Maurice Chappaz
"Valais-Tibet", Icône
des paysans de montagne, Editions Le Cadratin
Retrouvez également
Maurice Chappaz
dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Maurice
Chappaz / Valais-Tibet |
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Un
livre, deux âmes
1er
Prix du Festival du livre de montagne Passy / France
Quand Maurice Chappaz évoque
et défend le Valais, ses montagnes, ses paysans,
le livre qui porte ses écrits et ses poèmes
a forcément une âme. C'est le cas de
ce "Valais-Tibet", 1er Prix du Festival
du livre de montagne à Passy (France), qui
a l'âpreté et la grandeur des champs
que cultivaient, sur les pentes impossibles, les hommes
et les femmes de la terre, auxquels le poète
valaisan dédie cette icône.
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L'âme...
L'âme est là, qui resurgit
au gré de phrases qui marquent et questionnent, oscillant
entre la mélancolie et la lucidité, entre
le chant et le cri, entre l'espoir et le désespoir.
Chappaz rapproche "de nos yeux les paysans de la montagne
depuis cet autrefois, le redoutable paradis qui nous suit
comme une ombre... et le moment qui me lancine d'une vallée
très obscure que je vais rejoindre. Mon requiem tinte."
L'âge est là. Mais avec lui le savoir, la connaissance
et non pas le souvenir mais la mémoire, qui nous
dit dans un souffle sorti d'une vallée alpine: "J'ai
le sentiment d'avoir connu un miracle, et peut-être
n'aurais-je pu le voir, ce miracle, si sa disparition n'en
faisait pas partie. Cela le rendait visible et, pour en
témoigner, il fallait être un passant, pas
tout à fait dedans et jeté dehors en même
temps. Ce qui m'est arrivé." Chappaz trace le
lien entre Valais et Tibet, "univers dans lequel tout
s'est épanoui". Et, tout au fond, on sent monter
de la gorge du poète la révolte et le refus:
"Je ne dirai jamais "oui" au progrès,
mais à cette perdition où tout a acquis la
perfection, soit le minimum de mal et d'existence dans l'illimité
du souffle de vie..."
l'autre âme du livre...
Il y a Chappaz, dont on lit presque,
ici, un testament, tout en sachant bien que les montagnes
du Vieux-Pays n'ont pas fini de le voir arpenter leurs sentiers.
Et puis il y a Jean-Renaud Dagon, l'imprimeur veveysan.
Un homme qui ressemble à ce livre qui a de la gueule,
du caractère. Prenez cette couverture dans les mains
et gardez-la, touchez-la, elle est déjà votre
amie. Il y a dans ces traces de lièvre qui la traversent
en relief le savoir et le perfectionnisme de l'artisan,
qui apparaît là comme un paysan de montagne
qui connaît et cultive encore le secret de choses
qui ont si vite, trop vite, disparu. Du moins le pensait-on.
Feuilletez, puis lisez : vous vibrerez au contact du papier
comme on peut vibrer le dos appuyé aux écorces
des vieux arolles. C'est l'autre âme du livre.
"Valais-Tibet", de Maurice
Chappaz, Editions Le Cadratin, Vevey, quai Perdonnet 22,
tél. (021) 922 40 22
Philippe Dubath
20.08.2000
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Article de Jérôme
Meizoz / Le Temps |
Chappaz Tibétain
L'écrivain ne cesse de
regretter le paradis perdu qu'est pour lui le monde paysan,
en Valais ou au Tibet
"J'aurais voulu être un paysan plutôt
qu'un lettré." Toute la vie de Maurice
Chappaz est placée sous le signe de la
déchirure du Garçon qui croyait
au paradis (1989). C'est la version moderne
du virgilien "O fortunatos agricolas":
trop heureux, les paysans ignorent leur bonheur.
Les lettrés qui le nomment en seraient
privés, eux. Du Testament du Haut-Rhône
(1953) à Tendres Campagnes (1966) jusqu'aux
Maquereaux des cimes blanches (1976), Chappaz
n'a eu de cesse d'invoquer et de décrire
comme un paradis perdu la paysannerie de son
enfance.
un parallèle
entre sa vallée et le Tibet ...
Dès La Tentation
de l'Orient (1970), correspondance avec Jean-Marc
Lovay, il esquisse un parallèle entre
sa vallée et le Tibet, cet "autre
Valais" qu'il vient de parcourir. Dans
ces vallée orientales, Chappaz voit encore
préservé le mode de vie pastoral
et un sacré populaire qui se meurt, dans
les Alpes, sous les assauts conjugués
de l'industrialisation et du tourisme de masse.
Valais-Tibet se veut aujourd'hui le tableau
d'une véritable "civilisation"
perdue, suivi d'un commentaire, la "légende"
de l'icône.
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Selon le poète, "l'origine
des origines ce sont les paysans de montagne". Une
civilisation hors de l'Histoire, où l'on touche encore
"aux bois de l'Arche", qui a pu "s'incarner
et s'immobiliser passé mille ans". Les bisses
sont l'oeuvre d'art, par excellence collective, de cette
société autarcique où le troc aurait
remplacé l'argent et la spéculation; société
close aussi, régie par des valeurs immuables. Chappaz
n'ignore pas que cette civilisation de la "survie"
était celle aussi des famines et du travail sans
fin. Mais selon lui, l'homme y trouvait encore un sens à
la vie, définitivement perdu dans la modernité
capitaliste.
L' "icône" a pour
fonction de fixer, de sacraliser une image. Le dispositif
est par définition idéalisé, à
l'instar de la vision chappazienne des paysans. L'écriture
à la fois riche et limpide, cette ferveur poétique
qui fait naître l'effigie d'un monde englouti convaincra
d'emblée le lecteur.
Mais le mythe d'une société
immuable et économiquement pure ne résiste
guère. Un exemple : après la Peste noire de
1348, selon les auteurs des Bisses du Valais (Monographic,
Sierre 2000), les bisses témoignent de la mainmise
des bourgeoisies sur l'eau. Une telle réorganisation
de l'économie locale ouvre la voie à une différenciation
sociale accrue, d'où naîtra, au détriment
de la céréale, l'alpage affermé spécialisé
dans la production fromagère. Le commerce en fera
son affaire. Si belle que soit l'image du poète,
de Virgile à Chappaz, il n'est pas de société
sans histoire.
Jérôme Meizoz
09.09.2000
Maurice Chappaz, Valais-Tibet, Icône
des paysans de montagne, Le Cadratin (Vevey).62 p.
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Article de Mireille
Schnor / La presse Riviera/Chablais |
Maurice Chappaz trace l'
"Icône des paysans de montagne"
Rocailleux "Valais Tibet"
Le vénérable bourru
du Châble, arpenteur de bisses et de sentiers d'alpages,
partage avec les paysans de montagne beaucoup plus qu'un
ciel et une terre mouvementée. Maurice Chappaz s'inscrit
lui-même dans l'histoire de ces marins de houles d'arolles
et de glaciers. Dans "l'Icône" qu'il leur
dédie, on le devine au bas du tableau comme le petit
donateur des peintures médiévales.
L'écriture caillouteuse et
succulente va aux tréfonds de l'histoire d'un enracinement
têtu et laborieux sur la rude écorce des pentes.
La date d'une cloche ou d'une poutre, la broderie arachnéenne
et dansante des bises lancée par des assoiffés,
posent des jalons dans ce tissu vivant, conservant longtemps
des images virgiliennes. Le temps présent a piétiné
ces "îles" homériques et l'auteur
des "Maquereaux des cimes blanches" dénonce
en quelques mots l'extinction du mystère, salué
tardivement par quelques artistes. Et d'un pas de géant
ou d'elfe, Maurice Chappaz vole vers le dernier "rucher",
le Tibet frémissant au vent de l'éternel mantra
aum mani padmé houm ! De la mort douce de l'esprit
traditionnel du Valais aux terrifiants miasmes de meurtre
au Tibet, ne lui reste que le silence.
Pour suivre Maurice Chappaz dans
le lyrisme abrupt de son parcours, il faut avoir le pied
montagnard, comme on l'a "marin", le souffle aguerri
au vent puissant de l'histoire d'un pays tout autre, si
près du ciel qu'il donne le vertige. La composition
esthétique et aérée du texte, sous
la couverture de neige où s'impriment des traces
de pas, permet les haltes bienfaisantes de la méditation.
Mireille Schnorf
15.08.00
Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01
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