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Editions Zoé

Marlyse Pietri-Bachmann
CH-1227 Carouge-Genève
Tél. 022 / 309.36.06
Fax 022 / 309.36.03
e-mail: info@editionszoe.ch
http://www.editionszoe.ch


 

  Jean-Marc Lovay / Asile d'Azur

ISBN 2-88182-462-5

Irrémédiable destin que celui de ce joyeux médecin qui, pour guérir son plus fidèle patient, épouse son triste mal en sachant qu'il ne le sauvera jamais.

A l'entrée d'hiver du jardin zoologique fermé depuis trente ans, le narrateur, après avoir passé devant "la statue du renard blanc érigée en mémoire de la blancheur éternelle des goupils transportés dans la transe des enragés", franchit le seuil de la clinique Azoug où il est attiré par l'avis d'une pancarte : unique patient cherche volontaire pour le visiter. Hypnotisé par le lieu où la Doctorine Azoug l'attend depuis très longtemps, il avance à la recherche de ce patient avec la douceur du terrible désespoir inconscient. Le patient Hazoug est le peintre attitré de la Doctorine, tenu de faire son autoportrait tout en sachant qu'il mourra le jour où, pour son malheur, il aurait achevé l'oeuvre où elle reconnaîtrait leurs deux visages enfin confondus.

Jean Marc-Lovay libère, en le maîtrisant, le souffle d'une folie dans l'écriture. Auteur des Régions céréalières, il signe ici son septième roman.

Jean-Marc Lovay, Asile d'Azur, Editions Zoé, 2002.


Extrait

"Un soir du temps où les jours et les nuits n'avaient déjà plus chacun leur aube et leur crépuscule je longeais la clôture du jardin zoologique fermé depuis trente ans et arrivé à l'ancienne entrée d'hiver je regardais vibrer la gerbe de roses blanche déposée devant la statue du renard blanc érigée en mémoire de la blancheur éternelle des goupils transportés dans la transe des enragés et regardant passer un homme qui riait et pleurait déguisé en singe qu'on aurait forcé à endosser l'uniforme des pompiers je sentais venir contre la cage d'os qui enfermait mon coeur l'intense souvenir du souffle de feu réunissant les derniers soupirs de toutes les bêtes disparues et ayant poussé la vieille porte je voyais une porte neuve d'acier noir entrouverte en bas du pavillon d'accueil et je courais soulever la toile qui recouvrait une pancarte sur laquelle j'avais encore la force de lire :

Clinique Azoug

Avis : unique patient cherche volontaire pour le visiter."

Extrait de: Asile d'Azur, Editions Zoé, 2002.

 

Notice biographique

Jean-Marc Lovay passe son enfance dans les montagnes valaisannes. A l'âge de seize ans, il quitte brusquement le lycée, apprend la photographie et entreprend un périple sur les routes d'Afghanistan, de l'Inde et du Népal, interrompu par de brefs retours en Suisse. Cet appel de l'Asie, il le partage avec Maurice Chappaz dans La Tentation de l'Orient (Zoé-Poche), une correspondance qui restitue une sorte de pensée sauvage (disponible en librairie en France dès juin 2002, à votre disposition sur demande).

C'est la publication des Régions céréalières qui le fait connaître.

 

Oeuvres de Jean-Marc Lovay

Jean-Marc Lovay, né en 1948 à Sion, a publié son premier roman, Les Régions céréalières, chez Gallimard en 1976. Il faut alors lauréat du Prix de la vocation et reçut la Bourse del Duca. Cinq autres romans sont parus depuis cette date : Le Baluchon maudit et Polenta (Gallimard), Le Convoi du colonel Fürst, Un soir au bord de la rivière, Aucun de mes os ne sera troué pour servir de flûte enchantée, couronnés de divers prix, le prix Schiller, le prix Dentan.

Lovay a également publié un recueil de trois conférences, les Conférences aux Antipodes, qui furent mises en scène en 1988, des nouvelles, Midi solaire, et un MiniZoé où de cours textes sont réunis sous le titre La Négresse et le chef des avalanches.

Marlyse Pietri-Bachmann

 

  Catherine Safonoff / Au nord du Capitaine

ISBN 2-88182-463-3

Une femme est tombée sous le charme d'une île qui, longtemps, lui prodigue ses dons simples. Promenades par les sentiers solitaires, musique d'une autre langue, la mer, les bateaux. Un jour, dans un café du port, la visiteuse rencontre le Capitaine Rouge. C'est un homme de sac et de corde, mais sa voix et sa prestance ravissent l'étrangère.

S'ensuivent les péripéties coutumières des amants - promesses, mensonges, chassés-croisés mélodramatiques, bagarres contre les moulins à vent. A l'école du Capitaine Rouge, ce maître de l'envers des choses, la narratrice perd quelques illusions.

Ce qui sauve la passion humaine, c'est sans doute la mémoire. Demeurent à la fin les objets, témoins humbles et fidèles. Demeurent les lieux, parfaits, d'une aventure triviale - une maison et un jardin dans le pays gris et, là-bas, l'île aux sortilèges, plus vraie maintenant qu'elle a des ombres.

Catherine Safonoff, Au nord du Capitaine, Editions Zoé, 2002.


Extrait

"Un jour j'achetai des iris et des soucis et je ramenai ce bouquet dans la chambre, croyant à la bonté des fleurs. Je les mis dans un bocal ayant contenu des cornichons. Sur la table de formica, le bouquet ressemblait à un volatile englué dans la marée noire. Les tiges puaient déjà. Je jetai les fleurs par la fenêtre.

Je repense au mot prison, seulement au mot. Quand le Capitaine Rouge m'appela, ce matin de juillet dans l'île, il prononça ce mot à peine je m'étais assis auprès de lui. Mon coeur battait fort. J'avais obéi à l'appel de mon nom comme un chien qu'on siffle. En une seconde ma vie venait de changer de mains, je ne m'appartenais plus. J'entendis bien le mot prison, je compris bien que le Capitaine Rouge ne l'utilisait pas au figuré. Mais il avait ce matin-là l'air si heureux et il y avait si longtemps qu'on ne m'avait appelée ainsi, si irrésistiblement, que le mot prison prononcé à côté de mon nom le fit rayonner comme si je m'appelais liberté."

Extrait de: Au nord du Capitaine, Editions Zoé, 2002

 

Notice biographique

Catherine Safonoff est née en 1939 à Genève où elle vit aujourd'hui. A collaboré occasionnellement au Journal de Genève et à la Radio suisse romande pour des critiques littéraires, a aussi écrit des scénarios pour la télévision ainsi que des adaptations de romans pour le cinéma (Polenta de Jean-Marc Lovay pour Maya Simon) et pour le théâtre (Le Malheur indifférent de Peter Handke).

Au nord du Capitaine est son cinquième roman.

 

Catherine Safonoff / Postface du MiniZoé : La Part du fleuve

Catherine Safonoff est née en 1939 à Genève. Elle y vit, elle y travaille, elle y a élevé ses enfants. A pied ou à vélo, elle a quadrillé la géographie inépuisable de cette ville qui habite chacun de ses quatre romans, de même que les nouvelles inédites de ce recueil. De cet auteur réservé on ne sait pas grand-chose - que ses livres. Il y a d'ailleurs entre romans et nouvelles des correspondances, des coïncidences, un dialogue. Peut-être, sûrement en est-il ainsi de sa vie et de son oeuvre.

Je vois "La Part du fleuve" comme la face ombreuse du Pont aux Heures, publié à la fin de 1996; la romancière a-t-elle ressenti la nécessité de rétablir cette vérité, que l'eau, le courant, ne sont pas que des éléments quasi féeriques d'un conte mais aussi le lieu ultime qui hante et appelle ceux qui ont l'âme noyée ? Ni l'amour, ni la mélodie d'une voix ne parviendront à sauver le locataire taciturne de la narratrice de cette première nouvelle.

Car il y a chez les personnages de Catherine Safonoff une lente impuissance à mener à bien une vie. Et l'écriture que pratiquent si souvent ceux qu'elle met en scène ne leur est pas d'un grand secours, soit que les phrases tracées ne parviennent pas à ceux à qui elles sont destinées, soit que la mort survienne comme une délivrance, une issue possible à cette activité peut-être trop solitaire.

La seconde nouvelle, "Femme à l'oiseau", est l'histoire d'une quête : "Dès le moment où elle avait compris qu'il n'y aurait plus personne dans sa vie, elle s'était mise à chercher une maison." Mais l'auteur conjugue le verbe chercher au mode intransitif, l'essentiel étant que la narratrice nous soit montrée en état de recherche, continuelle, et continuellement aussi en état d'empêchement. Et nul ne s'étonnera que cette femme passe très près de la maison de ses rêves - et ne lève pas les yeux sur elle.

On le voit, les héroïnes de cet écrivain si discret ne sont pas des battantes ni des extraverties. Elles sont de celles qui hésitent et se trompent, qui marchent et trébuchent ; elles sont de celles qui demandent à un oiseau mort de leur réchauffer les mains. Il semblerait qu'exiger plus de la vie soit aux yeux de ces femmes un peu indécent. Mais souhaiter plus, cela elles le peuvent et ne s'en privent pas.

Je repense alors aux innombrables lettres qui composent Comme avant Galilée (1993) : lettres rédigées, adressées (aux connus et aux inconnus, aux objets qui demeurent et aux heures qui passent), destinées mais jamais envoyées. Lettres qui engloutissent dans le tourbillon de leurs errances la seule qui entre toutes devait être écrite mais ne le sera point, ces quelques mots qu'il aurait fallu dire au père avant que la mort n'advienne.

La dernière nouvelle propose elle aussi une sorte de contrepoint très sombre à ce qui fut, dans d'autres écrits, anecdotique et souvent chaleureux : le bruit de la vie des autres. Les mots et les douleurs de la solitude apparaissent rarement sous la plume de Catherine Safonoff et cependant ils occupent les textes de façon lancinante et dramatique car le silence vient de ceux qu'on aime, ou qu'on a aimés, et seuls se manifestent ceux qui nous indiffèrent.

Ainsi l'intolérable intrusion relatée dans "17, impasse Vige" : l'isolement d'une femme y est rendu plus flagrant encore par son attention constante à ceux pour qui elle n'est rien : ses voisins d'immeuble. Porosité des vieux appartements où l'on partage les repas, les ablutions et la télévision de ceux d'en dessus et de ceux d'à côté. Maria Krave note les sentiments que lui inspire cette éprouvante invasion de tous les instants ; est-ce cela qui a précipité sa mort, ou bien cette découverte tragique : ce qui était si intolérable à ses oreilles n'était que la manifestation de la fin d'un amour, bruits de pas qui cherchent et qui attendent, vacarme que font des bras qui se referment sur le vide.

L'impasse qui donne son titre à la nouvelle rejoint ici l'empêchement que j'évoquais plus haut : cette impossibilité somme toute peu raisonnable, mais si compréhensible, si humaine, parfois, d'aller de l'avant.

Nul ne s'étonnera dès lors que les lieux de Catherine Safonoff soient ceux de l'incertitude et du provisoire : lieux de passage, d'attente; des rues, des cafés, des buffets de gare. Il y a les endroits que l'on quitte - dans La Part D'Esmé (1977), la jeune femme laisse derrière elle une maison, et l'homme et les enfants qui y vivent; il y a surtout ceux où l'on revient panser ses plaies par les modestes gestes d'un quotidien dérisoire et essentiel, ainsi la chambre où la narratrice de Retour, retour (1984) tentera d'exorciser un départ avorté. Il y a enfin le lieu rêvé, cette île, là-bas, où la vie un jour paraissait simple.

Et l'amour ? L'amour est un météore dans le ciel des femmes; des hommes, jeunes, le traversent et s'en vont. Ceux qui restent le font pour de mauvaises raisons et cela n'est source d'aucun bonheur.

La voix de Catherine Safonoff, si elle est souvent grave, sait aussi se faire malicieuse et légère. Son regard est celui de l'enfant que nulle hiérarchie apprise n'a encore détourné des très petites et des très grandes choses de ce monde. Et son écriture, la musique qu'elle imprime aux mots et aux phrases, est certainement unique en ce pays.

Postface du MiniZoé : La Part du fleuve
Sylvie Neeman Romascano

 

Page créée le 22.09.01
Dernière mise à jour le 21.08.02

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