[..] Alors l'enfant du pays écrit.
Mais ce n'est pas tout à fait pour briser le silence,
plutôt pour essayer de le rendre moins inquiétant:
en l'apprivoisant à travers ses histoires, en l'invitant
au sein même de l'écriture, elliptique. Les
phrases sont serrées et précises pour dire
les douleurs et les incestes latents, les vieilles haines.
En quelques mots surgit un monde rude, ancestral, à
la fois immense et oppressant, effrayant et magique.
[...] Patrick Rossier esquisse ainsi
un Valais loin des cartes postales, où tradition
et modernité font un drôle de mélange,
où la montagne sert à la fois de décor
et de personnage à part entière - tout ensemble
"énorme et resplendissante, sévère
et grandiose".
[...] Ici la neige qui tombe pendant
des jours sans interruption isole un homme et menace sa
raison ("Le bal des nuées blanches"); là,
elle recouvre le monde d'un manteau d'oubli bien pratique
pour celui qui veut faire un crime, dans un village déserté
par les jeunes générations ("Amnésie").
Plus loin, la violence se transmet de père en fils,
lignée maudite dont les malheurs hantent le village
("Le village dans la montagne"). Ailleurs, un
verger d'abricotiers "filtre les lumières des
courts de tennis et la quiétude du soir exacerbe
le sentiment de vide et d'ennui ("Vivre"). Car
souvent on étouffe chez Patrick Rossier, coincés
entre la démesure du ciel et l'étroitesse
des esprits.
Au final, chaque nouvelle forme l'une des facettes d'un
tableau cohérent puissant, contrasté, qui
s'achève sur une touche d'espoir. [...]
Anne Pitteloud
17-18. 06.2006
[
] Les pères sont tyranniques
ou absents, les mères résignées et
possessives. On se marie entre soi, il y a des incestes,
des meurtres, des suicides. La nature n'offre ni consolation
ni échappée. Elle distille le danger: tempêtes
de neige, avalanches, feu, chutes de pierre... La modernité,
lorsqu'elle parvient à se frayer un chemin, par le
biais de la télévision en particulier, apporte
davantage d'abrutissement que d'ouverture. Mais un jour,
on monte dans un car et l'on quitte le village. Ce pourrait
être le Valais, ce pourrait être ailleurs, et
pourquoi pas une contrée intérieure. Ce pourrait
être aujourd'hui, ce pourrait être hier. Le
"pays" de Patrick Rossier est oppressant, son
écriture sans âge. Le visiter relève
de l'expérience peu ordinaire.
Manuela Giroud
7.6.2006
On songe à Ramuz dont un extrait
de La grande peur dans la montagne est placé en exergue.
On pourrait aussi évoquer Giono. Qu'importe les références
finalement. Les récits de Retour au pays natal
parlent d'eux-mêmes. [
] Impossible dès
lors de "jouir de la vie". Contrairement au mythe,
le monde paysan n'est ni solidaire ni enclin à l'entraide.
Dans la dernière histoire, Petit-Pierre s'en tire
quand même en tournant le dos au passé. Il
ne veut, ne peut plus vivre, à l'image d'un autre
personnage, "comme un ivrogne sans vin". Le progrès,
représenté par cette télé qui
abrutit et ce tourisme qui idéalise la montagne,
ne modifie pas l'âpreté de l'existence dans
la montagne. Rien n'a changé depuis le temps où
les bâtisses s'écroulaient "vaincues par
l'animosité et la méfiance qui régissaient
l'essentiel des relations".
Michel Imhof
29.5.2006
Patrick Rossier est Valaisan, il
a 35 ans et son premier livre est une merveille. Onze récits
racontent un pays de montagne rude et tyrannique, où
la sauvagerie de la nature fait écho aux familles
rongées par le manque de communication, l'inceste,
où la violence sournoise rôde aux fenêtres.
L'exergue de Ramuz, tirée de La grande peur dans
la montagne, donne le ton: une écriture sobre,
âpre, lourde de sens et de sons, sans âge et
étonnante de verdeur. On meurt doucement devant sa
télévision, on est quitté par sa femme
avant d'oser quitter à son tour le village, on est
fier. Un tour de force.
27.4.2006
Page créée le: 11.07.06
Dernière mise à jour le: 11.07.06
|