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        Scènes Magazine - Feuilleton littéraire 
         Germain Clavien - Bastien Fournier - Alain 
        Bagnoud 
      
         
          |   Lutter pour vivre 
            par Germain Clavien, L'Âge d'Homme, 2006v | 
         
         
           
            
               
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                   Écrire pour vivre 
                  Même s'il est (trop) peu souvent 
                    à l'honneur des pages littéraires lémaniques, 
                    qui lui préfèrent les romans périssables 
                    de Paris, le Valais est une grande terre d'écriture 
                    : Maurice Chappaz, Corinna Bille, Jean-Marc Lovay, Germain 
                    Clavien. Excusez du peu ! Et la relève littéraire 
                    est prometteuse avec Noëlle Revaz, Alain Bagnoud, Bastien 
                    Fournier. 
                    Ils sont rares, aujourd'hui, les écrivains qui se frottent 
                    à la fois à la réalité de l'Histoire 
                    et aux interrogations personnelles sur le sens de la vie. 
                    Questionner le monde en même temps qu'on se questionne 
                    soi-même et tenir la chronique précise, poétique, 
                    mais sans concessions des bouleversements de notre époque 
                    : c'est l'ambition de la longue Lettre à l'imaginaire 
                    de Germain Clavien, dont le XIXe volume vient de paraître 
                    sous le titre de Lutter pour vivre*. 
                    On retrouve l'Arvèche et ses habitants au moment où 
                    deux avions fous s'écrasent contre les tours jumelles 
                    du World Trade Center. Déluge d'images en boucle, flots 
                    d'émotion planétaire, cris d'impuissance et 
                    d'indignation. Le XXIe siècle commence le 11 septembre 
                    2001. Nous en serons les spectateurs médusés, 
                    mais aussi, dans quelques semaines, et malgré nous, 
                    les acteurs sommés de choisir leur camp. 
                  Le chantage de la violence 
                  Dans ce livre-brûlot, la réalité 
                    dépasse la fiction. Il faut tout le talent de Germain 
                    Clavien pour faire rendre gorge à ce réel qui 
                    nous submerge, pour décrypter les images-choc des télévisions, 
                    interroger les discours incendiaires, remettre en perspective 
                    l'essentiel et le superflu. Comment décrire ce monde 
                    pris en tenaille entre les menaces terroristes, d'une part, 
                    et les projets américains de " raser " l'Afghanistan, 
                    puis l'Irak, d'autre part, avec le succès que l'on 
                    connaît ? Et comment ne pas céder, à son 
                    tour, au chantage de la violence ? Par l'écriture, 
                    la réflexion, la pratique quotidienne de la poésie 
                    et de la révolte, répond Clavien.  
                    Révolte face à un monde que d'aucuns voudraient 
                    composé uniquement de bons et de méchants. Mais 
                    révolte, également, face à la bêtise 
                    ambiante, au massacre du camp de Jénine par les soldats 
                    israéliens, au tintamarre inutile des FA18 polluant 
                    les montagnes valaisannes, à la culture de pacotille 
                    que prône l'Exposition nationale de 2002
 
                    La liste est longue, comme on voit, des indignations salutaires 
                    de l'auteur. Pour exprimer ses colères, il a recours 
                    tantôt à la chronique, tantôt à 
                    la correspondance, tantôt au poème, magnifique 
                    de simplicité et de vérité, et tantôt 
                    à la satire délicieuse du milieu littéraire 
                    romand
 Comme à son habitude, Clavien joue sur 
                    tous les registres d'un talent qui ne connaît qu'une 
                    seule règle, mais intangible : " sois toi-même 
                    et tu retiendras le lecteur ". 
                    
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          |   Salope 
            de pluie par Bastien Fournier, Éditions de l'Hèbe, 
            2006. | 
         
         
           
            
               
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                    Pluie lustrale 
                  Il est étrange et attachant, 
                    le deuxième roman de Bastien Fournier, Salope de 
                    pluie**, que viennent de publier les éditions de 
                    l'Hèbe. Même si la pluie y joue un rôle 
                    central - une sorte d'ostinato tenace et entêtant 
                    -, le titre ne rend pas totalement justice au thème 
                    du roman, profond et douloureux, déconstruit comme 
                    une musique sérielle.  
                    Simon, le narrateur, n'arrive pas à quitter Aélia, 
                    sa femme musicienne. Et cette impossible rupture, que l'on 
                    pressent inévitable et salutaire, Simon la vit chaque 
                    jour comme une sorte de passion. Qui l'obsède quand 
                    il va donner ses cours au Collège, quand il se promène 
                    dans la rue, quand il va boire un verre avec ses collègues. 
                    Figurée par cette pluie " fine et agaçante, 
                    froide, tranchante. De celles qui transpercent les manteaux 
                    sans égard pour les chaussures, écharpes, chapeaux 
                    ", la rupture résonne comme une voix intérieure 
                    qui le pousse à tout abandonner, son métier 
                    et sa femme, sa ville et ses amis. Déchiré entre 
                    ses aspirations profondes (l'écriture, la musique, 
                    le bonheur) et la réalité qui leur oppose un 
                    cruel démenti, Simon commence à écrire 
                    pour tenir à distance ses angoisses, pour essayer de 
                    rattraper ses rêves. Mais bientôt ses démons 
                    le rattrapent : un écrivain écrit-il ce qu'il 
                    a vécu ou vit-il pour raconter ? Et l'écriture 
                    prend le dessus. Dans un style haletant, un roman construit 
                    comme un puzzle amoureux, Bastien Fournier tient son 
                    lecteur en haleine. La pluie qui ruisselle à travers 
                    ces pages singulières est aussi une pluie lustrale, 
                    qui lave et purifie.  
                    
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          |   La leçon 
            de choses en un jour par Alain Bagnoud, L'Aire, 2006. | 
         
         
           
            
               
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                   Roman d'apprentissage 
                  Avec La Leçon de choses en 
                    un jour***, Alain Bagnoud (né en 1959 à 
                    Chermignon) nous donne un beau roman d'apprentissage. Divisé 
                    en sept parties, son livre raconte une journée très 
                    particulière : le narrateur enfant fête son entrée 
                    dans l'âge de raison (qu'il attend avec impatience). 
                    Qu'est-ce que grandir ? Quand devient-on adulte ? À 
                    quels mystères permet d'accéder cet âge 
                    de raison ? Avec finesse et empathie, Bagnoud recrée 
                    l'atmosphère d'un village valaisan des années 
                    soixante, perdu au milieu des vignes, avec l'école, 
                    l'église, le français mâtiné de 
                    patois que parlent ses habitants. Il analyse aussi sa hiérarchie, 
                    ses règles inquiétantes, la foi mêlée 
                    de superstitions des fidèles, les secrets fascinants 
                    de certains. 
                    La leçon de choses est une ouverture au monde mystérieux 
                    des adultes. Qui n'est plus le monde enchanté de l'enfance. 
                    C'est donc à la fois une découverte et un deuil. 
                    Seule l'écriture permet à l'enfant de concevoir 
                    que " le monde n'est pas toujours ce qu'il semble 
                    être, qu'il est plus riche et complexe qu'il n'y paraît. 
                    " Grâce à ce beau récit, d'une 
                    grande densité poétique, Alain Bagnoud revisite 
                    son enfance et se réconcilie, sans doute, avec ses 
                    racines valaisannes. 
                   * Lutter pour vivre par Germain Clavien, 
                    L'Âge d'Homme, 2006. 
                    ** Salope de pluie par Bastien Fournier, Éditions de 
                    l'Hèbe, 2006. 
                    *** La leçon de choses en un jour par Alain Bagnoud, 
                    L'Aire, 2006. 
                   
                  Jean-Michel Olivier 
                    
                    
                  Retrouvez les pages du feuilleton littéraire 
                    sur le site culturactif.ch avec toute l'actualité culturelle 
                    de Suisse, ainsi que sur le site www.jmolivier.ch. 
                  
                    
                   Page créée le 19.01.05 
                    Dernière mise à jour le 19.01.05 
                    
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