La littérature romande a-t-elle sa place à l'Université ?

Une polémique récente (relayée par Le Temps) a reposé encore une fois la question, après que l'Université de Genève eut pris la décision de supprimer l'unique charge de cours dédiée à la littérature de Suisse romande.

Il a fallu l'intervention courageuse du professeur Michel Jeanneret, alertant les médias, pour que la grande prêtresse de l'Instruction Publique genevoise, Martine Brunschwig-Graf, clame haut et fort que jamais — au grand jamais ! — l'Université n'abandonnera la littérature romande…

Ce feuilleton ferait sourire s'il n'était, hélas, révélateur à la fois d'une méconnaissance et, plus gravement, d'un mépris de la littérature vivante. Alors que la Belgique — et plus encore le Canada — offre aux étudiants des cours de haut niveau sur les auteurs de ces pays (cours suivis par près de 80 % d'étudiants en Lettres), la Suisse, toujours elle, reste à la traîne en maintenant les Cingria, Bouvier, Corinna Bille, Haldas, Vuilleumier et autres Chessex dans des marges anonymes (et bien souvent désertes) de l'Alma Mater.

Plus piquant encore : alors que les écrivains suisses (Cherpillod, Dewarrat, Barilier entre autres) sont invités à parler de leur travail à l'étranger, nul signe fort, ici, d'intérêt ou de curiosité. C'est le silence radio. " Écrivez toujours : on vous lira à votre mort ! "

Ce silence mortifère, si caractéristique des relations entre écrivains et universitaires, a déjà fait plus d'une victime. Ce n'est pas Adrien Pasquali, décédé il y a un an, qui nous démentirait, lui qui devait se partager entre Paris, Genève et Lausanne pour donner chaque semaine deux petites heures de cours…

À l'heure où la Suisse, timidement, fait un pas vers l'Europe, il serait temps que l'Université, elle aussi, s'ouvre aux littératures — diverses, vivantes, contradictoires — qui cherchent leur chemin, entre doute et douleur, dans le silence de ce pays.

Jean-Michel Olivier

Retrouvez les pages du feuilleton littéraire sur le site culturactif.ch avec toute l'actualité culturelle de Suisse, ainsi que sur le site www.jmolivier.ch.

Page créée le 25.06.00
Dernière mise à jour le 25.06.00