| Hommage à Colette Kowalski
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            | Colette 
              Kowalski 1936-2006 , par Iso Camartin |   
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                  | Colette Kowalski 1936-2006
  Ich begegnete Colette im Jahr 1970 
                      in Lyon, zur Zeit, als an den Universitäten das Diskussionsfieber 
                      grassierte, als Politisches und Poetisches sich kühn 
                      mischten, als Zeit zu reden und zu streiten etwas war, das 
                      alle in grossen Mengen vorrätig zu haben schienen. 
                      Sie erschien regelmässig zu den Veranstaltungen des 
                      Goethe-Instituts, wo man literarische Neuerscheinungen deutschsprachiger 
                      Autoren vorstellte. Als Deutschlehrerin an einer französischen 
                      Schule wollte sie sich kundig machen, woher der neueste 
                      Wind auf literarischem Feld bläst. Wir freundeten uns 
                      schnell an: Colette war von geradezu ansteckender Herzlichkeit 
                      und von unwiderstehlichem Charme. Ab und zu lud sie mich 
                      zu sich und ihrem Mann Roger nach Hause zum Abendessen ein. 
                      Dort habe ich erfahren, was französische Lebensart 
                      ist und wie das Bürgerliche und das Intellektuelle 
                      sich in einer Bücherburg verbinden lassen. Damals hatte 
                      ich gerade Chateaubriand entdeckt, die Mémoires 
                      d'outre-tombe, und es gab für dieses zu den Tagesfragen 
                      völlig quer stehende Buch keine enthusiastischere Leserin 
                      als Colette. Wir unternahmen gelegentlich etwas gemeinsam: 
                      am Wochenende mit Freunden eine kleine Kunstreise ins Beaujolais, 
                      oder einen Besuch in der Oper. Dabei entdeckte ich, dass 
                      Kunst und Musik ihr Herz ebenso bewegten wie die Literatur. Später traf ich sie gelegentlich 
                      in ihrer Galerie, die sie inzwischen führte. Einiges 
                      hatte sich verändert: Roger Kowalski, - Dichter, Lebenskünstler, 
                      Ästhet - war überraschend früh gestorben. 
                      Sie hatte begonnen, sich alternative Beschäftigungen 
                      zur Schule auszudenken, die sie mehr als das Unterrichten 
                      von Halbinteressierten lockten: die Galerie und das Geschäft 
                      des Übersetzens. Hartmut Köhler, Romanist und 
                      mit der Herausgabe und Übersetzung von Paul Valérys 
                      Cahiers betraut, trat in ihr Leben. Ich denke, die 
                      Arbeit einer Übersetzerin entsprach nun viel besser 
                      ihren Lebensprioritäten. Und so kam es, dass sie für 
                      viele Gegenwartsautoren zu einer hoch kompetenten und äusserst 
                      einfühlsamen Übersetzerin wurde. Vor allem für 
                      die Verlage Zoé, Gallimard und Le Seuil wurde sie 
                      zur wichtigen Vermittlerin von deutschsprachiger Gegenwartsliteratur. 
                      Über 30 Bücher hat sie aus dem Deutschen ins Französische 
                      übertragen, von Schriftstellern wie Botho Strauss und 
                      Thomas Hürlimann zu Markus Werner und Peter Weber. 
                      Vor allem Autoren und Autorinnen aus der Schweiz müssen 
                      ihr dankbar sein für diese Vermittlung in den französischen 
                      Kulturbereich hinein. Ihre Übersetzungen wurden mehrfach 
                      mit Preisen ausgezeichnet: so etwa mit dem Prix Gérard 
                      de Nerval, dem Prix Lipp oder dem Prix lémanique 
                      de traduction. Ich erinnere mich besonders gern 
                      an eine Eigenart von Colette: Wenn sie glücklich war 
                      und mit sich und der Welt zufrieden, hat sie - etwa beim 
                      Spazieren durch die Strassen einer Stadt - leise vor sich 
                      hingesummt. Sie steckte voll von Melodien und musikalischen 
                      Themen - vor allem die Liedkunst der Romantik hatte es ihr 
                      angetan. Man konnte wunderbar mit ihr über Musik reden 
                      - es bewirkte eine Art Leuchten bei ihr, das der Beweis 
                      dafür war, wie tiefgreifend Musik ihr Leben bestimmte. 
                      Neben dem Reisen durch Italien, das sie ebenso liebte. Nun 
                      hat Colette Kowalski uns verlassen, leise und viel zu früh. 
                      Wenn ich an sie denke, sehe und höre ich sie durch 
                      eine süditalienische Stadt schlendern, eine Melodie 
                      von Schumann oder Fauré vor sich hinsummend.  Iso Camartin   |  |   
            | Heurs 
              et malheurs du traducteur (par Colette 
              Kowalski) |   
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                  | Heurs et malheurs du traducteur
 Mesdames, Messieurs Il vous est peut-être arrivé 
                      au théâtre, restreint de tous côtés, 
                      ankylosé et somnolent, alors que sur scène 
                      les acteurs s'ébattent en liberté et semblent 
                      en tirer un très vif plaisir, de vous demander s'il 
                      ne serait pas plus juste de payer le public dont la présence 
                      patiente rend possible l'exercice d'une activité 
                      si gratifiante.Il en va un peu de même avec la traduction, délectable 
                      occupation qui se voit non seulement rémunérée, 
                      mais parfois, ô miracle, récompensée. 
                      Un traducteur rend-il de si éminents services à 
                      l'humanité, procure-t-il à ses lecteurs autant 
                      de plaisir qu'il en a éprouvé ? J'en doute.
 Certes je lis comme tout le monde 
                      des traductions, sans quoi je ne saurais rien de bon nombre 
                      de littératures. Cela m'arrive même dans les 
                      langues que je connais un peu et je me souviens avec reconnaissance 
                      de la collection "Domaine anglais" dirigée 
                      par Pierre Leyris au Mercure de France qui, sous la même 
                      couverture vert tilleul, m'a fait connaître Kenneth 
                      White, Arthur Symons, Dorothy Richardson et bien d'autres. 
                      Donc, il est assez utile de traduire, et je pense qu'on 
                      peut le faire la tête haute, même si le traducteur 
                      a plutôt mauvaise réputation. Cependant, si l'on considère 
                      que bon nombre de traducteurs de grandes langues européennes 
                      ont passé ou passent encore une partie non négligeable 
                      de leur existence à enseigner l'idiome qu'ils traduisent, 
                      et que selon toute vraisemblance il continuera à 
                      en être ainsi dans l'avenir, on bute sur un petit 
                      mystère, Si leur enseignement est efficace, ils scient 
                      la branche sur laquelle ils sont assis. Or, malgré 
                      les générations de polyglottes formés 
                      depuis des générations dans nos établissements 
                      d'enseignement, on continue à traduire de l'anglais, 
                      de l'allemand, de l'espagnol, même dans la Suisse 
                      quadrilingue. La branche tient bon. Il y aurait peut-être 
                      quelque conséquences à tirer de cette constatation, 
                      mais je ne veux pas le faire, car ce serait déplorer 
                      un échec dont on se félicite secrètement. Le plaisir à traduire, c'est 
                      d'abord un plaisir de lecture. Tout livre qu'on lit est 
                      un supplément d'existence que l'on s'approprie, mais 
                      la traduction est une lecture à la puissance x. Car 
                      la langue étrangère, pour le lecteur qui la 
                      possède à peu près, est une vitre transparente, 
                      elle peut présenter des bulles ou des défauts, 
                      il ne s'y arrête pas. Tout juste s'il se félicite 
                      parfois de ne pas avoir à préciser tel ou 
                      tel passage qu'il perçoit pour ainsi dire sous forme 
                      vaporeuse. Cette vitre ne révèle son caractère 
                      d'obstacle que quand il s'agit de traduire. Pour commencer 
                      tout l'abandonne, la langue source dévoile ses chausse-trapes, 
                      la langue natale semble soudain se dérober, ne lui 
                      présente plus que des trous béants. C'est 
                      pour le traducteur la traversée du désert, 
                      l'expérience de la déréliction. Pourtant j'ai parlé de plaisir. 
                      Il s'affirme au cours des versions successives, des tâtonnements, 
                      lorsqu'il n'est plus besoin de regarder l'original, que 
                      le texte commence à lever comme une pâte, à 
                      prendre forme et consistance. Au plaisir du lecteur succède 
                      alors le plaisir de l'interprète, celui du pianiste 
                      qui, connaissant ses notes par coeur, commence à 
                      modeler son toucher, sa couleur, son phrasé sur ce 
                      qu'il pressent de l'esprit de la musique. C'est une lente 
                      mise à l'épreuve du langage, des ressources 
                      propres, point si propres que cela, car rien n'aide davantage 
                      à traduire que de lire en même temps dans sa 
                      langue et de puiser aux bonnes sources. C'est la tâche de l'auteur, 
                      et éminemment du poète, de chercher "l'or 
                      du temps". Le traducteur, n'a plus qu'à éviter 
                      que, par une alchimie inverse, cet or natif n'entre en un 
                      alliage douteux avec le vulgaire métal de sa langue 
                      propre. Hélas, que de fois l'auteur pourrait-il s'écrier: 
                      "Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé?" 
                      Reconnaissons que tout ce qui s'écrit n'est pas d'or 
                      pur. Nous autres lecteurs n'en pourrions plus d'admiration. 
                      Mais il n'empêche que la transmutation doit s'opérer 
                      au niveau convenable, qu'un argent de bon aloi ne doit pas 
                      se changer en maillechort. Et j'arrive à une autre 
                      composante du bonheur de traduire. Peu d'activités 
                      offrent tant de variété. Un truchement satisfait 
                      de son état accueille avec transport cette diversité. 
                      Caméléon qu'il est, non seulement il ne souffre 
                      pas de sa versatilité, mais trouve plaisir à 
                      changer de couleur. Il lui arrive même d'en être 
                      un peu surpris. Et quoi de plus agréable que d'arriver 
                      encore, de ci de là, à se surprendre soi-même 
                      quand on s'est fréquenté pendant des décennies 
                      ? Cependant le traducteur ne réussit 
                      pas toujours à se rendre invisible. Je pense aux 
                      traducteurs des Mille et une nuits dont Borgès trace 
                      le portrait dans "Histoire de l'éternité", 
                      Galland, Burton, Mardrus et je crois quatre traducteurs 
                      allemands. Il ne s'agit pas pour Borgès de décerner 
                      des prix de fidélité. Aucune de ces traductions 
                      n'est vraiment fidèle, et dans ce cas qui s'en soucie 
                      ? Ce qui l'intéresse, c'est ce qui, dans la traduction, 
                      transparaît du traducteur sans qu'il le veuille ou 
                      qu'il s'en doute. Une coloration d'époque, bien entendu, 
                      car le traducteur vit dans son siècle, mais aussi 
                      des variations plus subtiles, dues au tempérament: 
                      pudique ou un peu prude, brutal ou vigoureux, obscène 
                      ou seulement licencieux. La confrontation donne à 
                      réfléchir, car, bien que toutes ces traductions 
                      soient, chacune à leur façon de bonnes traductions, 
                      elle fait apparaître des manies littéraires 
                      dont aucun traducteur n'est exempt. Pourtant, me semble-t-il, le traducteur 
                      devrait tendre à adopter un manteau couleur de muraille, 
                      avoir l'ambition de retrouver la transparence de la vitre 
                      insoupçonnée. On pourrait penser que la meilleure 
                      façon de se rendre invisible est de s'attacher à 
                      une stricte littéralité, la fidélité 
                      jusqu'à la mort, la mort du texte dans la plupart 
                      des cas. Car l'étroite imitation conduit souvent 
                      à un produit qui n'a de nom dans aucune langue humaine. 
                      Il est fort regrettable que la structure syntaxique de l'allemand 
                      ne puisse guère s'imiter en français et que 
                      le traducteur se sente à tout moment gêné 
                      dans sa liberté de mouvement. S'il est possible et 
                      hautement louable d'écrire comme le fait Saint-John 
                      Perse "Etroits sont nos vaisseaux, étroite notre 
                      couche", peut-on en déduire qu'on est habilité 
                      à retourner la phrase française sens devant 
                      derrière pour "rendre" la structure allemande 
                      ? Quel serait l'opposé de la 
                      littéralité ? Une traduction frisée, 
                      apprêtée au goût supposé du lecteur, 
                      qui gomme les étrangetés, en rajoute quand 
                      elle le peut, se targue même secrètement de 
                      rendre service à l'auteur. je ne dirais pas que cela 
                      ne puisse être parfois bénéfique et 
                      qu'il ne puisse y avoir de traductions meilleures que l'original. 
                      Mais je parle par ouï-dire sans y être jamais 
                      allé voir. Et la cohorte des grands écrivains 
                      affadis, repassés, raplatis par leur traducteur est 
                      bien plus nombreuse que la poignée de pisse-copie 
                      ennoblis par le passage à une autre langue. Ces deux écueils, littéralité 
                      et amélioration, qui l'un comme l'autre témoignent 
                      d'une vraie sollicitude, tout traducteur les connaît 
                      et doit naviguer à l'estime sans s'y fracasser. Infiniment, 
                      incommensurablement plus difficile, et quasi hors de portée 
                      des forces humaines, est de rendre le halo sonore et affectif 
                      qui auréole les mots, dans leur sonorité et 
                      dans leur graphie même. C'est une entreprise impossible. 
                      Jamais "Liebe" pour une oreille française, 
                      ne sonnera comme "amour" ou plus passionné 
                      encore "amore". Jamais le "coeur" français, 
                      que pour comble de disgrâce on prononce à Lyon 
                      chez les vrais natifs comme corps, c'est-à-dire que 
                      dans les vers de Baudelaire "Car à quoi bon 
                      chercher tes beautés langoureuses ailleurs qu'en 
                      ton cher cur et qu'en ton corps si doux", on 
                      distingue mal le viscère de l'ensemble, ce "cur", 
                      si discret, si élégamment gris quand la voyelle 
                      est pure, qu'a-t'il de commun avec l'élan, la projection 
                      dans l'espace du mot "Herz" : "Dein ist mein 
                      Herz, dein ist mein Herz, und wird es ewig, ewig bleiben". 
                      dans le lied de Schubert. Je pense aussi à une exposition 
                      de gravures en noir et blanc que j'avais intitulée, 
                      et je n'en étais pas mal satisfaite "Sang d'encre". 
                      Imaginerait-on une galerie allemande qui annoncerai"Tientenblut". 
                      On touche là à des frontières infranchissables 
                      dont la rigueur se fait sentir surtout en poésie. 
                      Dante écrit dans le "Convivio": "Que 
                      chacun sache que nulle chose par un lien poétique 
                      harmonisée ne se peut de son langage en un autre 
                      transmettre sans rompre toute sa douceur et harmonie". J'évoquerai encore une condition 
                      qui me paraît essentielle et je pense que tout traducteur 
                      me donnera raison: on ne peut se passer d'un conseiller 
                      secret, d'un locuteur conscient de l'autre langue, sachant 
                      distinguer avec sûreté ce qui est fait de langue, 
                      qui ne paraît original au traducteur que parce que 
                      celui-ci ne vit pas dans l'intimité de cette langue, 
                      et ce qui est invention, création personnelle, qui 
                      a de plus le sentiment sûr des niveaux, des registres 
                      de sa langue. L'auteur, s'il est vivant, peut vous guider. 
                      Et je suis très reconnaissante à certains 
                      auteurs qui m'ont évité des bévues 
                      monumentales. S'il en reste, j'en porte l'entière 
                      responsabilité, parce que, ne m'en étant pas 
                      aperçue, je n'ai pas posé de question. Et 
                      pour terminer en véritable truchement, je voudrait 
                      lire un passage de Botho Strauss, beaucoup plus beau que 
                      tout ce que je pourrais dire, empreint de cette étrange 
                      intemporalité propre à lui et qui exprime, 
                      je ne dirais pas de façon exemplaire, car le passage 
                      n'est sans doute exemplaire que de Botho Strauss, mais de 
                      façon littéraire, c'est-à-dire artistique, 
                      ce que peut être cette recherche dans la pénombre 
                      parfois traversée de modestes éclairs. "De vieux traducteurs, rien 
                      que le couple seul le soir dans la rue, ils se dressent 
                      comme deux hautes ombres d'autres, ombres de peau et d'os. 
                      Grands échalas, étirés en hauteur. 
                      Carcasses perdurables avec le même pas, les même 
                      épaules voûtées par la tâche journalière 
                      partagée. Qui longuement auscultent le langage, se 
                      taisent, prennent le vent comme le gibier dans la clairière, 
                      jusqu'à ce qu'enfin l'un tente un nouvel essai [...] 
                      Le mot est éprouvé sur les lèvres, 
                      dans l'oreille, dans l'esprit, dans l'enchaînement 
                      - rejeté par tous deux. [...] Ainsi, quand ils sont 
                      assis face à face au café, ces géants 
                      émaciés; les vieux doigts se rencontrent au 
                      milieu de la table, signalent par un léger tapotement 
                      quand quelque chose semble venir, quelque chose de commun 
                      dans le langage qui sans cesse se dérobe. Des heures 
                      durant ils méditent sur le mot commun. Quel halo, 
                      quelle connotation, quelle mélodie primordiale, quel 
                      appel expiré le mot frôle-t-il ?Ce n'est pas à elle qu'il parle, pas plus qu'elle 
                      ne parle à lui. Ils parlent pour trouver ce qui manque, 
                      peu de choses certes, insatisfaits qu'ils sont de tout mot 
                      trop vite adopté. Il faut très longtemps pour 
                      que se dégage la solution commune, il s'agit de traduction. 
                      [...] Et tandis que l'homme peut-être persiste dans 
                      un état de mutisme très profond, animal, la 
                      femme sent souffler un vent de voix, de sorte que le mot 
                      s'envole de ses lèvres, sans effort, sans qu'elle 
                      le veuille [...] Commence un réarrangement expérimental. 
                      Mais ce mot, produit d'une quantité d'autres déjà 
                      écartés, ne sonne pas juste non plus, bien 
                      qu'il brasille un peu comme le feu de position du bac sur 
                      le fleuve nocturne. Il ne parvient pas à se dépasser... 
                      Néanmoins ce qui est arrivé nécessite 
                      une interprétation et c'est cette nécessité 
                      qui a fait les deux vieillards si grands et si maigres, 
                      comme si l'intraduisible minait l'homme, comme si cette 
                      résistance l'étirait en longueur. Ils s'élèvent 
                      déjà si haut qu'ils voient par la fenêtre 
                      du premier étage les familles attablées pour 
                      le repas du soir - s'il leur arrive de lever le triangle 
                      effilé de leurs visages, au lieu de la tenir obstinément 
                      baissé sur la pointe de leurs pieds."
 Il me reste à remercier les 
                      membres du jury, monsieur le professeur Lenschen qui se 
                      bat pour que vive ce prix, et vous tous, ici présents, 
                      pour votre bienveillante attention. Colette Kowalski Sixième remise du Prix lémanique 
                      de la traduction littéraire 2000. Colette Kowalski 
                      et Yla M. von Dach. Ed. Walter Lenschen, série: Prix, 
                      2001, 104 p.   |  |   
            | Extrait 
              de Feuxcroisés n°4 : Entretien avec Colette Kowalski, 
              par Isabelle Rüf |   
            | 
                 
                  | En 2002, la revue Feuxcroisés 
                      n°4 consacrait un dossier à Colette Kowalski. 
                      Nous vous en proposons ici des extraits.
 Traduire, comme d'autres 
                      jouent aux billes
   Entretien avec Colette Kowalski Au cours d'un atelier organisé 
                      l'an dernier à bord du Bateau inter-lignes, journée 
                      que la Collection ch organise chaque année sur l'eau 
                      en l'honneur des passeurs que sont les traducteurs, il fut 
                      donné lecture d'un travail en cours sur le roman 
                      de Peter Weber, Der Wettermacher: un texte jugé 
                      proprement intraduisible en vertu de ses néologismes, 
                      ses jeux de mots, des emplois qu'il fait du dialecte et 
                      de son rythme très particulier. Le kamikaze de la 
                      traduction se révéla être la Lyonnaise 
                      Colette Kowalski. On cita alors une trouvaille de la téméraire: 
                      là où le romancier alémanique voyait 
                      des "Wesen und Aber-wesen", elle avait imaginé 
                      des "êtres et des peut-être". Rendre 
                      à la fois aussi rapidement l'ambiguïté 
                      et l'étrangeté de l'énoncé, 
                      c'était une belle intuition. Colette Kowalski a donné 
                      de nombreuses preuves de son audace stylistique en se confrontant 
                      à des écritures complexes. Si elle l'a exercée 
                      sur de nombreux auteurs de Suisse allemande, elle ne voit 
                      pas chez eux d'écueils particuliers. La dif?culté 
                      est partout et parfois dans les textes simples.Après avoir longtemps exercé le métier 
                      d'enseignante, Colette Kowalski a pratiqué à 
                      Lyon un métier qui est aussi une passion. Elle effectue 
                      de longs séjours en Allemagne pour entretenir un 
                      rapport vivant à la langue. En raison d'un agenda 
                      compliqué, la rencontre a donc été 
                      virtuelle, sur une aire de ces "autoroutes" de 
                      la communication, par les sentiers du e-mail.
  - Colette Kowalski, comment êtes-vous 
                      venue à la traduction?  - J'ai commencé à 
                      traduire "of?ciellement" assez tard, en ce sens 
                      seulement je suis encore une jeune traductrice. Si je précise 
                      "of?ciellement", c'est que j'ai, depuis l'adolescence, 
                      beaucoup traduit, comme d'autres jouent aux billes, par 
                      plaisir, mais aussi dans l'espoir d'apprendre les langues, 
                      en particulier l'allemand dont j'avais besoin pour faire 
                      une licence (ancien style) de lettres modernes.J'ai donc étudié à Lyon et à 
                      Paris. Dans le même temps, je suivais les cours du 
                      Conservatoire d'art dramatique de Lyon, car le théâtre 
                      me paraissait la chose la plus intéressante du monde. 
                      Finalement j'ai enseigné le français et l'allemand 
                      au collège et au lycée et, après la 
                      mort de mon mari, le poète Roger Kowalski, j'ai dirigé 
                      pendant quinze ans une galerie d'art à Lyon, la galerie 
                      K, activité point vraiment lucrative, mais très 
                      enrichissante par les amitiés nouées avec 
                      les artistes.
  - Quels sont vos liens avec la 
                      langue allemande?  - Mes premiers contacts avec l'allemand 
                      ont été les opéras de Wagner et les 
                      lieder de Schubert. Je n'avais pu apprendre l'allemand à 
                      l'école, car, dans les années d'après-guerre, 
                      c'était une langue peu proposée. C'est donc 
                      par la musique que j'ai connu mes premiers mots d'allemand. 
                      On peut faire pire! Cependant, reconnaissons-le, le vocabulaire 
                      ainsi acquis ne se révèle pas d'une grande 
                      utilité dans la vie courante. Il est dif?cile de 
                      placer un Lindwurm dans la conversation. Il m'a fallu faire 
                      de nombreux séjours en Allemagne, en général 
                      avec le Goethe-Institut, pour acquérir un peu de 
                      pratique. Et depuis vingt ans, je passe beaucoup de temps 
                      en Allemagne, surtout depuis que je n'enseigne plus.  - Et comment avez-vous donc fait 
                      le pas de la traduction?  - Si je suis devenue traductrice, 
                      je le dois à Bernard Lortholary que j'ai rencontré 
                      à Paris, alors que je venais de traduire la thèse 
                      de Hartmut Köhler, sur les Cahiers de Paul Valéry. 
                      Dans la conversation il m'a proposé un essai (il 
                      était alors directeur de collection chez Flammarion), 
                      ce fut Doris Dörrie, Liebe, Schmerz und das ganze verdammte 
                      Zeug (Amour, délire et morgue). Devenu éditeur 
                      chez Gallimard, il m'a par la suite régulièrement 
                      con?é des livres et je lui dois beaucoup.  - Peter Weber, Iso Camartin, 
                      Peter Utz..., comment se fait-il que vous traduisiez autant 
                      d'auteurs suisses?   - Mes relations avec la Suisse, 
                      et en particulier avec les éditions Zoé, ont 
                      commencé peu après. Le deus ex machina fut, 
                      dans ce cas, Iso Camartin que j'avais connu à Lyon 
                      et qui me demanda de traduire son livre, Nichts als Wörter? 
                      (Rien que des mots?) qui parut chez Zoé. Par 
                      la suite, j'ai encore traduit, toujours chez Zoé, 
                      deux livres d'Iso Camartin et d'autres auteurs suisses. 
                      La dernière parution est le très beau livre 
                      de Peter Utz sur Robert Walser. Beaucoup de bonnes choses 
                      me sont venues de Suisse: la connaissance de Marlyse Pietri 
                      et les rapports de con?ance que nous entretenons, une bourse 
                      de Pro Helvetia, deux fois le prix Lipp (qui ne concerne 
                      qu'accessoirement le traducteur), le Prix lémanique 
                      de traduction l'année dernière, et de temps 
                      en temps des travaux pour la revue Passages de Pro Helvetia 
                      ou, ce qui me plaît tout particulièrement, 
                      pour le musée de Genève, par exemple pour 
                      le catalogue Cuno Amiet ou dernièrement pour celui 
                      de l'exposition "Un siècle de dé?s".  - La traduction d'auteurs alémaniques 
                      pose-t-elle des problèmes particuliers?  - Je ne pense pas qu'un écrivain 
                      suisse pose au traducteur des problèmes spéci?ques. 
                      Il me semble que la discussion autour des "différences" 
                      langagières est une sorte de serpent de mer que l'on 
                      ressort de temps en temps pour meubler les réunions 
                      entre traducteurs. Cela vaut aussi pour le français 
                      "fédéral", qui, à d'in?mes 
                      et savoureuses nuances près, ne se distingue en rien 
                      de ce qu'on écrit dans le pays voisin. Bien sûr 
                      Ramuz n'écrit pas comme Giono, mais c'est affaire 
                      de personnalité littéraire, non de langue.[
] [
]  - Qu'aimez-vous dans ce travail?  - Si j'aime tellement traduire, 
                      c'est sans aucun doute qu'il s'agit là d'un art d'interprétation. 
                      Le traducteur n'est pas un créateur (beaucoup de 
                      grands traducteurs ont été ou sont aussi des 
                      écrivains, l'un n'empêche pas l'autre, parfois 
                      même l'un ?nance l'autre! mais je suis sûre 
                      qu'ils ont parfaitement conscience d'agir à deux 
                      niveaux différents), il avance à l'ombre de 
                      son auteur, sa responsabilité est limitée, 
                      celle du créateur est entière.  [
]  - Y a-t-il des aspects pénibles 
                      dans cette profession?   - Non, sauf quand on a ?ni un livre 
                      et qu'il n'y en a pas d'autre en vue. Sauf quand on rêve 
                      de traduire quelque chose et que l'on s'aperçoit 
                      que c'est déjà fait. Sauf quand on voudrait 
                      faire accepter un texte qui vous est cher et que l'on se 
                      heurte à des refus. Sauf quand on souhaiterait se 
                      voir proposer quelque chose que l'on n'a jamais fait (dans 
                      mon cas du théâtre), et que cela n'arrive jamais. 
                      Sinon le travail lui-même n'est pas pénible. 
                      Désespérant, oui, parfois, dans la phase de 
                      déchiffrage ou de défrichage, mais cela ne 
                      dure que le temps du premier contact. Une fois que l'on 
                      dispose d'une première version, même très 
                      imparfaite, d'autres mécanismes se mettent en marche, 
                      l'idiome natal reprend le dessus, et rien n'est plus passionnant 
                      que de sentir le texte prendre forme.  Propos recueillis par Isabelle Rüf 
                       |  |   
            | Colette 
              Kowalski, par Marlyse Pietri |   
            | 
                 
                  | 
 Colette Kowalski s'est lancée 
                      sans hésiter, avec un savoir-faire lumineux, dans 
                      les traductions les plus difficiles que je lui ai proposées 
                      : le livre de Peter Utz sur Robert Walser (Danser dans 
                      les marges), un essai de 500 pages bourré de 
                      citations de Walser ; le roman de Peter Weber (Le Faiseur 
                      de temps), l'exemple même d'une fiction qui passe 
                      pour un défi à la traduction ; et dernièrement, 
                      le gros volume de Peter von Matt (Sang d'encre. Voyage 
                      dans la Suisse littéraire et politique), un ensemble 
                      de portraits savamment reliés entre eux aux fins 
                      de prouver que les Suisses écrivent une littérature 
                      plus proche de la politique de leur époque qu'on 
                      ne se l'imagine d'ordinaire. Colette Kowalski, française, 
                      a été un passeur de la littérature 
                      alémanique pour les lecteurs francophones, avec maestria. 
                      Il faut encore citer Eveline Hasler, Hanna Johansen et Iso 
                      Camartin dont elle a traduit trois livres. 
                     Elle a aimé et su jouer avec 
                      les mots en prenant les risques du créateur. La soirée 
                      de lecture à deux voix, celle de Peter Weber en allemand, 
                      la sienne en français, dans une librairie lausannoise 
                      en 1999, a été un moment intense, rythmé 
                      et joyeux de la lecture publique en Suisse romande. Cette 
                      voix s'est tue, nous ne l'entendrons qu'en lisant ses pages, 
                      avec une immense tristesse. Marlyse Pietri   |  |   
            | Oeuvres 
              traduites par Colette Kowalski |   
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                        | Hartmut Köhler | Paul Valéry 
                          - Klincksieck 1985 |   
                        | Doris Dörrie | Amour, délire 
                          et morgue - Flammarion 1989 |   
                        | Iso Camartin | Rien que des mots 
                          - Zoé 1989 |   
                        | Marion Dönhoff | Une enfance en 
                          Prusse orientale - Albin Michel 1990 |   
                        | Albert Drach | Voyage non sentimental 
                          - Plon 1990 |   
                        | Gabriel Loidolt | Le phare - 
                          Gallimard 1991 |   
                        | Hanna Johansen | Retour à 
                          Oraïbi - Zoé 1991 |   
                        | Joseph von Westphalen | Dans la carrière 
                          - Gallimard 1993 |   
                        | Eveline Hasler | Le géant 
                          dans l'arbre - Zoé 1992 |   
                        | Eveline Hasler | La femme aux ailes 
                          de cire - Zoé 1993 |   
                        | Norbert Gstrein | Le registre 
                          - Gallimard 1994 |   
                        | Beate Brüggemann | Le village allemand 
                          - Presses universitaires du Mirail 1994 |   
                        | Markus Werner | A bientôt 
                          - Gallimard 1994 |   
                        | Dieter Bachmann | Rab - Zoé 
                          1995 |   
                        | Botho Strauss | L'incommencement 
                          - Gallimard 1995 |   
                        | Iso Camartin | Sils-Maria 
                          - Zoé 1996 |   
                        | Pham Thi Hoai | Menu de dimanche 
                          - Actes Sud 1997 |   
                        | Emine Sevgi Özdamar | La vie est un caravansérail 
                          - Zoé 1997 |   
                        | Botho Strauss | Pénombre, 
                          demeure, mensonge - Gallimard 1997 |   
                        | Elfried Kern | Etude pour Adèle 
                          et un chien - Gallimard 1998 |   
                        | Peter Weber | Le faiseur de temps 
                          - Zoé 1998 |   
                        | Botho Strauss | Les Erreurs du 
                          copiste - Gallimard 1999 |   
                        | Katrin Seebacher | Matin ou soir - 
                          Gallimard 1999 |   
                        | Iso Camartin | Le principe de 
                          voisinage - Zoé 1999 |   
                        | Peter Utz | Robert Walser 
                          - Zoé 2001 |   
                        | Sven Regener | Herr Lehmann, 
                          Paris, Le Seuil, 2004. |   
                        | Thomas Hürlimann | Mademoiselle Stark, 
                          Paris, Le Seuil, 2004 |   
                        | Marica Bodrozic | Tito est mort, 
                          Paris, Editions de l'Olivier, 2004. |   
                        | Peter von Matt | Sang d'encre. 
                          Voyage dans la Suisse littéraire et politique, 
                          Zoé, 2006. |  
 Page créée le 06.06.06Dernière mise à jour le 16.06.06
 
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