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Revue des Arts et des lettres fondée en 1975


  Espaces No 227 Mars-Avril 2000 / Sommaire


Au sommaire de ce numéro 227/2000

  • Editorial : Un regard vers le Nord
  • Littérature étrangère : Göran Tunström n’est plus
  • Littérature néerlandaise : "A Babylone", un roman de Marcel Möring, par Daan Cartens.
  • Beaux-Arts : Marius Borgeaud Chantre de l’intériorité
  • Parmi les revues : La mort programmée de la revue IDRA
  • Poésie contemporaine : "Acqua Serena", un choix de poèmes de Juliette d’Arzille
  • Alphonse Laverrière : Par Giuseppe Patanè
  • Polyrama : Par Giuseppe Patanè
  • Espace a lu ... : "Un matricide très pardonnable" de Jacqueline Thévoz
  • La Pêcheuse d’eau : Un nouveau recueil de Claire Julier
  • Lettre ouverte à Richard Aeschlimann
  • Le Mémento : Bientôt les vingt ans de l’Ensemble vocal Euterpe

  Editorial

Un regard vers le nord

L’écrivain suédois Göran Tunström est décédé en février de cette année à l’âge de soixante-trois ans. " L’Oratorio de Noël ", paru en 1992 dans sa traduction en français, demeure l’une de ses œuvres majeures.

Aux Pays-Bas, Marcel Möring, né en 1957, vient de publier, chez Flammarion " A Babylone ", un roman contemporain de la " désintégration " composé d’un foisonnement d’histoires et qui ressemble aussi, par l’errance de son héros, à l’Oratorio de Noël.

Plus près de nous, Juliette d’Arzille nous propose " Acqua Serena " et Claire Julier, notre collaboratrice, vient de publier un recueil de nouvelles sous le titre " la Pêcheuse d’eau ". Jacqueline Thévoz a écrit " Un matricide très pardonnable ".

Quant à Marius Borgeaud, peintre vaudois, il fait l’objet d’une somptueuse monographie de son oeuvre, signée Bernard Wyder, avec la collaboration de Jacques Dominique Rouiller.

Enfin, pour revenir à une région où ESPACES s’est enraciné dès ses débuts, un nouveau tiré à part consacré au hameau de Seppey, près de Moudon, nous replonge dans les lieux où le peintre Eugène Burnand et sa famille ont vécu. Il est offert à nos fidèles abonnés en ce début du mois d’avril et du temps de Pâques.

André Durussel

 

  Göran Tunström n'est plus


Littérature étrangère : Göran Tunström n'est plus

Göran Tunström par Lena Sewall

Sous un ciel noir, au début de la deuxième semaine du mois de février 2000, est décédé dans sa soixante-troisième année le grand écrivain suédois Göran Tunström.

La puissance lyrique et évocatrice de son oeuvre rappelait celle de Selma Lagerlöf (1858-1940).

Il avait débuté en littérature par un recueil de poèmes intitulé " Inringning " (1958), puis s’est affirmé dans le genre romanesque avec " Prästungen " en 1976, puisant dans son enfance de fils de pasteur. Mais c’est surtout à partir de son grand roman " Juloratoriet " (1983) qu’il s’est fait reconnaître en Suède, puis en France lors de la parution de ce même ouvrage sous le titre " L’Oratorio de Noël ", grâce à une excellente traduction en français de Marc de Gouvenain et Lena Grumbach (Collection Actes Sud-Babel, 1992).

G. Tunström est également l’auteur du " Voleur de Bible ", de " Partir en hiver " (…quel titre prémonitoire !), de " La Parole du désert ", ainsi que de " Skimmer (1996), paru en français sous le titre " Le Buveur de lune " en 1997, toujours chez Actes Sud à Arles, et dont l’action se déroule en Islande.

Voici ce qu’écrivait Marc de Gouvenain dans une lecture de " L’Oratorio de Noël " :

Comment ne pas se laisser emporter dans un tel univers ? De quand date notre dernier éblouissement devant un livre ? Interrogé lors d’un Salon du livre en France, Göran Tunström, à qui l’on posait la question de savoir s’il appréciait d’être traduit en notre langue, répondit très justement qu’il espérait enrichir notre littérature en lui offrant des textes dont le nombrilisme était absent. Un murmure désapprobateur suivit cette réponse, bien sûr, car les écrivains tels que lui dérangent. Parce qu’ils sont capables de construire au fil de plusieurs centaines de pages, en plusieurs livres, des intrigues dans lesquelles l’auteur ne se contemple pas, mais fait vivre des personnages indépendants de lui-même.

Un calme intense est désormais installé parmi nous. Mais, en même temps, une douleur aux confins de l’éblouissement et de la mort (ce qui revient presque au même) s’installe autour de son œuvre. Il faut relire les livres de Göran Tunström.

André Durussel

 

  A Babylone, par Marcel Möring


Littérature néerlandaise d'aujourd'hui: A Babylone Un roman de Marcel Möring (Flammarion)

Marel Möring
(Photo K. Koope)

Dans une chambre d’hôtel, Nathan Hollander découvre le corps sans vie de son oncle Herman, philosophe mondialement célèbre. Désormais, Nathan n’a plus aucun parent proche. Il a été marié deux fois – mariages qui firent du reste long feu -, mais fondamentalement il est demeuré un errant en ce sens qu’il ne peut se fixer nulle part et qu’il vit seul, la tête pleine d’histoires. A la suite du décès de son oncle, Nathan hérite une grande maison de campagne. Mais il doit satisfaire à une condition : rédiger sa biographie dans les cinq années suivant son trépas. C’est là un moyen ultime, pour son oncle, de défier le talent de conteur de Nathan, ce défi donnant lieu à une confrontation entre la réalité et la fiction. Nathan respectera cette clause testamentaire, mais il n’écrira pas cette Vie et Œuvre de Herman Hollander puisque le récit dont il a reçu commande se muera en chronique familiale, en " foisonnement d’histoires ". Il racontera ces histoires à sa nièce Nina, dans l’isolement hivernal de la maison de campagne. Cette Nina est une sœur littéraire d’Anna Twickel (L’Héritage de Mendel) et de Lisa (Le grand Désir) en ce qu’elle fait preuve comme elles de ténacité et de lucidité.

Comme elles, elle prête volontiers une oreille attentive à ses récits, mais, à ses yeux, ceux-ci relèveront toujours de la fiction. Elle se lasse de ses " bavardages d’intello " et le séduit. Aussitôt après cette union charnelle, l’univers de Nathan Hollander se désintégrera. L’atmosphère déjà lugubre qui règne dans la maison deviendra franchement effrayante. Nathan ignore s’il doit attribuer ces événements inexplicables au fantôme de Zeno, son frère défunt, ou à Nina, qui conçoit le projet de punir cruellement ses ratiocinations. Le roman se termine sans donner au lecteur la clé de son mystère. Nathan quitte la maison et repart vers l’ouest, comme tous les membres de la famille Hollander depuis des siècles. " Je suis un clandestin. Je suis arrivé seul et je repartirai seul ".

L’œuvre de Marcel Möring est un ardent plaidoyer pour l’imagination. Même quand il s’agit du passé récent, de la dernière guerre, Möring est partisan " d’accroître la poétisation, la mythification, la transformation de la réalité ". Aux yeux du romancier qu’est Möring, il n’existe pas de faits objectivement vérifiables. Il n’y a que " des histoires, des contes et des fables " dans lesquels il tente, non sans panache, de trouver la vérité qu’il cherche. Ce parti pris exploratoire vaut à Möring de figurer d’ores et déjà, alors qu’il n’a publié que trois romans, parmi les auteurs néerlandais importants d’aujourd’hui.

Daan Cartens (Trad. Patrik Grilli)

 

   Marius Borgeaud - Chantre de l’intériorité


Beaux-Arts : Marius Borgeaud - Chantre de l’intériorité

L’œuvre de certains peintres donne envie d’en savoir plus, à défaut de prétendre en faire le tour. Marius Borgeaud en fait partie. Entre 1960 et aujourd’hui, déjà trois monographies ont tenté d’éclairer le parcours d’un artiste pour le moins atypique mais combien attachant, dont le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne et celui de Pully possèdent des toiles majeures, sans compter celles, nombreuses, en main de collectionneurs suisses et français.

Marius BORGEAUD 1861-1924, Bernard Wyder, La Bibliothèque des Arts, 232 pages,
377 illustrations, principalement en couleurs. En vente en librairie.

Bien que né dans la capitale vaudoise en 1861, - une plaque commémorative vient d’être apposée sur son dernier domicile lausannois – ce sera à Paris, au tournant du siècle, qu’il fera ses premières armes en tant qu’élève de l’atelier Humbert. On le retrouve bientôt dans le Poitou et en Seine-et-Marne, l’expression du moment étant alors franchement impressionniste. Mais ce n’est pas en exposant dans les salons des tableaux correspondant au goût du jour qu’il se fera remarquer. Dans la perspective de documenter le catalogue raisonné de l’œuvre du " Vaudois de Paris " qui vient de paraître, l’historien de l’art Bernard Wyder est parti sur les traces d’un homme libre, épris de la Bretagne, l’évoquant d’une manière éminemment personnelle.

La Chambre blanche, 1924
Huile sur toile, 54/65 cm., coll. privée.
(Photo Jacques Dominique Rouiller)

Hormis quelques paysages, scènes de rue, portraits ou natures mortes, Borgeaud sera surtout attiré par la poétique des intérieurs, donnant à voir des mairies, des chambres à coucher, des pharmacies et des bistrots en grand nombre. Il avait dans un premier temps fait le tour de sa chambre ou de l’auberge qui l’abritait. Le voilà devenu très tôt chroniqueur de son époque et des lieux visités. Les trois principaux points de chute de son itinéraire breton se suivent sans se ressembler : Rochefort-en-Terre et Le Faouët (tous deux dans le Morbihan), enfin Audierne et sa baie, dans le Finistère, ultime étape avant son décès, survenu le 16 juillet 1924 à son domicile parisien.

Dans la préface de l’ouvrage très richement illustré paraissant à l’enseigne de La Bibliothèque des Arts – 289 œuvres reproduites sur 314 recensées – Jacques Monnier-Raball entend d’une part démontrer à quelles exigences doit répondre un catalogue raisonné, insistant d’autre part sur le côté archétypique à nul autre pareil de l’œuvre de Borgeaud. En dehors d’une gestion incomparable de la lumière, entre le dehors et le dedans, il y a, attachée à presque toutes les toiles, une marque de permanence ou de pérennité au parfum d’éternité qui subjugue. On peut y ajouter les qualités d’un coloriste et d’un valoriste qui n’occultent en rien le " bâtisseur " inspiré au style inimitable.

Par le film chronologique inédit des oeuvres se succédant au fil de pages, par son apport critique, ses annexes (expositions, ventes, bibliographie, repères biographiques), cette publication dont l’initiative revient à l’Association des Amis de Marius Borgeaud, réalisée grâce à divers généreux appuis, s’impose comme un ouvrage de référence avec lequel il faudra compter.

Jacques Dominique Rouiller

 

  La mort programmée d'IDRA

Parmi les revues : La mort programmée d'IDRA

En décidant de mettre, après vingt-cinq ans, un terme à sa publication bimestrielle, les responsables de la revue ESPACES ne sont pas seuls.

Pour la revue IDRA, si le rythme semestriel se poursuit avec deux cahiers annuels, soit S et T en 2000, U et V en 2001, W et X en 2002 et Y et Z en 2003, cette échéance fixée d’avance sera donc celle du 31 décembre 2003, soit dans 3 ans.

Une telle formule, qui fut celle de revues célèbres ayant d’avance fixé leur durée, impose une cohérence d’ensemble. Pour Idra, l’ouverture est un impératif : du Tessin où il est conçu, le périodique explore – et fait connaître à ses lecteurs – des voix italiennes, mais aussi des écrivains suisses, germanophones et francophones, en traduction. Chaque cahier est en principe structuré de la même manière : une première section présente proses, poèmes et critiques en langue italienne ; elle est suivie par la section consacrée aux traductions, et par une " coda " réservée aux entretiens ou à des textes portant sur des sujets non strictement littéraires. Conformément à cette ligne, le numéro R, de haute tenue, réunit des écrivains italiens, des contributions de Ludwig Hohl et de Jürg Ammann, des poèmes du jeune Lausannois Julien Burri.

Le comité d’Idra est composé de jeunes écrivains et critiques tessinois : Maurizio Chiaruttini, Paolo Di Stefano, Giovanni Fontana, Enrico Lombardi, Fabio Pusterla, Antonio Rossi.

L’adresse de la revue : Via Breganzona 6, 6900 Lugano.

La revue semestrielle IDRA, comme ESPACES, se trouve sur le site Internet du Culturactif Suisse (www.culturactif.ch )

André Durussel

 

  Poème de Juliette d'Arzille

Poésie contemporaine : Acqua Serena

Acqua Serena, un choix de poèmes récents de Juliette d’Arzille. Editions bilingues, traduction par Davide Bracaglia. Avec des dessins de Venise signés Francesco Guardi.

(Editions à la Carte SA, Sierre, No 221, novembre 1998, ISBN 2-88464-064-9).

Les images les plus vives
le poème le plus pur
ne peuvent te cerner
seul ton visage de chair
à ma terre mortelle
engendre le réel.

Juliette d’Arzille

Le immagini più vive
il poema più puro
non possono racchiuderti
solo il tuo viso di carne
o mia terra mortale
genera il reale.

Juliette d’Arzille

 

  Alphonse Laverrière : Parcours dans les archives d’un architecte

Alphonse Laverrière (1872 - 1954)

Parcours dans les archives d’un architecte
sous la direction de Pierre Frey

Ouvrage de la collection : " Les archives de la construction moderne " (Editions PPUR, EPFL, CH-1015 Lausanne)

Alphonse Laverrière, de famille savoyarde et piémontaise, né en 1872 dans la cité sarde de Carouge (Genève), s’installe à Lausanne à 29 ans.

On lui doit, entre autres réalisations, la façade de la gare CFF, les culées et le tablier du Pont Chauderon, le Tribunal Fédéral à Mon-Repos, le Monument de la Réformation à Genève.

Dans les années 30, Laverrière soulève bien des polémiques avec la Tour Bel-Air Métropole ! Il joue un rôle important dans le domaine des arts décoratifs. Directeur de l’Ecole cantonale de dessin et professeur d’architecture au Poly de Zurich, il forme également de nombreux architectes dans sa propre agence lausannoise.

Ses dessins et ses aquarelles témoignent d’une complète formation artistique, malheureusement trop rare de nos jours !

La carrière d’Alphonse Laverrière s’inscrit dans un courant caractérisé par la formation entre 1890 et 1914, à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, des praticiens sont venus y faire leurs " humanités ". Retournés en Suisse, ils reproduisent dans l’institution des concours d’architecture les conditions d’émulation propre à l’Ecole de la Rue Bonaparte.

Laverrière fait partie de ce mouvement qui marque le territoire romand d’une production éclectique, d’une grande variété de styles, mêlant les formes traditionnelles locales ou régionales et les divers systèmes de construction à la mode de la fin du XIXe et du début du XXe siècles.

Giuseppe Patanè

 

  Magazine : Polyrama

Polyrama (No 12) : Magazine de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne

Le numéro de POLYRAMA (décembre 1999) est consacré aux NANOTECHNOLOGIES et à leurs implications dans les futures percées scientifiques, à leurs retombées économiques.

Ce qui se passe à l’échelle du millième d’un millième de millimètre a vraiment de quoi surprendre : la matière y développe des propriétés uniques et inhabituelles, la complexité d’un monde où les frontières entre physique et chimie s’estompent.

Jusqu’où les scientifiques seront-ils capables d’aller dans la manipulation et la recomposition de la matière, atome par atome, à la manière d’un jeu de Lego ?

Les NANOTECHNOLOGUES trouveront leur filiation dans un monde que les philosophes grecs et latins avaient pressenti : percer au terme de leur quête spirituelle le secret de la matière.

Entre le champ de l’infiniment petit et le monde macroscopique qui est le nôtre s’étend un territoire encore partiellement inconnu dont les perspectives de développement semblent innombrables : c’est le NANOMONDE à l’échelle du mètre divisé par un milliard. Tout cela rejoint l’intuition visionnaire de Richard Feynman : si l’on parvient à inscrire chaque bit dans un cube de 5 atomes (de 125 atomes au total) toute l’information contenue dans 24 millions de livres (à peu près l’ensemble des collections des grandes bibliothèques du monde) trouverait place dans un grain de poussière à peine visible à l’œil nu !

C’est Ralph C. Markle, du Centre de recherches Xerox, qui déclara il y a déjà quelques années :

" Tout comme nous avons nommé l’âge de la pierre, l’âge du bronze et l’âge du fer d’après les matériaux que les humains fabriquaient, nous pourrions appeler la nouvelle ère technologique dans laquelle nous entrons l’âge du diamant ".

En compagnie de chercheurs, de journalistes scientifiques et économiques, POLYRAMA s’emploie à dégager la réalité du mythe, et propose une quinzaine d’éclairages sur les recherches NANO menées actuellement dans les laboratoires de l’EPFL et dont les auteurs de science-fiction ne cessent de se régaler, c’est pourquoi on a laissé à un philosophe, à un historien médiéviste et à quelques écrivains du futur le soin de conclure ce dossier intégralement consacré à l’ère du NANOTECH.

Giuseppe Patanè

 

  Espaces a lu ...

Jacqueline Thévoz : Un matricide très pardonnable

Auteur de nombreux ouvrages (dont l’inoubliable Maman-Soleil !), Jacqueline Thévoz vient de publier Un matricide très pardonnable, un roman où sont habilement mêlés intrigue policière et éléments de psychologie, ce qui se justifie parfaitement puisque, en effet, la tentative de matricide est accomplie par une jeune femme schizophrène et paranoïaque, Tara, la fille d’Anna Osmolovska. Cette dernière est faite d’abnégation et d’amour, ce qui pourrait l’assimiler à une figure christique si elle n’avait pas commis une " faute ", soit celle d’avoir cédé à un amant de passage, le père de sang de Tara. Et si elle s’était montrée plus ferme dans l’éducation de son enfant : …les " pédagogues " actuels (laissent) les enfants pousser comme des mauvaises herbes. Plus de tuteurs pour ces jeunes rosiers sauvages, plus de limites, plus de punitions (p. 79). Une critique qui relève de l’actualité brûlante : le mythe de l’enfant-roi édifié sur une permissivité aiguë et sur la démission désolante de bien des éducateurs. Ainsi Mme Parker, la psychologue amie de Tara, qui inculque ces " principes " laxistes à la jeune femme devenue mère d’un petit Micha.

L’enfant adore sa grand-mère Anna, sa Babouchka, mais il est très perturbé par la maladie maternelle : les délires olfactifs de Tara amènent celle-ci à des gestes inconsidérés, violents également : si la jeune femme a poussé (Micha) à travers la chambre, c’est parce qu’Anna l’a poussée à bout, prétend-elle (p. 135), et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres ! Mais Anna supporte tout : ne s’est-elle pas mariée avec Boris pour que Tara ait un père ? N’en a-t-elle pas très vite divorcé parce que ce drôle d’époux détestait la petite autant qu’il adorait Irina, sa nièce recueillie par le couple Osmolovska ?

En dépit des concessions d’Anna et de l’aide que lui apporte Irina, la maison familiale devient peu à peu un champ de batailles quotidiennes. Finalement Tara quitte ce domaine pour habiter à Buffalo. Le silence entre la mère et la fille. Demandé par Tara. Accordé par Anna en dépit des souffrances qu’implique pour elle cette rupture. Pourtant la jeune femme reviendra. Armée d’un browning calibre 6,35. Anna est atteinte à un bras et sa fille incarcérée. Une histoire difficile à élucider pour les commissaires chargés de cette affaire, dont John Watson. Le procès aboutira-t-il à une condamnation de Tara ou à un non-lieu en raison du déséquilibre mental de la prévenue ? Au lecteur de le découvrir, et sans doute le fera-t-il avec passion tant la lecture est aisée et l’intrigue susceptible de nous tenir en haleine !

Edith Habersaat

Jacqueline Thévoz, Un matricide très pardonnable, Ed. du Vers Luisant, 1999, 209p.

 

  Un nouveau recueil de Claire Julier

La pêcheuse d’eau

Claire Julier est née à Marseille. Professeur de littérature, elle a enseigné pendant plusieurs années dans un Lycée français en Suisse. Elle vit actuellement à nouveau en France, au bord du bassin méditerranéen, et rédige des chroniques littéraires et cinématographiques pour différents journaux et revues culturelles. Elle est titulaire de la rubrique " Littérature étrangère " dans ESPACES depuis de nombreuses années.

Nouvelliste dont le talent est désormais reconnu, elle a confié aux Editions de l’Harmattant le soin de publier dans leur plaisante collection " Ecritures " dirigée par Maguy Albet des textes récents qui, sous le titre " La pêcheuse d’eau ", évoquent les relations souvent tendues entre les générations d’une même famille, mais aussi et surtout l’influence maritime sur ces mêmes personnages. Claire Julier rejoint ainsi le point de vue braudélien (1), et les propos de C.F. Ramuz par exemple :

Les pays privés de la mer sont en même temps privés de circulation. Il semble assez que la mer, dans les destinées du monde, joue à peu près le même rôle que le sang dans la vie du corps humain. Les grandes civilisations sont maritimes. (2)

Ainsi, dans " Clo et Lison " (p. 109 à 120), puis dans "La pêcheuse d’eau" (p. 135 à 162), où une certaine Adriana tente de " déchiffrer les mers ", on ressent ce besoin des héroïnes de se fondre dans l’élément liquide, de se dissoudre à la fois dans l’éphémère et dans l’éternité, riant de toutes les traces dérisoires de leurs pas laissés sur les plages jusqu’à " l’illumination de la terre et de la mer ".

L’écriture fluide et sensuelle de Claire Julier est aussi une forme de sable fin qui coule entre les doigts de ses lecteurs.

André Durussel

1) Braudel Fernand : La Méditerranée est le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II.
Paris, 1966, seconde édition, tome 1.

2) Ramuz C.F. : Remarques. Dans " Œuvres complètes " vol. 18, p.284. Collection Rencontre, 1968.

ESPACES publiera en août 2000 " L’Ile Blanche " de Claire Julier, une nouvelle inédite qui évoque la vie de Iannis, retrouvant son île pauvre où vivaient ses parents. (Tiré à part No 995/2000).

 

  Lettre ouverte à Richard Aeschlimann

Lettre ouverte à Richard Aeschlimann

Cher Monsieur,

Vous avez eu l’amabilité de me dédicacer votre récent recueil d’aphorismes intitulé " L’Eternité d’un jour " avec cette petite phrase bien à vous : " Si les nuages étaient bleus, on ne saurait jamais quand il va pleuvoir ". Je vous remercie vivement et, en lieu et place d’une recension laconique dans ESPACES, j’ai préféré vous écrire ces quelques lignes " à chaud " au lendemain de cette lecture.

Cette Eternité, que vous écrivez toujours avec une lettre majuscule, semble être en effet l’un de vos thèmes de prédilection. Elle est en effet bien plus proche de nous qu’on peut l’imaginer (p. 24) et on la frôle presque tous les jours. Mais vous êtes aussi un artiste peintre, quelqu’un qui a, comme vous l’écrivez à la page 103 " de la couleur sur ses habits et sur ses doigts ". Et vous ajoutez : " …Il en a aussi plein la tête, mais cela on ne peut pas le voir ". Merci de nous avoir donné, par ce nouvel ouvrage, un échantillon bigarré, désabusé parfois, caustique et lucide, de cette couleur intérieure qui est la vôtre. Et comme vous aimez jouer avec la couleur, noire de préférence, vous aimez jouer avec les mots et les métaphores, vous, " l’obscur dessinateur ambitieux ", le " touche-à-tout parfaitement inconnu et satisfait " (p. 133).

J’ai relevé, aux pages 15 et 20, ce que vous dites au sujet des croyants et de cette manière de tendre l’autre joue. Je ne crois pas qu’il faut voir là quelque chose de suspect de leur part. Ils sont peut-être victimes d’une mauvaise traduction du message initial, déformant complètement la portée de ces paroles. Je tiens cela d’un excellent exégète abonné à ESPACES, qui estime que la recommandation est la suivante : tends à ton ennemi une joue autre, mais pas l’autre joue ! Autrement dit, ne tombe pas dans cette sorte de masochisme élevé en vertu chrétienne, mais montre-lui que tu peux recevoir ce châtiment comme une caresse. Cela fait aussi partie de l’art de vieillir, un thème qui revient comme un leitmotiv dans votre ouvrage, sans aigreur ni regrets, mais avec cette distance " philosophique " qui a toujours été la vôtre. Rassurez-vous, vous êtes encore crédible malgré votre âge (p. 26). Et si, un jour, vous ne l’êtes plus du tout, qu’importe, votre vie gagnera encore en sérénité.

" Il est bon que nos racines soient nomades ", écrivez-vous à la page 78. Comme cela est juste et vrai ! C’est parce qu’il était nomade qu’Elie a pu voir cette " brise légère " passer devant sa caverne de l’Horeb.

Bien à vous, cher Monsieur

André Durussel

Aeschlimann Richard : L’Eternité d’un jour, Editions l’Age d’Homme, Lausanne 1999. 21/14 cm., 119p. ISBN 2-8251-1337-9.
Dessin de couverture par l’auteur.

 

  Mémento d'Espaces


AU MÉMENTO D’ESPACES

Outre un hommage à Nicolas Bouvier présenté par Jeanne Michaud et Nouky Bataillard le vendredi 7 avril à 17h00, nous vous signalons, pour le vendredi 14 avril à 17h00, l’audition d’élèves de la classe de chant de Katharina Begert, professeur au Conservatoire de Lausanne, Maison des Charmettes 4, Lausanne.

CATHÉDRALE DE LAUSANNE

Mercredi 19 avril 2000 à 20h30

Les vingt ans de l’Ensemble Vocal Euterpe de Lausanne
avec Laurent DAMI, ténor
Christine Locher-Fleischmann, harpe
Jean-Christophe Geiser, orgue
Direction : Christophe Gesseney : Christophe Gesseney

Programme : La " Missa in simplicitate " de Jean Langlais, écrite en 1949 et la " Messe solennelle, op. 16 " de Louis Vierne (1870-1937) avec deux orgues ; pièces de César Frank, de Leos Janaceck (1854-1928) et de Zoltan Kodaly (1882-1967). "La " Missa in simplicitate " de Jean Langlais, écrite en 1949 et la " Messe solennelle, op. 16 " de Louis Vierne (1870-1937) avec deux orgues ; pièces de César Frank, de Leos Janaceck (1854-1928) et de Zoltan Kodaly (1882-1967).

Entrée : Fr. 20.-, apprentis et étudiants : Fr. 15.- : Fr. 20.-, apprentis et étudiants : Fr. 15.-

LES MANIFESTATIONS DE LA BROYE SUR INTERNET

Depuis plusieurs semaines, il est possible d’obtenir plus de détails sur les principales manifestations de la Broye en consultant le site Internet www.broye.ch. Ainsi , dès que vous serez sur la page d’accueil, laissez défiler les actualités sélectionnées et cliquez sur celles qui vous intéressent. Vous obtiendrez ainsi plus d’informations sur les concerts, théâtres, expositions et animations diverses.

Office du tourisme, Hôtel de Ville, 1530 Payerne
Tél. : 026/660 61 61 – Fax : 026/660 71 26
E-mail : tourisme.payerne@com.mcnet.ch
Internet : www.broye.ch

 

Page créée le 10.03.00
Dernière mise à jour le 09.10.01


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