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Editions Samizdat

Denise Mützenberg
8 chemin François-Lehmann - 1218 Grand-Saconnex
Tél. 022 734 05 92
sampoesie@gmail.com
http://www.editionsamizdat.ch



 

  Anne Bregani / Chroniques du nord-est

Sur des tesson de poterie (ces ostraca d'où nous est venu le mot "ostracisme"), les anciens Grecs inscrivaient le nom des citoyens suspects qu'ils voulaient bannir. Sur d'autres, ils dessinaient des signes et des figures.

C'est à partir de semblables fragments de terre cuite, réels, tangibles, posés à portée de main ou de regard, qu'Anne Bregani poursuit son exploration du thème des frontières, des territoires et des passages, des migrations, des ruptures, des départs et des retrouvailles.

Et voici que peu à peu les ostraca se changent en poèmes, voilà qu'éclats, "briques" et débris débrident notre coeur et dessillent nos yeux. Le passé devient présent et le lointain tout proche:
"Ce n'est plus/ l'invasion de la blessure/ mais sa guérison."

Toujours reconnaissable à sa texture d'os et d'herbe, la voix d'Anne Bregani, ici prend de l'ampleur, s'affirme, nous entraîne, à travers les séparations, vers un orient "où la parole habitera nos corps":


Dans le moment bref
où je vis
où j'aime le monde
infiniment divers
tous me sont provisoirement rendus frères
toutes me sont rendues soeurs
à moi-même je suis
frère et soeur

je ne sais quelles eaux
quelle traversée ondoient
entre les instants

appelée j'ai laissé la rive
pour la haute et profonde mer

Née à Berne le 31 octobre 1951, Anne Bregani vit à Lausanne où elle a suivi les Beaux-Arts, puis obtenu une licence ès sciences politiques. Enseignante, elle reçoit dans sa classe d'accueil des jeunes qui viennent de tous les continents.

Au printemps 1996, les éditions Samizdat publient son premier recueil Le territoire de l'oiseau. A son propos, Jean-Raymond Tschumy écrit: "Cette poésie parle avec la simplicité de ses élans, par des mots qui vont droit au centre de l'émotion."

Le livre des séparations paraît en mai 1997. Marion Graf salue dans ce deuxième recueil "la prenante autorité que peuvent donner, jusque dans le dénuement et l'ignorance, justesse et sobriété de ton..."
Ce livre a été choisi pour être "Le livre de la Fondation Schiller Suisse 1998".

Anne Bregani, Chroniques du nord-est, Samizdat, 2001.

 

  Anne Bregani / Le territoire de l'oiseau

Mes os couvent
un nouveau corps une autre marche
je veux
changer de nom de plus
prendre clôture
aux barbelés de nos mensonges

Comme on dit "à fleur de peau", ne pourrait-on dire "à fleur d'os"?
Car c'est de ce lieu si rarement nommé que monte le chant d'Anne Bregani, des mots "fauves pleins de nacre et de dents."
Ici, le poème fait corps avec le corps. Le dos, les vertèbres, les reins se conjugent avec l'herbe et l'arbre.

La matière des mots est parfois trop fine. Mais mes pieds ont leur propre écriture. Récit des jambres, vois comme je m'en viens du large: souviens-toi qu'en moi vit un arbre qui marche.


Qui dit l'arbre dit le ciel. Et cette poésie de l'incarnation n'en est pas moins ouverte, en son centre, sur le territoire de l'oiseau:

Sans doute un jour serons-nous absents de nous-mêmes, ne retrouvant plus nos gestes les plus sûrs, ni les êtres les plus chers. Alors je m'emparerai de mon souffle, j'y taillerai un roseau pour en faire une flûte et j'habiterai l'air de la nuit, telle une calme rebelle. La vibration ténue - oiseau sur la porte de la ville - recensera nos présences lointaines: c'est ainsi que l'on chante en mon pays, mon pays de collines toutes pareilles à ma voix, que j'entendrai à l'intérieur du ciel.

Déjà nous découvrons combient elle nous est nécessaire.

D.M

Anne Bregani, Le territoire de l'oiseau, Samizdat, 1996.

 

  Anne Bregani / Le livre des séparations

Ceux qui avaient lu Le territoire de l'oiseau le pressentaient ou même le savaient déjà: la poésie d'Anne Bregani nous touche en ce point obscur et brûlant, à la jointure du corps et de l'âme, où s'affrontent en nous le jour et la nuit, la douceur et la douleur.

Né de l'épreuve sans nom d'un double deuil (la jeune soeur, le jeune frère) et rejoignant au coeur de l'universelle mémoire les figures de la tragédie grecque, Le livre des séparations, sans pathos ni préciosité, nous parle une langue infiniment proche, incarnée, élémentaire:

Dans le chagrin fragile
je cherche la force tenace des mots

ô méfiantes et peu sûres paroles
jamais assez grandes
jamais assez aiguës
pour dire les questions interdites:
quel corps apprend-on dans la douleur?


Livre des séparations, livre des questions aussi, adressées à tout lecteur qui accepte d'être ramené des frontières en son centre:
"Pourquoi vivez-vous?"

D.M

Anne Bregani, Le livre des séparations, Samizdat, 1997.

 

  Mireille Reymond Dollfus / Déposition

Déposition d'abord et surtout au procès qui n'a pas eu lieu. Et qui va se tenir ici, dans ce huis-clos du livre où le lecteur est prié d'entrer, et d'écouter, en son âme et conscience, à la frontière du murmure et de la protestation, ce que les mots tentent de dire.

Déposition, ensuite, des tyrans, qui, durant vingt années, réduisirent au silence la plainte inexprimable : la culpabilité, la peur, la honte, le tabou.

Déposition, encore, cette scène où les peintres (de Fra Angelico au Caravage, du Véronèse au Titien) montrent le corps outragé, entre la descente de Croix et la déploration, après le sang, avant les larmes.

Et enfin parce qu'il y a "déposer" dans déposition.
Déposer, au bout d'un long chemin de solitude, ce fardeau trop lourd à porter. Ce joug dont la charge à la longue détruit à petits feux.

Ce samizdat rouge et noir aux accents de Gospel devrait sortir de l'ombre. Je suis heureuse d'en éditer la partition.

Denise Mützenberg


Née à Sainte-Croix en 1961, Mireille Reymond Dollfus passe son enfance à Genève. Elle entreprend des études de violon qu'un accident interrompt brutalement. En effet, l'année de ses quinze ans, sa vie bascule. Elle tombe lors d'une leçon de gymnastique : la colonne cervicale est atteinte, la lésion difficile à soigner. La paralysie menace, les douleurs sont intolérables et l'angoisse lancinante.

Elle pourra de nouveau marcher, mais après deux ans d'une traversée dramatique dont on trouvera dans ces poèmes la déposition à la fois implacable et retenue.

Licenciée en théologie, Mireille Reymond Dollfus s'est engagée pendant trois ans et demi au service de l'Eglise de Jésus-Christ à Madagascar, avant de revenir exercer dans sa ville un ministère pastoral reconnu en 1999 par l'Eglise protestante de Genève. Mariée et mère de quatre enfants, elle s'apprête aujourd'hui à partir en famille pour le Burkina Faso.

Mireille Reymond Dollfus, Déposition, Samizdat, 2001.

 

Page créée le 15.11.01
Dernière mise à jour le 20.06.02

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