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Atelier d'écriture du Département de français moderne
Université de Genève

Consigne : Présentation des moeurs humaines à un Martien qui, après avoir eu l’obligeance d’apprendre la langue française, aurait l’intention de venir faire un tour sur la Planète Terre.

Lettre à un Martien

Tu me demandes qui est l’homme ? Je vais tenter de te répondre, mais sois tolérant : je ne suis qu’un homme.

L’homme croit. Voilà cent mille ans, d’après les livres d’histoire, que l’homme moderne est apparu sur terre ; cent mille ans qu’il naît, cent mille ans qu’il meurt ; et après cent mille ans, il refuse toujours la mort. Alors il s’invente une vie après la vie, un monde meilleur où se réuniraient tous ceux qui ont disparu. Quand un homme meurt, on le met dans une boîte qui le rend inutile même pour les vers. Des champs entiers sont recouverts de petites croix auxquelles les vivants viennent parler de temps en temps ; sans obtenir de réponse. Quand l’homme ne sait pas, il invente. Mais les hommes ne croient pas tous la même chose, ce serait trop facile. Chacun a ses croyances, et bien sûr chacun a raison, alors l’homme fait la guerre à tous ceux qui ont tort.

L’homme possède. Posséder, c’est se donner le droit de disposer de quelque chose en dépit de tous les autres. Il possède la terre qui l’a vu naître et tout ce qu’elle contient, l’air qui l’entoure, les animaux qu’elle nourrit, et même les hommes eux-mêmes. Récemment, il est allé jusqu’à prendre possession de la lune. Il a inventé l’argent, un moyen très pratique de donner une valeur à tout ce qui n’en a pas. Avec l’argent, l’homme peut acheter n’importe quoi, et il achète n’importe quoi : il s’entoure d’objets inutiles, et plus il en a, plus il lui en faut. L’homme s’invente des besoins qu’il comble aussitôt. La vie aussi a son prix, et certains tuent pour de l’argent.

L’homme progresse. Aujourd’hui, il envoie des messages à la vitesse de la lumière, et il croit naïvement qu’il rapproche les hommes. Mais sur ce petit caillou qu’est la Terre, les hommes n’ont jamais été aussi éloignés. La distance qui me sépare de toi, Martien, n’est rien à côté de celle qui sépare les hommes entre eux.

© Joseph Duteil

 

Page créée le 20.11.01
Dernière mise à jour le 20.06.02

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