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Raphael Urweider
Lumières à Menlo Park, Lichter in Menlo Park, préface de Daniel Rothenbühler, traduit de l'allemand par Simon Koch, Editions Empreintes, 2005

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Retrouvez également Raphael Urweider dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

  Raphael Urweider / Lumières à Menlo Park
 

ISBN 2-940133-78-6

 

Raphael Urweider est né en 1974, à Berne. Il est poète, traducteur, écrivain de théâtre, rappeur et musicien.
Lumières à Menlo Park est son premier recueil de poèmes ; c'est aussi le premier livre traduit en français de cet auteur, considéré comme l'un des plus talentueux de sa génération.

Urweider ne croit plus à la possibilité de tout saisir par un "je" qui perçoit, ressent et parle. Il est convaincu de l'incapacité de la langue à saisir la réalité. Toute affirmation d'authenticité est ainsi de la supercherie. Le poète ne peut plus que transmettre les discours par lesquels les gens témoignent de ce qu'ils perçoivent et ressentent. Ce décalage entre le vécu et le discours est à l'origine de sa poésie.

Daniel Rothenbühler (extrait de la préface)

Lumières à Menlo Park, Lichter in Menlo Park, préface de Daniel Rothenbühler, Traduit de l'allemand par Simon Koch, Editions Empreintes, 2005

 

  Entretien avec Raphael Urweider, Daniel Rothenbühler


Après avoir présenté Raphael Urweider à travers des traductions, alors inédites, en novembre 2005, nous nous réjouissons d'annoncer la parustion de ses Lumières à Menlo Park. L'excellente préface de Daniel Rothenbühler s'inscrit dans la continuité du dossier consacré par ce critique à Urweider dans Feuxcroisés N°7 (2005), revue du Service de Presse Suisse. Nous vous offrons ici un extrait de l'entretien tiré dudit dossier, où Urweider parle de la poétique de ce recueil. Nous y ajoutons trois poèmes parus dans le même dossier, en allemand et dans la traduction alors proposée par Simon Koch, qui signe avec Lumières à Menlo Park sa première traduction littéraire.

Extrait d'entretien entre Raphael Urweider et Daniel Rothenbühler, tiré de Feuxcroisés N°7

- Le plus important [de vos projets en 1999, lorsque vous avez-abandonné vos études] devait être la publication de votre premier recueil Lichter im Menlo Park. Comment vous y êtes-vous pris?

- Au départ, c'était un recueil de textes disparates, le fruit d'un travail d'environ quatre ans. Je n'envisageais pas d'en faire une œuvre cohérente, mais plutôt une boîte à fiches. L'unité de style qui s'en dégagerait ne serait pas le résultat d'un effort voulu, mais ce dont je n'aurais pas réussi à me défaire. En même temps, pour me porter candidat à une bourse du "Deutscher Literaturfonds", j'ai écrit une sorte de manifeste contre le subjectivisme. Je voulais donc aussi faire un recueil de poèmes où il n'y ait jamais de "je" parlant. C'est ainsi qu'a dû naître une sorte de poétologie sous-jacente.

- Laquelle?

- Je suis persuadé qu'on ne peut pas saisir par la langue ce que les gens sentent ou pensent. On peut seulement retenir ce qu'ils en expriment par leurs actes et leurs paroles. La poésie naît de ce décalage, d'une sorte de nostalgie face à un discours dépassé.

- Et le thème des sciences que la critique littéraire voit comme fil conducteur pour Lichter im Menlo Park?

- Tous les discours scientifiques révèlent, à plus ou moins long terme, cette poésie involontaire du décalage. Cela saute aux yeux, quand on parle des théories de l'Antiquité, mais c'est vrai aussi pour celles d'aujourd'hui. Les scientifiques se basent sur les codes des mathématiques et quand ils nous parlent de leurs découvertes, dans notre langue, cela a quelque chose de pathétique et témoigne de l'incapacité de la langue à saisir la réalité. Les images dont se servent les scientifiques me permettent en outre de parler de mes poèmes. Si je veux montrer ce qui se passe avec un mot selon qu'il se met avec tel ou tel autre, les métaphores qu'utilisent les chimistes peuvent m'être plus utiles que celles des critiques littéraires.

- Est-ce que vous suivez aussi les scientifiques dans leurs démarches expérimentales?

- J'aime bien, en écrivant, me faire guider par ce qui échappe à ma volonté, soit par accident, soit par des règles que je m'impose. Par l'expérimentation, on arrive à des résultats inattendus. Mais à la différence des scientifiques, il faut choisir ce qu'on en garde. Face à la nature, en revanche, j'essaie d'adopter une démarche scientifique. La poésie n'a que trop prêté d'intentions à la nature. Mais la nature ne représente rien, elle n'a rien à nous dire. Je suis en train d'écrire un poème où je dis: "Je regarde les paysages et ils ne me regardent pas."

Daniel Rothenbühler

 

  Poèmes

Allemand

während der längsten geographischen epoche
            soll das festland ein kontinent gewesen sein
ungebrochen und vollständig von wasser umgeben
            in gemäßigtem klima unter hemisphären geringfügig
anderer konstellation um einige lichtminuten andere dieser
            kontinent habe im vergleich zur erdkruste
vornehmlich aus leichtem gestein bestanden er sei wie jetzt
            das eis an den polkappen gebrochen und soll sich in
sechs nun losen stücken über die erde verteilt haben
            die in ihrer form nicht mehr nahtlos ineinander
passen ihre ränder ändern sich beständig

***

tritt ein bergbach über die ufer sammeln
            die kleinbauern auf wiesen forellen ein
                        ein bergbach tritt über die ufer wenn viel

schnee schmilzt unter der sonne kleinbauern
            tragen die von ihrem element getrennten forellen
                        in großen körben nach der küche der bergbach

lässt die überfluteten wiesen fischreich
            hinter sich die kleinbauern beschauen die
                        eingesammelten forellen genau wenn viel schnee

schmilzt tritt der bach weit über seine ufer
            die forellen die sich aus ihrem element heraus in die
                        wiesen hinein getraut haben liegen bald schon in den küchen

der kleinbauern der bach macht sich auf wieder
            zwischen seine ufer zu gelangen die kleinbauern finden
                        auf wiesen die forellen schnell sie glänzen hell unter der sonne

***

guten tag herr gutenberg spricht ein mainzer
winzer er zwinkert dem meister zweiäugig zu

er weiß der gutenberg druckt weisheiten
aus weinpressen das schwarz und weiß ist

meister johanns sache während sie hinab
in den keller steigen tauschen sie druckreife

news aus der winzer lässt das winzern er ist
zwinkernder geselle gutenbergs geworden

am anfang sei der bleisatz meint johann der
winzer nickt macht licht im keller und weiß

was zu tun ist er panscht die schwärze er zapft
das letzte fass im feuchten keller vielfältig

werden die alten weisheiten nun unter dem
druck der presse herr gutenberg sinnt über

schriften nach bleischwer und reif zum druck
sollen sie sein der winzer keltert seite eins

 

Français

durant la plus longue époque géographique
            la terre ferme aurait formé un continent
intact et tout entier entouré d'eau
            dans un climat tempéré sous les hémisphères
d'une constellation à peine différente pour quelques minutes-lumière ce
            continent comparé à la croûte terrestre
aurait été constitué surtout de roches légères il se serait disloqué
            comme désormais la glace aux calottes polaires et se serait
dispersé en six pièces ainsi détachées à la surface de la terre
            qui par leur forme ne s'emboîtent plus sans peine
leurs arêtes sans arrêt varient

***

qu'un torrent de montagne quitte son cours
            et les petits paysans ramassent des truites dans les prés
                        un torrent de montagne quitte son cours quand beaucoup

de neige fond sous le soleil des petits paysans
            portent les truites coupées de leur élément dans
                        de grands paniers à la cuisine le torrent de montagne

laisse les prés inondés riches en poissons
            derrière lui les petits paysans inspectent
                        attentivement les truites ramassées lorsque fond

beaucoup de neige le torrent quitte amplement son cours
            les truites qui se sont risquées hors de leur élément
                        dans les prés se retrouvent bientôt dans les cuisines

des petits paysans le torrent entreprend d'à nouveau
            regagner son cours dans les prés les petits paysans
                        trouvent bien vite les truites elles scintillent nettes sous le soleil

***

guten tag herr gutenberg dit au maître un
vigneron rhénan il lui cligne des yeux

il sait que gutenberg presse des sagesses
avec des pressoirs à vin le noir et blanc est

l'affaire de maître johann pendant qu'ils
descendent à la cave ils échangent des news

mûres pour la pression le vigneron laisse la vigne
il est devenu le compagnon clignant de gutenberg

au commencement est le caractère de plomb prétend
johann le vigneron opine illumine la cave et sait ce

qui est à faire il frelate le noir il perce le dernier
tonneau dans la cave humide les anciennes

sagesses désormais se multiplient sous la
pression du pressoir herr gutenberg se figure

des écritures elles doivent être lourdes comme le plomb
et mûres pour la pression le vigneron presse la page une

Traduction des poèmes Simon Koch


Page créée le: 12.01.06
Dernière mise à jour le: 13.01.06

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