La rage au cur
Retenez bien ce nom : Isabelle Flükiger.
Dans le paysage parfois convenu de la littérature romande,
son premier livre, Du ciel au ventre*, apporte un souffle
résolument neuf et libre. À travers les mésaventures
de deux amies fribourgeoises qui décident de monter
à Paris pour s'encanailler, et chercher ailleurs les
émotions que la Suisse leur refuse, on peut lire un
hymne à la liberté sexuelle, jamais vécue
comme un fardeau, mais plutôt sur le mode de l'expérience
jubilatoire. Interview.
- Depuis quand écrivez-vous ?
- Le premier texte dont je me souvienne
est un conte de noël écrit à l'école
primaire. Mais c'est plus tard, au collège, que j'ai
véritablement commencé à écrire
: des poèmes, des nouvelles.
- Comment est née l'idée
du livre ?
-J'ai rêvé d'une copine
qui me courait après au bord d'une piscine, sur une
avenue juste en dessous de chez moi, et me reprochait de ne
pas vivre " à cent à l'heure ".
- Est-ce un récit autobiographique
?
- Pour moi, écrire un récit,
c'est suivre un personnage qui vit des péripéties.
Mais il n'y a aucune dimension autobiographique. C'est plutôt
une manière d'exorciser l'idée de débauche
ou d'encanaillement.
-Qu'est-ce que votre héroïne
va chercher à Paris ?
-Mon héroïne s'emmerde.
Elle vit à Fribourg qui est une ville par définition
emmerdante ! Elle rêve de Paris comme d'une ville anonyme
où elle pourra faire ce qu'elle veut, loin des regards
qui la connaissent. Là-bas, elle pourra être
absolument libre.
- D'où vient cet ennui ?
- C'est lié à sa vie
et à la ville où elle vit. C'est un personnage
plutôt passif qui subit ce qui lui arrive. Elle est
obligée d'aller chercher ailleurs les aventures et
les émotions.
-Ce qu'il y a d'intéressant
dans votre récit, c'est que votre héroïne
" libérée " par ses expériences
parisiennes revient finalement à Fribourg. Pourquoi
?
- Parce qu'elle est obligée
de revenir. Elle habite à Fribourg, elle gagne sa vie
à Fribourg, elle a son copain à Fribourg. Dans
son esprit, Paris reste une sorte de parenthèse. Peut-être
aussi qu'elle revient vers ce qui, à la base, la motive
: l'idée de révolte. Il faut toujours revenir
vers ce qui nous empêche d'exister.
- La morale de l'histoire, c'est qu'on
n'échappe pas à son ennui
- Oui. C'est une femme toujours partagée
entre des sentiments contradictoires, ballottée, déchirée.
Ce qu'elle trouve en fuyant à Paris, loin de la réconcilier
avec elle-même, la partage davantage.
Propos recueillis par Jean-Michel Olivier
|