Voyage à deux
[...]
Il s'agissait là de leur premier et dernier voyage
en commun, à bord d'un navire "qui semblait
sans gouvernail", la période la plus longue
qu'ils aient jamais passée ensemble.
La narratrice connaissait mal un
père qu'elle côtoyait seulement pendant une
partie des vacances d'été et d'hiver. Elle
avoue même n'avoir jamais aperçu ses jambes
nues, même surmontées d'un maillot de bain,
et ne pas l'avoir jamais vu courir "J'aurais peut-être
éprouvé quelque embarras à avoir un
père qui court", concède-t-elle.
[...]
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Alexandre Fillon
Livres hebdo
12.09.03
Retrouvailles posthumes
[...]
"La vie a commencé au moment où nous
sommes montés à bord. Le début est
le Proleterka." Une phrase qui arrive au milieu du
récit et qui résume assez bien l'esprit dans
lequel sont les deux protagonistes. Un roman funeste d'une
intensité absolue.
[...]
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Aurélie Sarrot
Metro
13.11.03
Avec son troisième ouvrage
publié en français, Fleur Jaeggy surprendra
ceux qui avaient aimé ses nouvelles acérées1,
dont la précision chirurgicale, dénuée
de toute interprétation psychologisante, donnait
aux situations et aux actes des personnages un caractère
à la fois étrange et indiscutable, Proleterka
semble, au contraire, nourri directement de la matière
la plus intime.
[...]
"Johannes, [...] invraisemblablement
inconnu de moi. Mon père."? C'est la question
que se pose la narratrice dans un exercice de mémoire
et de fidélité à la conclusion troublante,
où l'émotion ne fait qu'affleurer.
1 La Peur du Ciel,
Editions Gallimard
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Yann Granjon
Page des Libraires
novembre 03
[...]
Ce qui est en jeu, dans ce puzzle rétrospectif, c'est
la question toujours en suspens de l'identité : la
narration oscille entre première et troisième
personne, l'héroïne voyage entre passé
et présent et le livre entier se construit autour
d'un vide incertain, comme une place laissée libre
aux fantômes, une porte bâillant à peine
sur le monde des morts. Autant dire que Proleterka
est un livre fragile et pourtant tranchant, d'un style particulièrement
bien rendu par la traduction française : les éclats
épars d'une aventure intime et d'un drame collectif
semblent s'emboîter avec peine, mais de cet inconfort
naît une grâce spéciale, qui appartient
en propre aux "grands petits livres". Proleterka
en est un.
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Fabrice Gabriel
05.11.03
[...]
Durant le voyage, la jeune fille ne s'initie pas à
l'amour, mais à son absence. "Proleterka"
est le roman de la désaffection et de l'absence des
liens.
[...]
Ce pourrait être un livre qui
engage la tristesse, mais on est surtout fasciné
par la lumière froide qui s'en dégage et par
cette fille "qui cherche quelque chose qui n'a pas
d'apparence", tandis que l'écrivain donne vie
à son monde. Fleur Jaeggy publie peu mais, à
chaque fois, c'est un enchantement.
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Anne Diatkine
27.10.03
L'hypnose de Fleur
[...]
Ecrire à tout à voir, chez Fleur Jaeggy avec
l'hypnose. [...] Sa prose, si l'on ose cet oxymoron, est
d'une admirable concision répétitive. Ses
phrases vont, viennent et reviennent sur le même motif,
comme pour en dégager l'opacité existentielle.
Expérience vaine, tragique, superbe, qui relève
plus de la poésie que du roman traditionnel. Peu
d'écritures, en tout cas, sont aussi nécessaire
que la sienne.
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Frédéric Vitoux
Le nouvel
Observateur
13.10.03
Quand Fleur décape
ROMAN Dense, nerveux, singulier,
"Proleterka" (prix Viaregio 2002) est un magnifique
roman de formation féminin. Signé Fleur Jaeggy
[...]
Chemin faisant, blasée d'avance et déniaisée
avant l'âge par le désert affectif où
elle a grandi, elle n'épargne rien de leur vide prétentieux
ou inquiétant aux étrangers, les adultes juxtaposés,
qu'elle côtoie. Ni Venise ni la Grèce n'ont
droit à un seul mot d'elle. Famille en ruine, nations
en ruine, il ne lui reste, hantée par des morts insatisfaits,
qu'un "moi" dépourvu d'identité
et même de prénom, qui n'existe plus que par
et pour ses mémoires. Un roman européen, un
poème de mélancolie métaphysique.
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Marc Fumaroli
23.10.03
[...]
Les ouvrages de Fleur Jaeggy semblent ainsi tous taillés
dans le diamant : brillants purs, durs, tranchants. Proleterka
est de cette veine, récit d'apprentissage elliptique,
laconique, au fil des pages duquel l'émotion n'est
pas bannie mais fermement retenue, au profit d'une distanciation
qui donne au roman sa densité dramatique, sa luminosité
aussi - lumière froide et étincelante, lumière
d'hiver.
[...]
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Nathalie Crum
23.10.03
[...]
Une "famille de suicidés" "d'aspirants
au suicide", raconte la fille de Johannes. Du côté
de sa mère, les femmes ont "une inclination,
presque une vocation à punir les hommes".
[...]
L'écriture de Fleur Jaeggy
dépiaute ces haines et décortique lentement
le vide né des absences et des abandons successifs.
Ses mots résonnent de l'immense solitude de l'enfant,
puis de la jeune femme, Une violence domptée par
le travail littéraire parcours le roman, qui se clôt
par le plus dissimulé des secrets de famille. Le
livre est aussi comme ce clou que la narratrice cache dans
la poche du costume de son père juste avant la crémation.
"Pendant que Johannes brûle, il lui tient
compagnie. Un cadeau de sa fille. On ne fait pas de cadeau
aux morts. Quand je sortis de la salle, je savais que j'avais
laissé un témoin du feu."
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
Judith Rueff
23.10.03
[...]
Le voyage qu'elle décrit ici, voyage avec les morts,
avec la mort, est une remontée dans la mémoire,
un peu désordonnée, un peu chaotique, un peu
incertaine, jusqu'à ce que se découvre le
théâtre, lui, éclairé à
pleins feux, dans les dernières scènes.
[...]
Fleur Jaeggy aime écrire par aphorismes tout d'abord
obscurs qu'elle éclaire page par page, parcimonieusement.
[...]
Et rétrospectivement, le roman
tout entier gagne en rigueur et en trouble. Les séquences
se réorganisent : la croisière de fantômes,
avec les flash-back qui la jalonnent, les portraits, les
réminiscences, les morts, les suicides, les meurtres,
qui constituent l'effrayant viatique de l'adolescente, la
fausse douceur aristocratique de l'enfance sans amour prennent
un sens.
[...]
Proleterka,
trad. de l'italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2003
René de Ceccatty
Le Monde des livres
17.10.03
[
] Proleterka è
la storia di un depistaggio. Della narratrice nei confronti
del lettore. E ciò avviene a più livelli:
con l'intrico dei contenuti narrativi, con i continui e
bruschi cambi di voce narrante (dalla prima alla terza persona,
per cui la protagonista diventa "la figlia di Johannes"),
con gli spostamenti di luogo, con le riflessioni a commento
di un evento ma in effetti dislocabili altrove, infine con
la dichiarata intenzione di preferire raccontare un'altra
storia, quella di Billy Budd, eroe di un racconto di Melville,
abbandonato alla nascita e impiccato senza colpa sul pennone
di una nave. Accantonata poi l'idea di identificarsi con
Billy, la protagonista sposta l'attenzione su Martin Eden,
il marinaio del romanzo di Jack London che si scopre scrittore,
rifiuta le oppressioni della famiglia e si annulla gettandosi
in mare. Ma anche questa tentazione viene subito abbandonata.
Nel corso della narrazione si scopre che l'io approda a
ben altre identificazioni, meno eroiche, ma più pregnanti
sul piano emotivo. [
]
Margherita Noseda
Corriere del Ticino
28.5.2002
[
] Di romanzi sulla famiglia
e sulla crisi della famiglia, nel secolo appena trascorso,
se ne contano, si sa, a centinaia. Ma il piccolo Proleterka
è portatore di una novità. Non è un
romanzo sulla putrefazione dell'istituto famigliare, sulla
sua devastazione e sulla sua corruzione. La famiglia di
Johannes e della "figlia di Johannes" non è
una tribù dispersa o divisa. Tutt'altro. I membri
che la compongono sono tutti uniti, strettamente uniti,
ma non dall'affettività famigliare, bensì
dal contrario, da un sentimento opposto: una gelida, implacabile
disaffezione reciproca, sentita come un imperativo interiore,
un dovere preciso e irrecusabile. Di questa gelida disaffezione,
simile a una virtù che le è stata inculcata
per vie misteriose, è stata fatta partecipe anche
colei che scrive. [
]
Cesare Garboli
La Repubblica
3.3.2002
Intervista:
Fleur Jeaggy risponde a Maria Grazia Rabiolo a proposito
di Proleterka (in italiano).
Page créée le: 24.11.03
Dernière mise à jour le 01.12.03
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