Natacha Allet
/ Les Autoportraits d'Antonin Artaud
Ouvrage illustré de 12 reproductions
120 pages environ (2005)
ISBN 2-940055-50-5
Natacha Allet, jeune critique issue
de l'Ecole de Genève, interroge cinq autoportraits
dessinés par Antonin Artaud au cours des derniers mois
de son existence mouvementée. Le dessin y apparaît
comme une autre forme d'expression, parfois plus radicale
encore que l'écriture, dans la lutte acharnée
menée par cet écrivain hors normes, pour échapper
à l'identité et à la prison de l'être.
En l'occurrence, la finesse de l'analyse est servie par une
langue qui ne se paie pas de mots, mais qui, au contraire,
cherche à convaincre avec patience, à l'aide
d'expressions justes, mesurées, en s'appuyant constamment
sur des exemples probants et sur des citations du poète
qui renouvellent substantiellement la compréhension
de l'uvre. Ce nouvel ouvrage s'inscrit idéalement
dans la collection " Images ", créée
il y a quelques années à La Dogana, où
l'art des peintres et des poètes trouvent à
se croiser grâce, également, au soin extrême
accordé à la reproduction des uvres.
Philippe
Jaccottet / D'autres astres, plus loin, épars
Poètes européens du XXe siècle, choisis
et préfacés par Philippe Jaccottet (divers traducteurs)
420 pages environ (2005)
ISBN 2-940055-51-3
Philippe Jaccottet présente
ici le second volet de son anthologie de poètes contemporains.
Il s'agit, cette fois-ci, après sa Constellation parue
à La Dogana en 2002 et consacrée aux poètes
français, de textes en langues étrangères
que le poète a choisis parmi les auteurs qu'il n'a
cessé de lire et d'interroger au cours de son existence.
Son choix, revendiqué comme subjectif, fait la part
belle aux langues qu'il a pratiquées en tant que traducteur,
l'allemand, l'italien ou le russe, mais reflète aussi
son attachement à une parole claire, humaine, exempte
de tout formalisme. Beaucoup d'exemples ont été
recueillis dans la poésie d'une Europe de l'est en
proie à la souffrance quotidienne et en quête
d'une plus grande liberté. De Constantin Cavafy à
Josef Brodsky, cet important ouvrage égrène
les splendides compositions de Rainer Maria Rilke, Umberto
Saba, Giuseppe Ungaretti, Fernando Pessoa, T. S. Eliot, Ossip
Mandelstam, Anna Akhmatova, Marina Tsvetaeva, Vladimir Holan,
Paul Celan, pour ne citer que quelques-uns d'entre eux.
Les
poètes cités : Constantin Cavafy - William
Butler Yeats - Antonio Machado - Rainer Maria Rilke - André
Ady - Alexandre Blok - Umberto Saaba - Georg Trakl - Giuseppe
Ungaretti - Fernando Pessoa - T. S. Eliot - Anna Akhmatova
- Boris Pasternak - Ossip E. Mandelstam - Marina Tsvetaïeva
- Eugenio Montale - Ferderico Garcia Lorca - Jorge Luis Borges
- Georges Seferis - Vladimir Holan - Sandro Penna Kathleen
Raine - Attilio Bertolucci - Giorgio Caproni - Vittorio Sereni
- Octavio Paz - Mario Luzi - Piero Bigongiari - Christine
Lavant - Johannes Bobrowski - Paul Celan - Jan Skacel - Zbigniev
Herbert - Ingeborg Bachmann - José Angel Valente -
Giovanni Raboni - Joseph Brodsky
Avant-propos en forme d'avertissement
de Philippe Jaccottet (Bonnes
feuilles)
" Avertissement ", le mot
ici s'impose. Quand, dans le volume précédent,
Une constellation, tout près, j'ai rassemblé
ce que j'avais le plus admiré, le mieux aimé,
de la poésie française -et suisse-française-
du XXe siècle, je l'ai fait sans hésitations
ni scrupules, conscient de bien connaître, pour l'avoir
longtemps et passionnément arpentée, cette région
du ciel lyrique, et que la subjectivité revendiquée
de mes choix n'entraînerait pas de trop nombreuses et
criantes injustices. (On ne m'a guère reproché,
d'ailleurs, que l'absence, au sommaire, de toute femme poète.
Mais, dès lors que je n'avais aucune visée "
historique " et ne voulais obéir qu'à mon
goût, j'avoue tout uniment que ni l'oeuvre de Marie
Noël? ni celle de Catherine Pozzi, ni celle d'Édith
Boissonnas, à qui entre quelques autres j'aurais pu
songer, ne m'ont jamais été suffisamment proches.
Puisse la présence, cette fois-ci, de cinq grandes
poétesses me laver de tout soupçon de misogynie
!)
Pour ce livre-ci, en revanche, je ne mesure que trop bien
ma témérité ou ma légèreté,
et les reproches auxquels, très légitimement
en un sens, elles m'exposent: un choix de poètes européens
du même siècle, pas plus large que le précédent
pour un espace je ne sais combien de fois plus vaste, dans
des littératures dont, à l'exception de peu
d'entre elles, je ne connais pas, ou très insuffisamment,
la langue, comment l'assumer ?
D'abord, en avouant non sans honte ma pire lacune: je connais
l'anglais trop mal pour avoir jamais pu lire dans l'original
les poètes anglo-saxons. Je m'en suis moins qu'à
demi consolé en me persuadant que ma fragile voix personnelle
avait couru déjà assez de risques d'imprégnation
dans ma fréquentation assidue de la poésie allemande
et de l'italienne, et que ce que je pressentais de la richesse
et de la beauté de la poésie anglaise aurait
pu, si jamais je m'y étais plongé, me rendre
muet. Et dès lors que je ne cherchais là, dans
toutes ces lectures, en aucune façon, l'omniscience,
ni même un savoir équitable, mes rencontres,
dans cette région du ciel particulièrement riche
en scintillations, ont été rares ; dues, tout
d'abord, il y a fort longtemps, à l'amitié de
Pierre Leyris et à la qualité de ses traductions;
plus tard, à la valeur de celles, notamment, d'Yves
Bonnefoy et de Jean-Yves Masson.
Tout au contraire, parce que, dès
mon premier voyage à Rome en 1946, je me suis senti
comme chez moi en Italie, et que la rencontre personnelle
d'Ungaretti fut pour moi à bien des égards décisive;
parce que, là où ma curiosité n'était
pas allée, le savoir inépuisable d'un autre
ami, plus jeune celui-là et si prématurément
disparu, Bernard Simeone, y a suppléé, on trouvera
dans ce volume un nombre sûrement disproportionné,
au jugement de quelque sagesse supérieure, de poètes
italiens.
Mais je ne prolongerai pas ces commentaires en forme de bien
vaines excuses. Voici tout bonnement recueillies, avec, je
dois le dire, quelque chose comme de la piété,
les traces des plus belles rencontres que j'aie faites dans
le domaine de la poésie européenne du XXe siècle,
grâce à des lectures dont les premières
remontent à près de soixante ans. (Je me sens
un peu dans la situation d'un raconteur de voyages que le
hasard des circonstances quelquefois, plus souvent ses affinités
profondes, auraient conduit à ne laisser inexplorée
presque aucune région de tel pays - mettons, dans mon
cas, l'Italie - mais qui n'aurait vu, de l'Angleterre, que
Londres et un coin de campagne, de l'Allemagne, que la Souabe
et pas la Prusse, et ainsi de suite; et que cela n'empêcherait
pas de louer ce que le désordre de ses équipées
lui aura permis de voir.)
Quelques mots encore, tout de même, pour dire deux choses
qui m'ont frappé depuis longtemps dans ces voyages
hors de nos frontières : la première étant
que, de même que la musique française a produit
ces miracles de mesure que sont Couperin et Debussy, mais
rien de comparable aux grandes dernières sonates de
piano de Beethoven ou de Schubert, personne, ici, n'a pu risquer
- ou, en tout cas, réussir - ces grandes méditations
lyriques que sont les Elégies de Duino ou La
Terre vaine ; la seconde, que personne, ici, ou peu s'en
faut - et les exceptions seraient l'Arménien Lubin
ou faut-il dire le "Rhénan" de Dadelsen ?
- n'a su dire - alors que jadis Villon, d'Aubigné,
naguère Baudelaire l'avaient si bien su - la détresse,
la douleur, la compassion, l'angoisse, comme l'ont fait en
particulier ces "Autrichiens" : Trakl et Celan,
Christine Lavant et Ingeborg Bachmann, et tous ces admirables
poètes de l'Est que sont Mandelstam, Holan, Skàcel,
Herbert, entre beaucoup d'autres.
"Il est impossible qu'il n'existe
pas de gens qui prennent quelque plaisir à ce qui m'en
a tant donné" ce que Proust a écrit en
avril 1900 dans le Mercure de France à propos
de "Ruskin à Notre-Dame d'Amiens", j'en ferai
la formule de mon espoir quant à ce nouveau recueil
de hauts astres rayonnants, à peine plus lointains
pour nous, sinon du fait de la traduction, que les précédents.
Philippe Jaccottet
Page créée le 12.10.05
Dernière mise à jour le 12.10.05
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