Michel Pont
Survivre à Antoine, Editions de l'Aire.
140p.
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Michel Pont
dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse
Michel
Pont / Survivre à Antoine |
ISBN 2-881087388
|
Un petit garçon de quatre
ans meurt des suites d'une noyade, après une
courte agonie à l'hôpital. Son père,
terrassé par la douleur, témoigne. De
son chagrin, de sa solitude. On ne résiste
pas à la mort de son enfant. Il n'y a pas de
mots pour décrire le statut d'un père
ou d'une mère qui perd l'un des siens. Ce témoignage
autobiographique dit l'absence de ce fils tant aimé.
La culpabilité omniprésente après
un décès par accident qui aurait dû
être évité, l'impossibilité
d'être entendu des autres et de partager une
telle douleur quand un drame de cette ampleur se produit.
Ce texte est aussi une réflexion sur la peur
de la mort qui ronge notre société et
le voyeurisme exacerbé des médias. Comment
continuer après le décès de son
enfant, comment y survivre, sachant qu'on ne tourne
pas la page d'un tel événement: l'interrogation
est constante, sans que l'auteur n'apporte de réponses
définitives. Faire le deuil de l'un de ses
descendants est impossible.
Originaire du Val d'Anniviers,
Michel Pont
est né à Lausanne en 1960. Après
des études de lettres à l'Université
de Lausanne, il a commencé une carrière
de journaliste. Il dirige aujourd'hui la rubrique
de politique vaudoise du quotidien 24 heures.
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Trois
questions à Michel Pont (Brigitte
Steudler) |
C'est avec beaucoup d'émotion
que nous refermons Survivre à Antoine, ouvrage
dans lequel vous revenez, Michel Pont, sur le décès
de l'un de vos enfants survenu par noyade en 2001, à
l'âge de quatre ans seulement. Comme vous l'écrivez
si justement la perte d'un enfant est un drame quasiment
impossible à partager. Un véritable cataclysme
face auquel la plupart d'entre nous (qu'il soit parent ou
non) se sent si démuni que lorsqu'il se trouve face
au désarroi vécu par ces parents, il peine
à trouver les mots qui apaisent. Plus encore, il
leur arrive de rester en retrait, n'osant véritablement
s'exprimer, de crainte que des paroles maladroites n'augmentent
la peine de ces pères et mères qui vivent
déjà un trop-plein de malheur.
Ayant pris conscience de cela dans un premier temps, face
aux intolérables (indicibles) souffrances qui ont
été (sont encore) les vôtres, que conseilleriez
vous à ceux qui désirent véritablement
témoigner de leur empathie face à ce drame
terrible que vit tout parent endeuillé (parent orphelin
écrivez-vous) sans risquer de les meurtrir encore
plus ?
Cela paraît simple en théorie,
plus difficile en réalité. Je dirai simplement
être à l'écoute, sans forcément
vouloir prodiguer des conseils, proposer des solutions pour
que la personne endeuillée s'en sorte mieux. Laisser
la personne qui a perdu un proche exprimer sa peine et prendre
acte pour celui ou celle qui écoute qu'il y a des
situations où effectivement on ne peut consoler,
même si cela est difficile à supporter. La
difficulté d'aborder le sujet découle de ce
constat, car l'entourage craint d'être impuissant
à pouvoir apporter du réconfort et préfère
éviter ce qui est perçu à tort comme
un échec. Je pense que l'écoute sobre, attentive,
sans jugement, sans réponses toutes faites serait
le meilleur soutien possible. C'est évidemment un
avis personnel.
Puis, les mois passant sans que
profondément la douleur ne s'atténue, vous
vous êtes insurgé avec véhémence
(et avec entière raison me semble-t-il) contre le
silence intolérable qui s'installe progressivement
autour de cette irrémédiable absence. Après
la mort d'Antoine vous écrivez que vous n'aviez "
envie de parler que de lui, de raconter, de raconter, de
raconter encore, de parler de mon fils, de ce qu'il avait
fait, de ce qu'il était pour moi et aussi de dire
mon immense chagrin, ma révolte, ma colère,
encore ma colère ". Vous est-il arrivé
de penser que dans d'autres régions connues de vous
(le Valais de votre enfance par exemple) les attitudes de
vos proches, de vos connaissances, de votre entourage auraient
pu être différentes ?
Je ne crois pas que la région
où je vis soit déterminante. Les historiens
qui ont analysé le tabou de la mort parlent d'un
phénomène général à tout
l'Occident. Je ne pense donc pas que le Valais, mon canton
d'origine, soit plus avancé dans ce domaine pour
ne prendre que cet exemple. La relation que nous avons à
la mort (et la manière d'en parler ou de la fuir)
est par nature individuelle. Ce que je tente de dire dans
mon livre est que ce thème du tabou de la mort m'était
familier, parce que je m'y étais intéressé
durant mes études. Mais le vivre au jour le jour
m'a fait découvrir l'ampleur du silence. Une anecdote
que je trouve significative: l'an dernier, lorsque je rédigeais
le manuscrit, j'ai travaillé chez moi, bénéficiant
d'un congé sabbatique. Par conséquent, j'étais
plus visible "socialement". L'on m'a souvent demandé
ce que je faisais, constatant que je ne me rendais pas à
mon travail. Chaque fois que j'ai répondu que j'écrivais
un livre et précisé le thème, mes interlocuteurs
se sont empressés de changer de discussion.
Enfin, vous écrivez les
dernières pages de votre récit alors que quatre
années se sont écoulées depuis la mort
d'Antoine. Oserai-je vous demander si, depuis que votre
témoignage complètement bouleversant a pris
la forme d'un livre, vous avez le sentiment que le fait
d'avoir pu mettre des mots sur votre douleur et votre quasi-désespérance
va pouvoir vous aider d'une certaine façon à
mieux vivre avec elle ? Et surtout peut-être, imaginez-vous
pouvoir être mieux compris par ceux qui sauront accepter
dorénavant votre droit à être tel que
vous êtes ayant pu comprendre la nature véritable
de votre peine en vous lisant ? En d'autres termes, ne pensez-vous
pas que l'expression même de votre révolte
face à ce qui est intolérable va pouvoir libérer
ceux qui maladroitement n'ont pu jusqu'ici accepter complètement
votre irrémédiable souffrance ?
Est-ce que je vais mieux vivre avec
cette douleur? L'an passé, lorsque j'ai terminé
le manuscrit, je me sentais soulagé, libéré
d'une partie du poids. La naissance de mon dernier enfant,
comme je l'écris, a fait remonter des émotions
très vives. Et la publication du livre et les premières
réactions qu'il provoque ont tendance à me
replonger dans les événements de 2001. Je
ne peux donc pas dire pour le moment que je me sente mieux.
Quant à savoir si mon livre va libérer mes
proches, ce serait évidemment une bonne chose, mais
je n'y crois guère. J'ai écrit ce texte pour
deux raisons essentielles. La première est de poser
par écrit ce qui me tourmente depuis des mois, la
seconde est de dire sur papier ce qui n'a pas pu être
entendu oralement. Mais évidemment, il faudrait que
les personnes concernées lisent le livre. Or, sans
grande surprise, je constate que les réactions proviennent
pour la plupart de personnes que je ne connais pas, qui
m'écrivent spontanément pour me dire que mon
texte est bouleversant. Ce sont des messages le plus souvent
très émus. Mon entourage à qui j'ai
fait parvenir mon livre réagit avec plus de circonspection.
L'un de mes meilleurs amis m'a dit qu'il ne parviendrait
sans doute pas à le lire. Une réaction, que
je respecte, qui confirme que mes proches restent extrêmement
embarrassés. Je ne le leur reproche pas. C'est juste
le constat, glacial, que la mort isole.
Propos recueillis par Brigitte
Steudler
© Le Cultur@ctif Suisse, avril 2005
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Revue
de presse |
Survivre à lenfant
mort
[...]
cela n'est ni pathétique, ni une tentative de récupération
pseudo-littéraire. Thérapie? Sans doute. Mais
surtout lecture. «Quand mes deux enfants sont assis
côte à côte, je ne peux jamais les regarder
sans penser qu'il y a un vide au milieu d'eux.» L'absence.
Thème si déterminant de l'amour. Voilà
l'objet étourdissant du récit de Michel Pont.
Nous sommes loin, ici, de l'extase pornographique de la
souffrance. Dans le besoin de rappeler que l'absence n'est
jamais comblée par les mots. Mais qu'il faut des
mots pour témoigner de l'absence de l'essentiel,
parfois. Souvent.
Michel Pont, Survivre à Antoine,
Ed. de lAire, 140 pp.
JS
Fils défunt, père
orphelin
LIVRE : Lorsque lenfant
meurt, comment les parents peuvent-ils, sinon se reconstruire,
du moins continuer à vivre? Le témoignage
sans concession dun journaliste.
«Jusquà la fin
de mes jours, je resterai le père dun enfant
noyé.» La langue a oublié que jadis
le mot orphelin désignait également les parents
privés de leur enfant; peut-être parce que
cette douleur est trop intolérable pour être
nommée. Il est dailleurs bien rare que soit
ouvertement évoquée la mort dun enfant,
comme si ce scandale suprême inversion de lordre
naturel devait être nié dans le silence.
Mon confrère et ami Michel
Pont refuse ce silence, il le brise dun livre, à
la fois cri et analyse. En 130 petites pages il décrit
et explique.
Décrit: létat
du père «survivant», son incompréhension,
sa révolte contre cette absolue injustice, sa culpabilité,
sa rage contre Dieu sil existe, et pourtant sa foi
en une dimension où il retrouvera Antoine.
Explique: pourquoi, sans parler dun
oubli qui serait obscène, même lapaisement
de la douleur est impossible. Et donc impossible aussi la
communication avec autrui sur cette absence autour de laquelle
tournera le reste de son existence. Pourquoi les autres
ne peuvent comprendre ni, par conséquent, partager.
Pourquoi la mort nest plus à craindre pour
le père orphelin. Mais aussi pourquoi la vie continue
totalement autre: dans une vision comme minéralisée
du chemin terrestre.
Le livre de Michel Pont nest
pas un objet littéraire, cest, sous forme dun
refus de tout bonheur possible, une mesure de survie. Qui
débouche sur une nouvelle vie: Grégoire, le
fils nouveau-né. Même sil nest
pas là pour reprendre le flambeau dAntoine:
«Ceux qui parlent denfant de remplacement ne
savent pas de quoi ils parlent (
) La naissance de
ce bébé [est] source dune très
grande joie et de grande tristesse à la fois.»
[...]
Constat glacial, affrontement lucide de lindicible,
mise à nu de la désespérance, ce petit
livre si lourd allège cependant auteur et lecteur
de tout le poids des concessions aux conventions sociales
et du terrible non-dit par bienséance. » Michel
Pont: Survivre à Antoine, Ed. de lAire
Michel Pont, Survivre à Antoine,
Editions de l'Aire. 140p.
Jacques Poget
22 mars 2005
Comment survivre quand on a perdu
un enfant?
[...]
L'image du petit corps sans vie au sortir de l'eau, avec
ses yeux révulsés, continue aujourd'hui de
hanter Michel Pont. La mort lui est devenue familière,
avec le sentiment d'être lui-même en sursis.
"Clairement fâché avec Dieu", il
a trouvé du réconfort en consultant une femme
médium et en lisant quelques livres dont celui d'Elisabeth
Kübler-Ross sur La Mort et l'enfant. Mais il
n'a toujours pas accepté la perte de son fils et
son besoin de silence et de solitude s'est accru de la rupture
avec un grand nombre de ses relations. Pour autant, Michel
Pont n'a pas le sentiment de négliger son fils aîné
et sa fille cadette (c'est d'ailleurs pour eux, plus tard,
qu'il écrit ce livre). Et le bébé né
en automne 2004 n'est pas là pour remplacer Antoine,
mais pour aider ses parents à lui survivre.
Michel Pont, Survivre à Antoine,
Editions de l'Aire. 140p.
21.03.2005
Page créée le: 14.04.05
Dernière mise à jour le: 15.04.05
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