Prix Gottfried Keller
2001 à Agota Kristof
Elle vit dans un petit appartement un peu sombre,
dans les hauts de la vieille ville de Neuchâtel. Personne ne sait
que vit là l'une des plus grandes écrivaines de langue
française du moment et ça lui convient très bien.
Le grand cahier, traduit en 33 langues, l'a propulsée dans le
monde entier, mais cela ne lui fait ni chaud ni froid: jamais son succès
ne cicatrisera sa blessure d'avoir été obligée
de quitter la Hongrie en 1956. Agota Kristof n'est ni une académique,
ni une "culturelle". Des références et du milieu
artistique, elle se méfie comme Jean Paulhan se méfiait
des critiques. Pour cette femme que rien n'est parvenu à empêcher
d'écrire, qui écrivait sous les bombes et les bruits de
bottes, la littérature n'a rien d'un exercice de style: elle
est la vie même. [...]
Serge Bimpage
lundi, 22 octobre 2001
Agota Kristof erhält den Gottfried Keller-Preis
Agota Kristof erhält den Gottfried Keller-Preis
3. November 2001 in Zürich
Der Preis wurde 1921 geschaffen und wird
nun zum 33. Mal verliehen.
Er ist neben dem Grossen Schiller-Preis der
Schweizerischen Schiller-Stiftung der älteste und angesehenste
Literaturpreis der Schweiz und wird alle zwei bis drei Jahre vergeben.
Zu den Preisträgern gehören u.a.
Heinrich Federer, C.F. Ramuz, Hermann Hesse, Gertrud von LeFort,
Meinrad Inglin, Golo Mann, Ignazio Silone, Elias Canetti, Philippe
Jaccottet, Gerhard Meier, Giovanni Orelli und Peter Bichsel.
Der Preis ist mit Fr. 25000.- dotiert.
|
Agota Kristof reçoit le Prix Gottfried Keller 2001
Agota Kristof reçoit le Prix Gottfried
Keller
Zürich, 3 novembre
Le prix a été créé
en 1921
A côté du grand prix Schiller,
ce prix est le prix plus ancien et le plus prestigieux des prix
littéraires suisses. Il est remis tous les 2 à 3 ans.
Ont déjà reçu le Prix
Gottfried-Keller, entre autres:
Heinrich Federer , C. F. Ramuz, Hermann Hesse, Gertrud von LeFort,
Meinrad Inglin, Golo homme, Ignazio Silone, Elias Canetti, Philippe
Jaccottet, Gerhard Meier, Giovanni Orelli et Peter Bichsel.
Le prix est doté d'un montant
de Fr 25000 -.
|
Die Ehrengabe : Donata Berra
Die Ehrengabe von Fr. 8'000.- vergibt die
Martin-Bodmer Stiftung an die Lyrikerin Donata Berra für ihre
Lyrik und ihre Mittlertätigkeit zwischen der italienischen
und deutschen Literatur.
Diese Gabe ist jenen zugedacht, die sich
sozusagen hinter den Kulissen im Dienst der Literatur verdient gemacht
haben. Ausgezeichnet werden demnach Übersetzungen, wissenschaftliche
Arbeiten, editorische Leistungen und dergleichen. Die Literatur
selbst ist dabei aber, wie die Auszeichnung der Dichterin Berra
zeigt, nicht ausgeschlossen.
|
Le prix d'honneur à Donata Berra
Le prix d'honneur de la fondation Martin
Bodmer doté d'un montant de 8'000. - a été
remis à la poétesse Donata Berra pour son oeuvre lyrique
ainsi que pour sa contibution active aux échanges littéraires
entre Suisse italienne et alémanique.
Ce prix d'honneur est attribué aux
personnalités qui oeuvrent, souvent dans l'ombre, en faveur
de la littérature. Seront distingués les traductions,
les travaux et recherches scientifiques, les prestations éditoriales.
La littérature elle-même peut être récompensée
comme le prouve justement la disctinction qui vient d'honorer la
poétesse Donata Berra
|
Biographie/ Agota Kristof
Agota Kristof, geboren 1935 in Csikvand /
Ungarn, lebt seit 1956 in der französischen Schweiz. Zunächst
arbeitete sie in einer Fabrik und lernte die Sprache ihrer Wahlheimat,
ehe sie sich als französischsprachige Schriftstellerin einen
Namen machte. Ihr erster Roman, Le grand cahier erschien 1987. Er
wurde ein grosser Erfolg und zum Livre Européen gekürt.
Der Roman liegt auch auf deutsch vor (Das grosse Heft), wie auch
Der Beweis (La Preuve) und Die dritte Lüge (Le troisième
mensonge). Diese facettenreiche Trilogie schildert die nicht immer
klar zwischen Fiktion, Realität und Lüge unterscheidbare
Lebensgeschichte zweier Brüder.
Mit ihrem jüngsten Roman, Hier ( Gestern),
1995 erschienen, verschrieb sich Kristof erneut der Suche nach der
Identität. Die Autorin verfasste auch Hörspiele, Theaterstücke
und Gedichte.
|
Agota Kristof, est née en 1935 à
Csikvand / Hongrie. Elle vit depuis 1956 en Suisse romande. Elle
a d'abord travaillé dans une usine où elle a appris
la langue de sa patrie d'élection, avant de se faire un nom
comme écrivaine de langue française. Son premier roman
Le grand Cahier publié en 1987 a connu un grand succès
et a été honoré du titre Livre Européen.
Ce roman est traduit en allemand (Das grosse Heft) tout comme La
preuve (Der Beweis ) et, Le troisième mensonge (Die dritte
Lüge). Cette trilogie à facettes multiples où
se mêlent sans qu'on puisse toujours les distinguer, fiction,
réalité et mensonge décrit l'histoire de deux
frères .
Avec son roman le plus récent, Hier
(Gestern) publié en 1995 , Agota Kristof renouvelle sa recherche
autour du thème de l'identité. Signalons que l'auteure
publie aussi des pièces radiophoniques, du théâtre
et de la poésie.
|
Biographie/ Donata Berra
Donata Berra, 1947 in Mailand geboren, hat
dort Philosophie- und Geschichte studiert. Seit 1970 ist sie Doppelbürgerin
von Italien und der Schweiz. Sie lektoriert in italienischer Literatur
an der Universität Bern. Ihre Lyrik wurde in verschiedenen
Zeitschriften und 1992 auch Buchform unter dem Titel "Santi
quattro coronati" herausgebracht. Der Verlag im Waldgut hat
eine Auswahl davon unter dem Titel: Zwischen Erde und Himmel / Tra
terra e cielo" in Deutsch und Italienisch 1997 vorgelegt.
|
Donata Berra, est née en 1947 à
Milan où elle a étudié l'histoire et la philosophie.Depuis
1970, elle a la double citoyenneté suisse et italienne. Elle
est chargée de cours à l'Université de Berne.
Sa poésie est publiée dans différentes revues
littéraires et dans un recueil édité en 1992
sous le titre, Santi quattro coronati . La maison d'édition
Waldgut a présenté un choix de ces poèmes en
version bilingue sous le titre: Zwischen Erde und Himmel / Tra terra
e cielo"
|
Un essai sur Agota Kristof
ISBN 2-88182-416-1
|
Secoué par Le Grand Cahier, dérouté
par La Preuve, le lecteur qui referme Le Troisième Mensonge
a perdu ses repères : qui est qui ? Qui dit quoi ? Où
est la vérité ? A ces questions vient s'ajouter une
autre énigme : pour quelles raisons Agota Kristof s'est-elle
exilée de son oeuvre en l'attribuant à deux personnages,
Lucas et Klaus ? On ne quitte jamais, dans la Trilogie, les manuscrits
des jumeaux. Du moins en apparence : l'auteur s'applique à
"désécrire" le texte et cherche à
se le réapproprier. Est-ce vraiment délibéré
? L'enquête est ouverte.
Valérie Petitpierre, née en
1974, a suivi les enseignements d'Adrien Pasquali à l'Université
de Genève. Elle travaille actuellement sur les récits
de voyage.
|
Agota Kristof, D'un exil l'autre / extrait
[···]
à limage d'Agota Kristof, les
jumeaux écrivent. Mieux encore, ils sont les créateurs
présumés des trois romans. Ce que nous lisons n'est
pas leur histoire, en effet, telle qu'un narrateur pourrait la dire,
mais leurs manuscrits, l'écriture constituant dès
lors le principal ressort de l'intrigue. L'exil auctorial de la
romancière, et surtout la façon dont il se vérifie,
au sein du texte, tout en se démentant, compte sans doute
parmi les aspects les plus fascinants de la Trilogie. Entre l'uvre
fictive (celle des jumeaux) et l'uvre réelle (celle
d'Agota Kristof) subsiste un subtil décalage suggérant
qu'une main s'applique à "désécrire"
les mots des protagonistes, à leur insu et dans leur dos.
L'auteur réaffirmerait-il en secret son emprise? Chercherait-il
à se réapproprier les trois récits? Alors que,
dans leurs manuscrits, les jumeaux règnent en maîtres
et jonglent avec le mensonge, dans la Trilogie, on dirait bien que
l'auteur règne en maître et jongle avec les jumeaux.
[···]
Extrait de l'introduction :
Agota Kristof, D'un exil l'autre, Valérie Petitpierre, Editions
Zoé
|
Quelques questions à Valérie Petitpierre/ par Mathilde
Vischer
Afin que le lecteur puisse aborder plus aisément
la Trilogie que constituent Le Grand Cahier, La Preuve et Le Troisième
Mensonge Mathilde Vischer a posé quelques questions à
Valérie Petitpierre, auteure de lessai paru chez Zoé
dans la Collection Critique Agota Kristof , Dun exil à
lautre
Valérie Petitpierre, d'où
vous vient cette fascination pour la Trilogie?
Comme tout lecteur, j'ai lu les trois romans
en perdant peu à peu mes repères. Au bout du dernier,
je me suis trouvée complètement déboussolée,
avec en plus le sentiment d'avoir été piégée:
qui est qui, Claus est-il Klaus ou Lucas? Qui croire? Quelle version
des faits est-elle plausible? Sursaut d'orgueil, peut-être:
ma première réaction a été de relire
l'ensemble des récits en cherchant à comprendre pourquoi,
et comment, ce piège avait fonctionné. Ses ficelles
et ses astuces. La principale difficulté est de discerner,
dans les textes que les jumeaux sont censés avoir rédigés,
les énoncés "vrais" des énoncés
"mensongers". Il y a un moment où le texte bascule,
où l'on apprend derrière son dos qu'un des jumeaux
a menti: c'est le dernier passage de La Preuve. A partir de là,
le lecteur se méfie, ce qui ne l'empêche pas de s'égarer.
A mon avis, la Trilogie compte parmi les romans qui sollicitent
le lecteur au plus haut point. Ce dernier doit être actif
s'il veut y voir clair, en un mot ils doit se transformer en détective.
Et que découvre ce détective
au bout de son enquête?
Vaste question... Après avoir fabriqué
des schémas, élaboré des tableaux et dessiné
des graphiques, je me suis rendu compte que l'apparente complexité
de la construction cache une logique implacable. Le Grand Cahier,
La Preuve et Le Troisième Mensonge ont été
structurés avec une grande rigueur. Je n'ai d'ailleurs pas
été surprise d'apprendre qu'Agota Kristof adorait
les mathématiques. Il serait malheureusement trop difficile
d'entrer ici dans les détails. Mais une chose est sûre:
une fois que l'on a trouvé la version plausible de toute
l'histoire, l'on découvre qu'il n'y a aucune contradiction.
Par exemple, le "nous" du premier roman est en réalité
un "je" dédoublé, celui de Lucas. Lucas,
dans le second récit, n'est pas le Lucas qui a rédigé
le "Grand Cahier", mais son frère sous une forme
inventée. Dans Le Troisième Mensonge, l'on apprend
le vrai prénom de ce dernier: Klaus. Une fois ce problème
identitaire résolu, l'on peut très bien retracer les
destins respectifs des deux protagonistes et expliquer l'intrigue.
Vous utilisez des mots tels que "vérité"
et "réalité"? Peut-on vraiment les employer
lorsqu'on parle de littérature?
Effectivement, se demander où se situe
la vérité n'a aucun sens quand il s'agit de fiction.
Par essence, toute littérature prend sa source dans la subjectivité
de son créateur. Les jumeaux sont bien entendu des personnages
imaginaires, nés dans l'esprit d'Agota Kristof. Cette dernière
tend clairement à s'exiler de son oeuvre: n'oublions pas
qu'elle attribue les trois récits aux jumeaux eux-mêmes,
et qu'elle semble refuser de les assumer. Ce n'est pourtant qu'une
apparence: dans la dernière partie de mon étude, je
montre dans quelle mesure l'auteur se manifeste au sein du texte.
Malgré toute la logique et la rigueur dont je parlais tout
à l'heure, de discrets indices laissent entrevoir sa présence,
sa domination, pire: la façon qu'elle a de manipuler les
jumeaux. Finalement, la découverte que la Trilogie réserve
au lecteur attentif et pointilleux s'apparente à ce qu'il
fait à la fin du Meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie.
Seules différences: le narrateur ne dit pas "je"
et il n'est pas question d'assassinat, mais d'autorité!
Propos recueillis par Mathilde Vischer
Page créée le 20.11.01
Dernière mise à jour le 20.06.02
|
© "Le Culturactif
Suisse" - "Le Service de Presse Suisse"
|
|