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Bernard Campiche Editeur

Grand-Rue 26
CH- 1350 Orbe
Tél. 024 441 08 18
Fax 024 441 08 20
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  Jacques-Etienne Bovard / Le Pays de Carole

ISBN 2-88241-124-3

Carole est sur le point de passer son ultime examen de spécialiste en gynécologie. Il va de soi qu’elle ouvrira ensuite un cabinet en province. Elle fera deux ou trois enfants, le gentil Paul s’en occupera, et assumera les travaux du « ménage ». On habitera dans la ferme des parents, au bon air de la campagne. Ainsi tout sera bien. Merveilleuse convergence des intérêts de tout le monde. Le nouveau couple exemplaire.

C’est le plan, établi depuis des années, approuvé par tout le monde.

Mais Carole ne veut plus de tout ça.

Elle part.

Reviendra-t-elle ? Est-ce qu’il la reprendra ?

Éternelle histoire de l’homme qui voit son existence le fuir, par cassures subites, ou imperceptiblement, comme le sable entre les doigts : sa femme, sa famille, ses amis, ses projets, sa raison d’être.


Et pourtant Paul Ch., photographe, 34 ans, prétend refuser toute rupture. À l’ère du vite pris vite jeté, du « lâcher prise », il s’entête, s’enracine, s’acharne, à l’image des paysans du coin accrochés à leurs terres sans avenir.

Reviendra-t-elle ? La reprendra-t-il ?

En attendant, Paul fait des centaines de photos contre la mort du pays de Carole, écrit des milliers de lignes dans son journal intime, pour transformer la solitude en royaume, et retenir, rassembler tout ce qui semble se disperser en lui-même.

Ainsi ce roman de la dépossession et de la révolte, noué de tendresse et de violence amoureuses, devient-il, malgré la marche inexorable du temps, celui d’une vaste réconciliation, dans la coexistence de l’épars et de l’indéfectible.

Jacques-Etienne Bovard, le Pays de Carole, Editions Bernard Campiche, 2002.

Extrait

« Trois pages.

C’est rigolo.

Jamais été si loin.

Grâce à ce petit bijou d’ordinateur portable, sans doute. L’aspect impersonnel de l’engin qui me tranquillise. Comme mes Leica. Du solide. Lourd, compact, rien qui dépasse. Un appui. Rectangles identiques de l’écran et du viseur, cadres nets entre le monde et moi. Peut-être simplement le papier naguère, avec le spectacle de cette vilaine écriture qui me tracassait… Là l’impression de développer une pellicule, de faire quelques tirages en passant… En effet, pourquoi pas. Qu’est-ce que ça coûte, comme dirait John. Au point où j’en suis, qu’importe si je me « disperse » un peu plus. Tous ou presque dans la même existence chaque année plus conduite, structurée, élaguée, moi l’inverse. Mais est-ce qu’on choisit ? Trente-quatre ans dans deux mois. Mi-chemin de quoi ? Quand même fatigué de tâtonner… D’ailleurs ça fait des mois que je suis prêt pour « la suite »… Ayant terminé la chambre en même temps que mon labo, le petit lit, la table à langer, les rideaux qui baignent la pièce d’une lumière de conte de fées l’après-midi, des mois que je n’attends que ça, sans oser m’avouer que je n’y crois plus si facilement, que cet enthousiasme ressemble à une fuite, en tout cas une solution de facilité, qu’il y a quelque chose à régler avant…

Ce gros truc silencieux entre nous…

Depuis des mois qu’on n’en parle plus, sorte de pacte tacite, la question remise à plus tard, à après ces damnés derniers examens… Mais, si j’essaie de rassembler ce qui me reste de cervelle ce soir, est-ce que cela n’a pas déjà changé, tourné, étouffé depuis longtemps dans le silence ?

Un jour, elle parlera. Ça fera comme ce matin : une balle, tout arrêté, tout tombé d’une masse sur le ciment… »

Notice biographique

Jacques-Étienne Bovard est né à Morges en 1961. Licencié en lettres, il est maître de français au Gymnase de la Cité, à Lausanne.

Loin de cacher son attachement à son pays, il s’efforce dès ses premières nouvelles, Aujourd’hui, Jean (1982), de saisir le romanesque ici et maintenant. Polémique avec La Venoge (1988), satirique dans son premier roman La Griffe (1992) ou les nouvelles de Nains de jardin (1996), dont le succès ne faiblit pas, il est aussi préoccupé par une constante quête de valeurs qui puissent résister aux dérives qu’il dénonce, et montrer la voie d’une «vraie vie» de livre en livre plus éclairée.

Au délire sécuritaire et stérile répond ainsi l’essor de Demi-sang suisse (1994), au gouffre des incertitudes fin de siècle la générosité brute des Beaux Sentiments (1998) ou d’Une leçon de flûte avant de mourir (2000).

Couronné de nombreux prix, Jacques-Étienne Bovard fait partie des auteurs suisses romands les plus attendus et les plus largement reconnus.

 

  Anne Cuneo / Le maître de Garamond

ISBN 2-88241-123-5

Au crépuscule du 24 décembre 1534, pendant que dans les familles parisiennes on s’apprêtait à fêter Noël, on pendait place Maubert un homme suspecté d’hérésie dont on brûlait ensuite le corps et les livres : Antoine Augereau, imprimeur, éditeur et graveur de caractères typographiques. Il était accusé d’être l’auteur des Placards contre la messe.

Antoine Augereau était une de ces personnalités à l’autorité naturelle qu’on remarque non pas parce qu’elles veulent se faire remarquer, mais parce qu’elles dépassent du moule commun. C’était un homme de lettres, un érudit, probablement un théologien. Il savait non seulement le latin comme tout un chacun, mais aussi le grec, qu’il écrivait, gravait et publiait. C’était un grand imprimeur, et il a sans doute été un grand pédagogue. Il a créé et transmis les caractères typographiques qui ont – directement ou indirectement – modelé ceux dont nous nous servons encore de nos jours. Il était l’imprimeur (c’est-à-dire l’éditeur) de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier.

Les accusations qui lui ont valu d’être condamné étaient infondées, et Antoine Augereau n’était qu’un bouc émissaire.

Comment en était-on arrivé là ?

 


Son histoire est racontée par le plus célèbre de ses apprentis, Claude Garamond (qui, dans un même mouvement, raconte aussi la sienne propre). Il relate la naissance d’Antoine Augereau dans un milieu où se côtoient artisans et quelques-uns des intellectuels les plus brillants des débuts de la Renaissance française, qu’il s’agisse de droit, de médecine ou de mathématiques, son enfance à Fontenay-le-Comte à l’ombre du couvent où a vécu François Rabelais, son apprentissage à Poitiers, son immersion dans le milieu le plus érudit du Paris de son temps, ses discussions avec Geoffroy Tory, Robert Estienne, Clément Marot, avec lesquels il inventera l’usage des accents et de la cédille, ses premiers contacts avec la pensée des humanistes et avec celle de la Réforme naissante. Et en?n, son édition du Miroir de l’âme pécheresse, écrit par la sœur du roi de France, dont les théologiens de la Sorbonne désapprouvent la pensée ; comme la Sorbonne, gardienne jalouse d’une orthodoxie qu’elle voudrait ?gée et sans faille, ne peut pas condamner la sœur du roi, c’est Augereau qui paiera pour elle.

Mais Le maître de Garamond est aussi autre chose : c’est un voyage aux sources de la typographie, de l’imprimerie et de l’édition modernes. C’est le grouillement de la Grand-Rue Saint-Jacques du temps où elle abritait plusieurs imprimeurs par maison. C’est la pensée la plus moderne en train de se forger, une pensée humaniste, loin de tout fanatisme, ouverte, généreuse, qui rêve d’universalité : des hommes et des femmes lui sont à tel point attachés qu’ils sont prêts à mourir pour la défendre. À Antoine Augereau, elle coûtera la vie.

Anne Cuneo, Le maître de Garamond, Editions Bernard Campiche, 2002.

Extrait

«L’imprimeur est loué pour la précision, la propreté de l’impression, pour la pureté de la correction, et tout ce qui s’ensuit », disait Francesco d’une voix courroucée. « Faut-il encore qu’il s’approprie les louanges qui appartiennent à des hommes qu’on a laissés dans l’oubli, quoiqu’on leur ait l’obligation de ce que l’Imprimerie a de plus beau ? Aujourd’hui, tout le monde admire mon italique, mais moi, on ne sait plus que j’existe. Il y a même des gens pour penser qu’il a été gravé par Alde, comme si ce savant penseur savait faire cela. Je m’étonne que tous ceux qui s’extasient sur le mérite des imprimeurs ne disent mot des graveurs en caractères ; pourtant, l’imprimeur, ou plutôt le typographe, n’est au graveur que ce qu’un habile chanteur est à un bon compositeur de musique.»

Notice biographique

Journaliste à la Télévision Suisse Romande (TSR), Anne Cuneo est née à Paris en 1936, mais elle a effectué ses études secondaires et universitaires à Lausanne. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre Genève et Zurich.

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages à ce jour, l’écrivain a vendu plus de 120 000 exemplaires de Le Trajet d’une Rivière (Prix des Libraires et Prix littéraire «Madame Europe» 1995). A noter que Mortelle maladie (1969), un des livres les plus personnels d’Anne Cuneo, est récemment sorti en édition de poche (Bernard Campiche Editeur).

La Presse

Une saga passionnante

Un fabuleux voyage dans le XVIe siècle de l’imprimerie. C’est l’invitation de l‘écrivain Anne Cuneo dans son dernier livre, «Le maître de Garamond». Découverte sur les traces de l’imprimeur humaniste Antoine Augereau

On sent l’odeur de l’encre des imprimeries françaises et suisses du XVIe siècle en tournant les pages du Maître de Garamond, le dernier livre de l’écrivain, journaliste et réalisatrice Anne Cuneo. Cet ouvrage est une magnifique saga qui dépasse le cadre de l’imprimerie. Elle est un hommage à Antoine Augereau. Né vers 1485, à Fontenay le Comte, cet imprimeur a payé de sa vie sa liberté d’expression et son engagement pour les idées nouvelles.

Les théologiens de la Renaissance se méfiaient des ouvrages en grec autant que des gens qui pronaient les idées de la Réforme; ils eurent tôt fait de s’en prendre directement aux auteurs et imprimeurs. Antoine Augereau peut être considéré comme un des symboles de cette période.

Si le nom de Claude Garamond, graveur parisien et fondeur de caractères, est plus connu que celui d’Antoine Augereau, le premier fut pourtant l’élève du second. Et Anne Cuneo ne se fait pas faute de le souligner dans son récit, qui se présente sous la forme d’une histoire (celle d’Augereau) passionnante et extrêmement bien documentée. «L’idée du livre m’est venue il y a cinq ans lorsque j’ai commencé d’effectuer des recherches sur le grand dessinateur de caractères d’origine bernoise, Adrien Frutiger, pour un documentaire», souligne l’auteur. Anne Cuneo s’est rendue compte que ce «Picasso de l’imprimerie» vénérait Garamond. «Et, selon Frutiger, pour comprendre la typographie moderne, il fallait se référer à ce qu’avaient fait les anciens. Je me suis alors logiquement intéressée de plus près à Garamond, car Frutiger estime que personne n‘a jamais fait mieux que lui en matière de caractères typographiques.» En fait, c’est Augereau, le maître de Garamond, qui a posé un socle extrêmement solide, sur lequel Garamond s’est basé. «Seulement, la référence que fut Augereau a disparu, car il a été considéré comme hérétique, et condamné au bûcher.»

Pour Anne Cuneo, l’histoire de ce personnage a été un coup de foudre prolongé: «J’ai vu les originaux des livres d’Augereau dans les bibliothèques et ils sont souvent d’une beauté renversante... J’ai beaucoup d’affection pour cet homme dont l‘intrépidité l’a conduit au bûcher.»

C’est en 1998 que l’auteur a commencé de plancher sur cet ouvrage. «Mon cheminement a été relativement lent pour différentes raisons jusqu’à début 2001. A partir de ce moment-là, je me suis vraiment mise en route en sillonnant la France sur les traces d’Augereau, séjournant quelque temps aux endroits où l’imprimeur a vécu jadis», ajoute Anne Cuneo, dont l’écriture est une passion de naissance: «D‘aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé l’écriture. En outre, je n’ai pas et n’ai jamais eu l’angoisse de la page blanche. Si rien ne vient, je fais autre chose.»

Un maître envoûtant

On se plonge dans Le maître de Garamond avec délectation, car Anne Cuneo n’a pas son pareil pour envoûter le lecteur dès les premières lignes. Son écriture vivante et extrêmement bien documentée est une invitation au voyage, en l’occurrence dans les imprimeries d’un XVIe siècle fort riche en événements. Nul besoin d’être passionné par l’imprimerie pour se sentir concerné par le destin tragique d’Antoine Augereau, éditeur humaniste et génie dans son genre.

Brûlé comme hérétique, ce grand homme ne pouvait rêver plus belle réhabilitation que le livre d’Anne Cuneo.

Didier Walzer

 

Page créée le 02.12.02
Dernière mise à jour le 02.12.02

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