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Bernard Campiche Editeur

Grand-Rue 26
CH- 1350 Orbe
Tél. 024 441 08 18
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  Sylviane Chatelain / Le Livre d'Aimée

ISBN 2-88241-118-9

Dans Le Livre d’Aimée, tout est suggéré, comme rêvé, reflété dans un miroir. Comme l’image lumineuse de cette petite fille à la robe bleue, témoin des «jours tranquilles de l’enfance». L’auteur raconte ici une histoire simple - la souffrance, la révolte de ceux qui sont privés de l’accès aux livres -, s’interrogeant sur «les profondeurs instables de la mémoire» et sur son rôle d’écrivain, en phrases brèves ouvrant des espaces qui s’imposent avec une beauté poétique et une évidence incroyables.

Sylviane Chatelain s’affirme comme l’une des voix les plus originales de la littérature suisse française.

Notice biographique

Sylviane Chatelain est née à Saint-Imier. Son premier roman, La Part d’ombre (1988), s’est vu décerner le Prix Hermann-Ganz 1989 de la Société suisse des écrivains et le Prix 1989 de la Commission de littérature française du Canton de Berne. Son deuxième recueil de nouvelles, De l’autre côté (1990), a obtenu le Prix Schiller 1991. Le dernier ouvrage paru de Sylviane Chatelain, L’Etrangère (nouvelles, 1999), a encore élargi son audience.

Sylviane Chatelain, Le Livre d'Aimée, Editions Bernard Campiche, 2002.
Couverture : photographie de Myriam Ramel


Extrait

«J’ai posé ma tête entre mes bras repliés sur la table. Les mots se cachent. C’est un jeu, ils se cachent et je les cherche. Un jour ils se lasseront et moi aussi. Je le crains, parfois je l’espère. Mais il est encore trop tôt. Je les cherche et je les attends. Un mot, un seul quelquefois et d’autres le rejoignent. J’attends qu’ils m’emportent, me déposent sur le visage, les lèvres d’inconnus qui meurent si je ne les rejoins pas ou qui me suivent et me poursuivent, ne s’en vont pas avant que je n’aie dit et compris ce qu’ils avaient à me dire.

Rien n’a changé. Si pourtant: la montagne, son corps de baleine échoué devant moi a le dos blanc. C’est tôt pour la première neige.

Ils me font signe, je m’approche, au dernier moment ils se dérobent. Ils veulent m’entraîner quelque part, mais je résiste, je ne veux pas de n’importe quelle route, j’ai le droit de choisir, de refuser celles qui sont trop dangereuses, qui sont au-dessus de mes forces. Alors ils me tournent le dos avec un haussement d’épaules. C’est un jeu difficile, un peu cruel. Je sais qu’ils reviendront. Ils reviennent toujours. Ils savent que je ne peux pas me passer d’eux, que je finirai par les suivre. Ils sont patients. J’entends leurs froissements d’ailes, leurs rires qui ressemblent aux cris confus des oiseaux à l’aube. Ils décrivent leurs tours loin au-dessus de moi, ils ne me perdent pas de vue. Je vais céder, reprendre ma plume. Mais je ne vois pour l’instant que ce visage, le visage d’une femme, derrière la vitre embuée d’un car, qui regarde défiler le paysage, occupée par je ne sais quelles pensées .»

Extrait de : Le livre d'Aimée

La Presse

Quand le bonheur de lire vous emporte

Des pages qui s’avancent dans la respiration d’une fugue: c’est Le Livre d’Aimée, de Sylviane Chatelain.

Mais puisqu’il s’agit dans ces pages d’une petite merveille, d’une grâce d’écriture qui dans sa patience allusive veille au plus proche de la vie: bien sûr que vous allez rejoindre ce livre, et jusqu’aux neiges où il se referme. Dans cette coda de l’hiver où l’énigme du livre, comme de l’existence, reste suspendue. Dans la belle lenteur de son musical cheminement et dans les échos perpétués de ses accords, Le Livre d’Aimée (que Sylviane Chatelain signe notamment après Le Manuscrit et les nouvelles rassemblées dans L’Etrangère) suit la trace d’un autre livre, dans la mise en abyme de cet autre Livre d’Aimée, et d’Aimée justement, dans les temps mêlés où s’accompagnent et se rejoignent la narratrice et le personnage. Et dans ce livre du livre, la lecture est une figure récurrente qui résonne et revient. Il lit et elle «l’écoutait, attentive, sous ses paupières baissées, au cours des mots, à ses lenteurs, ses brusques écarts, ses lueurs, à ce désir venu d’amont qu’il charrie, qui nous traverse et nous emporte vers d’autres mots comme vers le large.»

Jean-Dominique Humbert

Au moment où le cri et la violence font souvent office de style littéraire, on ne peut que se réjouir à la lecture de Sylviane Chatelain. Ses livres brillent par leur retenue, par leur atmosphère délicate. Après L’Etrangère, recueil de nouvelles paru en 1999, l’auteure jurassienne poursuit avec Le Livre d’Aimée, une œuvre singulière et envoûtante.

A coups de phrases brèves, Sylviane Chatelain évoque, plus qu’elle ne dit, la souffrance de ceux qui sont privés de livres. Interrogeant aussi les liens entre fiction et réalité, elle aborde à touches discrètes des questions sur le rôle de l’écrivain, sur le bonheur et les difficultés d’écrire. Mais Le Livre d’Aimée est bien loin de toute réflexion intellectuelle. L’essentiel demeure ce climat que Sylviane Chatelain sait instaurer par l’intensité de ses «paysages de mots» et par des images d’une évidence et d’une puissance extraordinaires, comme celle de l’école abandonnée ou de cette mystérieuse fille en robe bleue.

Eric Bulliard
La Gruyère

L’amateur qui ouvrira Le Livre d’Aimée de Sylviane Chatelain éprouvera de la peine à le refermer avant de l’avoir dévoré jusqu’au bout. Ses phrases denses, se chapitres brefs, son originale façon de passer rapidement d’un thème à l’autre après avoir dit l’essentiel le captiveront. Un vif désir le poussera, non pas de découvrir les rebondissements d’une intrigue mais d’assister au lent dévoilement de réalités perçues d’abord assez confusément.

On pourrait, en effet, comparer cet ouvrage aux tableaux pointillistes de certains peintres néo-impressionnistes. Chaque touche frappe par sa netteté: «C’était l’été. Devant la maison retirée dans la fraîcheur de ses volets clos, le jardin vacillait un peu sous une légère houle d’ombres et de lumière, dans le balancement du soleil émietté par les branches». Mais les traits se succèdent, se multiplient, se rejoignent, se chevauchent et se juxtaposent de telle manière qu’on ne parvient à saisir clairement la cohérence qu’après avoir pris à leur égard un recul suffisant (…).

Samuel Dubuis

Qui est Aimée ? Quel rapport ce personnage diffus entretient-il avec l’auteure ? Ou plutôt, Aimée est-elle une part secrète de Sylviane Chatelain ? Question oiseuse … chaque intervenant d’un roman devenant tour à tour fragment de l’écrivain, l’une des mille facettes de sa personnalité, parfois la plus obscure, celle qu’il ne peut ou ne veut pas voir en pleine lumière, et qui surgit, impromptue, à travers le tamis des mots. Dans le dernier livre de la Jurassienne, une mystérieuse Aimée apparaît aussi éthérée qu’une ombre irréelle. Prenant néanmoins toute la place du livre – celle que veut bien lui laisser Sylviane Chatelain – elle déambule dans les pages en contrepoint de sa génitrice de plume. Pourtant, l’auteure s’applique à détailler ses jours dans un petit village où elle vient d’arriver en car, jetant un coup d’œil indifférent à celle qui la raconte. Normal : elle n’est après tout qu’une héroïne de papier. Du moins est-ce ainsi que Chatelain la présente, cette Aimée, miroir déformé d’elle-même, secret à peine suggéré. Suspendu dans un rêve nébuleux, ce récit se moque de la logique tout en respectant une chronologie personnelle, la vie de la petite fille à la robe bleue, Aimée la mal-aimée, celle qui est de trop et qui essuie les reproches d’une mère froide, acerbe, elle-même abandonnée, qui confiera la petite aux bonnes sœurs. Livrée à la solitude, réfugiée dans les livres, Aimée affronte tous les désenchantements. Maternel d’abord, amoureux ensuite. Il y a la mort également, et le cruel manque de bouquins, justement. Autant d’ingrédients qui tissent l’atmosphère de ce récit construit à coups de détails, d’observations de la vie quotidienne, avec ses odeurs, ses couleurs, ses silences. Le texte est soutenu par une écriture à fleur de peau, d’une finesse si délicate qu’elle paraît prête à se fissurer, brisée par sa propre fragilité. Curieusement, une sécheresse descriptive rappelle par moments le nouveau roman, et ça n’est pas là le moindre des charmes de ce livre envoûtant et si mélancolique qu’il faut éviter de s’y plonger un jour de pluie, quand les sapins virent au triste noir de la nuit qui tombe.

Bernadette Richard

Le regard porté par la narratrice sur une étrangère venue se réfugier dans un village de montagne, à travers les dessins du Livre d’Aimée acheté naguère, n’est peut-être que le propre regard de la narratrice sur elle-même. Souvenirs d’une traversée existentielle, du bleu de la robe de l’enfance à la prise de conscience d’être non désirée, de l’apprentissage de la lecture au manque cruel de livres, du désenchantement amoureux à la rupture, tout est suggéré dans cette introspection. C’est un texte à l’écriture simple, évidente, d’une densité poétique rare, le meilleur roman lu dans la rentrée littéraire de cet automne.

Maurice Rebetez

À partir des « innombrables visages en attente dans sa mémoire », Sylviane Chatelain construit un superbe roman, ou plutôt un poème en prose, rythmé par la présence lumineuse d’Aimée, une petite fille à la robe bleue, réminiscence du monde merveilleux, curieux et réceptif de l’enfance…

S. Viret
Journal de Sainte-Croix


Oeuvres de Sylviane Chatelain

Les Routes blanches, Nouvelles, Lausanne: Editions de L’Aire, 1986

La Part d’Ombre, Roman, Yvonand: Bernard Campiche Editeur, 1988
Prix Hermann-Ganz 1989 de la Société suisse des écrivaines et écrivains
Prix 1989 de la Commission de littérature française du Canton de Berne

Traduction

Schattenteil, Traduit par Barbara Traber, Berne: Editions Hans Erpf, 1991
Publié en feuilleton dans la Neue Zürcher Zeitung

De l’Autre Côté, Nouvelles, Yvonand: Bernard Campiche Editeur, 1990
Prix Schiller 1991

Le Manuscrit, Roman, Yvonand: Bernard Campiche Editeur, 1993
Traduction: Das Manuskript, Traduit par Yla M. von Dach, Berne: eFeF Verlag, 1998

L’Etrangère, Nouvelles, Orbe: Bernard Campiche Editeur, 1999

 

  Elisabeth Horem / Le Chant du bosco

ISBN 2-88241-122-7

Un pays, peu importe lequel, une dictature, peu importe laquelle, et trois hommes emprisonnés arbitrairement. Aucun repère géographique ou historique précis n’est donné. Une variété de situations, d’images, de rêves, de fantômes, de souvenirs, d’assemblages de fragments, confèrent à ce roman un climat envoûtant. Un jeu constant entre l’imaginaire et la réalité, voire la cruauté, intrigue puis saisit le lecteur. Restera aussi la figure bouleversante de Mona, prête à tout pour sauver son amant.

Notice biographique

Elisabeth Horem a fait ses études à Paris. Elle a séjourné dans plusieurs pays du Proche-Orient, ainsi qu’à Moscou, Berne et Prague. Elle vit maintenant à Paris. Elle a publié Le Ring (1994, Prix Georges-Nicole 1994, le Prix de la Commission de littérature du Canton de Berne 1994 et le Prix Michel-Dentan 1995), Congo-Océan (1996) et Le Fil espagnol (1998), trois ouvrages dont les critiques ont souligné la remarquable qualité d’écriture et l’atmosphère d’étrangeté et de mystère qui s’en dégage.

Elisabeth Horem, Le Chant du bosco, Editions Bernard Campiche, 2002.


Extrait

«Sans doute y a-t-il eu plusieurs scènes de ce genre: deux hommes (parfois un seul) faisant le guet aux abords de son hôtel, attendant qu’il s’absente puis, le moment venu, poussant la porte, et le réceptionniste déjà là, surgi comme un mauvais génie près du palmier en plastique, rayonnant de zèle et de sueur en rendant compte à voix basse des allées et venues de Peter Vaart, ajoutant d’une voix implorante Si ces messieurs désirent voir la chambre… Des doutes avaient commencé à naître. De si petites choses au début, cela ne valait pas la peine d’y prêter attention: la fenêtre qu’il avait cru fermer tout à fait, mais il pouvait se tromper, le courant d’air qui passe sous la porte l’aura rouverte; le rideau de plastique tiré à moitié devant le cabinet de toilette, qu’est-ce que cela prouve, la femme de chambre, peut-être… Un jour, la radio marchant en sourdine, il ne l’aurait pas laissée ainsi. Puis de plus en plus souvent des papiers dérangés dans son tiroir. Un mégot écrasé dans le verre à dents. Le doute n’était plus possible. Vaart quittait moins longtemps son hôtel, rentrait à des heures différentes, parfois juste après être sorti. Le réceptionniste ne lui souhaitait plus une bonne journée. Il ne se donnait plus la peine de se courber en deux. Il se contentait de l’accompagner de son sourire fielleux. S’installer dans un autre hôtel n’aurait rien changé à l’affaire, c’était partir qu’il fallait, bon Dieu qu’attendait-il?»

Extrait de : Le Chant du bosco


La Presse

La tyrannie du souvenir

La mémoire est une chapardeuse, une habile plagiaire. Pour combler ses trous et fournir les pièces manquantes d’une histoire donnée, elle emprunte à d’autres mémoires (collectives ou individuelles). Elle est sans cesse travaillée par la pensée, qui procède par ajout, substitution, récupération, usure, répétition, et remodèle ainsi le passé.

Se souvenir paraît vital pour l’homme et néanmoins, certaines réminiscences le tyrannisent tant qu’il les dissimule ou les travestit. Au «Je me souviens» de Georges Perec - qui a tissé la toile de son œuvre avec les fils de la mémoire autour d’un souvenir d’enfance capital avec les fils de la mémoire - font écho les phrases d’Elisabeth Horem. «Ne rien omettre. Recommencer sans se décourager.» «Nommer chaque chose pour se défendre pied à pied contre l’oubli». «Refaire sans arrêt l’inventaire de la ville.» «Puis refaire le chemin en sens inverse, ne pas se lasser. Ne rien oublier surtout».

A Obronna, la répression a succédé à une tentative d’insurrection contre la dictature. Après avoir été arrêté et incarcéré deux fois lors des troubles, Vaart fuit cette ville. En prison comme en exil, il cartographie la cité avec un souci obsessionnel de rigueur et pourtant il n’en mentionne pas le cœur tragique, la forteresse. Omission soulignée par le narrateur qui fait de ce lieu occulté le théâtre du Chant du bosco, y redistribue les cartes et laisse s’y jouer les destins du héros, Vaart, et de son double tragique.

Si les correspondances entre ces deux personnages forment ici un réseau où les énigmes se dénouent avec une évidence qui crée un saisissant contraste avec la complexité de l’architecture littéraire, elles relient également ce récit aux trois autres titres d’Elisabeth Horem qui reprend, retouche, considère sous un angle différent des éléments - exilé vivotant de traductions, héros venu d’Obronna attelé à sa biographie, pays sous haute tension politique, vie soumise à la fatalité, voire à l’absurde, photographies - d’un univers romanesque qu’elle est en train de bâtir. Son écriture en escalier progresse de relatives en comparaisons suggérées, d’associations en images pleinement évocatrices, et accomplit la prouesse de conserver sa sérénité dans les houles qu’elle traverse. Que subissent en l’occurrence deux individus confrontés à l’arbitraire d’un régime autoritaire, à l’enfermement et à la suspicion, et dont les trajectoires un jour se rencontrent et s’échangent dans le miroir du temps, au milieu d’une comédie où trône la belle Mona au visage à deux faces ainsi que le despote, tantôt entouré d’une cour grotesque de vieillards agitant des fleurs en papier, tantôt brillant par son absence menaçante.

L’imagination ronge patiemment l’os du souvenir

Le passé se juxtapose au présent, la mémoire délivre des fragments que la narration assemble en sillonnant non pas le cauchemar d’une nation - «tout cela a déjà été raconté ailleurs» -, mais celui d’un individu que la privation de liberté a jeté sur les routes. Après avoir cogné son esprit aux barreaux des hommes, été captif d’un mauvais rêve éveillé, d’un amour volé et du silence, Vaart s’embarque pour l’ailleurs, où jamais il ne s’établit. Il est sans attaches, voué à l’éternelle errance. L’atmosphère du camp, les rumeurs de la forteresse, le plan d’Obronna, les traits de Mona, la mise à mort du frère maudit, le père honni, l’adieu au pays, «tout est à réinventer»: à partir de lueurs (feux, ampoule, phare, souvenir, espoir) ou de lumières (soleil, départ en exil) qui se détachent du roman et renforcent l’obscurité de son climat d’oppression et de conflit larvé. A partir d’un détail dont l’imagination s’empare «comme une chienne affamée» d’un «os qu’elle va ronger un moment».

Passent les vies et les souvenirs, restent les fictions, les chants de boscos qui résistent aux lames de fond, guidés par la précision de leur écriture, poussés par leur souffle créateur.

Elisabeth Vust

Troublant, Le Chant du bosco, d’Élisabeth Horem, sort des sentiers battus et confirme un écrivain singulier.

Dans son quatrième roman, Élisabeth Horem choisit ses métaphores avec goût. Sa prose souple et précise installe d’emblée une ambiance aussi envoûtante que troublante qui gardera jusqu’à la fin sa part de mystère. On ne sait pas dans quel pays l’on se trouve, qu’importe d’ailleurs, juste que la ville dont il est ici question se nomme Obronna et qu’un été, celui de l’attentat, elle fut «figée sous l’œil fixe d’un soleil immobile », imposant alors que l’on garde continuellement les volets fermés.

… Élisabeth Horem remplit progressivement certains blancs de l’histoire, plaçant çà et là une nouvelle pièce du puzzle, mais pas toutes. Tout au long de ce mince Chant du bosco, elle promène ainsi son lecteur à travers un univers obsessionnel, le temps d’une belle réflexion sur l’enfermement, la fuite sans fin.

Alexandre Fillon
LivresHebdo

… Dans ce nouveau livre aussi, tout part de presque rien : un train qui file dans la nuit, trois silhouettes d’hommes aperçues par la fenêtre. Aussitôt l’imagination (ou la mémoire) de Peter Vaart « s’est mise en chasse, bête affamée rôdant sans cesse à la recherche d’un os à ronger ».

L’écriture nette d’Élisabeth Horem emprunte au vocabulaire marin ses mots précis et poétiques (le bosco désigne à bord le maître de manœuvre, donc une sorte de frère de l’écrivain). Sans donner nul repère qui permette de situer les lieux et les faits autrement qu’en sollicitant l’imagination de ses lecteurs, elle tient la gageure de dénoncer toutes les dictatures, à sa façon, c’est-à-dire en suggérant le pire sans jamais hausser le ton. Cela grâce à la texture subtile d’un récit qui naît sous nos yeux, parce que « tout reste à inventer ».

Isabelle Martin


Oeuvres d'Elisabeth Horem

Le Ring, Roman, Yvonand: Bernard Campiche Editeur, 1994
Prix Georges-Nicole 1994
Prix de la Commission de littérature française du Canton de Berne 1994
Prix Michel-Dentan 1995

Traduction allemande
Der Ring, Collection CH, Traduction de Markus Hediger, Basel: Lenos Verlag, 1996

Congo-Océan, Roman, Yvonand: Bernard Campiche Editeur, 1996
Prix d’encouragement de la Ville de Berne

Le Fil espagnol, Roman, Orbe: Bernard Campiche Editeur, 1998

 

Page créée le 02.12.02
Dernière mise à jour le 02.12.02

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