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L'invité du mois

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Parole à l'invité - Prix Lipp : "Le harem en péril" -
Extrait d'un livre à paraître - Articles de presse -
bio-bibliographie


  Parole à l'invité

 

Regards en Suisse

Que savais-je de la Suisse

Que savais-je de la Suisse, à l’époque où j’étais encore au village, jusqu’à l’âge de 11 ou 12 ans?

En raclant fort dans ma mémoire d’enfant, il ne me revient guère que de vagues propos dont la vérité ne saurait être garantie ; mais voici que j’entends et voici que j’écoute.

Photo Yvonne Böhler

On savait, sans ordre, que la Suisse avait des montagnes d’argent que beaucoup d’étrangers, souvent de pays pauvres, avaient aidé à construire, mais qu’en revanche, le pays était riche en montagnes de neige et de glace, véritables celles-là et authentiquement régnicoles, et qui avaient la vertu enviable d’agir sur la peau des habitants, en la blanchissant bellement.

On savait aussi que les Suisses possédaient les plus belles vaches du monde et partageaient ce privilège avec les Hollandais. Je le savais parce que mon père avait formé le projet d’acheter une vache pour nous et avait hésité entre les deux. Il opta pour la suisse et moi je le corrigeais, ayant entendu mon maître d’école dire qu’au féminin le Suisse donnait Suissesse. Mais mon père disait; tais-toi, mon atome, nous aurons une vache suisse, et non une Suissesse; même vache, ta mère nous pendrait à la lune par nos paupières, tais-toi donc !
C’était sa plaisanterie de lettré, à laquelle je n’avais accédé que par une tardive remémoration.

Si donc les Suisses avaient les plus belles vaches du monde, ils n’avaient aucune gêne ni aucun scrupule à prendre des bains de lait pur, pas coupé à l’eau comme chez nous; et tu voyais des pépites de beurre flotter dans la baignoire, quand les enfants s’étaient rassasiés de s’ébattre et de débattre.
C’était pour cela que les Suisses avaient la peau claire et lisse, leurs femmes surtout.

C’était ce qu’on disait dans les rues du village.

Que savais-je encore?

Que savais-je encore ?

Eh bien, je savais aussi que notre président de l’époque séjournait en Suisse, pour deux raisons: la première était le repos, à Gstaad qui était la traduction allemande de Genève; mais, ignare, les présidents ne vont que dans les capitales, tu ne sais pas que c’est Genève, la capitale de la Suisse, non? Et l’ignare baissait la tête de confusion.

La seconde raison qui conduisait notre président en Suisse était le besoin régulier de soins dentaires de qualité; ne voyait-on pas qu’il portait la plus belle denture du pays et qu’il n’avait aucune peine à la montrer, s’enhardissant jusqu’à l’effigier sur nos billets de banque ?

Donc, des montagnes de deux sortes , de belles vaches, du bon air favorisant le repos des Grands(mais il n’y a de Grand qu’Allah, on le sait), les meilleurs dentistes du monde et, bien sûr, le chocolat le plus pâmant de la planète.

On disait aussi ...

On disait aussi que les Suisses avaient un grand lac d’eau douce; pas une sebkha, ignare, non, de l’eau douce, de l’eau de pluie bien conservée !
Oui, mais cela, à quoi bon ? Nous, on avait la Blanchemédiane, pleine de poisson, à quoi pouvait leur servir leur lac sans poisson ?
Sur ce détail, nous pouvions chatouiller notre fierté.

Seulement alors qu’est-ce qu’ils mangeaient ces Suisses avec un pays tapissé de montagnes froides de neige et de glace?
Du fromage, bien sûr et du chocolat au dessert. Du lait à boire et pour le bain
C’était la substance de nos conversations d’enfants sans ressources de connaissance.

A vrai dire , la Suisse n’entrait que peu dans notre imaginaire...

A vrai dire , la Suisse n’entrait que peu dans notre imaginaire, en comparaison de la France qui était certes le pays du Roumi conquérant et déflagrant, mais aussi le pays de Paris-la-Lumière. Nous ignorions l’histoire et la géographie de la Suisse, tandis que mon père était capable de citer de mémoire les rivières et les cours d’eau les plus insignifiants du territoire français. Et nul ne savait- le sait-on même aujourd’hui- que le Rhône prenait source et racine en Helvétie. Une injustice qui m’émeut encore.

Quelques années plus tard, mon père fut nommé dans la capitale, ce qui nous permit de glaner quelques autres curiosités suisses.

A Tunis, on ne parlait guère plus longuement de la Suisse ...
Il y avait cependant quelques signes de la présence helvétique ....

A Tunis, on ne parlait guère plus longuement de la Suisse. Il y avait cependant quelques signes de la présence helvétique dans la capitale dont je citerai deux: le premier est la présence d’une horloge au croisement des rues al Jazira et l’avenue de France. C’était une grosse pendule ronde accrochée à trois ou quatre mètres du sol, juste à côté du centre culturel américain. Tous les fauteurs d’amours clandestines et coupables( on l’était toujours à cette époque-là) se donnaient rendez-vous sous al Cortabé ou le Cortébert pour les lettrés. Mais personne ne savait que c’était une horloge suisse. Le mot Cortébert était cependant synonyme de rendez-vous, amoureux le plus souvent.

C’était tout de même un signe de taille pour moi qui allais aimer et épouser une Suissesse !

La seconde présence suisse au centre de la capitale était la Brasserie Suisse. En réalité, cet établissement n’avait de suisse que son nom de baptême, et je puis garantir que l’on y mangeait, jusqu’à une date récente, les meilleures spécialités kasher du pays. Une clientèle bourgeoise et des mets à se manger les doigts. Maintenant que j’y pense, il y avait aussi un bureau Swissair sur le même trottoir que la brasserie. Mais la Suisse c’était encore toutes les montres qu’on ne pouvait se payer. Et comme je l’apprendrai plus tard, chez mes amis vaudois: “ Touche pas à ce tu peux pas t’payer!”, Eh bien, on n’y touchait pas à ces fameuses montres de ministre.

Cela se passe au milieu des années soixante.

A cette époque-là, le président en exercice avait connu des accès d’ennuis dentaires, ce qui l’avait conduit assez souvent à Genève ou , si l’on préfère à Gstaad. On saura pourtant que ces ennuis-là étaient d’ordre psychiatrique, et que c’était Bel-Air qui l’accueillait. On raconte dans cette foulée que lors de l’un de ces séjours, se promenant le long des berges du Léman, le président se serait arrêté, aurait promené son regard sur les eaux bleues du lac et aurait demandé à son ministre de l’économie qui l’accompagnait: ”Combien avons-nous dépensé pour l’assainir?”

A la même époque, un projet d’assainissement du lac de Tunis était en difficile gestation.

Il faut dire que ces fréquents séjours présidentiels nous paraissaient naturels; le président allait à Genève, comme il allait à Monastir, sa ville natale, ou à Hammamet, d’autant que les Suisses soignaient bien. C’était patent, à chaque retour du président. On lui trouvait la peau un brin plus blanche, les yeux un peu plus bleus, la mine épanouie. L’on devait bien cela au Père de la Nation reconnaissante, même si chaque déplacement pour des soins médicaux était un camouflet à la médecine régnicole.

Quand j’eus mon baccalauréat, je ne songeai pas à faire mes études supérieures en Suisse. Mais l’un de mes oncles fut nommé, la même année, à l’ambassade de Tunisie, à Berne. Beaucoup s’étonnèrent que cela ne fût pas à Genève, et il se murmura que le poste était sans doute une affaire de seconde main; d’occasion, avaient suggéré d’autres. Nous y reviendrons.

Je fis mes études universitaires à Paris, sans rien apprendre sur la Suisse

Je fis donc toutes mes études universitaires à Paris, sans rien apprendre sur la Suisse, excepté le fait que Napoléon ne s’était pas gêné pour occuper le pays quelque temps, en réformant ses institutions, réformes que les Suisses avaient vite fait de rejeter, dès le retrait du “grand homme”. Je n’appris rien sur la littérature suisse, alors même que je préparais une licence ès-lettres; je ne connus à Paris ni Ramuz, ni Corinna Bille, ni Chappaz, ni Chessex, ni Haldas ...

Les seules allusions à la Suisse, qui m’étaient faites par des camarades de France, avaient trait à des accusations selon lesquelles je posséderais une propriété bien cachée en Suisse, comme nombre d’hommes d’État du tiers-monde, disaient-ils. Car personne n’ignorait qu’à cette époque-là, j’avais un ministre dans ma famille.

Cela me choquait, mais qu’y pouvais-je ?

Cependant, si je devais évoquer ma première visite en Suisse, je remonterais à l’hiver 67 / 68. J’abordai alors à Marseille. Au port de cette ville, un douanier accueillait la foule sortie du navire avec un mégaphone, demandant aux passagers de se scinder en deux catégories : les Mohammed et les autres. Comme je ne portais pas le prénom mégaphoné, je fis la queue avec les non-Mohammed. Quand ce fut mon tour de présenter mes papiers, le préposé à l’accueil manqua se pâmer de colère tricolore; un collègue le secourut et proféra à mon adresse que la catégorie d’humour que je venais de leur servir était à forclore. Ce n’était pas dit ainsi, mais Allah seul connaît la vérité.

Je ne compris l’incident que l’ayant conté dans les hautes sphères de mon entourage.

Mais allons vers la Suisse.

Voilà ce qui devait frapper mes sens, à la première rencontre avec ce pays ...

Je garde encore la nostalgie de ce voyage, parce que c’est à cette occasion-là que je vis la neige pour la première fois. Une rencontre soudaine et pleine, au sortir d’un tunnel, je ne sais pas lequel, mais la neige apparut sans avertir et le paysage parut soudain plus plat, comme si le blanc uni avait effacé tous les reliefs. C’était un exemple d’harmonie absolue de beauté et de pureté qu’Allah donnait sur ce sol, me dis-je, et il n’y avait plus qu’à suivre.

Harmonie et pureté. Voilà qui devait frapper mes sens, à la première rencontre avec ce pays. J’écrivis à l’époque à ma famille, annonçant que j’avais trouvé le Paradis.

Cette impression, je devais la retrouver, quinze ans plus tard, dans le sein même d’un homme chargé d’années, le père d’un ami. Cet homme était venu rendre visite à son fils, doctorant à Genève. J’invitai père et fils au bord de la Broye où je louais une petite maison. Nous avions accueilli le visiteur à Cointrin et lorsque nous étions arrivés à Epalinges, l’homme se tourna vers moi et me demanda où étaient donc les Suisses ? Il n’y avait pas de piétons, pas de Suisses.

Après le repas, nous entreprîmes de longer la Broye. Mon invité s’arrêta soudain, posa sa main sur mon épaule et me dit:” Sais-tu, mon fils, que maintenant je suis sûr que le Paradis existe, je viens d’en acquérir la conviction.”

Je ne vis pas la pertinence de cette déclaration et restai donc muet.

Il ajouta alors: “ Parce que, si le bon Dieu a pu faire un pays aussi beau que ce que je vois, crois-tu qu’il ne soit pas capable de faire un peu mieux ? C’est cela le Paradis, un peu mieux qu’ici, et c’est plus que suffisant !”

De retour à la maison, mon hôte se remit à contempler le paysage et observa que le verger, propriété de nos voisins, était couvert d’une herbe aussi haute qu’un homme. Il la contempla un moment, s’en approcha, toucha avec précaution et se tourna vers moi : “Est-ce que je peux me rouler là-dedans un instant, mon fils ? ”J’avoue que je cédai à la surprise et à la gêne, car outre que je ne voyais pas cet homme distingué et d’âge vénérable se rouler par terre comme un âne galeux, outre cela, nous interdisions à nos enfants de fouler l’herbe deux ou trois jours après le fauchage. je restai donc coi, jusqu’à ce que le fils prît l’initiative de répondre au père, connaissant heureusement les usages du pays.

Une année plus tard, l’homme que je n’avais pas autorisé à se rouler dans l’herbe mourut subitement. J’en conçus un long étranglement.

Mais revenons à ma première visite.

Je ne restai chez mon oncle que trois ou quatre jours, mais je découvris qu’on parlait une espèce d’allemand à Berne, cependant que tout le monde s’exprimait volontiers en français. J’abordai un jour, dans un café, une bande de jeunes et nous sympathisâmes assez naturellement. L’une des jeunes filles présentes me dit, sans paraître me questionner: ” Tu es d’où ?" ( je compris doux). Je rougis aussitôt et répondis: “ Ah! tu trouves ?” Elle eut un silence puis reprit: ” Mais tu ne me dis pas de quel pays tu viens!”

On nous avait ressassé que les Européennes étaient plutôt directes, alors ... Elles étaient toutes, comment dire ... avenantes et accueillantes et pas réticentes, ni récalcitrantes et même, entreprenantes, alors quoi ?

C’est mon second voyage, quatre ans plus tard, qui me fit choisir ce pays.

Je m’installai d’abord pour quelques jours chez mon oncle de Suisse, à Rüfenacht, dans la banlieue bernoise. Je prenais chaque jour le petit train bleu pour Berne et je rentrais en voiture diplomatique au milieu ou en fin de nuit.

Le Président de la Confédération helvétique

Un jour, j’étais en compagnie de mon oncle, dans un café fréquenté par des diplomates mais aussi par le bon peuple de la capitale. Nous attendions quelqu’un et surveillions donc l’entrée.

Je vis soudain un homme pousser la porte du café, ôter son chapeau, son manteau, et je sentis mon oncle me toucher de son coude; regarde cet homme, chuchota-t-il!

Un homme ordinaire, la soixantaine, peut-être, un costume et une cravate; il tira une chaise et s’assit, à quelques tables de nous. Mon oncle se leva et alla lui serrer la main, obséquieusement.

- Sais-tu à qui j’ai serré la main, dit-il, avec une malice satisfaite d’elle-même. ?
Une personne anonyme, pour moi, à supposer que cela existe.

Eh bien, il fallait retenir son souffle et sa langue et rester bien assis, car l’homme dont la main venait d’être serrée par mon oncle, diplomate de son état, cet homme n’était autre que, rien de moins, je jure par Allah ...le Président de la Confédération helvétique, en personne , en chair et en os, tu l’as vu, fils de ma soeur !

C’était évidemment impossible et je me fâchai un peu, parce qu’on me prenait pour un niais, tout licencié ès-lettres que j’étais, mais enfin, je savais mon oncle un peu rodomont, je pouvais donc bien lui pardonner sa folie des grandeurs et je repris.

Quoi, le Président de la Suisse, tout seul, dans un café, sans soulever les foules; un Président que rien n’avait annoncé, pas de motards, pas de sirènes, pas d’hélicoptères, pas d’escorte et pas de policiers aux abois, on n’avait pas bouclé le quartier, ni arrêté la circulation, sans compter que dans ce café-là, personne n’avait semblé le reconnaître, personne n’avait bougé, à part mon oncle; nul ne sourit, nul n’applaudit !

C’était évidemment impossible et la plaisanterie était pour le moins insapide !
- Regarde-le bien pour t’en souvenir tout à l’heure, dit mon oncle calmement.

De retour à la maison, il sortit un dossier de presse où la photo du Président illustrait chaque article conservé.

Mais ce n’était pas tout. J’appris aussi que le Président payait lui-même ses assurances, ses tickets de tram, ses pommes de terre et tout ce qu’on voudra, comme n’importe quel fils d’Adam résidant en ce pays et possédant une boîte à factures hantée quotidiennement par le facteur, fauteur de bulletins de versement, terreur du peuple, par Allah !

Je médite encore sur cette pyramidale vérité.

Ma première télévision

Cela me remet en mémoire l’incroyable réaction qu’eut ma propriétaire, le jour où je fis ma première télévision, comme il se dit.

Je venais de publier mon premier roman et j’en étais fier comme un coq des bords de la Blanchemédiane. Jean-Philippe Rapp me convia à son journal de 12 h.45.

De retour , en fin d’après-midi, dans ma petite ville broyarde, je me mis à arpenter les bars et les trottoirs et les petites places et les grandes surfaces , en scrutant les regards, certain qu’on allait se précipiter sur moi pour me toucher la main. Mais les regards escomptés, comme souvent, restaient fuyants, éteints ou absents. Soudain, ma propriétaire. Elle ralentit le pas, elle va s’arrêter, me serrer la main, qui sait, peut-être m’embrasserait-elle ?

Elle est à ma hauteur, elle s’arrête, mon Dieu, enfin quelqu’un pour me féliciter ... je m’arrête avec un sourire grand comme une échancrure dans le visage. Elle ne me regarde pas, elle me toise, son visage reste fermé et elle finit par dire, après avoir posé une main sur une hanche, l’autre brandissant une canne: “Alors, comme ça, on veut devenir célèbre !” en raclant fort le R.

Le ton était sévère, presque indigné.
Je restai figé sur le trottoir; elle reprit son chemin.
Si les gens connus font tout pour passer inaperçus, pourquoi des inconnus voudraient-ils passer aperçus ?
Quinze ans séparent ces deux événements, le bernois et le broyard.

Mais revenons un instant à Berne.

Mon oncle et moi

Mon oncle et moi avions pris la curieuse habitude de partir en vadrouille, chaque fin de journée. C’était au hasard de l’envie de l’un ou de l’autre: Zurich, Bâle ou Genève ou encore la Neuveville. La seule limite que nous nous imposions était de ne rentrer pas trop tard. Mais il arrivait que nos rentrées fussent tardives et un brin éthérées.

Or une nuit, traversant tel patelin de la région bernoise, mon oncle ne vit pas que certain trottoir s’étendait au-delà des limites qui lui étaient légalement imparties. Il le heurta donc, sans méchanceté. Il était environ trois heures du matin. Le lendemain, ou quelques heures plus tard, mon oncle reçut un appel téléphonique en son bureau, de la part des gendarmes. On lui demandait, très courtoisement, si sa rentrée de la veille s’était déroulée sans heurt; après quoi, on l’informa que quelqu’un avait ramassé l’enjoliveur d’une roue , celle d’une Mercedes et que cet objet pouvait être le sien. Cela dit, Monsieur le Ministre plénipotentiaire était humblement prié de contrôler ses roues et de rappeler.

Alors mon oncle, éberlué et confus, alla inspecter sa voiture ; il lui manquait bel et bien un enjoliveur!

Quand il me conta ces faits, en fin d’après-midi, je fus stupéfié, puis j’eus peur. Je crus d’abord que nous étions pistés, surveillés, harcelés, mais je n’en vis aucune raison. Je me pris alors à soupçonner mon oncle d’être un hors-la-loi au jeu celé, mais c’était absurde !

L’explication était pourtant toute simple: la personne qui avait ramassé l’enjoliveur devait se tenir sur son balcon à notre passage, ce soir-là. “Un flic en chaque Suisse”, diraient les langues qui clappent et qui frappent. Allons donc !

Et puis le temps passant sans repasser, me voici presque en Méditerranée, au bord du lac pour des années.

Un jour, je vis passer au bord de l’eau une Lémanienne aux yeux émeraude. Elle venait les baigner au soleil bleu du Léman.

Je cueillis alors une pomme, dans le verger au bord de l’onde, et la lui lançai; elle l’attrapa et la croqua. Nous nous mîmes la main dans la main et le temps nous embarqua.

Ma première voiture et la suivante...

Et puis un jour, me vint, sans crier gare, une impérieuse et furieuse envie de changer de monture. J’avais pourtant beaucoup de peine à remplir le réservoir de ma petite Mini, mais ce n’était plus assez pour moi. Je nageais alors en pleine moimoisie . Cependant, il fallait prendre l’avis d’un aîné car, comme le rappelle le dicton tunisien:
Si d’une seule nuit Tel te dépasse
D’au moins une ruse il te surpasse !
En traduction libre, évidemment. Ruse ou expérience ou intelligence ou sapience, allez savoir !

J’avais alors vingt-six ou vingt-sept ans. Ma première voiture avait été acquise avec le consentement d’un aîné, comme il se doit. Or mon oncle n’était plus en poste à Berne.

Il fallait tout de même dénicher un aîné, faute de quoi, aucune transaction n’était envisageable.
J’en fis part à ma Lémanienne qui était devenue ma compagne. Je voulais en parler à son père.
Mais pourquoi voulais-je en parler à son père à elle; au reste, lui ou un autre, pourquoi vouloir en parler à quelqu’un; c’était ma décision à moi, voilà tout !

Je trouvai cette réaction étrange, et même vexatoire en regard du père, à qui je manquerais de respect, si je ne prenais auprès de lui conseil et avis et même, plein consentement, puisque c’était lui l’aîné de la famille; même si nous ne sommes pas mariés, femme, faillis-je ajouter !

Je me mis en humeurs saumâtres à cause de cette affaire et j’attendis. Quelques jours plus tard, nous étions invités à dîner (à midi ! je vécus quelques quiproquos à ce sujet) chez les parents de mon amie.

J’attendis le café et, sans préambule, j’annonçai une affaire sérieuse à exposer. J’avais besoin de l’avis du chef de famille de qui je sollicitais, plus précisément, conseil et approbation.

Je vis alors les mines prendre un air sévère autour de la table, des gestes s’interrompre et des regards s’échanger. L’on fit donc silence, et j’articulai mes préoccupations.

J’avais pensé, en effet, mais je n’avais fait que penser, je n’avais rien décidé, parce que pour cela, justement, j’avais besoin des aînés, n’est-ce pas, j’avais donc pensé qu’il était peut-être temps de changer de ... mais oui, de voiture, en effet ...

Et j’argumentai durant quelques minutes, en scrutant les visages.

Ma compagne avait baissé les yeux, et ses parents se regardaient de temps à autre, avec une extrême perplexité, que je pris tout d’abord pour de l’hostilité à mon projet.

Je redoublai alors d’ardeur argumentative... mais oui, c’était vraiment le moment d’en changer, économiquement parlant, bien sûr, bien sûr, mais aussi sécuritairement, n’est-ce pas, votre fille... enfin, tout le monde, je veux dire ...

Quand j’eus terminé de m’échauffer, sans plus d’arguments nouveaux, - la mère de ma compagne s’était levée, suivie de sa fille- ( discussion d’hommes pensai-je) le père de mon amie me dit, l’air un peu gêné, qu’en somme (c’était son mot), si j’avais décidé de changer de voiture, je n’avais qu’à le faire et qu’il ne voyait pas où était l’obstacle. Maintenant si j’avais besoin du conseil d’un professionnel, il pouvait m’en indiquer un bon.

Et l’on changea de sujet de conversation.

Au sortir de ce repas, j’avais le coeur crevassé. Je dis à ma compagne que je n’envisageais plus de rendre visite à ses parents. Parce que, comprenait-on ou ne comprenait-on pas, j’avais besoin d’un conseil paternel, pas d’un garagiste, moi !

Je mis du temps à comprendre que c’était mon affaire et je remercie qu’on ne m’eût pas dit: c’est ton problème, comme il se dit trop souvent aujourd’hui. Je crois que j’eusse rompu bruyamment avec mes hôtes dont j’appris à connaître la faste générosité.

En porte-à faux....

Ce porte-à-faux me fait penser à un autre que me conta un de mes amis tunisiens, vivant à Fribourg.

Il reçut un jour un de ses frères, étudiant de son état, fier et hautin de caractère. C’est pour cette dernière raison qu’il n’accepta de venir séjourner chez son frère, qu’après plusieurs années de sollicitation. Or le voici, cette année-là, muni d’un titre universitaire égal en valeur à celui de son frère exilé. Il accepta donc l’invitation perpétuelle qui lui était adressée.

La journée de sa visite se passa agréablement. Après le repas du soir cependant, tout allait basculer, déflagrer.

L’on coucha les enfants, et l’épouse fribourgeoise de mon ami revint un moment auprès de son mari et de son beau-frère, échangea quelques mots avec chacun et, se sentant fatiguée, annonça qu’elle allait se coucher.

Jusque-là, tout allait bien et même, très bien, on allait enfin parler entre frères.

Cependant, avant d’aller au lit, l’épouse fribourgeoise de mon ami revint au salon, munie d’une serviette ou linge de toilette et d’une lavette fraîchement repassées qu’elle tendit à son beau-frère, en souriant; voilà, c’est pour toi, bonne nuit.

Aussitôt seuls, le jeune frère prit son aîné par le coude et le tira dehors; allons faire quelques pas, par Allah !

Il savait bien, le jeune frère, et il sentait la survenance de l’infamie ... et il hurlait dans la petite rue où ils marchaient et sa voix, entrée dans un orage rouge carmin ou rouge jargon ou sanguin; quelle était la signification d’un tel geste, voulait-on lui expliquer, et était-il porteur de gale ou de petite vérole ou de grande peste, ou était-ce une basse provocation pour le jeter dehors aussitôt reçu; pourquoi donc cette serviette à part, et ce gant, frère, es-tu encore mon frère, comment peux-tu tolérer une telle injure faite à ton frère, par Allah; je te sens dénaturé à présent, et que fais-je ici, demain je m’en vais, et dis-lui qu’Allah nous fasse entendre les meilleures nouvelles l’un sur l’autre, demain je m’en vais !

Il partit, sans retour.

Je reçus aussi mon frère

Je reçus aussi, quelques années après mon installation, mon frère cadet, alors que j’enseignais dans un institut privé, au bord du lac Léman. Pendant ce séjour, j’eus plutôt à rire qu’à me préparer des regrets, comme mon ami fribourgeois.

Voici donc mon frère cadet, jeune étudiant et brillant doctorant, au bord du Léman. Il était arrivé à une période de l’année où le calendrier scolaire n’offrait guère de vacances, si bien qu’il allait m’attendre dans quelque café, le temps que j’aie donné mes cours.

Je n’avais que peu de périodes l’après-midi, aussi, mon cadet occupait-il ces attentes à lire et à boire du café. Il advint cependant que durant son séjour, je me fusse trouvé appelé à résoudre un problème relatif au comportement d’un élève, occupation qui prolongea, un jour, l’attente de mon frère jusqu’à l’heure de l’apéritif du crépuscule. A cette époque-là, nous ne manquions pas de l’arroser ensemble, joyeusement.

Donc, quand vint l’heure de l’apéritif, sans que je parusse, mon frère entreprit d’ouvrir les voies de l’appétit. Il s’enquit des moyens à disposition dans les lieux où il se trouvait-un salon de thé appelé bar à café, mais mon frère ne connaissait pas cette espèce d’établissement et ne vit que le mot bar-, on lui montra des bouteilles de bière sur un tablar et il déclara s’en contenter.

Je m’étais aussi laissé égarer par l’étrange appellation qu’affichent ces établissements, croyant qu’ils avaient un statut commercial allant du bar au café, en passant peut-être par tous les autres: restaurant, auberge, bistrot, estaminet et pourquoi pas café turc ou arabe ?

Mon frère ne songea pas un instant qu’il se trouvait dans un établissement sans alcool. Il but donc cinq ou six bières, en pestant contre le lâcheur, si bien que , lorsque je pénétrai dans le salon de thé, je vis que son oeil s’était bellement fané et qu’il avait du mal à articuler.

J’étais stupéfié du résultat et je le fis jurer qu’il n’avait bu qu’en l’établissement où il se trouvait. Il jura en trébuchant de la langue. Je le pris par le bras pour l’aider à marcher, et l’entraînai vers le comptoir. La sommelière me présenta une bière fermée et je la mis sous le nez de mon frère, afin de lui faire lire la mention “bière sans alcool”.

Il lut, mais faillit chanceler.

La propreté en ce pays

Quand nous fûmes dehors, sur les pavés de la petite ville de Lutry, mon frère marchait l’amble, comme un chameau arabe, alors qu’en temps normal, il avait la démarche élégante et légère. Il sortit néanmoins un paquet de cigarettes de sa poche sans faillir, en tira la dernière, froissa le paquet et le jeta au sol.

Au même instant, passait un petit bonhomme, célèbre dans la région parce qu’il était le dernier vendeur de journaux à la criée; il s’approcha de nous et ordonna à mon frère de ramasser ce qu’il venait de jeter au sol; nom de bleu ou bien !

Ni la taille , ni la mise du bonhomme - à priori - ne semblaient l’autoriser à ordonner, ni à tancer, ni même à se mêler ...et pourtant !

- Laisse-moi l’étarquer au sol, semblait dire mon frère, en faisant un pas vers le marchand de journaux; qu’avait-il à pharaonner ce minus, enfin ?

- Eh bien, mon frère, dis-je, il pharaonne parce qu’on ne jette rien au sol ici. Alors ramasse, Allah te garde, et laisse-nous échanger cette heure contre une autre plus amène; ce n’est pas au bonhomme que tu obéiras, mais à la loi.

Mon frère achevait alors sa formation de juriste, émérite déjà. Il perdit soudain son “ébriété” et ramassa le papier froissé.

Aujourd’hui, la propreté en ce pays me paraît bien souvent en doux péril, et l’on pose ses pieds chaussés, semelle contre le tissu, dans nombre de trains réputés propres. A tomber souventefois en navrement profond, ou à brandir une offensive francisque, par Allah, âmine !

Mais la miséricorde d’Allah et d’Iesus Ben Youssef ne connaît aucune limite.

Rafik Ben Salah
Moudon le 14 novembre 2000

 

  Prix Lipp : "Le harem en péril"

 

Que dissimule le ventre de Selma, fille d'Aïcha ? Le docteur Nawas fricote-t-il avec nos femmes dans son cabinet ? Ouarda la bonne ne serait-elle pas une folle dangereuse ? Et si Khlifa était un... ?

Qu'un fait suspect vienne rompre le fragile équilibre d'une famille ou d'une communauté, et voici la curiosité tapie en amont du geste, voici l'état d'urgence, où chacun tente de savoir... ou de cacher.

 

ISBN : 2-8251-1243-7

Associé à cette quête, on aura tôt fait d'apprendre que l'exacte vérité demeure souvent insaisissable. Qu'importe aux personnages de ces nouvelles ? Dès lors que le vrai se dérobe, il faut l'espionner. Du regard d'autrui ou de l'oeil de sa conscience, auquel obéir ? Peut-on même choisir ? Le jeune Boumous choisit, et sa curiosité le perd... comme la jalousie, l'orgueil, le soupçon ou l'innocence en perdront d'autres.

Ainsi chaque nouvelle de ce recueil met en scène un drame, qui broie des êtres de chair et de sang, jouets infortunés à la merci d'un secret qui finit toujours par les engloutir....

Rafik Ben Salah livre dix nouvelles où l'incertain parfume le vrai : le lecteur n'y trouvera qu'un surcroît de délices.

Laurent Paratte

Rafik Ben Salah est né en Tunisie où il fait ses études primaires et secondaires. Il obtient ensuite une licence ès-lettres et un diplôme de journalisme à Paris. Depuis lors, il enseigne le français et l'histoire, à Lausanne puis à Moudon

 

  Extrait d'un livre à paraître

 

Extrait d’un roman à paraître : La Mort du Sid

Moudonnya est d’origine suisse, mais elle ne connaît que quelques légendes qui prouvent son identité. Elle s’applique donc à en restituer la substance en toute occasion. Elle contera, par exemple, l’invasion de la Suisse par les Trèchiènes ( Autrichiens) ou encore l’épisode légendaire de Guillaume Tell qui deviendra dans sa bouche Ghoulème Ben Tell; au lieu de la pomme à transpercer, c’est une figue de barbarie qui est l’objet du défi...

Elle avait une façon à elle de se signaler, délaissant sonnette et heurtoir, et frappant avec son sabot droit, voici pourquoi.

Tata Modnya ou Monia, en réalité Moudonnya, était une femme de haute taille et de large envergure, aux rondeurs expansives et en constante progression; grâce aux bienfaits du Généreux; oui, ma sœur, Dieu a donné et n’a rien retiré de ses dons, faut-il être ingrat pour s’en plaindre, un peu de vergogne, voyons, qu’Il nous prenne en pitié, ma douce !

Seulement, c’était dans la répartition des rondeurs que Sa main n’avait pas été équitable, surtout à hauteur de jambes, parce que la droite avait pris des allures éléphantesques, tandis que la gauche accourcissait en s’atrophiant.

C’est la raison pour laquelle elle pouvait ôter son sabot droit pour frapper aux portes, non le gauche.

Mais pourquoi frappait-elle avec un sabot, alors qu’il lui était loisible de heurter ou de sonner ?

Elle disait que ses sabots étaient en bois d’Helvétie, bois qu’elle faisait venir exprès chaque année; il n’y avait qu’à demander au menuisier Sadok, l’ivrogne le plus assidu du village, mais le sabotier le plus génial de toute l’Helvétie, ma douce, euh... que dit ma bouche, voyons...

En raison de ses difformités, Monia était un monument difficile à déplacer, dangereux pour lui-même et pour le passant toujours innocent. L’on avait pourtant trouvé à équilibrer ce corps, en demandant à Sadok de confectionner deux sabots d’inégale hauteur.

Oui, mais pourquoi du bois d’Helvétie, Tata ?

Eh bien parce que l’Helvétie c’était son pays, pardi, et qu’elle n’avait fait que s’empayser en ces contrées, par Mouhammad, par l’Envoyé !

En effet, Modnya pensait qu’en frappant chez autrui avec le bois de sa terre natale, elle faisait le lien entre son pays d’exil et celui de ses origines; où était l’étrange ?

Mais, le temps passant sans repasser, les sabots n’avaient plus suffi. Car, il faut se figurer, de dos, le bassin de cette femme : deux demi-lunes, d’inégale fourniture, frappées d’une fente, invisible, il va de soi, non pas d’une fente centrale comme chez la plupart des humains, mais d’une fêlure latérale, donnant à la fesse droite un poids et un pouvoir incommensurables sur l’autre. Ce nouveau déséquilibre dans le sein de la dame en généra un autre, balançant le tronc vers la gauche et menaçant de tout faire choir, à chaque pas, du même côté.

C’est pourquoi l’on arma la main gauche d’une canne, pour bloquer le balancement du corps. Cependant, avec le temps, l’on s’aperçut que le système de blocage du tronc devenait insuffisant, la bonne femme cassant canne sur canne.

Il fallait donc trouver un moyen de mieux retenir la fuite du tronc.

Comment ?

Selon le menuisier Sadok, pour une fois approuvé par le forgeron Haddad, il était nécessaire de créer une tirée vers l’arrière. L’on y réfléchit longtemps pour le bien-être de la dame Moudonnya Essouissi.

L’on voit donc bien d’où elle tirait sa fierté, son prestige et son originalité, la brave dame. Essouissi était le nom de ses ancêtres. Il manquait toutefois le R, laissé pour lest durant le voyage, mais c’était compréhensible, si l’on considérait les moyens de transport de l’époque où ses ancêtres avaient traversé la Blanchemédiane, par Iesus, petit cousin de Mouhammad, Allah pardonne et Sa clémence Il ordonne !

Mais la dame s’en balançait, le croirait-on ou ne le croirait-on pas !

Il fallait pourtant créer une bonne tirée vers l’arrière, disait Sadok.

Rafik Ben Salah

 

  Articles de Presse

 

Rafik Ben Salah, lauréat du Prix Lipp 1999

"Dès le premier mot, le lecteur est appâté par cette écriture forte et concentrée." Jacques Chessex, membre du jury du 12e Prix Lipp de Genève, ne tarit pas d'éloges à l'égard de l'auteur du Harem en péril. A la lecture des dix petits contes cruels de ce recueil, publié à L'Age d'Homme, l'écrivain vaudois y a décelé une forme d'ouverture qu'il rattache à Ramuz autant qu'à Gustave Roux, grands arpenteurs des espaces intérieurs.

Né en Tunisie en 1948, Rafik Ben Salah est le fils d'un instituteur lettré. A vingt ans, il part à la conquête de Paris, où il obtient une licence en lettres à la Sorbonne, et un diplôme de journaliste. Durant cette période, le jeune homme réside de manière sporadique en Suisse chez un parent diplomate, et décide, au sortir de ses études, de s'y installer. Suivant la voie paternelle, Rafik Ben Salah trouve alors du travail dans l'enseignement. Dans la région lausannoise tout d'abord, puis à Moudon, où il enseigne encore actuellement le français et l'histoire. Marié à une Suissesse, Ben Salah possède une double nationalité, suisse et tunisienne.

Lundi matin, l'auteur s'est vu remettre la somme de 10 000 francs pour Le Harem en péril, dont l'écriture métissée reflète à merveille son parcours d'exilé. Ainsi célébré, Rafik Ben Salah intègre la douzaine d'auteurs primés par les précédentes éditions, dont Bernard Comment (1990), Jacques-Etienne Bovard (1993) et le regretté Adrien Pasquali (1994)

Nicolas Julliard

28.09.00

Ben Salah conteur Cruelle authenticité

Rafik Ben Salah est un conteur captivant, doublé d'un observateur implacable. On l'imaginerait volontiers assis en tailleur au milieu d'un cercle d'auditeurs, dans quelque médina arabe, mais ce qu'il dit exhale le soufre de la critique; et les siens ont souvent mal pris ce qu'il racontait aux "roumis". Ces deux composantes de son talent, qui faisaient déjà le charme et l'intérêt de ses trois premiers romans (Retour d'exil, en 1987, Lettres scellées au Président, en 1991, et La prophétie du chameau, en 1993), fondent également la qualité des Dix nouvelles du Harem en péril, où l'on retrouve le mélange de révolte et de vitalité de son observation.

Toutes ces histoires sont marquées du sceau cruel de l'authenticité, à commencer par l'insoutenable premier récit (La Viande morte) des souffrances atroces endurées par Selma, atteinte d'une tumeur et que les siens accusent d'avoir "fauté" parce que son ventre gonfle. Mélange de verve caustique et de compassion, ce recueil est aussi intéressant du point de vue de la langue, qui consomme la fusion de l'oralité et de l'écrit, des deux sources de l'auteur se fécondant mutuellement.

Jean-Louis Kuffer

Rafik Ben Salah, Le harem en péril, L'Age d'Homme, 144 pp.

 

  Bio-bibliographie

 

Nom : Ben Salah
Prénom : Rafik
Date et lieu de naissance : 31. 3 1948 à Moknine ( Tunisie )
Nationalité : tunisienne et suisse
État civil : marié
Enfants : 2 garçons : 19et 21ans

Formation
Baccalauréat, philo-lettres classiques, Tunis 1967
Licence ès lettres Paris 1971
Diplôme de journalisme, Paris 1971
Séminaire pédagogique, Lausanne 1996/1997
Brevet d’aptitude à l’enseignement secondaire.

Expérience professionnelle
Enseignement, français - histoire
École Nouvelle de Paudex 1972 à 1979
Collège de l'Ochette Moudon , depuis 1980

Publications
Retour d'Exil(roman) , Éditions Publisud , Paris ,1987.
Prix de la meilleure œuvre franco-maghrébine
Lettres scellées au président(roman), Éditions Rousseau , Genève 1991,
Prix Schiller, Suisse
La Prophétie du chameau(roman), Editions Rousseau, Genève 1993
Le Harem en péril(nouvelles). Editions l’Age d’Homme. Lausanne, 1999.
Prix Lipp. Genève septembre 99.
La femme du cousin(en traduction allemande), (nouvelle) à la Limmat Verlag. Zürich .1998

Participations à des périodiques
Le Passe-Muraille (Journal littéraire), Lausanne
L' Impartial, La Chaux-de-Fonds
L'Educateur, Lausanne
La Nouvelle Revue Française, Gallimard, Paris, juin 1997

A paraître
Un accès du sort (nouvelle illustrée-février 2001)
Lettre morte (recueil de nouvelles-avril 2001)

En préparation : la Mort du Sid (roman)

Autres activités : lectures publiques :
Université-écoles secondaires-clubs littéraires-journées littéraires

 

Page créée le 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01

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