Editions Samizdat
Denise Mützenberg
8 chemin François-Lehmann - 1218 Grand-Saconnex
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Anne
Bregani / Chroniques du nord-est |
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Sur des tesson de poterie (ces
ostraca d'où nous est venu le mot "ostracisme"),
les anciens Grecs inscrivaient le nom des citoyens suspects
qu'ils voulaient bannir. Sur d'autres, ils dessinaient
des signes et des figures.
C'est à partir de semblables
fragments de terre cuite, réels, tangibles, posés
à portée de main ou de regard, qu'Anne
Bregani poursuit son exploration du thème des
frontières, des territoires et des passages,
des migrations, des ruptures, des départs et
des retrouvailles.
Et voici que peu à peu
les ostraca se changent en poèmes, voilà
qu'éclats, "briques" et débris
débrident notre coeur et dessillent nos yeux.
Le passé devient présent et le lointain
tout proche:
"Ce n'est plus/ l'invasion
de la blessure/ mais sa guérison."
Toujours reconnaissable à
sa texture d'os et d'herbe, la voix d'Anne Bregani,
ici prend de l'ampleur, s'affirme, nous entraîne,
à travers les séparations, vers un orient
"où la parole
habitera nos corps":
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Dans le moment bref
où je vis
où j'aime le monde
infiniment divers
tous me sont provisoirement rendus frères
toutes me sont rendues soeurs
à moi-même je suis
frère et soeur
je ne sais quelles eaux
quelle traversée ondoient
entre les instants
appelée j'ai laissé la rive
pour la haute et profonde mer
Née à Berne le 31 octobre
1951, Anne Bregani vit à
Lausanne où elle a suivi les Beaux-Arts, puis obtenu
une licence ès sciences politiques. Enseignante, elle
reçoit dans sa classe d'accueil des jeunes qui viennent
de tous les continents.
Au printemps 1996, les éditions
Samizdat publient son premier recueil Le territoire de l'oiseau.
A son propos, Jean-Raymond Tschumy écrit: "Cette
poésie parle avec la simplicité de ses élans,
par des mots qui vont droit au centre de l'émotion."
Le livre
des séparations paraît en mai 1997. Marion
Graf salue dans ce deuxième recueil "la prenante
autorité que peuvent donner, jusque dans le dénuement
et l'ignorance, justesse et sobriété de ton..."
Ce livre a été choisi pour être "Le
livre de la Fondation Schiller Suisse 1998".
Anne Bregani, Chroniques du nord-est,
Samizdat, 2001.
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Anne
Bregani / Le territoire de l'oiseau |
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Mes os couvent
un nouveau corps une autre marche
je veux
changer de nom de plus
prendre clôture
aux barbelés de nos mensonges
Comme on dit "à fleur
de peau", ne pourrait-on dire "à fleur
d'os"?
Car c'est de ce lieu si rarement nommé que monte
le chant d'Anne Bregani, des mots "fauves pleins
de nacre et de dents."
Ici, le poème fait corps avec le corps. Le dos,
les vertèbres, les reins se conjugent avec l'herbe
et l'arbre.
La matière des mots est
parfois trop fine. Mais mes pieds ont leur propre écriture.
Récit des jambres, vois comme je m'en viens du
large: souviens-toi qu'en moi vit un arbre qui marche.
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Qui dit l'arbre dit le ciel. Et cette poésie de l'incarnation
n'en est pas moins ouverte, en son centre, sur le territoire
de l'oiseau:
Sans doute un jour serons-nous absents
de nous-mêmes, ne retrouvant plus nos gestes les plus
sûrs, ni les êtres les plus chers. Alors je m'emparerai
de mon souffle, j'y taillerai un roseau pour en faire une
flûte et j'habiterai l'air de la nuit, telle une calme
rebelle. La vibration ténue - oiseau sur la porte de
la ville - recensera nos présences lointaines: c'est
ainsi que l'on chante en mon pays, mon pays de collines toutes
pareilles à ma voix, que j'entendrai à l'intérieur
du ciel.
Déjà nous découvrons combient elle nous
est nécessaire.
D.M
Anne Bregani, Le territoire de l'oiseau,
Samizdat, 1996.
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Anne
Bregani / Le livre des séparations |
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Ceux qui avaient lu Le territoire
de l'oiseau le pressentaient ou même le savaient
déjà: la poésie d'Anne Bregani
nous touche en ce point obscur et brûlant, à
la jointure du corps et de l'âme, où s'affrontent
en nous le jour et la nuit, la douceur et la douleur.
Né de l'épreuve
sans nom d'un double deuil (la jeune soeur, le jeune
frère) et rejoignant au coeur de l'universelle
mémoire les figures de la tragédie grecque,
Le livre des séparations, sans pathos ni préciosité,
nous parle une langue infiniment proche, incarnée,
élémentaire:
Dans
le chagrin fragile
je cherche la force tenace des mots
ô
méfiantes et peu sûres paroles
jamais assez grandes
jamais assez aiguës
pour dire les questions interdites:
quel corps apprend-on dans la douleur?
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Livre des séparations, livre des questions aussi,
adressées à tout lecteur qui accepte d'être
ramené des frontières en son centre:
"Pourquoi vivez-vous?"
D.M
Anne Bregani, Le livre des séparations,
Samizdat, 1997.
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Mireille
Reymond Dollfus / Déposition |
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Déposition
d'abord et surtout au procès qui n'a pas
eu lieu. Et qui va se tenir ici, dans ce huis-clos
du livre où le lecteur est prié
d'entrer, et d'écouter, en son âme
et conscience, à la frontière du
murmure et de la protestation, ce que les mots
tentent de dire.
Déposition,
ensuite, des tyrans, qui, durant vingt années,
réduisirent au silence la plainte inexprimable
: la culpabilité, la peur, la honte, le
tabou.
Déposition,
encore, cette scène où les peintres
(de Fra Angelico au Caravage, du Véronèse
au Titien) montrent le corps outragé, entre
la descente de Croix et la déploration,
après le sang, avant les larmes.
Et enfin parce qu'il y
a "déposer" dans déposition.
Déposer, au bout d'un long chemin de solitude,
ce fardeau trop lourd à porter. Ce joug
dont la charge à la longue détruit
à petits feux.
Ce samizdat rouge et noir
aux accents de Gospel devrait sortir de l'ombre.
Je suis heureuse d'en éditer la partition.
Denise Mützenberg
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Née à Sainte-Croix en
1961, Mireille Reymond Dollfus
passe son enfance à Genève. Elle entreprend
des études de violon qu'un accident interrompt brutalement.
En effet, l'année de ses quinze ans, sa vie bascule.
Elle tombe lors d'une leçon de gymnastique : la colonne
cervicale est atteinte, la lésion difficile à
soigner. La paralysie menace, les douleurs sont intolérables
et l'angoisse lancinante.
Elle pourra de nouveau marcher, mais
après deux ans d'une traversée dramatique dont
on trouvera dans ces poèmes la déposition à
la fois implacable et retenue.
Licenciée en théologie,
Mireille Reymond Dollfus s'est engagée pendant trois
ans et demi au service de l'Eglise de Jésus-Christ
à Madagascar, avant de revenir exercer dans sa ville
un ministère pastoral reconnu en 1999 par l'Eglise
protestante de Genève. Mariée et mère
de quatre enfants, elle s'apprête aujourd'hui à
partir en famille pour le Burkina Faso.
Mireille Reymond Dollfus, Déposition,
Samizdat, 2001.
Page créée le 15.11.01
Dernière mise à jour le 20.06.02
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