Consigne : Imaginer une histoire à
partir dun proverbe (dont la signification nest pas indiquée).
A chaque cochon son
samedi (proverbe haïtien, qui a pour sens : « A chacun
son destin », le samedi étant le jour où lon
tue le cochon).
Il y avait à Chonou quatre bouchers. Chacun
tenait une échoppe dans la rue qui menait à léglise.
Ainsi tous les jours en sortant de la messe, après un sermon
sur lun des sept péchés capitaux, les paroissiens
de cette petite ville tranquille se rendaient dans lune des quatre
boucheries. Chaque commerçant avait un nombre de clients qui
correspondait au nombre de personnes qui avaient assisté à
la messe divisé par quatre. Si on a quelque notion de mathématiques,
on saperçoit vite que ces concurrents nen étaient
pas vraiment. Il y avait aussi un jeune garçon qui les remplaçait
tour à tour, un samedi par mois, pour quils puissent aller
à la foire, disaient-ils à leurs femmes (à la foire
aux cochons).
Un samedi matin, Madame Goron, bouchère
par alliance, se rua chez son voisin et se trouva face à une
guirlande de saucissons. Elle dit à Monsieur Bloin, qui se grattait
avec ses gros doigts boudinés, quil naurait pas dû
suspendre ses saucissons au milieu de son magasin. Elle lui demanda
également si le garçon nétait pas chez lui
ce samedi, parce que son mari était parti à la foire et
que le jeune homme narrivait pas. Monsieur Bloin répondit
quil lavait vu entrer dans la boutique de Monsieur Grospierre.
La femme sortit et courut chez Monsieur Grospierre. A lintérieur,
un jeune homme la regarda avec un air surpris, certainement à
cause de son chignon qui était en bataille. Celle-ci aussi était
surprise, non pas à cause du chignon du jeune homme puisquil
nen avait pas, mais à cause du nombre de jambons, qui était
considérable. Passant outre, elle lui dit quil devait travailler
chez eux ce jour-là, que cétait tout de même
incroyable, et quelle nallait certainement pas soccuper
des clients toute seule. Le jeune homme garda presque son sang-froid,
si ce nest quil devint tout rouge et hurla quil ne
sétait pas trompé de jour, dailleurs son patron
était déjà parti et Mme Grospierre était
malade et puis voilà.
A quelques rues de là, sur le perron dune
certaine Mademoiselle Julie, Monsieur Goron et Monsieur Grospierre se
disputent lentrée à coups de poings. La porte souvre,
une jeune fille aux lèvres rouges, au nez poudré et aux
yeux moqueurs en sort. « Voyons, Messieurs... A chaque cochon
son samedi ! On se verra la semaine prochaine, M. Goron. »
© Laurence de Coulon
Page créée le 20.11.01
Dernière mise à jour le 20.06.02