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Scènes Magazine - Feuilleton littéraire
Marlyse Piétri - Adrien Pasquali - Anne-Lise Thurler

L’aventure de Zoé

Comme les trois mousquetaires, elles étaient quatre à l’origine : Michèle Zurcher, Arlette Avidor, Sabina Engel et Marlyse Pietri. Quatre jeunes femmes issues de la mouvance contestataire de 68 et toutes passionnées de littérature. Et au début, dans leur petit atelier de Carouge, c’est vrai qu’elles faisaient tout : de la lecture du manuscrit à l’impression finale, du brochage des volumes à leur diffusion aux quatre coins de la Suisse romande.

Vingt-cinq années plus tard, il n’en reste plus qu’une : Marlyse Pietri. Qui, malgré vents et marées, maintient le cap de Zoé, une maison d’édition qui se définit elle-même comme marginale, mais dont la production (une vingtaine de livres par année) est toujours de qualité*.

 Editions Zoé

Les trois âges de Zoé

Si l’on jette un regard à ces 25 années, on s’aperçoit que Zoé a grandi, et bien grandi, et qu’elle a traversé trois âges différents.

Née dans la mouvance soixante-huitarde, elle a d’abord publié des écrits situationnistes (dont le fameux De la Misère en milieu étudiant), des textes politiques (comme les Reportages en Suisse de Nicolas Meienberg) et des récits de vie (tout le monde se souvient de Pipes de terre, pipes de porcelaine, les souvenirs de Madeleine Lamouille, recueillis par Luc Weibel, qui furent le premier best-seller de Zoé).

Le deuxième âge de Zoé est plus typiquement romand. Il débute, pour Marlyse Pietri, avec la découverte de Jean-Marc Lovay, écrivain encensé par Gallimard (où il a publié trois livres), puis rejeté, comme tant d’autres, pour d’obscures raisons commerciales. C’est chez Zoé que le grand taciturne valaisan trouvera refuge pour ses livres à venir. Mais il n’est pas le seul. D’autres le rejoindront, comme Monique Laederach, Roger Favre, Sylviane Dupuis ou Jean-Bernard Vuillème. Cette deuxième époque inscrit Zoé au cœur même de la littérature romande, des débats qu’elle suscite, des espoirs ou des déceptions qu’elle nourrit.

Un nouvel âge arrive, au début des années 90, qui ouvre la maison d’édition aux littératures émergentes. Cette ouverture à la world culture nous permet alors de découvrir des auteurs comme Bessie Head, Nuruddin Farah, Wole Soyinka ou encore Emine Sevgi Ozdamar. Un nouveau souffle traverse Zoé qui, faisant sauter quelques frontières, lui permet de toucher d’autres lecteurs, en Suisse comme en France.

Il y a six ans maintenant, Marlyse Pietri se lançait à son tour dans l’édition de poche, avec la collection des MiniZoé, des textes souvent inédits, soigneusement imprimés sous une jaquette couleur, avec une postface et une bibliographie, le tout pour le prix très abordable de 5 Francs. Dans la dernière livraison des MiniZoé, on a pu redécouvrir des textes autobiographiques de Nicolas Bouvier (La guerre a huit ans), ainsi qu’un important recueil d’articles de Jean Starobinski (La Poésie et la guerre. Chronique 1942-1944) dont nous reparlerons bientôt.

 

 Adieu à Adrien Pasquali, Zoé, 2000 / Adrien Pasquali, Mauvais Coton, Zoé, 2000

Adieu à Pasquali

Malgré l’exiguïté du marché et le mépris affiché par certains médias (L’Hebdo, Le Temps) face à la littérature romande, Marlyse Pietri tient encore bon le cap et la barre. Ce mois-ci, pour fêter dignement son anniversaire, Zoé publie trois livres différents, et émouvants à maints égards.

Il y a tout d’abord le dernier roman d’Adrien Pasquali, Mauvais coton**, le long monologue d’Henriette, domestique soumise et obéissante, qui réagit à sa manière à l’arrivée du nouveau protégé de Madame, dans un huis clos étouffant et tendu. Achevé quelques semaines avant sa mort volontaire, ce Mauvais coton acquiert des résonances particulières et bouleversantes. Il est aussi le contrepoint à ce Pain de silence dont nous avons parlé lors de sa parution en 1999.

Bouleversants, la plupart des textes qui composent cet Adieu à Adrien Pasquali*** le sont également. On trouve dans ce recueil l’essentiel des textes lus pendant la journée d’hommage que l’Université de Genève. (où Adrien enseignait) lui a consacrée le 10 juin 1999. Certains témoignages sont très forts, comme l’hommage de Jean Roudaut, par exemple, qui fut l’un des proches de Pasquali. Ou encore celui de Claude Reichler ou de Claude Darbellay, empreint d’une ironie que beaucoup d’écrivains romands rompus au silence qui entoure leurs livres et aux nombreuses résistances universitaires comprendront (car les hommages, même émouvants, viennent toujours trop tard, ils sont quelquefois excessifs ou déplacés).

 

  Anne-Lise Thurler, Lou du fleuve, Zoé, 2000

Dernier ouvrage en date, Lou du fleuve**** est le cinquième livre d’Anne-Lise Thurler, auteur née à Fribourg, mais vivant au Mont-sur-Lausanne, et à qui l’on doit déjà deux recueil de nouvelles et un roman, Le Crocodile ne dévore pas le pangolin, tous parus chez Zoé. La nature est au centre de ce roman entièrement baigné par le soleil et l’eau, et écrit dans une prose fine et vivante, dominée par les sensations du corps.

Jean-Michel Olivier

* Marlyse Pietri, Une aventure éditoriale dans les marges, Zoé, 2000.
** Adrien Pasquali, Mauvais coton, roman, Zoé, 2000.
*** Adieu à Adrien Pasquali, Zoé, 2000.
**** Anne-Lise Thurler, Lou du fleuve, Zoé, 2000.

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Cet article de Jean-Michel Olivier
a été reproduit avec l'autorisation de la revue SCENES-MAGAZINE
http://www.scenesmagazine.com

 

Page créée le 20.05.00
Dernière mise à jour le 20.05.00

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