JÉRÔME MEIZOZ : DES INSTITUTIONS
AUX FETICHES : LES PRIX LITTERAIRES1
Et si vous entendez parler, bien placé comme
vous l’êtes, d’un petit jeu floral qui se monte, pas
trop loin de Paris,
ce serait aimable à vous de m’avertir.Vous connaissez mon
répertoire.
L.-F. Céline
P.-S. Je peux changer de nom.2
Les écrivains, comme le public en général,
témoignent d’une grande ambivalence à l’égard
des prix littéraires. S’il est de bon ton de les mépriser
en public, les prix sont le plus souvent ardemment désirés,
en privé…
Depuis l’entrée en lice des "
grands " prix français dans les trente premières
années du XXe siècle, toute une littérature de
l’ironie ou de la dénonciation à leur égard
a pris son essor. Prêts à voir en tout académicien
un " cadavre " vivant, les surréalistes considéraient
les distinctions littéraires comme des " manifestations
puériles " de la littérature bourgeoise. D’autres
auteurs, situés aux marges de l’establishment, s’en
sont également distanciés. Le 9 juin 1934, Le Figaro lançait
une grande enquête intitulée :
" Faut-il tuer les prix littéraires
? "
Louis-Ferdinand Céline, Prix Renaudot
1932 pour Voyage au bout de la nuit, répondit avec le masque
de cynisme économique qu’on lui connaît :
Tout au contraire, je trouve qu’il faut
multiplier les jurys et les prix littéraires à l’infini
– comme les bistrots – puisqu’ils travaillent en même
temps pour l’esprit. Le salut de notre civilisation est peut-être
de ce côté-là. [ …] Une grande part de l’inquiétude
contemporaine, dont trop de mauvais livres se font l’écho,
est attribuable peut-être à la relative rareté
des prix littéraires. Qu’on en crée d’innombrables
! Pour mon humble part, je dois vous avouer que le Renaudot, en m’apportant
les 1250 francs (environ) de rente mensuels dont j’avais tant
besoin, m’a mis l’eau à la bouche.3
De son côté, en 1950, Julien Gracq,
dans La Littérature à l’estomac, en appelait carrément
à la " police " afin de
Mettre un terme au spectacle glaçant
d’ " écrivains " dressés de naissance
sur leur train de derrière, et que des sadiques appâtent
aujourd’hui au coin des rues avec n’importe quoi : une bouteille
de vin, un camembert - comme ces bambins piaillants qu’on faisait
jadis plonger dans le bassin de Saint-Nazaire en y jetant une pièce
de vingt sous [ …] .4
Le refus que Sartre opposa au Prix Nobel 1964
avait d’autres motifs, plus immédiatement politiques. Il
participe toutefois d’un même dédain des distinctions
bourgoises 5.
En Suisse romande,
vu l’exiguïté du champ littéraire, la question
des prix est sensible. La compromission des jurys occasionne un éternel
commérage. A tel point qu’un des fondateurs du Prix Georges
Nicole, Jacques Chessex, lui-même président et membre de
plusieurs jurys, pouvait écrire sans crainte dans Carabas, s’adressant
à l’historien Henri Guillemin :
Aux redresseurs de torts, je veux déclarer
encore et sans ambages, mon faible pour les distinctions. Que fis-je
il y a trois ans ? Je fondai un prix littéraire. Qui l’obtint
? Un hippy et une sauteuse. Admirez. Galland était secrétaire
du jury. Et ce jury ? Chappaz et compagnie, bien sûr, autant
dire la Main Noire, la garde prétorienne, le syndicat, le Ku
Klux Klan faisant la chattemite autour du tapis littéraire.
Appréciez, la manœuvre est claire
: on fonde un prix à grand fracas, on se juche publicitairement
au jury, on repasse la palme à deux poulains ambigus, qu’on
édite ensuite en famille. Le tour est joué. Je vous
le disais : intrigue, combinaisons, bas calculs au service des pires
ambitions. Chessex a conspiré, il est dans son élément.6
Un Nobel en Suisse
romande ?
Une anecdote, pour commencer. Lors de l’attribution
des 40 000 francs du Prix Romand à C. F. Ramuz, au printemps
1930, la maison Grasset inséra dans les Nouvelles Littéraires,
hebdomadaire français à grand tirage, un espace publicitaire
ainsi libellé:
C. F. Ramuz, Prix Romand 1930. Le plus grand
prix au monde après le Nobel.
On pourrait décerner à cette annonce
le premier prix de l’humour involontaire, tant la disproportion
paraît grande entre le Prix Romand, quasi inconnu du lectorat
français, et le Nobel, prix à vocation universelle par
excellence ! Cet audacieux raccourci social et spatial entre Prix Nobel
et Prix Romand nous invite à considérer les prix en tenant
compte de leur espace de reconnaissance propre.
L’anecdote fait voir également que
la " valeur " ou l’ " effet " d’un prix
ne peuvent être compris sans disposer de certaines données
globales à son propos. Avant d’en venir à tracer
le portrait-robot des prix en général, il serait bon tout
d’abord d’en suggérer une définition de base.
Qu’entend-on, du point de vue sociologique, par " prix littéraire
" ?
Qu’est-ce
qu’un prix littéraire ?
Attribuer un prix, c’est-à-dire désigner
publiquement un objet en le classant dans une hiérarchie, fait
partie d’un processus de " fabrication des grands hommes "7 qui n’est bien sûr pas spécifique au monde
littéraire. Dans notre société, les concours, prix
et distinctions en tous genres structurent dès l’enfance
les hiérarchies scolaires puis, dans les compétitions
d’adultes, celles des sports, des arts, etc.
Si l’on s’en tient à la République
des Lettres, le prix est l’une des institutions
qui sont les organismes dont la " raison
sociale " consiste à réguler la praxis littéraire,
et l’ensemble des valeurs et " usages " qui codifient
cette praxis. Sont institutions de la vie littéraire, en qualité
d’organismes, les académies, les prix littéraires,
les cercles, salons et cénacles, etc. ; le sont en qualité
de pratiques érigées en valeurs, la censure, la déférence
des débutants pour les " maîtres " en place,
la critique, etc. 8
Un prix rend visible un ouvrage et lui attribue
une valeur (" le meilleur roman de l’année ")
: il est un élément de la consécration du "
grand écrivain " de son vivant. Le processus suppose diverses
étapes : une première, d’ordre électif, la
publication ; le couplage, ensuite, d’un discours critique à
son sujet, puis l’inscription dans les anthologies, et enfin dans
les histoires littéraires ou les dictionnaires de littérature.
Les prix littéraires jouent un rôle plus ou moins ponctuel
dans ce dispositif d’éternisation 9.
Du point de vue institutionnel toujours, on remarquera,
avec Robert Kanters 10, l’ambiguïté
du prix : il s’agit d’un acte de " mécénat
", attribué cependant selon une forme démocratique
(mécénat à procédure électorale).
Le prix réunit donc deux états historiques de l’institution
artistique : celle de la protection des oligarques, confiée cependant
sur le modèle égalitaire.
Pour connaître un prix littéraire,
il s’agit de se pencher sur l’institution qui le donne et
son fonctionnement : décrire les mécanismes d’une
fondation, d’une revue, ses statuts, ses buts, etc. Le prix, dans
cette perspective, renvoie à une instance de consécration
parmi d’autres, en l’occurrence le jury, dont on peut également
connaître l’identité, mesurer l’influence sur
le public, etc.
Une telle description institutionnelle est commode
à accomplir, mais elle manque au passage l’un des aspects
essentiels du prix, à savoir le prestige qui lui est attaché
: celui-ci le place dans une sphère où le sacré
joue son rôle. Un prix suscite en effet la croyance ou l’incroyance
11, peu importe, mais fait appel à la logique de la foi et de
l’adhésion (la dévotion ou l’ironie).
Dimension charismatique
des prix
La sociologie des divers " champs "
qui structurent le monde social a tenté de dépasser une
simple approche institutionnelle à l’aide d’un outil
de pensée au premier abord bien inattendu : la sociologie des
religions de Max Weber, ainsi que les remarques de Marcel Mauss dans
son Essai sur la magie 12.
Permettez-moi, lecteur, une petite incursion dans un domaine en apparence
éloigné du nôtre. Weber constatait que certains
domaines du monde social, principalement la religion, sont régis
par un " pouvoir charismatique " ; ce pouvoir, propre au prophète,
est capable d’entraîner l’adhésion des fidèles
en dehors d’une légitimité rationnelle. Il peut également
désigner et produire des " fétiches ", à
savoir des objets investis de valeur sacrée, destinés
au culte. La question du fétiche n’est pas seulement celle
de la magie, problématique à l’ère de la technoscience,
mais surtout celle de la croyance
: à quelles conditions croit-on aux fétiches ? Quand y
a-t-il remise de soi au choix du
prophète ? Réponse de Mauss après enquête
13 : tout dépend, non pas tant
du fétiche lui-même, mais de l’ensemble du groupe
social pour qui le fétiche fait sens, du prophète qui
l’institue, mais aussi de l’objet fétichisé,
sans oublier l’état des rapports entre les fidèles
et le prophète.
Vous avez compris la petite fable empruntée,
assez librement, à Weber et Mauss : il suffit de remplacer "
fétiche " par " œuvre littéraire "
pour poser le problème en termes de sacré. En étudiant
le prix comme un moyen de désigner un " fétiche ",
on se donne aussi les moyens - si l’on ne tombe pas dans cette
métaphore tendue comme un piège - d’élargir
la question à d’autres phénomènes d’attribution
axiologique : par exemple, les concours de Miss Univers, ou, chez les
catholiques de la Contre-Réforme, les interminables disputes
sur la hiérarchie des saints. Même si les sociologues prétendent
avec un certain orgueil ne pas " croire " au prix - comme
il est de bon ton de ne plus croire au Père Noël - ils doivent
bien reconnaître que les prix ont des effets de
croyance et des conséquences
bien réelles dans le champ.
Du point de vue sociologique, le prix côtoie
donc d’assez près l’univers du sacré et de la
croyance, et déborde le strict cadre d’une rationalité
scientifique. Nul jury ne saurait prétendre qu’il découvre
le meilleur roman de l’année comme l’on a découvert
la densité du lithium ou du carbone. La valeur d’un ouvrage,
d’un tableau, d’une pièce musicale, fait certes l’objet
d’un jugement, mais elle n’existe socialement que parce qu’elle
est construite et diffusée par des instances dotées, dans
un état donné du champ, du pouvoir d’imposer
largement cette croyance dans ou des publics.
Tous ceux qui participent à la vie du
monde des lettres savent ainsi d’expérience que l’adhésion
à un prix, est donc la remise de soi au verdict d’un jury,
est très inégale. Le Prix Goncourt, par exemple, présente
un paradoxe qui apparaît dans quelques études sur les pratiques
culturelles en France : ce prix maintient difficilement un quelconque
effet de sacré, profané par les compromissions et donc
profane qu’il est devenu, selon certains14.
Ainsi, peu de gens impliqués professionnellement dans le monde
des lettres accordent-t-il une croyance systématique en l’excellence
du choix du jury Goncourt : parmi le public, le taux maximal d’adhésion-croyance
à ce prix est constaté chez les autodidactes non spécialistes,
l’adhésion minimale chez les " academics "15
dotés d’un capital culturel élevé et spécialisé
dans le domaine des lettres.
A propos du dispositif et du sens des prix,
on peut encore formuler quatre brèves remarques :
- L’appareil rationnel-démocratique
de remise du prix ne devrait pas dissimuler toutefois le fait que
le prix est, dans le champ, le lieu d’un conflit ouvert entre
des valeurs (esthétiques, éthiques, etc.), elles-mêmes
portées par des personnes, et que les prix contribuent à
une nouvelle donne dans le champ,
comme les impulsions électriques, dans un champ magnétique,
restructurent l’ensemble des flux d’énergie.
- Ce conflit permanent est patent dans l’histoire
des prix littéraires français, qui n’ont cessé
de se bâtir les uns contre les autres, sur le mode du "
contre-prix " : le Goncourt (1903) s’est d’emblée
vu opposer, pour soupçon de misogynie, le Prix de la Vie heureuse
(1904), futur Femina. Le Prix Interallié (1930) a été
conçu contre ce dernier, alors que le Prix Renaudot (1926)
contestait les choix du Goncourt. La logique des contre-prix, peut
se lire également au cas par cas : en 1932, Guy Mazeline obtient
le Goncourt pour Les Loups. Louis-Ferdinand
Céline manque de justesse ce prix, mais se voit distingué
par le Renaudot, empressé de signaler ainsi l’ "
erreur " du jury Goncourt. Même scénario en 1957,
où Roger Vaillant obtient le Goncourt. Dans le cadre d’une
querelle sur l’esthétique romanesque qui va lancer le
futur Nouveau roman, le Renaudot revient à Michel Butor pour
La Modification (Simonin, en 1996).
- Un prix devrait donc toujours être interprété
relationnellement, par rapport
aux distinctions attribuées en parallèle.
- Tout prix se consacre
en consacrant : la valeur générale d’un
prix augmente ou diminue avec le destin de ses lauréats. Exemple
limite : un prix régional se donnant pour lauréat un
auteur international se consacre lui-même plus que l’auteur
en question. Celui-ci, d’ailleurs, risque bien de le refuser.
- Un prix peut aussi s’étudier en
fonction des protestations et contestations
qu’il suscite, qu’il s’agisse des critiques
de fond (refus du principe même du prix : Sartre, et Gracq)
ou de forme (critique de tel ou tel choix : ainsi l’intervention
virulente du critique conservateur George Steiner dans la New-York
Times Review of Books en 1984). La critique de forme ne fait
toutefois que renforcer la croyance dans les enjeux du prix, puisqu’elle
suppose l’adhésion au principe de celui-ci.
Pour que le verdict d’un jury ait un pouvoir
illocutoire réel, capable de faire croire et de faire agir, c’est-à-dire
de mettre en branle les maisons d’éditions, les librairies
et les lecteurs, il faut qu’il se pare de l’appareil ordinaire
de l’objectivité, à savoir d’un mode d’élection,
d’un mode de scrutin, de statuts fixes, etc. Sa valeur de fétiche,
ensuite, s’accroît ou diminue en fonction d’autres paramètres.
Je propose donc de radiographier les multiples dimensions d’un
prix littéraire à travers un bref et provisoire protocole
d’étude.
Vers un protocole
d’étude des prix
Il n’existe pas à proprement parler
d’étude sociologique synthétique sur le phénomène
des prix littéraires. Seules d’excellentes études
de cas ont été réalisées (Espmark 1986,
Casanova 1992, Sapiro 1992). Le protocole que j’établis
ici s’inspire de lectures croisées et reste à compléter.
Considérons schématiquement onze dimensions d’un
prix, dimensions qui tracent son profil particulier et sa position dans
un champ donné. Pour chacune des dimensions, je donnerai des
exemples tirés des prix littéraires de Suisse romande
:
Institution
donatrice : revues (Nicole, [ vwa] ), sociétés
d’étudiants (Rambert), fondations privées (Pittard,
Lipp, Schiller, Veillon, Ramuz, Dentan), Etat-canton-commune (Prix Rod,
Prix de l’Etat de Vaud, etc.), sociétés d’écrivains
(Prix vaudois du Livre), radios (Prix des auditeurs, Ruban de la francophonie),
bibliothèques (Prix Bibliothèque pour tous).
Buts explicites
(critères d’attribution des statuts) et
implicites (conflits de distinction) du prix.
Observer les critères d’attribution
présentés dans les statuts. Une large partie du profil
du prix y est inscrite (prix spécifiquement littéraires
/ non spécifiquement, découverte / consécration,
périodicité, genre, valeur économique, composition
du jury, règlement de vote, etc.).
La Deuxième Guerre et ses suites ont donné
lieu à une conjoncture telle qu’étaient possibles,
à côté de prix strictement helvétiques (
Schiller, Rambert), des prix distribués en Suisse romande, mais,
statutairement, d’extension francophone par leurs jurys et leurs
lauréats (Veillon et Guilde). Actuellement, si plusieurs prix
peuvent statutairement être attribués à des auteurs
d’autres nationalités (Rod, Nicole, Dentan, [ vwa] , Grand
Prix Ramuz), leur jury est exclusivement romand, et leurs lauréats
en majorité aussi. Seul le prix [ vwa] / Ville de la Chaux-de-Fonds
est parfois attribué à des auteurs non nationaux et résidant
à l’étranger. Faut-il y voir un repli des prix romands
sur leur territoire ?
Les visées implicites d’un prix sont
plus délicates à observer : d’une part, il y a risque
de tomber dans le discours désenchanté de la compromission
généralisée, de l’autre on rencontre une difficulté
réelle à signaler les conflits de distinctions sans connaître
l’ensemble du champ et les problématiques qui le traversent.
Composition
du jury (mode d’élection, mode de votation).
Il faut répondre ici à plusieurs
questions : qui élit le jury ? qui sont les membres du jury ?
qui constitue la liste des ouvrages soumis au jury ? quel est le mode
de scrutin ?
Tracer aussi le portrait socio-professionnel
du jury : celui-ci se compose le plus souvent d’écrivains,
de journalistes littéraires ou de critiques,
d’ " academics ", et de gens des métiers
du livre, etc. Un jury d’écrivains ne fonctionne pas selon
les mêmes critères qu’un jury de professeurs d’université
ou de journalistes. Il est difficile de tracer ce portrait car il y
a souvent un cumul des fonctions (journalistes-écrivains-enseignants).
Exemple : Prix Nicole (majorité d’écrivains,
quasi-absence d’academics), Prix Dentan (minorité d’écrivains,
bonne proportion d’academics, journalistes, écrivains, bibliothécaires),
Prix [ vwa] (enseignants du secondaire, écrivains, homogénéité
géographique du jury), Grand Prix Ramuz (enseignants, journalistes,
minorité d’écrivains, forte représentation
d’academics).
Fréquence
d’attribution. Plus la fréquence est élevée,
plus d’obsolescence tend à être forte. (Grand Prix
Schiller (4-6 ans), Grand Prix Ramuz (5 ans), Dentan (1 an), Prix des
auditeurs (1 an), Nicole (3 ans), Schiller (1 an), Rambert (3 ans),
Rod (2 ans).
Présélection
des ouvrages et genre(s) récompensé(s). Le roman
et les autres genres narratifs sont les plus primés. Malgré
l’ouverture des statuts à cet égard, l’essai
et le théâtre sont des genres délaissés par
les prix.
Il est difficile d’obtenir des informations
sur la présélection des ouvrages, qui est une étape
capitale du prix : le Prix des auditeurs de la RSR s’est donné
une procédure stricte de présélection qui prévient
toute partialité à priori. Le Prix Rod, par contre, n’en
possède apparemment pas. Il sélectionne tous les ouvrages
" en langue française " des deux dernières années,
romans, essais, nouvelles, poèmes, théâtre excepté,
choisis en principe non seulement en Suisse romande, mais aussi en France,
Belgique, au Québec, aux Antilles, sans compter l’Afrique
francophone. Parmi cette immense masse en concours, le journaliste lausannois
Jean-Louis Kuffer, dont l’ouvrage a été précédemment
préfacé par le président dudit jury, a obtenu le
Prix Rod 1996. La nouvelle donc est d’importance : c’est à
Lausanne qu’a été publié le meilleur roman
le l’aire francophone entre 1995 et 1996, et c’est à
Ropraz (Vaud) qu’il a été primé. Preuve en
est qu’il existe, entre Morges et Vevey, de grands écrivains
capables de tenir la dragée haute à la francophonie !
Mais trève de plaisanterie : il est embarrassant de constater
qu’entre les membres du jury Rod et le lauréat, on relève
une double collusion professionnelle (par 24 Heures) et éditorial
(par Bernard Campiche Editeur), qui laisse pantois l’analyste.
Une miniature helvétique du Goncourt, les tirages en moins…
Age du prix.
Rôle cumulatif de cette dimension. L’ancêtre absolu
est le Prix Rambert, contemporain du Goncourt (1898 / 1903).
Espace géographique
de reconnaissance. Je renvoie, ici, à l’anecdote
du Prix Romand comparé au Nobel.
Valeur économique
versus valeur symbolique (valeur financière, effet sur
les tirages).
On peut grosso modo distinguer en Suisse romande
: une quinzaine de prix entre 3000.- et 8000.-, une dizaine à
10000.- et quelques gros prix de 20 000.- à 100 000.- :
Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la culture
(non spécif.) : 100 000.-, Grand Prix littéraire J.-J.
Rousseau de l’essai : 50000.-, Prix de Lausanne (non spécif.)
: 20 000.-, Grand Prix de la Ville de Genève (non spécif.)
:
20 000.-, Prix européen de l’essai (Veillon) : 20 000.-,
Grand Prix Ramuz : 10 000.-, Prix Pittard : 10 000.-, Prix Dentan :
8000.-, Prix Rambert, Prix Schiller : de 2000.- à 10 000.-, Prix
Lipp : 5000.-, Prix Bibliothèque pour tous : 3000.-, Prix [ vwa]
/ La Chaux-de-Fonds, Prix Rod : 7000.-, Prix des auditeurs : 15 000.-,
Prix Nicole : 3000.- et garantie d’édition.
Contrairement aux grands prix français,
pas un seul de ces prix, si ce n’est peut-être le Prix de
la Fondation Vaudoise pour la culture, n’est à même
de modifier durablement le statut socio-économique de l’écrivain,
d’autant plus que l’effet sur les tirages semble en général
peu important.
Reconnaissance et trajectoire des anciens
lauréats.
Un prix, une fois atteint un certain âge,
tient aussi sa valeur du degré de reconnaissance de ses anciens
lauréats. Un prix de découverte qui n’aurait, en
vingt ans, alimenté aucune relève, perdrait à coup
sûr en réputation.
Qualité
sociale du public de l’auteur primé (avant et après
le prix).
Critère difficile à mesurer sans
études statistiques précises sur le lectorat. On peut
toutefois faire l’hypothèse que certains prix favorisent
le passage d’un public de pairs (champ restreint) au grand public
non spécialisé (champ de grande production). L’exemple
typique est le Goncourt ou certains Prix Nobel (Symborska 1997).
Situation dans la hiérarchie des
prix.
Il s’agit de voir surtout quels sont les
prix qui, par leurs lauréats potentiels, genres, périodicité,
degré de consécration, sont objectivement en concurrence,
c’est-à-dire situés sur le même terrain au
même moment. Dans la hiérarchie des prix romands interviennent,
telles des ombres tutélaires constituant un horizon de référence,
les prix internationaux déjà obtenus (ou ratés
!) par les auteurs.
Schématiquement, on peut dessiner ainsi
la hiérarchie des prix telle qu’elle est perçue en
Suisse romande :
[ Nobel (Ramuz proposé en 1945)]
Goncourt (Chessex 1973)
Renaudot (Borgeaud 1974)
Médicis (Benoziglio 1980)
Prix des critiques (Borgeaud 1952, Bouvier 1982)
Bourse Goncourt de la Nouvelle (Bille 1975)
Bourse Goncourt de la poésie (Chappaz 1997)
Bourse del Duca (Lovay 1976)
Grand Prix Schiller (Chappaz 1997) / Grand Prix
Ramuz (Bouvier 1995) / Prix Européen de l’essai (Barilier
1996)
Rambert / Schiller / Dentan / [ vwa] / Nicole
/ Pittard / Auditeurs / Lipp / Bibliothèque pour tous / Rod
Les " grands " prix français
demeurent l’horizon de référence qui fait étalon
de valeur pour les auteurs romands. Un prix obtenu en France peut être
symboliquement réinvesti dans le champ helvétique et converti
en valeur littéraire.16 L’inverse, rapports de pouvoir obligent,
n’est pas pensable.
Les prix littéraires
en Suisse romande (1970-1996)
Il n’existe pas d’étude de synthèse
ni de répertoire complet des prix littéraires décernés
en Suisse romande. Çà et là, de l’Encyclopédie
illustrée du Pays de Vaud à la page culturelle d’un
grand quotidien, de la brochure d’une société d’écrivains
à l’éditorial d’une revue, l’on peut glaner
les informations nécessaires à en dresser un tableau.
Celui-ci risque donc d’être lacunaire et appellera des compléments.
Il faut signaler ici l’imposant travail
réalisé par Deborah Keller (FNRS), sous la direction de
Roger Francillon (Université de Zurich), dans le but de recueillir
toutes les données chiffrées sur le champ littéraire
romand de 1970 à 1996. Je suis largement redevable aux résultats
de cette recherche, qui seront exposés et analysés dans
l’introduction au quatrième tome de l'Histoire de la littérature
en Suisse romande, à paraître aux Editions Payot, Lausanne.
Il n’est pas facile de dire avec précision
combien de prix littéraires (spécifiques et non spécifiques
confondus) existent en Suisse romande. La brève enquête
conduite par le Journal de Genève (1992) en dénombre "
une quarantaine ", dont la moitié née dans les années
1980, donc récents. L’enquête Keller (1997) en dénombre
quarante-six, parmi lesquels se dégage une quinzaine de prix
réputés, spécifiquement littéraires. A titre
de comparaison, on recense, en 1994, 1500 prix en France 17, ce qui,
en proportion de la population, donne un ratio de 1,4. En clair, il
y a 1,4 fois plus de prix en Suisse romande qu’en France.
Voici une brève
liste chronologique 18,
incomplète, certes, des prix romands
(ou attribués par leurs statuts à des Romands) :
Prix Rambert (1898/1903…), Prix Schiller
(1907…), Prix Romand (1924*), Grand Prix Schiller (1920…),
Prix de la Guilde du Livre (1941*), Prix Charles Veillon (1948*/Prix
Européen de l’essai, 1972…), Grand Prix Ramuz (1950…),
Prix vaudois du Livre (1950…), Prix Georges Nicole (1969…),
Prix Bachelin ( ?), Prix Paul Budry ( ?), Prix Lipp (Genève)
( ?), Prix de la Bibliothèque pour tous (1980…), Prix Ramuz
de poésie (1983…), Prix Pittard (1984 ?…), Prix Dentan
(1985…), Grand Prix J.-J. Rousseau de l’essai (1987…),
Prix des auditeurs RSR (1987…), Ruban de la francophonie ( ?),
Prix [ vwa] et Ville de La Chaux-de-Fonds (1987…), Prix de la Sorge
(1994…), Prix E. Rod (1996…).
En se limitant aux prix spécifiquement
littéraires (excluant donc, par exemple, le Grand Prix de la
Fondation vaudoise pour la culture, ou le Grand Prix de la ville de
Genève que Robert Pinget a obtenu en 1991), un ensemble cohérent
se dégage peu à peu. Je propose encore de répartir
les prix en fonction du critère d’attribution, à
savoir :
1 - prix de découverte (Nicole, [ vwa]
, Ramuz de poésie, Sorge)
2 - d’encouragement (Rambert, Schiller, Dentan, Rod, Pittard)
3 - de consécration (Grand Prix Ramuz, Grand Prix Schiller)
Cette répartition en trois cas de figure
est sujette à caution, car certains prix sont peu " formatés
" en ce sens (Dentan, Rambert). Les cuvées sont parfois
très peu homogènes entre elles (Pittard 1992/1996, Dentan
1996/1997). On peut toutefois en tirer plusieurs remarques :
- Le nombre de prix attribués en Suisse
romande, et la diversité de leurs profils, souvent mal définis
d’ailleurs, est surprenant. L’étonnante densité
du champ littéraire romand 19,
une fois de plus, semble se confirmer. Y a-t-il une dévaluation
de l’idée même de prix lorsque ceux-ci sont en surnombre
? La question se pose en Suisse romande. L’abondance de prix cherche-t-elle
à récompenser, et donc panser, sur place, la souffrance
des auteurs qui, de toute façon, n’accèdent que rarement
au marché français ? 20
Parmi les nombreux prix créés au
cours de ces vingt-cinq dernières années, la plupart sont
des prix de découverte (Nicole, [ vwa] , Sorge) ou d’encouragement
(Dentan, Rod) ; le plus souvent distribués par des revues, peu
dotés, mais très littéraires dans leur visée.
Le modèle de ceux-ci serait le Prix Georges Nicole (1969), qui
a lancé une nouvelle génération littéraire
en Suisse romande. Découvrir et assurer la relève semble
donc être une préoccupation importante de ces vingt dernières
années.
S’ajoute un autre phénomène
récent, lié aux transformations du monde des médias
et notamment à la télévision : l’apparition
de prix de type plébiscitaire (ainsi le Prix des Auditeurs de
la Première), dont le jury est élargi aux lecteurs amateurs
de tous milieux socio-professionnels.
La " compromission
"
La compromission des prix est le sujet rêvé
de la conversation demi-mondaine. A partir des critères que je
propose, disposant de toutes les données nécessaires sur
plusieurs années, il serait séduisant d’évaluer
en quelque sorte le taux de compromission de chaque prix…
Comment ? En comparant le taux de réussite
d’une maison dans un prix (sur plusieurs années) au taux
de représentation de ses affiliés dans les jurys. L’étude,
menée dans le cas du Prix Goncourt entre 1945 et 1971, aboutit
à des conclusions éloquentes et… accablantes : Gallimard
tenant en moyenne 55% du jury sous contrat (5 ou 6 sur 10) entre 1945
et 1971, obtient à la même période 56% de réussite,
soit 14 Prix Goncourt (Caffier, 1994). En 1971, une révolution
de palais lors de l’élection de nouveaux jurés ramène
le contingent Gallimard à trois jurés, en faveur de Grasset
et du Seuil, principalement. Les facteurs macrostructuraux jouent donc
à plein : avant 1971.
Jacques Chessex, publié chez Grasset,
aurait eu de faibles chances d’obtenir le Goncourt, quelle que
fût la valeur de L’Ogre. Est-ce un roman ou un éditeur
qui reçoit le Goncourt ? On peut sérieusement se le demander.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Au printemps
1993, par exemple, le jury Goncourt compte 4 auteurs sous contrat chez
Grasset, 2 au Seuil, 2 chez Gallimard, 1 chez Flammarion, 1 chez Albin
Michel. Dès 1971, c’est le trio " Galligrasseuil "
qui règne, obtenant jusqu’en 1990 82% des prix, avec 70%
des jurés sous contrat (Caffier, 1994, pp. 66-67).
Cependant, ces conclusions sont à lire
avec prudence, car les corrélations éditoriales ne sont
pas les seuls paramètres de ladite compromission. Les relations
d’amitié, de loyauté, les retours d’ascenseurs,
les relations de féodalité sont tacites, donc difficilement
chiffrables.
La neutralité théorique d’un
prix peut se lire en partie dans chacun des onze critères donnés.
Ainsi, l’une ou l’autre des caractéristiques suivantes
prédispose le prix à une éventuelle compromission
:
- Les prix attribués par des acteurs directs
du monde littéraire (collusion forte entre les pairs).
- Les prix d’encouragement (la position du
lauréat fait alors l’objet d’un enjeu maximum dans
le champ).
- Les prix donnés par une institution liée
au lauréat, par le biais de l’éditeur ou de l’employeur
(les maisons d’édition ne peuvent se permettre d’attribuer
des prix en leur propre nom !).
- En cas d’homologies socio-professionnelle
massives entre les membres du jury et le lauréat.
- Si le jury est permanent, choisi par une seule
personne dotée d’une voix préférentielle.
- S’il y a une présélection
effectuée par un groupe restreint, hors procédure de
contrôle.
Jérôme Meizoz, Ecriture n°51- 1998
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
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Id., " " Ecrivain français, s’il veut l’être,
qu’il apprenne notre langue !" ". Littérature
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et le Nobel ", ibid., pp. 79-101.
J. Gracq, La littérature à
l’estomac, Corti, 1950.
NOTES
1. Exposé fait
le 13 septembre 1997, à la maison des Charmettes, à Lausanne,
lors d’une journée organisée par le jury du Prix
Dentan, et suivi d’une table ronde réunissant Daniel Maggetti
(maître d’œuvre et modérateur), Isabelle Rüf
(Prix des Auditeurs), Jean-Luc Seylaz (Grand Prix Ramuz), Françoise
Fornerod (Prix Nicole), Philippe Marthaler (Prix Dentan). Les Prix Lipp,
Rod et de la Bibliothèque pour tous n’ont pas tenu à
être représentés lors du débat. Ce texte
conserve le caractère oral de l’exposé initial.
2. L.-F. Céline, Le style contre les idées, Bruxelles,
Complexe, 1987, p. 117.
3. Ibid.
4. Gracq, 1950 :26.
5. Voir M. Contat, 1992.
6. Carabas, Lausanne, Cahiers de la Renaissance vaudoise, 1971, pp.
73-74. Merci à Daniel Maggetti qui a cité ce passage lors
de son introduction à la table ronde.
7. J’emprunte l’expression à l’anthropologue Maurice
Godelier.
8. G. Moliné, A. Viala, Approche de la réception, Paris,
PUF, 1993, p. 206.
9. Décrire de cette façon la fabrication des grands hommes
suscite un effet de désenchantement. Parfois, une telle mise
à plat, on l’a vu récemment, provoque des réactions
brutales des écrivains eux-mêmes, comparables à
celles d’un magicien dont on dévoilerait le plus beau truc…
10. R. Kanters, " Esquisse d’une sociologie des prix littéraires
", in Preuves, n° 35, 1954.
11. Une étude de toutes les réactions de méfiance,
les dénonciations à l’égard des prix et des
personnes qui y sont socialement portées en dirait long également
sur l’institution.
12. Pierre Bourdieu, les Règles de l’art, Seuil, 1992, pp.
399-403.
13. Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950.
14. Je renvoie ici au débat provoqué, par exemple, par
l’attribution du Goncourt 1997 à Patrick Rambaud pour La
Bataille (Grasset), après le transfert de dernière minute
d’un juré Gallimard (Daniel Boulanger) chez Grasset. Les
articles de démystification ont été nombreux à
cette occasion.
15. Par " academics ", pour éviter toute confusion,
on entend ici les universitaires de formation salariés par l’Université
et liés, à elle par un certain esprit de corps.
16. A propos de la Bourse Goncourt de la poésie attribuée
en octobre 1997 à Maurice Chappaz sacré poète français,
voir mon analyse " Quand Paris découvre les auteurs romands.
Chappaz sacré poète français ", in Journal
de Genève et Gazette de Lausanne, 18-19 octobre 1997.
17. Contre seulement 24 prix recensés en 1924.
18. En italique, les prix aujourd’hui disparus.
19. Entre 1970 et 1996, on recense ainsi, avec les critères les
plus larges, 666 auteurs littéraires, 200 éditeurs, 4903
publications littéraires, tous genres confondus (Enquête
de D. Keller, 1997).
20. Question de Daniel Maggetti, lors de la table ronde du 13 septembre
1997.
Publié avec l'autorisation de l'auteur et
de la revue littéraire Ecriture
Page créée le 20.11.97
Dernière mise à jour le 20.06.02
