Corinne Desarzens
Corinne Desarzens, Mon Bon Ami, L'Aire,
128 p
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Retrouvez également
Corinne
Desarzens dans nos pages consacrées
aux auteurs de Suisse.
Corinne
Desarzens / Mon bon ami |
ISBN : 2-88108-553-9
|
Dans ce recueil de contes et
de prose poétiques, on retrouve la liberté
de ton, le regard étonné et émerveillé
de Corinne Desarzens avec, en plus, cette maîtrise
de l'écriture poussée jusqu'à
la virtuosité.
"Maintenant, arrête-toi.
Allonge-toi dans un des champs qui tendent leurs flancs
au sud, entre Scuol et Sent. Le ciel est dur. Tout
en bas coule de la menthe glaciale. Deux mois, rien
que deux mois, se concentre la belle saison. Ton poids
couche ce que tu attendais, dans le train déjà,
où sous tes paupières bougeait cette
eau, à travers laquelle brillaient ces pierres.
Les rivières sont des bêtes à
sang vert. Les vaches se roulent dans les champs,
comme des chiens. Des flammes d'air dansent au-dessus
de chaque tige."
Corinne
Desarzens est née à Sète
en 1952. Romancière originale dont le talent
est reconnu, lauréate de plusieurs prix littéraires,
elle poursuit son oeuvre en solitaire altière,
ne faisant aucune concession aux modes et au milieu
ambiant. Mon Bon Ami
est son septième livre.
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Article
de Presse - Fugues et variations de l'état chantant / 24heures |
Fugues et variations de l'état
chantant
Le
dernier livre de Corinne Desarzens nous vaut un rare bonheur
de lecture. Intitulé Mon bon ami, c'est un recueil
de proses d'une épatante liberté.
Valéry parlait de "l'état
chantant" pour désigner cette disposition intérieure
qui ne relève ni de l'euphorie passagère,
ni de l'extase mystique, mais d'une sorte de gaieté
reconnaissante, accordée à la merveille que
c'est parfois de vivre, et qui se traduit le mieux en littérature
par les "fusées" du lyrisme. On se rappelle
les "minutes heureuses", de Baudelaire, dont le
germe poétique se retrouve au coeur de l'oeuvre de
Georges Haldas, mais c'est à une autre constellation
que l'on pourrait rattacher le meilleur des improvisations
et autres digressions fuguées de Corinne Desarzens,
du côté de Charles-Albert Cingria ou de l'Audiberti
prosateur (notamment dans Talent)
et d'autres enlumineurs de la langue et de l'expression
dansante.
Le meilleur exemple de la tournure
originale (et très variée par ailleurs, de
nouvelles en poèmes ou en proses lyriques d'une ou
deux pages) qui caractérise ce recueil est peut-être
le texte intitulé Merveille, évoquant à
la fois le livre "si célèbre que personne
ne lit" de Marco Polo et le roman Outre-monde
de l'auteur américain Don DeLillo, que rien
ne semblait devoir rapprocher avant que la lectrice inventive
ne s'en mêle. Cela commence ainsi par l'emprunt d'une
scène du Livre des merveilles:
"Dans un pays très froid, une femme s'accroupit
pour pisser. Si froid que ses poils restent pris dans l'herbe
gelée du talus. Son moujik d'époux, ivre mort,
s'en aperçoit quand même et souffle pour essayer
de la dégager. Un talus si froid que les poils de
sa barbe à lui gèlent et le scotchent au sol
à son tour." Puis cela continue, sept cent vingt
ans plus tard, par une sorte de vision transfigurée
du tableau le plus quotidien, à la fin d'Outremonde
: "... et vous regardez les choses dans la pièce
(...), la texture grenue du bois de la table vivant dans
la lumière, l'épaisse substance vécue
des choses, les discussions des choses à voir et
à manger, le trognon de pomme qui devient sépia
sur le plateau du déjeuner..."
On aura retenu au passage "l'épaisse
substance vécue des choses", donnée par
le monde prodigue et réinventée par le marchand
vénitien (qui ment tant et plus pour faire ne pas
mentir l'expression selon laquelle se
non è vero, è ben trovato) et qui détaille,
au milieu de "jolis petits massacres horribles",
le surgissement des animaux de la création (le faucon
sacre, le boeuf poilu ou la gazelle porte-musc), tandis
que, sept siècles plus tard DeLillo compare la tache
de vin du crâne de Gorbatchev aux contours de la Lettonie
avant d'évoquer les cendres de défunts qu'on
envoie sur orbite pour 10 000 dollars la livre...
Rapprochements éclairants
Le grand art de Cingria et d'Audiberti
(ou de Vialatte, du Cocteau chroniqueur ou de Charles Lamb)
tient à éclairer, par d'insolites mise en
rapport ou d'inattendues métaphores, les liens subtils
ou secrets qui unissent les choses. Ce sont de tels rapprochements
éclairants, aussi, que sait établir Corinne
Desarzens, par exemple en évoquant l'Engadine: "Les
rivières sont des bêtes à sang vert.
Les vaches se roulent dans les champs, comme des chiens.
Des flammes d'air dansent au-dessus de chaque tige."
Ou cela à propos de l'air "trop fin" de
Bricola, sur les hauts gazons du val d'Hérens : "Trop
fin. Cette nervosité qui fait frissonner le bout
des moustaches du général japonais, le fil
du rasoir qui clôt la palourde. Ces brisées
si dangereuses, de la faïence sous la semelle, créées
tout exprès pour le sabot étroit d'une petite
chèvre aux yeux de pierre semi-précieuse,
des à-pics des deux côtés, le pont mince
qui oscille dans l'air cognac."
Corinne Desarzens se nourrit de tout,
circule comme l'enfant au tricycle ou son grand frère
en aile delta. De l'oiseau witcha (une espèce de
merle blanc) elle dit : "Le merle avait un regard de
comptable, de notaire, d'inspecteur, de soliste." Avec
la même alacrité, elle parle de Lawrence Durrell,
de s peur du noir, d'un mazot, des Rolling Stones copulant
dans leur jet, privé, d'une humble vieille dame corse
ou de meis buon ami,
en romanche dans le texte, elle parle de tout et c'est (souvent)
merveille.
Jean-Louis Kuffer
24.10.2000
Corinne Desarzens, Mon bon ami, L'Aire,
122 pp.
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Article
de Presse - Moments d'éternité / Le
Temps |
Moments d'éternité
Virtuose du style, Corinne
Desarzens célèbre la montagne qu'elle affirme
pourtant ne pas aimer
Ce petit volume gris à l'ancienne
oblige le lecteur à se munir d'un coupe-papier pour
accéder à son contenu, chose devenue rare,
"- Est-ce ainsi ? dit Mylady.- C'est ainsi, dit Mylord"
: l'épigraphe de Walter De La Mare constitue comme
une invite ironique à la découverte des dix-huit
textes, de longueur variable, qui le composent. Trois d'entre
eux ont pour thème la montagne, même si l'un
affirme d'emblée : "Je n'aime pas la montagne.
Je le répète pour m'en convaincre. Pas celle
des souliers de montagne et des lève-tôt. J'aime
les villes assoupies qui bruissent le soir. L'horaire à
l'orientale."
Du "dodelinement de mantra"
de ses pas, l'auteur fait surgir le "relief soudain
des choses qui vous sautent contre", et l'eau douce
du nom d'Evolène l'incite à évoquer
avec tendresse le souvenir de Marie Métrailler, comme
à citer les derniers vers du poème qui clôt
Le Dehors et le Dedans
de Nicolas Bouvier. Corinne Desarzens, c'est un oeil et
la justesse acérée du style : "A la fin
de l'après-midi, le soleil promène un projecteur
de catéchisme, un index de lumière pointé
sur un mayen, dé en attente de la chiquenaude qui
le fera basculer dans le vide." Même chose dans
la page singulière de "Mazot", exercice
de description quasi abstraite d'une forme cubique noircie,
abrasée par le soleil, et du geste parfait de la
jeune Valaisanne qui engrange son foin dans "le silence
fricatif des pierres" et "l'odeur astringente
du mélèze".
"Meis bun ami...", l'un
des plus longs textes de ce recueil auquel il donne son
titre (des fragments en ont été publiés
dans le Samedi Culturel du 20 novembre 1999), reprend le
début d'une inscription en lettres capitales sur
la façade d'une maison de Scuol, qui célèbre
l'absence de convoitise comme un signe de bonne fortune.
Pourquoi aimer l'Engadine et le romanche ? Pour les sonorités
"chuintantes et friables", les couleurs franches
et les secrets, l'ivresse des sensations, le mélange
des idiomes et des cultures - toutes choses que l'écrivain
prend à bras-le-corps avec une belle vigueur pour
composer un tableau poétique aux saveurs contrastées,
précis et allusif, qui juxtapose faits réels,
paroles rapportées et intuitions. "Le moment
est le roi de l'éternité", dit une autre
inscription grisonne : il y a quelques-uns dans ces moments-là
dans Mon Bon Ami.
Isabelle Martin
samediculturel/ 25 novembre 2000
Corinne Desarzens, Mon Bon Ami, L'Aire,
128 p
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Quelques
livres |
- Deux doigts de prunelle dans un
verre à bourbon, Essai, L'Aire, 1989.
- Il faut se méfier des paysages,
roman, L'Aire, 1989.
- Carnet madécasse, récits,
L'Aire, 1991.
- Aubeterre I/II, roman, L'Aire 1994
et 1999.
- Pain trouvé, récits,
L'Aire, 1995.
- Bleu diamant, roman, L'Aire, 1998.
- Ultima Latet, récit, Métropolis,
2000.
- Mon bon ami, L'Aire, 2000.
Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01
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