"On se rappelle d'un
pays recouvert de neige où il n'y avait
pas de saison hors celle-là. Et sous la
neige, il n'y avait rien. On se souvient d'avoir
creusé, à un endroit, puis à
un autre, puis plus loin encore, pendant des générations.
[
] On a accepté la chose comme elle
était, qu'il n'y avait pas plus sous nos
pieds qu'il y avait dans le ciel, au-dessus de
nos têtes. Et on a eu peur d'avoir été
oublié."
De l'ensemble de ces récits surgit un univers
rude, paysan et montagnard, hanté par un
passé ancestral et patriarcal. A la rudesse
des murs, avec des familles rongées
par le manque de communication, la tyrannie des
pères ou leur absence, la présence
étouffante des mères, l'inceste,
la mort violente, fait écho la sauvagerie
de la nature. Une peur diffuse règne en
effet sur ce monde alpin : peur de l'incendie,
de l'avalanche, des chutes de pierres, voire d'un
hiver qui durerait toujours. La modernité
semble apporter surtout l'abrutissement, par le
biais de la télévision, et le maintien
d'une tradition sclérosée voulue
par le tourisme. Mais l'apaisement se fait sentir
parfois, au détour d'une conversation,
dans le plaisir des sens, ou au contact de la
nature. Et dans les derniers récits, le
personnage finit par s'arracher au poids du passé
et retrouve un rapport heureux au monde : "Tout
son corps respirait le monde, l'inhalant et l'exhalant,
sans que ce centre ni cette présence ne
se dissolvent."
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