retour à la rubrique

Actuellement sur le Cultur@ctif
Les invités du mois : Jean Richard (Editions d'en bas), Sabine Dörlemann (Dörlemann Verlag), Thomas Heilmann (Rotpunktverlag), Fabio Casagrande (Edizioni Casagrande) - Les Livres du mois : Fabiano Alborghetti : "Supernova" - Quentin Mouron : "Au point d'effusion des égouts" - Peter Stamm : "Au-delà du lac" - Mikhaïl Chichkine : "Deux heures moins dix" - Marius Daniel Popescu : "Les couleurs de l'hirondelle" - Arno Camenisch : "Ustrinkata" - Sylviane Dupuis : "Poème de la méthode" - Klaus Merz : "Die Lamellen stehen offen" - "In der Dunkelkammer" - Pietro Montorfani : "Di là non ancora" - Inédits : Elena Jurissevich : "Ce qui reste du ciel" - Erica Pedretti : "Plutôt bizarre"

 
retour page d'accueil

Editions Samizdat

Denise Mützenberg
8 chemin François-Lehmann - 1218 Grand-Saconnex
Tél. 022 734 05 92
sampoesie@gmail.com
http://www.editionsamizdat.ch


Parution 2009
 

  Cesare Mongodi / Pieds-de-biche

L’insécurité routinière

C’est par effraction que ce premier recueil nous fait entrer dans le monde de Cesare Mongodi. Les mots que l’auteur considère en poésie comme autant de « pieds-de-biche » forcent les verrous de la conscience, et ils nous livrent « la matière première / de la tension vitale / qui pousse en avant ». Une telle ouverture ne se réalise pas dans la facilité ou dans l’immédiateté, mais elle se gagne de haute lutte, avec quelques saccages et brutalités parfois, pour produire un état des lieux conforme aux mouvements souterrains.
Cette poésie vise une connaissance de soi par les limites, par les épreuves, aussi simples que quotidiennes, car le bout de l’horizon s’explore dans les moindres gestes.
Antonio Rodriguez


...
on est
dans ce corps-outil
étrié entre deux pages déjà remplies de l'agenda
trait d'union entre deux abîmes
...
Extrait du poème "Cases vides", dans ce recueil

***

Cesare Mongodi est né à Lugano en 1963 de parents italiens. Après une licence en économie et trois ans dans la finance internationale, il part avec sa future épouse pour un voyage d’une année et demie en Orient. Puis, études de lettres à Lausanne et mémoire sur l’oeuvre du poète Pierre-Albert Jourdan. Père de deux filles, il enseigne la littérature française et l’italien au gymnase de Morges et anime des ateliers d’écriture autobiographique pour adultes. Il a reçu le Prix Follope pour la qualité de ses études orientées vers la poésie.
"Pieds-de-biche" est son premier recueil.

Cesare Mongodi, Pieds-de-biche, Editions Samizdat, 2009.

 

  Huguette Junod / Le choix de Médée

Huguette Junod / Le choix de Médée

Huguette Junod n’est pas la première écrivaine à revisiter le mythe de Médée. Bien d’autres s’y sont confrontées avant elle et non des moindres (ainsi Christa Wolf et Sylvia Plath).
Son texte a reçu, en automne dernier, le prix de la Société genevoise des écrivains. Dans la Laudatio prononcée à cette occasion, Dominique Kunz Westerhoff, professeure à l’Université de Lausanne, a non seulement souligné les qualités de ce poème « au souffle musical » mais relevé en quoi il se distinguait: « L’auteure aborde le mythe avec la distance observatrice des modernes face à la longue réception des légendes héroïques.


Mais, derrière cette Médée représentée à la troisième personne, surgit rapidement une autre Médée à la première personne, une Médée qui, elle, suscite un rapprochement, une identification, une reconnaissance de ce qu’il y a d’indépassable dans l’expérience féminine »: Plus loin, Dominique Kunz Westerhoff conclut :
« L’auteure intériorise le personnage antique, en renversant du négatif au positif ce symbole de la condition féminine. Chez les anciens tragiques, l’héroïne s’envole sur un char divin qui consacre son inhumanité. Huguette Junod humanise au contraire sa fin, qu’elle traite comme une capacité de métamorphose… » :

Je deviendrai comète
atmosphère de vie
ultime éclat du jour
qui ne veut pas mourir

***

Huguette Junod, née à Genève, écrit et publie dès l’âge de douze ans. Licenciée ès lettres, elle enseigne le français et la littérature à l’école secondaire de Genève de 1968 à 2001 et anime des ateliers d’écriture depuis 1987.
Passionnée par la Grèce, elle y retourne chaque année, apprend le grec et revient de ses séjours avec une moisson de poèmes. Elle y a rencontré Perséphone, Ariane puis Médée. La poétesse interprète les mythes en se mettant à la place des héroïnes. Huguette Junod a obtenu le prix des Ecrivains genevois fin 2008 pour "Le Choix de Médée".

Huguette Junod, Le choix de Médée, Editions Samizdat, 2009, 88 pages.

  Anne-Marie Kunzler / File la laine, file le temps

Aujourd’hui écrit Anne Marie Kunzler, je tourne le dos aux hésitations, aux atermoiements, et poussée par le vent du soir et par cet étrange sentiment d’urgence qui me saisit parfois, je veux ouvrir mon sentier personnel dans la forêt des mots et des images, retrouver –s’il en est temps– quelques empreintes laissées par les êtres que j’ai croisés.

Heureusement pour nous, il était temps. La mélodie qui fredonnait à travers les pages d’Est-ce la vie qui chante ainsi* nous rejoint à nouveau, un peu plus grave sans doute, plus poignante encore.

De la petite fille en retrait, sans larmes, derrière les persiennes mi-closes, à la vieille institutrice reléguée dans une institution, les femmes dont l’auteure a retrouvé les visages au fond d’elle-même sont toutes aux prises avec la perte: deuil, exil, dépression, séparation, rupture, vieillissement.


Ce petit livre, cependant, n’est pas accablant. Comme la fileuse tire d’une toison brute une pelote de laine qui nous donnera sa chaleur, Anne Marie Kunzler transforme –sur le mode mineur– la douleur de vivre en tendres chansons.

Denise Mützenberg

***

Je suis la cardeuse et j'ai bien appris
qu'il faut tout d'abord dessuinter la laine
et puis l'assouplir
Je suis la fileuse de chaque écheveau
Je suis magicienne, pour des teintes inconnues
Même si parfois je suis l'amère qui voit tout en noir
Je suis la buveuse de chaque goutte de soleil

A.M.K.

***

Née à Cazilhac, village de l'Hérault, dans le presbytère de son grand-père, Anne Marie Lacheret a fait à Monpellier des études de Lettres. Sa rencontre avec un étudiant de Genève l'a conduite dans cette ville où elle a enseigné une trentaine d'années. Heureuse d'avoir abandonné le stylo rouge pour des activités variées -dont l'écriture- elle a publié aux éditions Samizdat, en 2002, un récit intitulé : Est-ce la vie qui chante ainsi .

Anne-Marie Kunzler, File la laine, file le temps, Editions Samizdat, 2009, 48 pages

 

  Philippe Rebetez / Traces

Philippe Rebetez / Traces

Dans L'Atelier des saisons (samizdat, 2005), déjà, Philippe Rebetez empruntait aux métiers manuels, au travail de la terre, à la nature, ses images rugueuses et son vocabulaire : ainsi, suffisait-il d'un simple bout de bois, pour rappeler l'appartenance.
On retrouve dans Traces, tout au long de poèmes brefs, le même tissage de mots, la même étoffe, teintée d'un peu plus de mélancolie.
Le poète nous invite dans l'entre-deux de la réalité et de ses métaphores: il présente une chose concrète (le granit, le soc de la charrue), tout en nous laissant rêver à ce qu'elle suggère. Que nous souffle par exemple, cette roselière en bordure d'existence?
Les poèmes parlent de vrai labour, de terre sèche, ridée par la bise, mais en même temps le poète nous dit : laisse en jachère / une partie de ta terre / emblave d'autres champs. Et quand il montre les craquelures de l'écorce ou les oiseaux de passage, c'est à nous d'interpréter, d'osciller entre sens propre et figuré.


On devine une tendre douleur sous certaines images : l'établi du vieil homme resté tel quel, la vieille femme à la mémoire perdue qui disait autrefois : câline la vie. Et dans les textes rassemblés sour le titre Exil, le vol des hirondelles au-dessus des frontières évoque un autre monde, celui des migrants, des étrangers que nous croisons dans la rue, toute cette vie clandestine côtoyant notre indifférence.
A travers traces le poète tisse, fraternel, notre propre histoire intime, privée, proposant de mêler nos fils à ceux de l'histoire collective.

la houle du temps
a lissé les jours
mais jusqu'au bout de l'évidence
la force des mots
résiste

Claire Krähenbühl

Philippe Rebetez vit à Delémont où il exerce la profession de travailleur social. Après Atelier des saisons en 2005, Traces est son deuxièmes recueil de poèmes publié chez Samizdat.

Traces, Poèmes de Philippe Rebetez, Editions Samizdat, 2009, 64 pages

 

  André Durussel / La maison invisible

André Durussel / La maison invisible

Après trente-six années d'enracinement dans le Jorat, André Durussel et sa femme, s'installent dans le Jura suisse. Ils y habiteront deux ans.
A la fois exil et retour. Exil de ces tendres campagnes où le poète avait marché sur les traces de Gustave Roud et animé durant un quart de siècle la revue culturelle Espaces. Mais en même temps, retour aux fortes impressions de la petite enfance passée à la Vallée de Joux, "aux confins du Risoud".
C'est de ce double mouvement - éloignement, rapprochement - qu'est né ce recueil. Après dix-sept années de silence, André Durussel nous livre ici une suite de poèmes sereins qui évoquent des rencontres, des moments dans le temps et hors du temps, des visages et des paysages. Des lieux - aux yeux du poète "lieux de passage" - rassemblés au seuil de cette Maison Invisible * qui est pour lui une figure de l'éternité.

Mais c'est pourtant cela
qui peut seul relier
le passé avec le présent
la vie après la mort,
cet avenir tracé dans le sable
avec nos gros souliers

Denise Mützenberg

* évoqué par Edouart Burnier dans son journal (1944)

Né en 1938, André Durussel a passé son enfance dans la campagne vaudoise avant d'obtenir son CFC de mécanicien- électricien à Lausanne.
Après des anneéées de formation en Suisse alémanique, il sera tour à tour opérateur de réacteur nucléaire, dessinateur - constructeur et documentaliste - archiviste. Avant tout poète, il a aussi écrit des nouvelles, des essais et les livrets de différentes oeuvres musicales.

André Durussel, La Maison invisible, Editions Samizdat, 2009, 64 pages

 

  Jean-Noël Cuénod / Circonstances

Jean-Noël Cuénod / Circonstances

La vie d'un journaliste est traversante. Et en traversant les existences qu'elle côtoie, elle les reçoit comme des coups, comme des cadeaux, comme des preuves de haine et d'amour. En partageant le quotidien de l'autre si prochain, et du prochain si autre, lors des reportages ou des analyses d'événements, le journaliste aborde et restitue. A chaque fois, il est atteint. La douleur humaine en lui s'accumule. Mais il doit s'efforcer de la faire taire. Savoir brider - brimer ? - l'émotion qui risque de submerger et d'emporter au loin les raisonnements. Voire, la raison. Le journaliste n'est qu'un truchement, rien de plus. Au mieux, un porte-voix. Et encore... Alors, il faut bien que ce trop-plein déborde quelque part.

Ce quelque part se situe en poésie. C'est par ce langage qui combine le son et l'écrit, le nombre et la lettre que le fait rapporté objectivement se transforme en fait vécu pleinement. Le réel devient mythe et devenant mythe n'en est que plus réel.


Tous ces textes ont été inspirés directement par le reportage, ou indirectement par le biais d'interviews de témoins ou d'analyses de dépêches d'agence. Certains, rares, sont issus d'une expérience uniquement personnelle.
Il s'agit donc de "poèmes de circonstances", pleinement assumés comme tels.

La ponctuation est au texte ce que le rythme est à la musique et la respiration à l'homme. Dans ce bouquin, ce rôle vital est tenu par les dessins de Ben-Ami Koller, l'un des plus grands artistes européens de notre époque.

Jean-Noël Cuénod

Le manuscrit de ce livre était déjà entre nos mains lorsque l'annonce nous est parvenue de la mort de Ben-Ami Koller. Il n'avait que 60 ans. Nous avons donc décidé de publier sans tarder cet ouvrage né de l'amitié du poète et du peintre.

Ecrivain, poète et journaliste, correspondant à Paris de la Tribune de Genève et de 24 Heures, Jean-Noël Cuénod est né à Genève, à deux pas de la Noël 1948. Il a le journalisme pour vocation et la poésie pour passion

Né en 1948 en Transylvanie, Ben-Ami Koller, marqué par la disparition de ses grands-parents à Auschwitz, a dessiné et peint dès l'enfance. Artsite majeur de notre temps, il est mort le 15 décembre dernier près de Paris.
Circonstances et l'ultime livre qu'il a illustré

Circonstances, Poèmes de Jean-Noël Cuénod, accompagnés de vingt illustrations noir/blanc de Ben-Ami Koller, Editions Samizdat, 2009, 128 pages

 

  Jo(sette) Pellet / La ballade du grillon

Jo(sette) Pellet / La ballade du grillon

Après avoir durant des décennies écrit des milliers de signes, des fleuves de mots pour crier sa révolte contre une société dans laquelle elle se sentait à l'étroit et questionner le sens de l'existence, Jo(sette) Pellet a découvert le haïku : l'une des formes les plus concises de la poésie, entaille dans le silence et trace déposée sur le blanc de la page.

"Ecrire des haïku, dit-elle, c'est découvrir une autre manière d'être au monde. C'est voir la vie autrement, en découvrir les petites choses, appréhender le quotidien avec des yeux neufs."


Ce recueil (reportage poétique ? chronique d'instants fugaces ?) évoque, flash après flash, avec humour et profondeur, un surprenant atelier d'écriture doublé d'une sesshin zen à l'Escurial, ainsi que le séjour à Madrid qui a suivi.

L'animateur de l'atelier était Alvaro Cardona-Hine, un maître dans l'art de capter le présent tout à la fois par les mots et par les lignes hardies du croquis !
Jo(sette) Pellet a choisi dans le cartable d'Alvaro des dessins qui prolongent ses poèmes ou les bousculent, en un contrepoint tantôt allègre, tantôt poignant :

plus beaucoup de temps
la fringale de créer
et l'urgence d'être

Denise Mützenberg

Jo(sette) Pellet vit dans le canton de Vaud et travaille dans le domaine psychosocial. Est l'une des rédactrices de Les femmes et la Mob paru chez Zoé et d'une renga en anglais (The shadow's edge) avec A. Cardona-Hine et Jim Grant. A plusieurs manuscrits inédits, d'autres en chantier.

Alvaro Cardona-Hine, né au Costa-Rica, réside aujourd'hui dans les montagnes du Nouveau-Mexique.
Il est à la fois écrivain, peintre et compositeur.

La ballade du grillon, Haïku de Jo(sette) Pellet, dessins de Alvaro Cardona-Hine, Editions Samizdat, 2009, 64 pages.

 

  Sophie Morandi / Sous l’aile des abeilles

Sophie Morandi / Sous l'aile des abeilles

Ton rêve d’un autre ventre
pour l’aube de tes jours.

Et dans la hâte,
un bol du lait de la terre.
Nos ventres, nos mains, nos coeurs.

Puis mon coeur seul :
mais toi      au fond      toujours

Ce livre est une histoire d’amour entre celle qui peint et celle qui écrit. Il n’y a qu’une voix qui parle mais l’autre, l’absente – la muette – est toute présence : un silence irradiant. Elle est dans ses images et nous parle à travers ses couleurs. Leur histoire, même si c’est en différé, c’est ensemble qu’elles la racontent.


D’un côté, des textes courts qui ne décrivent pas les peintures – ce ne sont pas des légendes – de l’autre, des images qui n’illustrent pas les poèmes. Dialogue alors? chant et contre-chant? Oui, mais aussi quelque chose de plus mystérieux puisqu’il n’y a qu’une voix pour les deux. Au moment où Sophie écrit, la voix d’Isabelle s’est tue.

Prononcez très vite sous l’aile des abeilles, et vous entendrez peut-être « sous l’aile d’Isabelle », réplique du nom, écho suscité
par le désir et le manque de l’autre. Ainsi, l’anagramme joue avec l’oreille dans une sorte d’hallucination clandestine, bienfaisante: entendre le prénom, tressaillement de bonheur. Présence miraculeusement rendue.

Claire Krähenbühl

Sous l’aile des abeilles, Poèmes de Sophie Morandi, Peintures d’Isabelle Chossis, Editions Samizdat, 2009, 140 pages

 

Page créée le 26.02.09
Dernière mise à jour le 07.04.09

© "Le Culturactif Suisse" - "Le Service de Presse Suisse"