Revue des Arts et des lettres fondée
en 1975
Espaces No 222,
mai-juin 1999 / Editorial |
Nos vrais ennemis sont silencieux
Cet aphorisme du grand poète
français Paul Valéry, découvert récemment
dans son ouvrage intitulé "Tel Quel", (Gallimard
1941) et repris de " Choses tues " (1930) est plus
actuel que jamais.
Cela se vérifie en effet tous
les jours dans notre société contemporaine envahie
par la Communication en lettres majuscules, souvent focalisée
sur des objets insignifiants, alors que les décisions
importantes ainsi que les stratégies de nos ennemis
se déploient dans un silence impressionnant.
Nos vrais ennemis sont silencieux.
Ceci est particulièrement vrai dans le secteur de la
presse écrite et celui de lédition en
particulier. Léditeur qui na pas encore
son site Internet est de plus en plus marginalisé,
voire ignoré par les nouvelles générations.
En ce qui concerne ESPACES, notre avant-projet
de lété 1998 a trouvé récemment
une autre voie sous la forme dun heureux et avantageux
aboutissement avec lAssociation " Le Cultur@ctif
Suisse ", un site Internet lancé sur la "
toile " en 1997 en version trilingue. Il correspond bien
à notre ligne rédactionnelle ainsi quà
notre modeste vocation de " CulturActeur " animatrice
dune publication bimestrielle de qualité. Bien
entendu, et il faut le souligner demblée, ce
nouvel outil déchange rapide dinformations,
mais aussi de promotion de notre revue et de ses tirés
à part, demeure et demeurera complémentaire
à lESPACES traditionnel de 4 pages papier, comme
il est réalisé tous les deux mois depuis bientôt
ving-cinq années. De plus, comme le dit si bien "
Domaine Public " sous la plume de Pierre Imhof dans son
récent No 1382 du 15 avril 1999, cet outil représente
pour ces dix prochaines années le grand apport de la
toile : une démocratisation de laccès
aux origines de linformation et une diffusion facilitée
de celle-ci pour beaucoup de petits acteurs comme ESPACES.
Autrement dit, une diminution de la dépendance aux
médias traditionnels. Mais cette liberté a aussi
ses limites. Larticle de François Lejoyeux repris
dans ce numéro mérite que lon sy
arrête.
Nous exprimons ici notre vive reconnaissance
à Madame Roselyne König, responsable du site http://www.culturactif.ch
qui a tout mis en uvre dans des délais très
courts afin de réaliser notre page daccueil et
les suivantes, que lon trouve en cliquant dans la barre
des menus sous " Revue littéraire ". Il sagit
désormais de faire vivre ces informations, de les maintenir
constamment à jour et de répondre aux demandes
que nous recevons déjà par E-Mail. Un beau défi
que notre équipe de rédaction est prête
à relever, mais aussi une manière silencieuse
(et virtuelle) de faire face à nos ennemis, afin de
maintenir le cap de notre publication jusquen décembre
de lan 2000 et même après... Le résultat
intégral de notre sondage du 21 mars 1999 sera publié
et commenté dans notre numéro 223 du début
du mois daoût. Un grand merci au 41% de notre
lectorat qui a répondu si spontanément à
notre questionnaire, souvent avec des lignes fort encourageantes.
André Durussel & Jacqueline
Thévoz
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Sommaire |
Au sommaire de ce numéro
222/1999
Le livret de la Fête des Vignerons
est arrivé : un poème de François Debluë.
La Suissesse au bord du lac
un chant de la fête de 1796.
François Cheng : Le dit
de Tianyi, un roman présenté par Claire
Julier,
Andermonde, un mystérieux
roman de Paul Meirad (LAge dHomme).
En flânant à Pétra,
lancienne capitale des Nabatéens, par Giuseppe
Patanè.
Gino Pedroli (1898-1986) un photographe de la civilisation
rurale du Mendrisiotto, par G. Patanè.
Claudio Magris, le nouveau Monteverdi
de la littérature européenne, présentation
de "Microcosmes" 1998, par André Durussel.
Aristophane et lancienne comédie, un nouveau
" Que sais-je " de Pascal Thiercy (1999).
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Gino Pedroli par
Giuseppe Patanè |
Après une exposition au Musée
dart de Mendrisio
Gino Pedroli (1898-1986) Un monde
en noir et blanc
Le " Museo dArte "
de Piazza San Giovanni à Mendrisio a commémoré
le centième anniversaire de la naissance de Gino Pedroli,
qui a été le photographe passionné des
paysages du Sud des Alpes et de ses habitants, thèmes
quil traite magistralement durant son existence.
Paolo, son père, propriétaire
dune petite fabrique de carrelages, lui a transmis tout
son amour de la photographie, quil pratiquait pendant
ses rares loisirs. Gino fait ses premières classes
en suivant les conseils paternels ; il entre bientôt
en apprentissage chez Enrico Malinverno, qui a un studio à
Varese, où il étudie toutes les techniques de
la prise de vue, du développement et du tirage ; simultanément,
il suit les cours dune école de dessin où
enseignent Giovanni Roncoroni, Paolo Andreoli et Amleto Lombardi.
En 1921, Gino Pedroli ouvre son propre
studio de photographe à Mendrisio. Son activité
principale se rapporte au portrait, superbement observé.
Dès le début de son activité et pour
son seul plaisir, il sen va fixer sur ses plaques sensibles
tout le pittoresque qui lentoure, les paysages ruraux
et urbains ; il parcourt les rues de Mendrisio et des localités
environnantes avec lesprit émerveillé
de lauthentique " mémorialiste-photographe
". Aucune commande ne lui a été faite,
aucune proposition pour une éventuelle destination
de ces photos, ce nest que beaucoup plus tard, à
la découverte de son grand talent, quelles sont
publiées.
Son goût lui a permis de recueillir
une riche documentation, de fixer dans le temps divers aspects
de la civilisation rurale qui a imprégné tout
le Mendrisiotto, et qui, grâce à ses images-témoins,
peut être redécouverte et valorisée dans
toute sa réalité première.
Lexposition du Museo dArte
de Mendrisio, avec un ensemble de cent photos des années
20 et 30 principalement, permettait de mesurer toutes les
qualités techniques et esthétiques dun
poète, dun artiste sensible, et cela en plus
de la valeur documentaire, historique du riche héritage
quil nous a légué.
Giuseppe Patanè
Gino Pedroli (1898-1986) une paysanne
du Mendrisiotto
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Claudio Magris par
André Durussel |
Récemment paru
Claudio Magris, un nouveau
Monteverdi de la littérature européenne
Quelques notes de lecture à
propos de " Microcosmes ", LArpenteur, Gallimard,
1998.
Les témoins du temps, chez Claudio
Magris, écrivain né à Trieste en 1939,
sont pour la plupart des oubliés de lHistoire.
Mais ils sont tellement chargés de poésie que
" Microcosmes " devient, par eux et grâce
à eux, un somptueux voyage initiatique, une "
Terre où jai vécu " comparable, par
certains aspects, à celle que publiait René
Burnand chez Victor Attinger en 1930.
On entre dans ce livre sur la pointe
des pieds et lon est demblée subjugué
par la qualité des descriptions, par la puissance des
ces évocations où la grandeur se dissimule dans
la fragilité de ces petits destins. Une fois encore,
écrit Magris, la poésie dit labsence,
quelque chose ou quelquun qui nest plus là.
Et cest précisément lhistoire de
ce " quelquun " à travers les lieux
où il a vécu (Trieste, lAdriatique, le
Tyrol par exemple) qui va constituer la trame de " Microcosmes
". Une histoire contemporaine, certes, mais à
laquelle se mêlent dautres strates, celles des
générations disparues. Ces " temps condensés
", donnés par neuf noms de lieux qui constituent
les titres des chapitres, échappent ainsi à
toute classification. Ce livre nest pas une autobiographie,
ni un journal de voyage, ni un roman à clef ou un essai
historique, comme " Le Mythe et lEmpire "
publié aux mêmes Editions en 1991, mais bien
un " voyage initiatique " comme on la dit
plus haut, un véritable retour aux sources culturelles
dune Europe des confins balkaniques, nourrie de références
germaniques et latines.
Dans " La Voûte ",
lultime et bref chapitre qui fait suite à "
Jardin public " - cet admirable récit mythique
du Jardin originel, qui est à la fois promesse, mais
aussi cimetière de la vraie vie (p.249) - on voit un
certain M. Voliotis pénétrer ensuite dans léglise
du Sacré-Cur de Trieste, à la via del
Ronco. Là, presque agonisant, dans une extraordinaire
et lumineuse vision et en présence dune Aimée
disparue, il va accomplir à son tour ce saut dans la
mort :
Là où finissait le ciel
dor et où commençait le ciel bleu, deux
grands anges
tenaient au bout de leurs bras levés deux cercles de
feu, sur lesquels était
écrit quelque chose en latin.
Il fallait sauter à travers ces cercles, et leurs langues
de feu, pour plonger dans
la mer. Lui ne voulait pas, il sagrippait à la
colonne, serrant et émiettant des
feuilles toutes mouillées dont il ne comprenait pas
comment elles se trouvaient
là sur le sol. Saute, lui disait-on, mais lui reculait.
" Tu verras, ce nest rien ",
mais cette fois cétait une autre voix, ou plutôt
deux voix, presque identiques
à la sienne, celles des fils, qui avaient rempli la
maison, les jours, la vie, et
elles lui disaient de ne pas avoir peur.
" Microcosmes " a été
traduit de litalien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau.
Cest un livre magnifique. Comme la musique de Claudio
Monteverdi.
André Durussel
Claudio Magris
(Photo J. Sassier, Gallimard)
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Exposition : Gallimard
et la Suisse |
Expositions : Gallimard et
la Suisse, un siècle daffinités littéraires
Après le succès rencontré
au Salon du Livre et de la Presse à Genève,
il est heureux que cette exposition, présentée
par Stéphanie Cudré-Mauroux et Alban Cerisier,
soit aussi visible à la Bibliothèque cantonale
et universitaire de Fribourg du 25 juin au 7 août 1999,
puis, dès le 15 août jusquau 12 septembre
au Musée dart et dhistoire de Neuchâtel,
ainsi quà lespace (sans s) Arlaud, place
de la Riponne, à Lausanne, du 8 octobre au 28 novembre
1999.
Nous recommandons à nos lecteurs
le catalogue " Gallimard et la Suisse ", édité
à cette occasion par les Editions Gallimard à
Paris. Patronnée par lOffice fédéral
de la Culture, cette exposition a été inaugurée
à Palexpo le mercredi 14 avril 1999 en présence
de M. Jean-Frédéric Jausslin, Directeur de la
Bibliothèque nationale suisse, et de M. Antoine Gallimard,
PDG des Editions Gallimard. Espaces a beaucoup apprécié
les " Plans-Fixes " qui nous font entrer, comme
une allée de grands arbres, au cur même
de cette présentation.
Page créée le 10.05.99
Dernière mise à jour le 09.10.01
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