Par Anne Lavanchy
Certains auteurs trouvaient quil ne fallait
pas y mettre les pieds. Dautres nimaginaient pas une Expo
nationale sans littérature. Finalement Pro Helvetia a décidé
quil valait la peine dassurer la présence de la littérature
pendant les trois derniers week-ends du mois daoût sur lArteplage
de Morat. Cette présence était décrite comme discrète
par certains journalistes. Difficile, en effet, de rendre la littérature,
qui est un art intime, audible et visible dans un tel contexte. Pro
Helvetia et les deux associations décrivains, la Société
Suisse des Ecrivaines et Ecrivains et le Groupe dOlten, ont confié
cette mission difficile à lorganisation lucernoise Zusammenstoss.
Il sagissait de rendre la littérature accessible à
tous, sans pour autant la brader ou la dénaturer. Une difficile
quête déquilibre ! Et quun choix diversifié,
allant des manifestations très classiques à des events
tout à fait inédits, devait assurer. Des lectures bilingues
réunissaient deux auteurs de langue nationale différente
; des croisières en pédalo permettaient découter
un acteur lisant des textes danthologie liés à la
mer ; une soirée de Poetry Slam où des auteurs devaient
emporter ladhésion du public en six minutes en déclamant
leur texte ; un bar sonore ; un week-end dédié à
la bande dessinée ; des débats tels que : La
philosophie peut-elle aider à vivre ? ou
Le livre en quête de lecteur.
Les débats, pas forcément très
ludiques, ont été suivis avec beaucoup dattention,
par un nombre important de visiteurs. Les lectures, qui avaient lieu
dans des endroits fermés, en retrait de larteplage, ont
été bien suivies, surtout quand elles réunissaient
deux grandes dames comme Hanna Johansen et Yvette ZGraggen.
Les formes plus ludiques ont aussi trouvé
leur public. Notamment les lectures sur pédalo qualifiées
par la NZZ de littérature pour analphabètes. Ce qui na
pas empêché le public dapprécier cette manière
décontractée et inspirante dêtre bercé
par les flots et de se glisser dans les textes.
La soirée de Poetry Slam a éveillé
la curiosité de nombreux visiteurs et la salle était comble,
un succès qui en a étonné plus dun !
De toutes les manifestations, cest la nuit
de la littérature qui a été la plus controversée.
Quatre-cent spectateurs étaient au rendez-vous à lintérieur
du monolithe pour entendre des auteurs lire leurs textes et pour suivre
les performances verbales de poètes sonores. Rares ont été
les auteurs qui ont réussi à simposer face à
un public si nombreux. Et les poètes sonores nont pas réussi
à faire passer lémotion.
Alors, la question reste ouverte, fallait-il
vraiment que la littérature soit présente à Expo02
? Cette question dailleurs peut aussi se poser de manière
plus générale : la littérature peut-elle se compromettre
dans des manifestations telles que lectures, débats et autres
pour exister ? La réponse est oui, pour autant quil y ait
une adéquation entre le type de performance et le contexte, ce
qui na pas été le cas lors de la nuit de la littérature,
justement.
Il ne faut pas mépriser les events. Ces
manifestions sont loccasion pour le public de resserrer le lien
avec la littérature, de mettre un visage, un voix sur un auteur.
Dans la masse indifférenciée des titres proposés
cette rencontre est nécessaire et peut-être même
salutaire. Car la rencontre ne sarrêtera pas là.
Les « vrais » lecteurs poursuivront ce premier contact en
lisant le livre de cet écrivain dont ils se sentiront plus proches
pour lavoir rencontré une fois.
Page créée le 01.11.02
Dernière mise à jour le 01.11.02