pro Helvetia a également révélé à Coire les noms des traducteurs et traductrices ayant obtenu une bourse de traduction : cette année, la fondation leur a réservé 150'000 francs de son budget. Ces bourses vont à des traducteurs et traductrices qui se sont fait remarquer pour avoir traduit des oeuvres littéraires d’une langue nationale à l’autre : elles leur permettent de se libérer de leurs obligations habituelles et de se consacrer entièrement à la traduction d’une œuvre. Ont obtenu une bourse de traduction : Giovanna Waeckerlin-Induni (Amden), Hans Leopold Davi (Lucerne), Markus Hediger (Zurich), Gilbert Musy = (Les Clées), Matttia Mantovani (Como, Italie), Mariano Tschuor (Laax) et Gabriela Holderegger (Schluein).

ESPACES se réjouit à la pensée que Marie-José Piguet et Corinne Desarzens pourront mieux encore se consacrer à l’écriture, et nous proposer en primeur des pages inédites de leur travail en cours.

André Durussel

 

  Un roman posthume de Georges Borgeaud

Littérature : Le Jour du printemps, un roman posthume de Georges Borgeaud

Ce jour, c’est précisément le 21 mars 1959. Le narrateur, prénommé Bernard, écrit à son jeune ami Antoine Cerniat une phrase que va lui dicter " un grand mouvement de tendresse amplifié par sa propre culpabilité " (p. 227). Hélas, ce roman de Georges Borgeaud, trop longtemps retenu par son auteur qui est décédé en décembre 1998, m’a passablement déçu. Peut-être, d’une part, à cause de cette " culpabilité " sans cesse ressassée, celle qui fut " la toile de fond de sa jeunesse ", mais aussi et surtout, d’autre part, parce que ce roman, achevé au début des années huitante et refusé par Grasset peu après le succès du " Voyage à l’étranger " (1974), contrairement aux grands vins, n’a rien gagné d’attendre si longtemps dans un tiroir de l’avenue Froidevaux.

Une relation trouble et ambiguë, essentiellement épistolaire à partir du milieu de la deuxième partie de ce roman, va donc s’établir et s’agrandir démesurément entre un écrivain d’âge mûr et son jeune admirateur, et cela jusqu’au drame final. Un drame qui est suivi d’un long épilogue, comme s’il fallait que le narrateur tente une dernière fois de se justifier, d’expliquer l’inexplicable, refaisant ces chemins sans issue, cette " sortie de route qui mène en définitive au lieu où la conclusion de tout nous attend " (p. 314).

Après le légitime succès littéraire de son premier roman fortement autobiographique intitulé " Le Préau ", Georges Borgeaud avait publié " La Vaisselle des Evêques " chez Gallimard, puis évoqué sa rencontre décisive avec la Mer du Nord dans " Le Voyage à l’étranger " déjà cité, un roman magnifique qui lui vaudra le prestigieux Prix Renaudot. Chargés de poésie, de cet émerveillement permanent pour les choses simples que l’auteur du " Soleil sur Aubiac " et d’" Italiques " a toujours su rendre avec infiniment de bonheur, ces ouvrages sont et demeurent à mon avis des chefs-d’œuvre, servis par une écriture soignée et parfaitement maîtrisée. Dès lors, j’ai de la peine à comprendre pourquoi l’écrivain, en pleine possession de ses talents reconnus, s’est lancé dans ce nouveau roman en partant d’un événement personnel vécu en mai 1957 à Crêt-Bérard (près de Puidoux VD) lors du soixantième anniversaire du poète et traducteur Gustave Roud (1897-1976), l’obligeant à bâtir une intrigue où il ne se passe presque rien, à partir d’un personnage principal un peu détraqué qui va l’éloigner de ses thèmes de prédilection, l’obligeant même à inventer d’autres personnages peu convaincants. Il y a certes des passages de cet ouvrage qui sont excellents. Ceux en particulier où le narrateur rend visite à des anciens fermiers du Mont-sur-Lausanne qui l’avaient accueillis autrefois, ou encore les dernières pages du livre, celles-là même que Georges Borgeaud racontait volontiers en public, à savoir ce chapelet étincelant et trop lourd, emporté par une pie et tombé dans la haute herbe d’un pré de montagne où s’affairent des faucheurs alignés… Cette thématique rappelle étrangement l’accidentel éparpillement du collier de perles de Madeleine Cédrat au terme du " Voyage à l’étranger " de 1974. De même, Constant Cerniat, le père adoptif d’Antoine, ressemble beaucoup à Léon Cédrat, le mari de Madeleine.

Georges Borgeaud, soucieux d’exploiter le succès d’un chef-d’œuvre en essayant de le reproduire sous une autre thématique, s’est peut-être fourvoyé ? Et s’il est heureux, pour les spécialistes en génétique de l’œuvre de l’écrivain, que les Editions Denoël aient pris le risque de publier enfin ce roman, l’ensemble, à mon humble avis, ne s’en trouve guère agrandi, ni complété. Je crois qu’il faut oser le dire ici, à cause de la profonde attention que je porte à tout ce qu’a écrit cet " oiseau tombé du nid " (p. 127), un passereau la fois insaisissable et désormais sauvé.

André Durussel

Le Jour du printemps, roman, par Georges Borgeaud (1914-1998).
Avec une note de l’Editeur. Editions Denoël, 9, rue du Cherche-Midi, F-75006 Paris. ISBN 2-207-24895-X, 319p.

 

  Six nouvelles de Bernard Comment

Littérature : Même les oiseaux Six nouvelles de Bernard Comment

Il est légitime pour un jeune écrivain suisse vivant aujourd’hui à Paris, de porter sur son pays d’origine un regard critique, et cela même si ce regard semble dater de quelques années déjà… Goût exagéré de l’ordre, manie de la sécurité, obsession des " fiches " ou de la propreté, etc. Mais est-ce bien là le reflet d’une situation actuelle dans nos villes et nos villages, où tant d’exemples nous prouvent précisément le contraire ? Papiers d’emballage et boîtes vides jetées et abandonnées n’importe où, trottoirs et vergers de nos campagnes transformés en parcs permanents pour nos voitures, pieds sur les sièges dans nos transports publics, etc. Quant la sécurité de l’Etat social, ce qui paraissait solide et intouchable se désagrège aussi inexorablement. Dans le monde du travail, par exemple, l’emploi durable devient presque une exception. On est employé pour un temps limité et provisoire, au gré des restructurations, des délocalisations et des évolutions du marché mondial. De même sur le plan éthique, l’eugénisme cher à Auguste Forel dans " Les fourmis de la Gare de Berne " a fait place à un espécisme qui ne vaut guère mieux, et devant lequel Eugen Drewermann s’élève avec raison.

Bernard Comment – dont ESPACES avait présenté son précédent roman intitulé " Florence, retour " (1994) juillet 1995, No 199, p. 3 – brode sans en avoir l’air ses petites phrases où l’excès rejoint parfois les clichés. Á titre d’exemple, cet isolement volontaire de la Suisse dans " Château d’eau ", avec sa portée métaphorique et symbolique évidente, est une fable moderne du " Réduit National ", ou de la CGSE (Conception générale de survie enfermée) et m’a étrangement rappelé le rapport final de la célèbre GEK (Gesamte Energie Konzeption) des années huitante. Or, si cette nouvelle se trouve aujourd’hui dans le feu de l’actualité en ce qui concerne l’avenir des barrages et des installations de production hydro-électrique en Suisse à l’heure de la libéralisation du marché de l’électricité, elle semble ignorer que l’interconnexion des grands réseaux européens existe dans ce domaine depuis fort longtemps.

Enfin, dans " Migrations ", une femme seule liquide son appartement après avoir eu la visite de son grand fils, préférant se défaire de tout ce qui la rattache au passé, à la famille, aux héritages, parce que ce sont, dit-elle, des amarres qui ne correspondent plus à aucun territoire (p. 157).

Oui, tout cela est triste, parce qu’il manque volontairement à ce livre de Bernard Comment une parcelle d’espérance, ou une portée rédemptrice qui serait implicite derrière ces aliénations contemporaines.

Bernard Comment, Même les oiseaux, Editions Christian Bourgeois, 1998, 172p. ISBN 2-267-01469-6.
Illustration de couverture : détail du Château de Chillon, photo Maurice Blanc

André Durussel

 

  Au fil de l’eau, des photographies de Michel Roggo à Nyon

Muséologie et écologie : Au fil de l’eau, des photographies de Michel Roggo à Nyon

La nouvelle exposition du Musée du Léman, à Nyon, est visible jusqu’au dimanche 19 septembre 1999. Elle nous invite à découvrir l’extraordinaire foisonnement de vie que contient une rivière, grâce à Michel Roggo, photographe à Fribourg.

L’exposition s’articule autour d’un écran géant de 12 mètres de longueur et 2 mètres de hauteur, qui présente un diaporama sonorisé des meilleures prises de vue de cet amoureux de la nature. Cet écran est lui-même intégré dans un décor représentant une forêt riveraine, avec sa faune particulière. Ce décor a été réalisé par le Service des Espaces verts de la ville de Nyon.

Le diaporama est composé de cinq thèmes, à savoir :

  • le nouveau fleuve
  • une explosion de vie
  • la nuit
  • le peuple des eaux
  • la forêt riveraine

De part et d’autre de l’écran, le visiteur découvre, dans de grands aquaterrariums, la plupart des amphibiens de nos régions tempérées, tels que salamandres, grenouilles, crapauds et tritons alpestres au ventre orange. Ces hôtes temporaires seront remis dans leur environnement naturel au terme de l’exposition nyonnaise.

Les photos projetées, de grande qualité, sont un véritable plaidoyer pour le maintien de la biodiversité, mais aussi pour nous rappeler combien la rivière est un milieu riche, mais hélas menacé par les polluants chimiques et par les atteintes de l’agriculture intensive telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.

Le sujet de prédilection de Michel Roggo est la nature, sous toutes ses formes. L’image qu’il privilégie, c’est celle de l’animal dans notre environnement naturel, sans plongée sous-marine ni autre artifice qui perturbe la prise de vue.

Une exposition à voir absolument. Le Musée du Léman, quai Louis-Bonnard 8 à CH-1260 Nyon VD est ouvert du mardi au dimanche, de 10h. à 12h. et de 14h. à 18h. (Tél. 021/361 09 49).

G. Patanè

Notre illustration : une truite de rivière dans son environnement naturel (photo M. Roggo)

 

  Feuxcroisés

Feuxcroisés, une nouvelle jeunesse pour un sexagénaire

Le premier numéro de cette publication annuelle, peut-être trop volumineux avec ses 270 pages, à l’immense avantage d’ouvrir d’emblée (et généreusement) son éventail aux littératures de la Suisse (Tessin et Grisons y compris), mais en partant de la Suisse dite romande, c’est-à-dire des littératures vues et commentées par des traducteurs. Feuxcroisés, au lieu de croiser les fers et de se plaindre, croise effectivement des feux, comme ceux que l’on allume encore dans ce pays au soir du premier août (…et malgré les prescriptions de l’Office fédéral de l’environnement, le célèbre BUWAL, concernant les combustibles autorisés…) et représente ainsi le nouveau visage du célèbre Service de Presse Suisse fondé au début de la deuxième guerre mondiale, bien connu des écrivains et journalistes de nos régions. Mais Feuxcroisés a compris aussi les nouveaux enjeux de l’édition virtuelle et se trouve doté d’un site Internet, celui-là même avec lequel ESPACES a engagé dès le mois d’avril 1999 un partenariat qui s’avère très fructueux. Ainsi, nous nous réjouissons de consulter les travaux de Feuxcroisés en tapant: www.culturactif.ch

Le comité de rédaction, composé de Marion Graf, Jean-Luc Badoux, Daniel Rothenbühler et René Zahnd, nous paraît réunir à la fois la compétence, une bonne connaissance du terrain, mais surtout la biodiversité culturelle indispensable à ce genre d’entreprise. En effet, nous estimons aussi que " le désintérêt entre les cultures menace actuellement le pays de fragmentation " (Bernard Cathomas, dir. romanche de la Fondation Pro Helvetia, p. 19). Par ailleurs, M. Peter Bloch, germaniste soleurois bien connu, rejoint cette position et cite l’exemple de la Foire du livre de Francfort, en octobre 1998, où cette configuration éclatée était hélas symptomatique (p. 27).


Dans les textes littéraires, nous avons découvert avec bonheur les propos d’Anne Lavanchy consacrés à Gehrard Meier et à son œuvre attachante, ainsi qu’un entretien avec l’écrivain et un superbe inédit intitulé Le canal linéaire. Les poèmes de Giorgio Orelli, traduits par Christian Viredaz, précédent ceux de Luisa Famos, cette jeune femme née à Ramosch et décédée le 28 juin 1974 après une brève existence toute entière brûlée par la poésie. Une poésie qui va heureusement paraître prochainement dans la collection " Poche Suisse " à l’Age d’Homme, dans une traduction de Gabriel Mützenberg, notre ami et abonné genevois.

Mentionnons encore à nos lecteurs que ce premier numéro est accompagné d’une revue de presse des livres d’écrivains suisses traduits en français en 1988, où l’on trouve les noms de Giovanni Orelli (cousin de Giorgio Orelli), Walter Vogt et Urs Karpf, ce dernier étant l’auteur de ce vaste roman socio-culturel biennois intitulé " Un Temps pour toutes choses ", publié aux Editions Zoé en 1998 dans une traduction de Raymond Lauener et Anne Lavanchy.

André Durussel

Feuxcroisés No 1/1999. Littératures et Echanges. Revue du Service de Presse Suisse, Ch. du Levant 20, CH-1005 Lausanne. ISSN 1423-7482. Diffusé par les Editions Zoé, 11, rue des Moraines, CH-1227 Carouge GE et vendu dans les librairies.

 

  Yves Bichet : une "Clémence" peu clémente

Yves Bichet : une " Clémence " peu clémente

Recevoir nouveau recueil du poète français Yves Bichet est toujours un événement, une véritable surprise. Dans " Clémence " (poèmes et proses), ma préférence s’est portée d’emblée aux poèmes. Non pas que les proses soient moins intéressantes ou soignées, mais peut-être parce qu’elles utilisent un vocabulaire " professionnel " (Cf. " Deuxième motif " puis " Amédée, bis " aux p. 87-89) qui peut surprendre, parce qu’il ne donne pas dans la dentelle (p. 9).

La suite de poèmes placés sous le thème de " L’enfant " est de très belle venue. Ces poèmes évoquent cette " transaction secrète " qui va de l’enfance à l’adolescence. Ainsi, dans " Vergers " (très rilkéen…) où dans " Interdite ", à la p. 29 :

La rivière est là, comme les souvenirs
pour toujours.
Tends ta main, veux-tu, range les instruments.
Cette paix que tu abandonnes au peigne, mon amour
la voici sur le seuil de la chambre,
avec toi si changée,
sur le seuil
s’éloignant dans le miroir,
interdite.

Quant à " La source de la Lance ", il s’agit d’une évocation étrange autour de laquelle volètent des anges. Et comme il est plus facile de glorifier que de raconter, Yves Bichet se place parmi les " gardiens d’en bas " afin d’apprendre, écrit-il, à peser l’air autour de soi. " La maison du crabe ", dont une première mouture avait paru en 1985 aux Editions de l’Alphée, nous donne l’occasion de retrouver Marie, " Marie la creuse ", dans des vers amples, aux résonances christiques, où se déploient toute la force inimitable et le talent d’Yves Bichet, né en 1951 et vivant à Grignan (Voir " Le rêve de Marie " dans ESPACES No 203, mars-avril 1996, p. 2).

André Durussel

Bichet Yves : Clémence. Edit. Le temps qu’il fait, 31, rue de Segonzac, F-16100 Cognac. 100p. 19/14 cm avec une illustration de couverture signée Christine Bry, ISBN 2-86853-305-1 (1999).

 

  Fenêtre sur Ecran par Cyril Suquet

Esclaves de la télé ?

Dans ses débuts comme romancier, François Mauriac avait écrit " L’enfant chargé de chaînes ". Or, il n’y a pas que les enfants (devenus d’ailleurs beaucoup plus lucides et sélectifs devant le petit écran) que la télévision tente d’asservir, offrant actuellement un immense choix de chaînes…

Cyril Suquet, résidant dans le Val-de-Marne, près de Paris, nous propose avec " Fenêtre sur écran " un poème inédit au moyen duquel il situe l’impact tragique de cette " momie allumée " :

Fenêtre sur Ecran

Le chronomètre est branché,
Mamie et ses manies de télé,
Le regard effacé, les yeux paralysés,
La momie est allumée.
Son univers est muré de tous côtés,
Ni portes, ni fenêtres,
Pas de vie, pas de saisons,
Juste une télévision.
Sa journée est calée sur la grille télé,
Un programme chargé d’émotions,
De parodies et de dérision,
Aucune âme ne viendra la perturber,
La fiction l’a vue renaître.
Ses enfants sont ses émissions,
Ses aventures deviennent des films,
Le petit écran, ses seules discussions.
Son langage est codé, sa nourriture télécommandée,
Mamie s’est éteinte avec l’écran noir.
Ni portes, ni fenêtres,
Pas de vie, pas de saisons,
Aucune raison d’être,
Juste une télévision comme horizon.

Cyril Suquet
Mars 1999

  Pollen du temps par Georges Haldas

Un nouveau " carnet " de l’essayiste genevois Georges Haldas : Pollen du temps

Ces carnets de 1996, comme les précédents, n’ont rien de commun avec un journal intime, et moins encore avec un recueil d’aphorismes. Ce sont des réflexions " en profondeur ", fécondées par une observation silencieuse du monde et une émotion poétique sans cesse en état de veille, ou inspirée par une œuvre en chantier.

On relèvera ici, à titre d’exemple, ce que l’auteur écrit au sujet de l’espérance :

L’espérance, c’est de savoir que tout, à un moment donné, - et le pire – peut se retourner. La boue devenir or, etc. Mais ne pas oublier qu’inversement l’or, soudain, trop content de lui, peut, dans la seconde même, retourner à la boue ou se changer en sable. (20 mai 1996)

L’espoir s’inscrit dans le temps. L’espérance dans l’éternité. (25 mai 1996)

Dans un tout autre registre, voici quelques lignes qui me font aussi rire (ou pleurer…) lorsque je pense à certains membres de nos associations cantonales d’écrivains (dont je fais partie) :

Se prennent au sérieux parce qu’ils ont sorti trois menues plaquettes de poèmes et un pauvre petit roman à l’eau de javel. Á partir de quoi ils participent le plus sérieusement du monde à des colloques sur " la fonction sociale de l’écrivain ". De quoi rire. (26 mai 1996)

Haldas Georges : Pollen du temps, carnets 1996. Bibliothèque L’Age d’Homme. Avec une illustration de la couverture signée Louis Soutter. ISBN 2-8251-1232-1. 186p. L’état de poésie, 1999.

André Durussel

 

  Mémento d'Espaces

Le signe de Sarepta

C’est le titre de notre cantate créée à Payerne, Morges et Moutier en octobre 1995 pour les vingt ans de la revue ESPACES, écrite par Dominique Gesseney-Rappo et interprétée par l’Union-La Bruyère de Lucens et environs (Alain Devalloné) et le Quatuor de cuivres de Fribourg, ainsi que trois solistes professionnels.

Cette œuvre est entrée récemment dans le répertoire de l’ensemble vocal EUTERPE, dirigé par Christophe Gesseney et, comme nous l’avions signalé dans un précédent numéro, a été donnée à Mézières (VD) le vendredi 26 mars 1999 en présence d’un nombreux public et quelques fidèles abonnés à notre publication.

Dans cette même formation, avec une Anne Ramoni (soprano) dans le rôle poignant de la Veuve, un Elie parfaitement incarné par Michel Brodard et la haute-contre Thierry Dagon dans le rôle du récitant, le Signe de Sarepta a été présenté au Temple d’Yverdon-les-Bains le dimanche soir 6 juin 1999 au terme d’une semaine de réflexion sur le thème de la vie et de la résurrection, accompagnée d’une exposition de peintures contemporaines sélectionnées par Daniel Alexander.

Dans le cadre des concerts spirituels en l’église de Saint-François, à Lausanne, l’ensemble EUTERPE donnera cette œuvre le vendredi soir 24 septembre 1999, et nous invitons tous nos fidèles lecteurs et abonnés à assister à ce concert qui tombe, peut-être par hasard, le jour même des soixante et un ans de l’auteur du livret !

Un CD de cette œuvre est en souscription. (Tél. 021 905 24 72 )

André Durussel

 

Page créée le 10.07.99
Dernière mise à jour le 09.10.01

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