Pierre-Alain Tâche / Forêt jurée
ISBN-13 : 978-2-940414-04-8, 2008
Pastels de Martine Clerc

Forêt jurée, dont le poème éponyme est parcouru d'emprunts au sonnet « Correspondances » de Baudelaire, revisite, dans ses allées et venues entre présent et passé, le lieu parcouru dans l'enfance. Le livre tisse à ses images les échos d'un passé dont la forêt est le dépositaire. La langue des plantes et l'élan de arbres dominent la parole du poète, qui admet avoir été peut-être trop catégorique; l'expérience du monde et des mots, entre « célébration » et « élégie », lui laisse un sentiment de dépossession apaisée, parce qu'il sait sa vocation accomplie: « louer », en sachant « ce que parler veut dire ».
A ce recadrement du poétique correspond, comme par osmose, une présence de plus en plus importante de la peinture: si dans Noces de rocher (1993) le crayon donnait la trame et les lignes du paysage – les crêtes, les sommets, les vallons –, si dans Sur la lumière en Anniviers (2003) les fusains, de par leurs gris d'intensités modulées, posaient par touches les masses que découpe la lumière sur les pentes, les pastels en couleurs de Martine Clerc montrent ici plus frontalement l'enchevêtrement minéral et végétal de la forêt, les racines, les échappées entre les arbres, les failles, les ouvertures que créent les rayons du jour. Comme si, alors que la parole se fait précautionneuse, la peinture, elle, affirmait d'autant son pouvoir.

Alain Rochat

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François Debluë / Le front aux vitres
ISBN-13 978-2-940414-02-04

"Comme fébrile matador
de gauche à droite bondissant:

de syncopes en métaphores
à tous les rythmes bataillent."

(extrait de la sixième partie du recueil, "Infimes", I, p. 95)

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Philippe Jaccottet / Le cours de la Broye

"En septembre 2001, ma ville natale, ayant décidé de créer un Prix littéraire, m'a fait l'amitié de me choisir pour premier lauréat. Je n'ai vécu à Moudon, où mon père exerçait la profession de vétérinaire, que huit ans, de 1925 à 1933. Or, la remise de ce Prix, ou plus exactement l'occasion qu'elle m'a donnée de passer deux jours dans cette petite ville où je n'étais pas retourné depuis ma dernière visite à Gustave Roud, très peu avant sa mort, m'a apporté quelque chose qu'aucune autre fête du même genre ne m'avait offert: quelque chose de tout à fait inattendu, quelque chose d'assez intime et d'assez touchant pour que me soit venu presque aussitôt après le désir d'en parler (on voit qu'il m'aura fallu du temps pour passe à l'acte).
C'est, à l'évidence, que ces deux journées ont réveillé chez quelqu'un qui n'a jamais eu le goût, ni l'art de se souvenir - pour des raisons qu'il lui importe peu de sonder -, quelques images de ces années d'enfance qu'îl ne me semble pas tout à fait vain, aujourd'hui, de recueillir.

( Le cours de la Broye, p. 61 )

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Mira Wladir / Solaire intifada
ISBN-13 978-1-940414-01-7

La vie nous est une longue rugosité, semble dire Mira Wladir, assénée jusqu'au sang, qu'il faut tenter de retourner, debout dans la tension d'aimer, à nu, et toujours « pour de vrai ». Alors on peut s'implanter un chardon bleu dans l'oil pour combattre jusqu'aux limites. « Une joie/étrange de chardon » est ce qui clôt le recueil.
Plus que toute autre seule dans l'exil d'être, mais plus vivante encore dans les pas de l'argile sous la voûte des poussières, des poussées cosmiques, celle qui nous parle ici donne tout son sens à l'acte de grandir : intifada ce mot au sou:e levé, une fois pour toutes, une essence, une incandescence. 0n pourrait presque évoquer un absolu tant la pensée qui traverse le livre convoque l'objet du monde et s'abouche dans le même temps à la vie - tout ce vert qui court en elle. « Au fond de ma poitrine/la rumeur du vert/qui bat Sous la ferraille. » C'est une pensée incarnée qui se met en face du Soleil et qui bataille, toute en présence.
Dans la verticalité du poème, dans l'aphorisme - ce jet de pierre pour rompre les murailles et rugir -, dans la charge des distiques à la Scansion discrète, il s'agit à chaque fois de tenter de trouver, dans l'interstice, le blanc d'une langue, le soulèvement d'une parole.

Jacques Moulin

Page créée le 04.07.08
Dernière mise à jour le 02.07.09