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Editions La Dogana

La Dogana
46, ch. de la Mousse
1225 Chêne-Bourg
Tél (022) 869 00 11
Fax (022) 869 00 10
Mail : informations@LaDogana.ch
http://www.ladogana.ch/



 

  José-Flore Tappy / Lunaires

 

Fidèle à la voie tracée dans ses précédents recueils, José-Flore Tappy avance, désolée, sur le sol précaire de la planète terre, répétant ses questions précises et dardant sur les êtres, les choses, un regard stupéfait. Faim, froid, pauvreté : pas moyen de s'extraire de cette étroitesse, sinon par l'exécution de quelques gestes quotidiens, solidaires, par d'humbles besognes et une opiniâtre patience. Les poèmes apparaissent dès lors, dans cette errance nocturne, comme autant de haltes haletantes face au vertige de l'immensité, courts et musicaux suspens de la conscience hallucinée, placés sous la clarté cosmique, interrogative et depuis toujours ambivalente de la lune.

José-Flore Tappy, Lunaires, La Dogana, 2001. 66 p.

  Giovanni Raboni / Au livre de l'esprit

Il est temps de lire dans notre langue Giovanni Raboni, dont l'intense activité critique - en faveur d'oeuvres essentielles, mais longtemps sous-estimées, comme celles de Bertolucci et Caproni - ou encore sa traduction intégrale de la Recherche, feraient presque oublier qu'il est aussi, et d'abord, un poète. Une tonalité, une vibration, clairement reconnaissables, un humus de perceptions, d'affects et d'inquiétudes, qui impose en quelques vers un monde, un rapport de l'auteur à lui-même où dominent le doute et la lucidité, une conscience aiguë des identités mensongères et de la précarité de toute existence...

[...] Rituel privé, certes, que ces sonnets, mais qui s'adresse, sur quelque impossible agora, à une communauté encore introuvable. Le sonnet selon Raboni n'est pas le blason sophistiqué qu'élabora Zanzotto, mais un simple écho de la grande forme, et ce peu de concrétion, transitoire, où l'art subsiste en des temps contraires. Philippe Jaccottet, respectant rimes et allitérations, offre la cage à peine perceptible des vers et le souffle qui la franchit, avec une grande subtilité et un parfait naturel. Ces pages sont la rencontre vraie de deux poètes.

Bernard Simeone
Extrait de la préface intitulée Rituel privé

Au livre de l'esprit, Giovanni Raboni, Traduction de Philippe Jaccottet, La Dogana 2001.

 

  Philippe Jaccottet / Le bol du pèlerin (Morandi)

A l'écoute de Morandi

Philippe Jaccottet dit ce que lui a apporté l'oeuvre "aussi mystérieuse que l'herbe" du peintre italien, dont on connaît la patiente austérité

A l'évidence la peinture de Giorgio Morandi est de celles qui auront vraiment compté pour Philippe Jaccottet. Illustré d'une douzaine de reproductions, ce livre en est le lumineux témoignage. En aucun cas, il ne s'agit ici d'une prise de parole péremptoire. D'une rencontre, plutôt, d'une écoute de "cette oeuvre aussi mystérieuse que l'herbe", dont on connaît la haute et patiente austérité. Pas un instant, le propos du poète, à la fois aigu et foisonnant, n'écrase ou ne fige son objet. A la source comme au terme du parcours qu'il propose, l'étonnement demeure.

Et l'énigme: d'où vient notre fascination devant "ces trois ou quatre bouteilles, vases, boîtes et bols sempiternels"? Au fil d'une méditation qui procède par touches vives, précises, le texte aiguise le regard et la sensibilité du lecteur, le guidant vers la lumière secrète, insaisissable de Morandi. [...]
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Philippe Jaccottet, Le Bol du pèlerin (Morandi), La Dogana 2001.

Marion Graf

Samedi, 17 novembre 2001.

 

  Jean Starobinski / Le poème d'invitation

Liminaire

[...] L'occasion est ainsi donnée à La Dogana de rendre justice à l'un des plus stimulants écrivains actuels que la manie des catégories s'obstine à considérer comme un savant de type universitaire. Depuis longtemps nous savons ici qu'il y a peu de regard plus ouvert et accueillant que celui de Jean Starobinski, à l'égard de toutes les manifestations de l'esprit humain, sans préjugés sauf l'amour inconditionnel qu'il porte à la musique de la langue française, et qu'il y a peu d'écriture plus souple et lumineuse dans la quête du secret d'une oeuvre.

Il est significatif que "l'interprète" de partitions littéraires, tel que Starobinski aime à se définir lui-même, soit entouré ici de deux poètes. Tant Yves Bonnefoy que Frédéric Wandelère profitent de cette occasion pour rappeler l'importance de la part critique, de la réflexion ou de la mémoire dans cette tentative de traduction, par les mots, que constitue le poème.


Ils évoquent en connaissance de cause le nécessaire travail de déchiffrement, les impératifs de mesure, les choix décisifs qui président à l'élaboration de ce moment formel, unique, qui devrait à leurs yeux refléter, en quelques vers, en quelques images exactes, toute la complexité du monde et résonner longuement aux oreilles du plus grand nombre...

Florian Rodari

Extrait de : Le poème d'invitation, Jean Starobinski, précédé d'un entretien avec Frédéric Wandelère et suivi d'un propos d'Yves Bonnefoy,
Editions La Dogana, 2001.

 

  Alberto Nessi / Fleurs d'Ombre

"Le vieux cheminait en compagnie de ses souvenirs, fasciné par la lune qui fait travailler la mémoire." Dans ce recueil de brèves nouvelles, le poète tessinois met au service de sa vision fraternelle une prose directe - faite de touches rapides, de pensées à peine suggérées, de dialogues intérieurs interrompus - qui évoque marginaux ou personnages en fins de vie, anciens idéalistes contestataires, vieilles maquillées avec excès, ouvriers à la retraite. L'existence les a souvent déçus sans qu'ils sachent vraiment pourquoi et les laissent tels des "boxeurs groggy". Parfois, ce sont des jeunes qui confient à l'avenir la réalisation de leur espoir : faire la révolution, devenir esthéticienne et épouser un homme aimant, partir à l'étranger. Qu'ils aient vécu leur vie par procuration, ou qu'ils placent leurs désirs dans un hypothétique devenir, ils tâchent d'échapper au présent. Comme la lumière qui passe au travers des branchages et projette sur les murs des fleurs d'ombre, ces personnages modestes préfèrent leurs souvenirs idéalisés ou leurs rêves à la réalité tranchante.

Alberto Nessi, Fleurs d'ombre, récits Trad. de Christian Viredaz, La Dogana, 2001

 

Page créée le 15.05.03
Dernière mise à jour le 15.05.03

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