Obscure, interminable,
sans lampe
derrière les vitres,
la nuit
Pourtant même elle
finit par avoir faim,
on l’entend qui s’agite,
se rétracte pour mieux fuir,
soudain se sauve
par les toits
*
Tout occupée avant le jour,
tu laves le sol, en bas,
forte à la tâche,
l’eau tu la jettes sur la pierre sale,
la fais glisser, on voudrait l’éponger,
pouvoir t’aider, mais tu vas vite,
effaces en hâte les marques de pas,
les traces noirâtres
Au vent séchera l’humidité,
toutes portes ouvertes,
le vent qui passe sa serviette
grasse, froissée
*
Déjà des deux côtés,
dans la pénombre qui s’allonge,
tu alignes les vases, les pots vides ;
étroit, le corridor, long comme la nuit,
une nuit sans fin,
éclairée tout au bout
par le verre dépoli
des étoiles
*
Concentrée ou méfiante,
elle ignore nos appels,
ne lève même pas la tête
quand on s’adresse à elle
Rien ne pourrait la distraire de ses besognes,
le carrelage sous l’eau courante,
les robinets à refermer et l’éternelle affaire
du vent,
comme un foyer où rien n’arrive,
rien, sauf la lumière,
et cette fine couche de poussière
sur les meubles, qui s’éclaire,
s’allume
*
Mais nous, comment nous orienter,
ne pas trébucher constamment
sur le linge entassé
et les sacs en désordre,
la cour est une grande bouche
difforme
où s’engouffrent les cris
*
Panagia Drossiani
Vierge massive
aux hanches larges
au front de bois
elle pleure
dans les sous-sols
oubliée
sous ces voûtes
depuis quels temps lointains
pour qui
pleure-t-elle
si bas
*
Sur le drap lourd
de ses jupes
l’obscurité grandit
bientôt recouvre
jusqu’à ses pieds
les mots gravés
dans la pierre dure
*
Faut-il pour vivre
ignorer l’ombre
qui se délabre
et cette plainte
à peine audible
qui s’efface
dans la nuit
ou laisser la pensée
tourner
entre ces murs
José-Flore Tappy
Retrouvez une note biographique et les publications de José-Flore Tappy sur nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Page créée le 27.10.11
Dernière mise à jour le 27.10.11
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