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Jacques-Etienne
Bovard / Le Pays de Carole |
ISBN 2-88241-124-3
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Carole est sur le point de passer
son ultime examen de spécialiste en gynécologie.
Il va de soi quelle ouvrira ensuite un cabinet
en province. Elle fera deux ou trois enfants, le gentil
Paul sen occupera, et assumera les travaux du
« ménage ». On habitera dans la ferme
des parents, au bon air de la campagne. Ainsi tout sera
bien. Merveilleuse convergence des intérêts
de tout le monde. Le nouveau couple exemplaire.
Cest le plan, établi
depuis des années, approuvé par tout le
monde.
Mais Carole ne veut plus de tout
ça.
Elle part.
Reviendra-t-elle ? Est-ce quil
la reprendra ?
Éternelle histoire de
lhomme qui voit son existence le fuir, par cassures
subites, ou imperceptiblement, comme le sable entre
les doigts : sa femme, sa famille, ses amis, ses projets,
sa raison dêtre.
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Et pourtant Paul Ch., photographe,
34 ans, prétend refuser toute rupture. À
lère du vite pris vite jeté, du
« lâcher prise », il sentête,
senracine, sacharne, à limage
des paysans du coin accrochés à leurs
terres sans avenir.
Reviendra-t-elle ? La reprendra-t-il
?
En attendant, Paul fait des centaines
de photos contre la mort du pays de Carole, écrit
des milliers de lignes dans son journal intime, pour
transformer la solitude en royaume, et retenir, rassembler
tout ce qui semble se disperser en lui-même.
Ainsi ce roman de la dépossession
et de la révolte, noué de tendresse et
de violence amoureuses, devient-il, malgré la
marche inexorable du temps, celui dune vaste réconciliation,
dans la coexistence de lépars et de lindéfectible.
Jacques-Etienne Bovard, le
Pays de Carole, Editions Bernard Campiche, 2002.
Extrait
« Trois pages.
Cest rigolo.
Jamais été si loin.
Grâce à ce petit
bijou dordinateur portable, sans doute. Laspect
impersonnel de lengin qui me tranquillise. Comme
mes Leica. Du solide. Lourd, compact, rien qui dépasse.
Un appui. Rectangles identiques de lécran
et du viseur, cadres nets entre le monde et moi. Peut-être
simplement le papier naguère, avec le spectacle
de cette vilaine écriture qui me tracassait
Là limpression de développer une
pellicule, de faire quelques tirages en passant
En effet, pourquoi pas. Quest-ce que ça
coûte, comme dirait John. Au point où jen
suis, quimporte si je me « disperse »
un peu plus. Tous ou presque dans la même existence
chaque année plus conduite, structurée,
élaguée, moi linverse. Mais est-ce
quon choisit ? Trente-quatre ans dans deux mois.
Mi-chemin de quoi ? Quand même fatigué
de tâtonner
Dailleurs ça fait
des mois que je suis prêt pour « la suite
»
Ayant terminé la chambre en même
temps que mon labo, le petit lit, la table à
langer, les rideaux qui baignent la pièce dune
lumière de conte de fées laprès-midi,
des mois que je nattends que ça, sans oser
mavouer que je ny crois plus si facilement,
que cet enthousiasme ressemble à une fuite, en
tout cas une solution de facilité, quil
y a quelque chose à régler avant
Ce gros truc silencieux entre
nous
Depuis des mois quon nen
parle plus, sorte de pacte tacite, la question remise
à plus tard, à après ces damnés
derniers examens
Mais, si jessaie de rassembler
ce qui me reste de cervelle ce soir, est-ce que cela
na pas déjà changé, tourné,
étouffé depuis longtemps dans le silence
?
Un jour, elle parlera.
Ça fera comme ce matin : une balle, tout arrêté,
tout tombé dune masse sur le ciment
»
Notice biographique
Jacques-Étienne
Bovard est né à Morges en 1961.
Licencié en lettres, il est maître de français
au Gymnase de la Cité, à Lausanne.
Loin de cacher son attachement
à son pays, il sefforce dès ses
premières nouvelles, Aujourdhui,
Jean (1982), de saisir le romanesque ici et maintenant.
Polémique avec La
Venoge (1988), satirique dans son premier roman
La Griffe (1992)
ou les nouvelles de Nains
de jardin (1996), dont le succès ne faiblit
pas, il est aussi préoccupé par une constante
quête de valeurs qui puissent résister
aux dérives quil dénonce, et montrer
la voie dune «vraie vie» de livre
en livre plus éclairée.
Au délire sécuritaire
et stérile répond ainsi lessor de
Demi-sang suisse
(1994), au gouffre des incertitudes fin de siècle
la générosité brute des
Beaux Sentiments (1998) ou dUne
leçon de flûte avant de mourir (2000).
Couronné de nombreux prix,
Jacques-Étienne Bovard fait partie des auteurs
suisses romands les plus attendus et les plus largement
reconnus.
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Anne
Cuneo / Le maître de Garamond |
ISBN 2-88241-123-5
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Au crépuscule du 24 décembre
1534, pendant que dans les familles parisiennes on sapprêtait
à fêter Noël, on pendait place Maubert
un homme suspecté dhérésie
dont on brûlait ensuite le corps et les livres
: Antoine Augereau, imprimeur, éditeur et graveur
de caractères typographiques. Il était
accusé dêtre lauteur des Placards
contre la messe.
Antoine Augereau était
une de ces personnalités à lautorité
naturelle quon remarque non pas parce quelles
veulent se faire remarquer, mais parce quelles
dépassent du moule commun. Cétait
un homme de lettres, un érudit, probablement
un théologien. Il savait non seulement le latin
comme tout un chacun, mais aussi le grec, quil
écrivait, gravait et publiait. Cétait
un grand imprimeur, et il a sans doute été
un grand pédagogue. Il a créé et
transmis les caractères typographiques qui ont
directement ou indirectement modelé
ceux dont nous nous servons encore de nos jours. Il
était limprimeur (cest-à-dire
léditeur) de Marguerite de Navarre, la
sur du roi François Ier.
Les accusations qui lui ont valu
dêtre condamné étaient infondées,
et Antoine Augereau nétait quun bouc
émissaire.
Comment en était-on
arrivé là ?
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Son histoire est racontée
par le plus célèbre de ses apprentis,
Claude Garamond (qui, dans un même mouvement,
raconte aussi la sienne propre). Il relate la naissance
dAntoine Augereau dans un milieu où se
côtoient artisans et quelques-uns des intellectuels
les plus brillants des débuts de la Renaissance
française, quil sagisse de droit,
de médecine ou de mathématiques, son enfance
à Fontenay-le-Comte à lombre du
couvent où a vécu François Rabelais,
son apprentissage à Poitiers, son immersion dans
le milieu le plus érudit du Paris de son temps,
ses discussions avec Geoffroy Tory, Robert Estienne,
Clément Marot, avec lesquels il inventera lusage
des accents et de la cédille, ses premiers contacts
avec la pensée des humanistes et avec celle de
la Réforme naissante. Et en?n, son édition
du Miroir de lâme pécheresse, écrit
par la sur du roi de France, dont les théologiens
de la Sorbonne désapprouvent la pensée
; comme la Sorbonne, gardienne jalouse dune orthodoxie
quelle voudrait ?gée et sans faille, ne
peut pas condamner la sur du roi, cest Augereau
qui paiera pour elle.
Mais Le maître de Garamond
est aussi autre chose : cest un voyage aux sources
de la typographie, de limprimerie et de lédition
modernes. Cest le grouillement de la Grand-Rue
Saint-Jacques du temps où elle abritait plusieurs
imprimeurs par maison. Cest la pensée la
plus moderne en train de se forger, une pensée
humaniste, loin de tout fanatisme, ouverte, généreuse,
qui rêve duniversalité : des hommes
et des femmes lui sont à tel point attachés
quils sont prêts à mourir pour la
défendre. À Antoine Augereau, elle coûtera
la vie.
Anne Cuneo, Le maître de Garamond,
Editions Bernard Campiche, 2002.
Extrait
«Limprimeur
est loué pour la précision, la propreté
de limpression, pour la pureté de la correction,
et tout ce qui sensuit », disait Francesco
dune voix courroucée. « Faut-il encore
quil sapproprie les louanges qui appartiennent
à des hommes quon a laissés dans
loubli, quoiquon leur ait lobligation
de ce que lImprimerie a de plus beau ? Aujourdhui,
tout le monde admire mon italique, mais moi, on ne sait
plus que jexiste. Il y a même des gens pour
penser quil a été gravé par
Alde, comme si ce savant penseur savait faire cela.
Je métonne que tous ceux qui sextasient
sur le mérite des imprimeurs ne disent mot des
graveurs en caractères ; pourtant, limprimeur,
ou plutôt le typographe, nest au graveur
que ce quun habile chanteur est à un bon
compositeur de musique.»
Notice biographique
Journaliste à la Télévision
Suisse Romande (TSR), Anne Cuneo est née à
Paris en 1936, mais elle a effectué ses études
secondaires et universitaires à Lausanne. Aujourdhui,
elle partage sa vie entre Genève et Zurich.
Auteur dune quinzaine
douvrages à ce jour, lécrivain
a vendu plus de 120 000 exemplaires de Le Trajet dune
Rivière (Prix des Libraires et Prix littéraire
«Madame Europe» 1995). A noter que Mortelle
maladie (1969), un des livres les plus personnels dAnne
Cuneo, est récemment sorti en édition
de poche (Bernard Campiche Editeur).
La Presse
Une saga passionnante
Un fabuleux voyage dans le XVIe
siècle de limprimerie. Cest linvitation
de lécrivain Anne Cuneo dans son dernier
livre, «Le maître de Garamond». Découverte
sur les traces de limprimeur humaniste Antoine
Augereau
On sent lodeur de lencre
des imprimeries françaises et suisses du XVIe
siècle en tournant les pages du Maître
de Garamond, le dernier livre de lécrivain,
journaliste et réalisatrice Anne Cuneo. Cet ouvrage
est une magnifique saga qui dépasse le cadre
de limprimerie. Elle est un hommage à Antoine
Augereau. Né vers 1485, à Fontenay le
Comte, cet imprimeur a payé de sa vie sa liberté
dexpression et son engagement pour les idées
nouvelles.
Les théologiens de la
Renaissance se méfiaient des ouvrages en grec
autant que des gens qui pronaient les idées de
la Réforme; ils eurent tôt fait de sen
prendre directement aux auteurs et imprimeurs. Antoine
Augereau peut être considéré comme
un des symboles de cette période.
Si le nom de Claude Garamond,
graveur parisien et fondeur de caractères, est
plus connu que celui dAntoine Augereau, le premier
fut pourtant lélève du second. Et
Anne Cuneo ne se fait pas faute de le souligner dans
son récit, qui se présente sous la forme
dune histoire (celle dAugereau) passionnante
et extrêmement bien documentée. «Lidée
du livre mest venue il y a cinq ans lorsque jai
commencé deffectuer des recherches sur
le grand dessinateur de caractères dorigine
bernoise, Adrien Frutiger, pour un documentaire»,
souligne lauteur. Anne Cuneo sest rendue
compte que ce «Picasso de limprimerie»
vénérait Garamond. «Et, selon Frutiger,
pour comprendre la typographie moderne, il fallait se
référer à ce quavaient fait
les anciens. Je me suis alors logiquement intéressée
de plus près à Garamond, car Frutiger
estime que personne na jamais fait mieux que lui
en matière de caractères typographiques.»
En fait, cest Augereau, le maître de Garamond,
qui a posé un socle extrêmement solide,
sur lequel Garamond sest basé. «Seulement,
la référence que fut Augereau a disparu,
car il a été considéré comme
hérétique, et condamné au bûcher.»
Pour Anne Cuneo, lhistoire
de ce personnage a été un coup de foudre
prolongé: «Jai vu les originaux des
livres dAugereau dans les bibliothèques
et ils sont souvent dune beauté renversante...
Jai beaucoup daffection pour cet homme dont
lintrépidité la conduit au
bûcher.»
Cest en 1998 que lauteur
a commencé de plancher sur cet ouvrage. «Mon
cheminement a été relativement lent pour
différentes raisons jusquà début
2001. A partir de ce moment-là, je me suis vraiment
mise en route en sillonnant la France sur les traces
dAugereau, séjournant quelque temps aux
endroits où limprimeur a vécu jadis»,
ajoute Anne Cuneo, dont lécriture est une
passion de naissance: «Daussi loin que je
me souvienne, jai toujours aimé lécriture.
En outre, je nai pas et nai jamais eu langoisse
de la page blanche. Si rien ne vient, je fais autre
chose.»
Un maître envoûtant
On se plonge dans Le maître
de Garamond avec délectation, car Anne Cuneo
na pas son pareil pour envoûter le lecteur
dès les premières lignes. Son écriture
vivante et extrêmement bien documentée
est une invitation au voyage, en loccurrence dans
les imprimeries dun XVIe siècle fort riche
en événements. Nul besoin dêtre
passionné par limprimerie pour se sentir
concerné par le destin tragique dAntoine
Augereau, éditeur humaniste et génie dans
son genre.
Brûlé comme hérétique,
ce grand homme ne pouvait rêver plus belle réhabilitation
que le livre dAnne Cuneo.
Didier Walzer
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Page créée le 02.12.02
Dernière mise à jour le 02.12.02
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