Une petite maison entourée de champs de blé dans la campagne vaudoise, sur la Plaine à l'Eau belle. Un ancien journaliste, Philippe Chapuis, la cinquantaine, qui se remet lentement de la mort de sa compagne. Et dans cet été torride, deux arrivées...

D'abord celle de Pierre Mathieu, un ami parisien, qui débarque comme chaque année avec son bagout, son humour grinçant et un énorme sac rouge qui contient, hormis quelques rares vêtements de rechange, un gros guide, Les Champignons dans la Nature, du papier à musique, un accordeur électronique, un diapason, un traité d'harmonie, un assortiment de plumes et de stylos, la photocopie des plans d'un sous-marin, Le Comte de Monte-Cristo en édition de poche, un couteau suisse, du savon, un blaireau et un antique rasoir de marque Gillette avec sa réserve de lames neuves.

Et puis celle d'un promoteur qui s'est mis dans la tête de faire un golf sur la Plaine à l'Eau belle. Il faudrait pour cela raser le chalet du journaliste, arracher son pommier, expulser de sa ferme un vétéran de la guerre d'Espagne. En somme, comme le dit Chapuis: « On foutrait en l'air cinquante hectares de bonne terre pour que des cadres à téléphones portables puissent venir oublier leur stress et recharger leurs batteries.»

Michel Bühler est l'un des chanteurs suisses les plus connus. Auteur de plus de cent cinquante chansons, il a également écrit deux romans, un récit et de nombreuses pièces de théâtre.

Michel Bühler, La Plaine à l'Eau Belle, Bernard Campiche Editeur, 1999.

Dès qu'elle était éveillée, elle allait les rejoindre. Il lui arrivait d'écrire encore quelques lignes. Mais les lettres qu'elle traçait étalent grossières en comparaison des signes qu'ils inscrivaient à la surface du verre, déliés, rapides, formés et aussitôt remplacés par d'autres qui leur étaient superposés.

Elle aurait voulu, comme eux, d'une encre qui s'efface, écrire une phrase dont se serait nourrie une autre phrase.

Ou plutôt, délivrée des mots, de leurs limites arbitraires et trop étroites dans lesquelles la pensée se fige, se réduit, répéter le même refus, le même désir. À travers les états successifs d'une métamorphose toujours inachevée, toujours imparfaite et recommencée, leur prêter une forme inlassablement variée et enrichie et leur donner enfin la force et le pouvoir de se faire entendre.

Sylviane Chatelain est née à Saint-Imier en 1950. Elle est mère de quatre enfants. Son premier roman, La Part d'Ombre (1988), s'est vu décerner le Prix Hermann-Ganz 1989 de la Société suisse des écrivains et le Prix 1989 de la Commission de littérature française du Canton de Berne (traduit en allemand (1991): Schattenteil). Son deuxième recueil de nouvelles, De l'Autre Côté (1990), a obtenu le Prix Schiller 1991. Un deuxième roman, Le Manuscrit (1993 ; traduit en allemand: Das Manuskript, 1998), a été salué par la Critique.

Sylviane Chatelain, L'Etrangère, Bernard Campiche Editeur, 1990

Que se passe-t-il dans la tête de Thomas lorsqu'il découvre que la grande Histoire, la tragédie de l'Europe durant la Deuxième Guerre mondiale, fait irruption dans la chronique de sa famille, une famille qu'il avait toujours crue à l'abri parce qu'elle avait la chance d'être Suisse?

Thomas sait maintenant que, s'il n'était pas Suisse, il pourrait ne plus être en vie depuis longtemps. Alors, quoi qu'il lui en coûte, il confie son ami le narrateur, comme on se parlerait à soi-même, les faits qu'il a mis au jour. Du lointain grisâtre où ils se trouvent déjà, et avant de s'évanouir pour toujours, ces épisodes s'obstinent à clignoter comme des lumignons et il importe d'en capter le message. C'est comme une trame en lambeaux, le déchiffrement d'un passé lacunaire emmuré dans le silence.

Dans quel brouillard ont disparu la grand-mère et la tante de Hongrie? Un mensonge sacré dissimule la vérité sur la mort des deux femmes. Ilona, la mère de Thomas, l'a-t-elle vraiment admise? Elle n'a jamais ouvert à ses enfants son coeur meurtri par le fascisme.

Ce récit est aussi un portrait de l'Europe centrale à la lumière de son histoire...

Né en 1940, originaire de Delémont, Vincent Philippe est correspondant à Paris de 24 Heures et de la Tribune de Genève. Il a publié Le jura République (Éditions 24 Heures, 1978), un livre politique marquant la naissance du nouveau canton, en collaboration avec la photographe Simone Oppliger, ainsi que deux romans: Dans les Pas de Sophie (Empreintes, 1988) et Son Fils Mateo (L'Age dHomme, 1994).

Vincent Philippe, Le Silence d'Ilona, Bernard Campiche Editeur, 1999

Il est arrivé un jour au début de l'été, orphelin parmi des dizaines d' autres, pauvre comme les autres, étrangement sûr de lui pourtant. Il racontait à tout le monde qu'il était le fils du prince Dad, ce qui vu son âge n'était pas impossible. On l'a vu en ville pendant quelque temps, puis il est reparti, emporté par l'hiver peut-être, par un flux de réfugiés ou par une obscure volonté, voué à l'abandon, à la mendicité, mû par un espoir insensé. Dans mon agenda, j'ai retrouvé une note du mois de juin: reçu « le petit Dad », ai-je écrit, comme s'il s'était agi d'un entretien professionnel, avec des guillemets parce que la chose doit m'avoir paru invraisemblable. Il disait s'appeler Jahan, mais je ne lui d'autre nom et, récemment encore, lisant le récit de l'assassinat du prince Dad et de sa famille dans un ouvrage historique, je n'ai pas pu m'empêcher d'y rajouter mentalement l'épisode du jardinier fuyant avec un bébé dans sa besace: le petit Dad...Rien n'émeut comme le survant d'une catastrophe.

Je ne me souviens pas exactement de ce qu'il m'a dit ce jour-là, probablement l'histoire qu'il avait déjà contée au portier et venait de répéter à mon assistant, l'histoire incroyable de sa vie, de sa prétention, laquelle vraie ou fausse fonctionnait du moins comme un sésame, si bien qu'au bout de quelques semaines il n'était pas une personne influente de la province qui n'ait cédé au mystère et accepté d'écouter de sa bouche même la fable du petit prince caché.

Jean-François Sonnay est né en 1954. Après des études aux universités de Lausanne et de Rome, il a effectué plusieurs missions en qualité de délégué du CICR. Jean-François Sonnay a écrit des pièces de théâtre, des romans, de petits essais, des contes et des nouvelles. Son roman, La Seconde Mort de Juan de Jesús (199 7), lui a valu le Prix Schiller et le Prix Rambert. Il vit aujourd'hui à Paris.

Page créée le 30.09.01
Dernière mise à jour le 20.06.02