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Editions Samizdat

Denise Mützenberg
8 chemin François-Lehmann - 1218 Grand-Saconnex
Tél. 022 734 05 92
sampoesie@gmail.com
http://www.editionsamizdat.ch


Parutions 2007
 

  Jany Cotteron / Le chant des pierres et de l'eau

Jany Cotteron / Le chant des pierres et de l'eau

"N'importe où / Elle écrit la vie."

C'est par ces mots - qui mettent un terme à son recueil mais non au souffle qui le porte tout entier et se donne à vous, telle une musique inaliénable - que Jany Cotteron signe, sans trembler, son attachement de tous les instants à la vie.

Vaste est le pays traversé. Il a la patience infinie du temps. La montagne et la mer l'habitent au plus près, dans la ferveur des jours et des nuits. Il faut alors tendre le regard et prêter l'oreille aux riches émois de la pierre "quand les chiens de soleil / dévorent la montagne".

Il est bon pour le coeur et le regard de lire les rencontres d'une femme avec la vie, même si, parfois, passent au-dessus d'elle des nuages. Dans "Vagues", comment ne pas penser à un très grand poète, François d'Assise, telle est sensible la relation d'amour de l'auteure avec le monde animal ou végétal ?


La montagne et ses pierres les plus hautes, la mer et ses vagues ou ses poissons aux ailes d'écailles, le temps, omniprésent, l'amour porté comme un bouquet de printemps, vécu comme une fête - en dépit de sa contingence - voilà qui peut dire en quelques mots, certes insuffisants, les préoccupations majeurs d'une femme qui aime la vie plus qu'elle-même.

Jean-Marie Berthier

Jany Cotteron
Née le 27 septembre 1944 en Belgique, Jany Cotteron-Paquay y a enseigné le français. Elle vit depuis 1968 à Genève où elle a travaillé comme institutrice puis formatrice de français dans l'enseignement primaire.

C'est ma biographie ! Mais est-ce moi ? Ou suis-je avant tout ce qui fait ma vie : ma famille, mes amis, l'amour des mots depuis mon enfance, la nécessité d'écrire, la lecture (passionnée et éclectique), l'humour, les gueuletons, la fête, l'escalade, les balades sur tous les sentiers de forêts, de montagne, de garrigue, le Chablis, le silence, la découverte d'autres mondes, les rencontres, les rires, le champagne, le soleil, le toucher de peau, d'écorces et de pierres, la peinture qui me fascine (ai-je écrit parce que je ne savais pas dessiner ou peindre?), la soif inaltérable d'apprendre...

En saurez-vous plus sur moi maintenant... que moi ?

J.C.

Jany Cotteron, Le chant des pierres et de l'eau, Editions Samizdat, 2007

 

  Jean-Marc Denervaud / Ecouter la mer

Jean-Marc Denervaud / Ecouter la mer

Quand Jean-Marc Denervaud est venu m'apporter son dernier manuscrit, il m'a raconté comment il s'asseyait le matin devant sa maison bretonne face à la mer et comment il laissait tranquillement le poème monter en lui.

Plus tard, je me suis assise à mon tour, j'ai tourné un à un les feuillets... et j'ai laissé chaque poème venir jusqu'à moi. C'est une poésie qui parle à bas bruit. Il faut tendre l'oreille. Parfois écarquiller les yeux. Prendre son temps. S'ouvrir :
Dans la nuit claire de septembre
Les petits cris flûtés des limicoles
Tremblent
Comme des étoiles familières
Qui ourleraient le silence de tendresse.


J'ai retrouvé ce que j'avais aimé dans le recueil précédent (Quelque part dans l'inachevé, Samizdat 2003), cette attention aux choses essentielles, cette présence à l'instant, mais avec une attente, une tension, oserais-je utiliser le mot suspense ?

Un portail sur la mer
Au bout du jardin

Il suffirait d'ouvrir
Et ce serait l'horizon

Plus loin que le regard
Plus bas que le rythme

Juste la lumière
D'un autre soir

Qui tendrait vers l'aube

Et le repos

Enfin

En ce temps où la parole est étouffée par le bruit, Jean-Marc Denervaud est de ceux qui nous apprennent à nous taire et à écouter.

Denise Mützenberg

Jean-Marc Denervaud
Né en 1943 à Genève, l'auteur a toujours mené une "double vie" : philosophe et poète d'un côté, militant du monde syndical et associatif de l'autre. C'est que, pour lui, la philosophie n'est pas un discours mais un exercice. Celui d'un incessant aller-et-retour entre la pensée et l'action, à la recherche de la "réalisation de soi" avec d'autres et dans un monde plus juste. Et la poésie est une tentative toujours inachevée de rejoindre l'arrière-pays d'où émergent et où retournent toutes ces manifestations de vie.

Jean-Marc Denervaud, Ecouter la mer , Editions Samizdat, 2007

 

  Anne Bregani / La Porte du Nord

Anne Bregani / La Porte du Nord

Comme jamais, dans ce cinquième recueil d'Anne Bregani, la voix du poète est audible avec ses inflexions, son ton, son grain, son souffle. On l'entend lire ses textes, entre murmure et chant, tantôt "dans un fredonnement inouï de joie", tantôt "au-delà de la peur" quand "une autre langue parle sa brûlante tendresse."

Nous tendons l'oreille lorsque traversant les mots ("ohoho") elle ploie à "l'avers de la joie, cette inconnue, cette silencieuse"
"sans savoir
ce qu'elle touchera"
car
"Vivre est aussi
ce fin labeur de patience".

Denise Mützenberg


C'est dans le corps que la poésie d'Anne Bregani trouve sa source avant de se déployer dans l'espace scriptural (...). Cela explique sa présence si prégnante de poème en poème : tête, pieds, coeur, thorax, nuque, épaules, poumons, sang, bouche mains, bras, peau, cellules...
Aussi, les mots s'agencent-ils dans la même verticalité que la colonne vertébrale qui nous tient debout et par laquelle notre système nerveux transite, aussi bien pour donner des ordres que pour recueillir des informations et des sensations jusqu'à fleur de peau, et cela jusqu'à l'extrémité la plus distale de nos membres. Ils entretiennent un lien entre le haut et le bas, la terre et le ciel; ils ont leur pulsation propre, leur scansion, leur rythme, leurs humeurs. Le corps est cette porte, par laquelle on accède au monde, mais aussi celle par laquelle le monde entre en nous.

Léo Bolliger

Anne Bregani
Née à Berne en 1951, Anne Bregani vit à Lausanne où elle a passé trois ans à l'Ecole des Beaux-Arts, puis obtenu, en 1979, une licente en sciences politiques. Enseignante, elle reçoit dans sa classe d'accueil des jeunes qui viennent de tous les continents.

Anne Bregani, La Porte du Nord , Editions Samizdat, 2007, 96 p.

 

  Pascal Janovjak / Coléoptères

Pascal Janovjak / Coléoptères

Pascal Janovjak écrit comme un horloger fabrique ses montres. Il a composé chaque texte avec des mots et des phrases impermutables. Il a aussi ajusté et articulé entre eux chacun des textes qui forment Coléoptères avec une précision implacable, comme les rouages délicats et finement ciselés d'une montre parfaite.

Il en résulte 80 textes qui ouvrent des portes sur autant d'univers : vous, lecteur, vous en oubliez le travail et contemplez, ébahi, le bijou qui, bien que fabriqué de toute pièce, bien qu'ajusté avec minutie, engendre, vous ne savez comment, une émotion en mode mineur, un sentiment diffus d'homogénéité, une impression d'humanité profonde parfois douleureuse, parfois drôle, parfois légère et parfois implacable.


Comme le dit Pascal Janovjak : On peut cacher des choses dans un texte. On peut le truffer d'indices, y dissimuler un trésor ou une révélation. C'est ce que j'ai fait. [...] Le plus amusant, c'est que les solutions de ces énigmes textuelles n'expliquent absolument rien, et sont tellement enfouies que le lecteur les cherchera peut-être en vain. J'ai moi-même oublié ce que j'y ai caché, mais cela n'a que peu d'importance, puisque seul comptait l'acte de cacher.

Nicolas Couchepin

Né à Bâle en 1975, Pascal Janovjak étudie la littérature comparée et l'histoire de l'art à Strasbourg, avant de partir travailler à l'étranger en tant qu'enseignant ou responsable de centre culturel. Il réside actuellement à Ramallah, où il se consacre à l'écriture.

Pascal Janovjak, Coléoptères, Editions Samizdat, 2007, 128 pages,

 

  Diane Perrot / Le bracelet

Diane Perrot / Le bracelet

On referme ce petit livre comblé (malgré sa minceur), émerveillé (en dépit du sujet dominant de la perte et de la mort). C'est que tout au long de ces pages frémissantes, la narratrice s'adresse à nous d'une voix proche. Elle semble nous prendre par la main pour nous faire glisser avec douceur et fermeté d'une récit à l'autre. Nous retrouvons la présence familière qui avait enchanté tous les lecteurs de Voyage, légère, lucide, ne se payant pas de mots.

Dans ce recueil, le parcours commence avec une photo floue, celle du précieux bracelet : un beau cadeau de mon beau fiancé. L'histoire se passe à Villeurbanne. La guerre est finie, il faut rentrer en Suisse, faire table rase de ce qui est déjà du passé. Un tri s'impose : ce qu'on jette, ce qu'on garde, ce qu'on donne. Pour une jeune femme, rien de plus facile ! Les objets, dira la narratrice plus tard, quand on était jeune on arrivait à les dominer.


C'est avec le temps que notre relation aux boucles d'oreille, lunettes et ciseaux se complique. Ils nous échappent, rejoignant nul ne sait quelles oubliettes. Pourquoi écrivez-vous ? demandait-on à Gide ; pour retrouver les bijoux perdus de ma mère, répondait-il. En faisant le compte de ce qui disparaît, un bracelet, les négatifs de vieilles photos, les bagues qui glissent des doigts amaigris de la mère, Diane nous les restitue. Les choses perdues sont de petits doubles prosaïques de la perte ultime, de l'inexorable fuite du temps. Racontant la mort d'un papillon, elle évoque la nôtre sans pathos ni complaisance. Pas timorée, Diane ! Elle ose regarder en face l'impensable.

Ce train nous emmène tous, chacun de nous, vers le terminus. Quoi de plus universel, de plus banal ? Et pourtant ! Pour soi, au coeur de l'évidence, il y a un petit noyeu dur : pas moi.

Ce qui nous comble, nous émerveille, c'est de rencontrer, au cours de cette lecture parfois sombre, tant d'humanité, de tendresse alors même que les lueurs sont dérisoires comme le regard de la lune cassée, ou fugitives comme les petites bougies dans leur soucoupe (le long de la table où Dieu est amour).

La voix sait aussi se faire enveloppante, consolante : montrant la nuit comme une main chaude et calme sur mon épaule, ou dans la dernière image, d'abord cruelle, la chrysalide qui se tord de souffrance, avant de (peut-être) déployer ses ailes pour s'envoler vers l'infini, vers les pairies bienheureuses.

Claire Krähenbühl

Qui suis-je?

Unique comme chaque être vivant,
façonnée aussi par les autres,
je participe -minuscule et réelle-
à la vie ici et maintenant

Diane Perrot

Diane Perrot, Le bracelet, Editions Samizdat, 2007, 32 pages.

 

Page créée le 24.10.06
Dernière mise à jour le 26.04.07

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