La nuit? - Tombée. Ton visage, aussi. Comme une lune,
il ne brille qu'à moitié. Visage emprunté,
déconfit, "déconfidentiel" si tu pemets
ce mot fabriqué, emprunté et gauche. Visage
qui aimerait tant se montrer sous un autre jour, c'est la
nuit.
La fuite, le tremblement (des lèvres) et la peur accentuent
le malaise. La courroie a lâché. Pourtant, faut-il
souligner à gros traits ce désarroi, bouche
délétère contraignant une parole alors
même qu'elle est trouée depuis tard la nuit,
vieux chandail, tamis, soulier usé, et que ton visage
enfin a sombré. Nul ne t'aiguillera si ce n'est la
lune (l'autre, celle qui bégaie la nuit, la haute nuit.)
Il n'y a pas de pierres, il n'y a pas de flammes. Ces absentes,
bien que tu n'aies jamais demeuré auprès d'elle,
aucun chemin n'y menant même à tâtons -
tu les quittes.
C'est la nuit rude et perdue.
Il n'y a pas de coeur, les choses sont bleues. Vaporeuses,
parfum de cocottes. Je veux dire que nous n'avons pas assez
de nos deux mains pour tisser une âme. Hé! oui
le coeur des choses a tremblé, un spasme, un orgasme,
puis... la flamme qui montait des pieds à l'anus, de
l'anus au cerveau, rebondissant de l'un à l'autre de
ces points cardinaux sans se briser - s'atténue.
Si ce n'est toi qui effaces ou parles, du moins tes doigts
gesticulent.
Ils affrontent la nuit ductile et la pierre et le tendre coeur
et le vain. Ceux-ci, tous, amorcent une réponse en
retournant la question comme un gant.
N'y a-t-il donc rien? Il n'y a rien la nuit.
Nos mains ainsi retournées retournent la vie; et les
choses aussi fortes qu'elles soient muent en encre bleue,
en gesticulations, descendant en nous parfum de nuit.
Frédéric Schneeberger
***
Frédéric Schneeberger. Vit à Lausanne,
né un 9 novembre 1979 (la nuit), d'origine bernoise
(ce qui explique son attrait pour le canton de Vaud...).
Page créée le: 03.03.03
Dernière mise à jour le 03.03.03
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