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Editions Samizdat

Denise Mützenberg
8 chemin François-Lehmann - 1218 Grand-Saconnex
Tél. 022 734 05 92
sampoesie@gmail.com
http://www.editionsamizdat.ch


Parutions 2008
 

  Jean-Pierre Vauthey / Une nuit un jour

Jean-Pierre Vauthey / Une nuit un jour
Nuit après nuit, j'écoutais mesure par mesure. Parfois une syllabe m'échappait et je tendais l'oreille.
Ainsi s'ouvre le préambule de « Une nuit un jour ».
Nous voici prévenus.

Le poète qui s'adresse à nous est d'abord un poète qui écoute. Comme ceux qu'il a convoqués en exergue à son recueil : Pierre-Louis Matthey, le Gustave Roud de « Requiem », les veilleurs de la tradition soufie ou ceux du Livre (Job, Jérémie, Esaïe).

Quelqu'un se tient au coeur de cette poésie. Jamais nommé. Mais nous savons qu'il est

le manque qui accroît le manque

la soif attisant la soif
l'ivresse enivrant l'ivresse.
Pourtant, loin d'être éthéré,


Jean-Pierre Vauthey nourrit son chant de tout ce qui fait l'humaine condition :
invoque la mère, (le baiser matinal au seuil du jardin),
le père, (tes ailes refermées en silence sur mes épaules),
l'ami (il m'a répondu que sa planète couvait déjà l'été)
le fils (à qui il n'a plus à léguer qu'un carquois et un calumet). Oeuvre difficile ?

L'auteur nous avertit : le poème est un clair-obscur, faute de quoi il n'est pas un poème mais seulement un prospectus de voyage pour dolents des heures creuses. A qui pourrait s'en effaroucher, la musique de la langue, déjà, serait une lampe.

Denise Mützenberg

Jean-Pierre Vauthey est né le 11 octobre 1945 à Châtel-St-Denis où il a passé son enfance. Il a étudié la théologie et les Lettres à l'Université de Fribourg. Sa vie professionnelle s'est déroulée essentiellement à Berne, où il a été successivement traducteur, rédacteur et responsable d'un service de traduction.
Aujourd'hui, père de trois enfants et deux fois grand-père, il vit à Fribourg.

 

  Frédérique Baud Bachten / La poupée de laine

Frédérique Baud Bachten / La poupée de laine
(...) « De quel art se servir pour dire l'inexprimable ? »
Frédérique Baud Bachten douterait-elle de son art de modeler des mots si fidèles au réel de l'humain que le lecteur, la lectrice y déchiffre d'un coup la trace de sa propre histoire ? Si elle a pu en douter, c'est qu'elle venait de tourner le dos à l'abîme où la souffrance côtoie la folie.
Certains - pour ne rien perdre de l'indicible à décrire à ceux qui ne savent pas - ne reviennent plus de cette nuit.
Frédérique Baud Bachten, elle, a voulu tenter la passerelle précaire par-dessus l'abîme. Parce que sa soif de rejoindre ses semblables la tenaillait plus fort que le besoin de se fondre à jamais dans la nuit. Elle a renoncé à tout dire.

Et le peu qu'elle dit en dit long ! Chaque lecteur, chaque lectrice saura marier l'histoire de sa douleur propre à ce récit de chair et de souffle crédible de bout en bout : « On est si nu devant le mal, devant ce rien qui existe plus fort que n'importe quoi. Ce rien qui n'a pas de nom. Cette marche de mort, cet écoulement infini de l'effroi, ce resserrement de la nuit : obstination macabre au lieu du oui de la vie, de la confiance et des rires ».

Et cependant, l'absurde est resté granitique : le massacre maternel, la désertion du père, l'enfant incapable de vivre, rien n'a été épargné à Frédérique Baud Bachten. « Pourquoi est-ce à leur enfant que cela est arrivé ? Qui a creusé ici le nid du malheur » après l'avoir creusé dans sa propre enfance ? Au fil des pages, on dirait que les questionnements sans issue sont destinés à prendre un cours imprévu : désormais d'innombrables parents, proches, amis ou simples témoins semblent invités, en écho, à s'associer au drame jadis vécu dans l'isolement par l'auteure et son époux. Combien sommes-nous à pouvoir souscrire à ce « pourquoi » définitivement ouvert sur le mystère de l'enfant incapable de vivre ? (...) A n'en pas douter, la parole de Frédérique Baud Bachten fera grandir l'Amicale de ceux qui savent de quoi elle parle !

Extraits du liminaire de Lytta Basset

Frédérique Baud Bachten
Née à Paris en 1950, elle vit à Genève depuis 1957.
Après une formation de libraire elle est actuellement bibliothécaire à l'Ecole de Culture Générale.
Elle écrit depuis l'âge de 9 ans des romans, textes poétiques, poèmes et des pièces de théâtre pour enfants et adultes dont certaines ont été jouées à Genève. Sa pièce radiophonique Le discours en astrophysique a reçu le Prix du Lyceum-Club et a été diffusée sur les ondes de la RSR.
Mariée, elle a 3 enfants, un jardin - et, quand l'encre de sa plume tarit - s'exprime par des collages.
La poupée de laine est son premier livre publié.

 

  Julien Burri / Si seulement

Julien Burri / Si seulement

Des mots se cherchent sur les lèvres d'un poète et les voix qui se croisent tout au long de ce recueil, celle du père, celle du fils, ne sont pas une source d'inspiration parmi d'autres. Elles ne sont pas non plus d'intimes émotions dites. Elles sont le dire lui-même.

Ainsi les poèmes de Julien Burri, énoncés dans la solitude où jaillit l'oeuvre, ne se referment jamais sur eux-mêmes. Non. Ils accueillent la douleur, le timbre particulier des souvenirs, les obsessions, la neige, les cendres. Ils accueillent les mouvements qui font et défont les éclats, les fragments d'un univers intime, mais sous la haute surveillance de celui qui, laissant place à la parole, le fait avec l'exigence de la dignité, de la pudeur, de la sobriété.

Françoise Matthey

Julien Burri est né à Lausanne en 1980. A dix-sept ans, il a publié un premier recueil de poèmes, «La Punition» (Editions Caractères), et reçu le Prix International des Jeunes Auteurs. Ont paru ensuite, aux éditions de l'Aire, deux recueils de poèmes et un roman, " Je mange un boeuf ".

 

  Remo Fasani / L'éternité dans l'instant

Remo Fasani / L'éternité dans l'instant

Enfin : avec ce petit livre, traduit avec fidélité par Christian Viredaz, enfin commence, mais commence seulement, la réparation d'une négligence scandaleuse, qui a laissé presque totalement dans l'ombre l'oeuvre d'un poète de la Suisse italienne, âgé aujourd'hui de 85 ans et qui, de surcroît, vit à Neuchâtel, où il a enseigné, depuis de nombreuses années.

[...] Mais cette quasi invisibilité de Fasani qui, à Florence dans sa jeunesse, à Coire, à Zurich, à Neuchâtel, semble s'être toujours senti plus ou moins en exil, doit tenir, pour une grande part, à la qualité, à la haute exigence mêmes de l'homme et de ses livres.

[...] Ce fils de paysan a peut-être appris l'essentiel, dès l'enfance, en maniant le grand râteau de bois dans l'herbe des alpages, compagnon des bêtes et des plantes, soumis aux saisons, lié en profondeur à l'indéchiffrable univers.

Poète, il n'a pas cessé de vouloir dire ce monde, donc d'abord se taire, être inépuisablement attentif, de cette attention presque religieuse dont Cristina Campo, elle-même à l'écoute de Simone Weil, lui a si bien parlé ; se taire pour pouvoir dire la pluie, la neige, les crépuscules, la brume, dans le grave enclos des montagnes ; et recueillir tous ces moments de halte et de silence, parfois angoissés, afin que s'en élève le chant le plus vrai. Ces moments où le poète surprend les liens secrets du temps et de l'éternité à travers les vues les puls proches - et qui prennent avec l'âge une intensité et un prix toujours plus grands.

[...] Remo Fasani : poète de la grande solitude, mais amicale à autrui, poète du silence qui seul peut engendrer un chant pur, poète, aussi, d'une sorte de blancheur, ou de vide, qui contient toute la densité de "l'être-au-monde", comme un beau fruit.

Philippe Jaccottet

Remo Fasani est né à Mesocco (vallée italophone des Grisons) en 1922. Après avoir quitté l'école de son village il a poursuivi ses études à Coire, Zurich et Florence. Il a enseigné à l'école cantonale de Coire, puis, de 1962 à 1985, occupé la chaire de langue et de littérature italienne à L'Université de Neuchâtel, ville où il réside aujourd'hui. Depuis de nombreuses années, il pase l'été à Sils-Maria, lieu très présent dans sa poésie. Limmat Verlag vient de publier une anthologie bilingue de ses poèmes avec une étude lumineuse de Georges Güntert : Der Reine Blick auf die Dinge (2006).

 

  Gloria-Veronica Koch - Robert Daube / Pourquoi demeurer ici

Gloria-Veronica Koch - Robert Daube / Pourquoi demeurer ici

DIs-moi,
pourquoi demeurer ici
sinon
pour écouter
entre les silences
une réponse en l'autre ?

Ce recueil est le reflet d'une relation profonde entre le créateur des dessins et l'auteure des poèmes. Dans leur dialogue, deux instruments cherchent, en tâtonnant, l'accord...

D'abord, ce sont aux textes de Gloria-Veronica que Robert répond en les illustrant. Mais, à la fin, lorsqu'il traque, à travers ses dessins dépouillés, l'énigme sans réponse, c'est elle qui dépose quelques mots nus au bord de chaque image.

A nous maintenant de nous glisser, grâce à la belle traduction de Maryse Courvoisier, dans l'espace ouvert par ce chant alterné.

D.M.

Gloria-Veronica Koch
Originaire de Saint-Gall, Gloria-Veronica Koch est née à Buenos-Aires en 1942. Après des études à l'Université du Chili et à l'Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales à Genève, elle a travaillé aurpès des Nations Unies à Genève dans le domaine du développement économique. Dans ce cadre, elle a notamment effectué des missions dans de nombreux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.

Robert Daube
D'origine anglo-allemande, Robert Daube est né au Chili en 1940. Il a étudié les beaux-arts à Munich où il a travaillé dans le domaine de la publicité. Il était passionné par les voyages et la rencontre avec les autres cultures.

 

  Eliane Vernay / A peine un souffle sur l'écorce

Eliane Vernay / A peine un souffle sur l'écorce

"Epuisée l'eau des images
et l'image des corps."

Ce constat que dresse Eliane Vernay dans son recueil A prendre racine dans l'écart, le premier de la trilogie dont ces poèmes sont la continuité, il lui aura fallu plusieurs années et plusieurs livres pour qu'il prenne vraiment corps.

En abordant ce nouveau texte, on est sensible à sa qualité musicale : une fuge à peu de thèmes : - l'arbre, l'oiseau, l'enfant - l'arbre, par exemple, n'est jamais défini, pas de chêne ni de peuplier mais un générique. Symbole, signe privilégié, il figure l'un de ces errants du réel, pareil au feu ou la terre - tels qu'un poète nomme les éléments - l'oiseau et l'enfant apparaissent eux aussi comme des archétypes repris dans des variations infinies. Mais ce monde plus musical que visuel confère aux images une étrange transparence : elles semblent s'effacer dans la répétition :

cette évidence de lumière que porte la terre
traverse les monts comme en les effaçant.

Le traitement presque abstrait d'instances comme le silence, la nuit, la mémoire, le temps renforce l'impression d'être bercé par un fredonnement dont le sens paraît se dissoudre dans le chant. Eliane, le reconnaît : "je me délecte de mots et d'images et dois souvent me faire violence pour renoncer à l'un ou l'autre." Il lui arrive, dit-elle, d'écrire comme un violoniste qui préfère son violon à la musique.

L'eau des images ? Apaisé le déferlement de plaintes et des soifs ; une mer calme a remplacé la véhémence des torrents. Exit les étreintes, les ventres et sexes malmenés, exilés. Les rêves ne hurlent plus, les corps ne sont plus morcelés, ils ont même une fraîcheur d'oiseau. La mort, absoute, s'apprivoise.

Une délicate suite dédiée à Morandi témoigne de cette douceur nouvelle :

Tel rose et beige ce parfum d'humilité silencieuse
sur ces objets posés à peine et qui veillent / muettement [...]
et qui s'effacent / de leur présence même.

Ses images, maintenant, Eliane les désire insaisissables :

quoi dans l'air, quelle transparence
souligne l'allure lointaine des arbres

On sait l'importance du silence en musique, celle du souffle, de la respiration. Ce n'est plus dans l'écart (la douleur, l'absence, la distance entre soi et l'autre), c'est dans le silence (qui éclaire tendrement toutes ces pages) qu'Eliane, musicienne, dès lors prend racine.

Cl. K.

Eliane Vernay
Après des études de lettres à Genève, Eliane Vernay fonde dans cette ville en 1977, les éditions qui porteront son nom. Elle-même poète, mais aussi musicienne, amoureuse des mots et de la langue, Eliane mettra sa passion au service de la poésie et ceux qui l'écrivent.

En une vingtaine d'années, elle publiera de nombreux poètes : auteurs confirmés ou voix nouvelles, cent cinquante recueils élégants, parmi lesquels on compte des noms de Luiz-Manuel, Albert Py, Anne Rotschild, Olivier Perrelet, Jacques Roman.
Paraîtra aussi, dans la Maison qu'elle a créée, sa trilogie poétique : Du plus loin l'incessant.

Egalement journaliste, elle a produit et animé plusieurs émissions littéraires et musicales à la Radio Suisse Romande. Curieuse de l'autre, généreuse, elle offrait à ses invités, dans les interviews de Silhouette, une écoute rare, où, par ses silences, elle ouvrait à l'interlocuteur un large espace de parole.

Depuis une année, elle est de retour à Genève où elle enseigne le français aux étrangers, prolongeant ainsi en elle ce sentiment qui lui est cher de l'exil ou de l'ailleurs.

 

  Joël Mützenberg / Atlas

Joël Mützenberg / Atlas

Dans le sous-bois, je fixe la situation de quelques feuilles de lierre liées par leur tige, leur contour et celui des feuilles pourrissant au sol. Je pourrais en dresser la carte, comme on le fait du cours des rivières et du contour des continents.
Mes dessins et mes textes obéissent à ces compositions trouvées, à ces données physiques qui dirigent les nervures des feuilles et arrangent les chapelets d’îles.
Joël Mützenberg

Avec « atlas » les éditions Samizdat – dont la vocation est de donner la parole aux poètes – publient un livre singulier. D’un poète, certainement, dont toute la vie, errante et marginale, est poésie.
Depuis son enfance, Joël écrit et dessine au quotidien. Toutefois ce sont surtout ses dessins qui ont été remarqués, dans des espaces d’exposition, des publications et surtout affichés dans la rue.


On découvre ici son écriture à la fois limpide – à l’image de la ligne claire de ses dessins – et déroutante où les mots les plus simples, élémentaires, s’essaient sans cesse à cerner l’indicible. Dans un étonnant mélange d’âpreté et de tendresse.

Joël Mützenberg, Atlas, Editions Samizdat, 2008

 

Page créée le 16.05.08
Dernière mise à jour le 14.10.08

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