Un son venu du ciel
imite la ville dans son abondance
et le tambour des machines à laver
Femmes et hommes rentrent chez eux,
se disputent encore mouillés
Sous leurs pieds, des souris
traversent le sol, luisantes comme la lune.
A ce moment dans le musée,
la femme prend l'aspect
de deux miroirs de poche,
un pour chaque profil,
d'une coupe de sang vieilli
et de deux larmes dorées.
Ainsi, dit-on, Berlin est née.
Berlin dirige tout de sa souffrance,
même les rencontres au cimetière
Tout ce qui est hors des allées
est encore une allée vers la mort.
Nous menons une vie de voyou:
une paresse d'âme sur un chemin vif
d'écoliers, à voler le houx
vert aux portes, avant la baston,
les mains encrées du goudron
des cours d'écoles.
Au moindre faux pas Berlin déchoit
si elle n'a pu répondre
aux modernes attentes
Ses terrains vagueront:
places de bâtards, ivrognes
et camions en free bars
devront déménager
Ils ne savent où aller.
A la moindre frayeur, la ville
reprendra ses pêcheurs,
pour un étang à l'eau d'huile.
Tout recule et avance
Dans les cratères
les chiens au collier maso
s'envoient en l'air
Les maîtres crient
Ta main prend la mienne,
entre le Berliner Ensemble et ce zoo.
Il y a quelque chose de vivant sous elle,
sous ses bras
Se tord la peau de rivière
qui pousse encore près de l'île
et ne tient qu'aux poutrelles
des anciennes bâtisses.
Au creux d'un bruit
qui ruisselle, nous perdons
la chair de nos pensées.
Sans-le-sou,
les passions suivent les routes blanchies
par l'eau des rives, le bazar autour:
habits pour les veuves,
ce qui est tracé à la craie
Des vieilles, une prune écrasée
dans leur main tiède.
Tu me vois à égalité dans l'écume,
nos silhouettes sur la rivière.
Berlin a le noir craquelant de ses artères,
le ventre se relâche comme un sol de poussière.
Elle ne sait comment on trouve la force,
après chaque mort, de revenir.
Je suis à tes côtés,
les étoiles sont un bonheur
pudique: pas besoin de baisser mes yeux,
ni de faire état d'une science
que je possède moins que le premier homme.
- J'aurais préféré te trouver
avant la vie de la mort
J'échangerai Poème pour Roman.
Un jour, la route sera barrée par l'enfance,
nos vies en boomerang et nos premiers parents
inapprochables, effrayants,
comme dans la langue des morts.
Mais pour franchir le fossé, il faut savoir attendre…
L'amour, alors tout entier dans les premiers mots,
est à la fin, plus ou moins rien,
d'une clarté trop visible qui meurt sans vérité.
Francine Clavien
Poème inédit, 2008.
Retrouvez une note biographique et les publications de Francine Clavien sur nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Page créée le 30.09.08
Dernière mise à jour le 30.09.08
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