Revue Archipel
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Revue
Archipel / Iles sur le toit du monde
- Une anthologie romande de science fiction |
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Pour ce numéro spécial
qu'elle a voulu consacrer à la science-fiction
romande, Archipel s'est associée à la
Maison d'Ailleurs (Musée de la science-fiction,
de l'utopie et des voyages extraordinaires, à
Yverdon-les-Bains), en réalisant un recueil
sous forme de concours de nouvelles.
Un nouveau coup de sonde du
domaine s'imposait en effet à l'aube du xxie
siècle : la dernière anthologie du genre
dans ce pays remontait à plus de vingt ans
(L'Empire du Milieu : Suisse-Fictions, éditions
Nectar 1982).
Avec plus de quarante textes
reçus, dont les douze meilleurs sont présentés
ici, cette prise de température de l'activité
d'écriture de SF en Suisse romande montre clairement
que nous sommes loin de la rémission : le virus
s'est bel est bien installé durablement, même
s'il demeure le plus souvent latent et ne provoque
jamais de montées de fièvres extrapolatoires.
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Et, si les auteurs des douze textes retenus ne sont
pas tous des inconnus, on peut noter avec intérêt
un renouvellement certain dans ce microcosme qu'est
le milieu de la SF romande.
De fait, bien qu'il soit difficile
de voir dans ce corpus une véritable «
suissitude » du propos, une trame commune entre
les histoires, nous avons désormais la preuve
que la SF en Suisse Romande existe incontestablement.
C'est peut-être un territoire
encore vierge, composé de très petits
îlots qui, pris séparément, paraissent
presque dérisoires - si minuscules, en tout
cas, qu'ils ne sont pas répertoriés
sur les cartes. Dans leur ensemble, ils forment pourtant
comme une dentelle, à la limite de notre perception
- un archipel du rêve.
P.G.
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Préface
de Patrick Gyger |
Un Archipel du rêve?
La Suisse n'est pas à une
contradiction près, bon. Quand bien même. N'empêche.
Il est tout de même un brin étonnant de disposer
en Suisse romande du seul musée de la science-fiction
en Europe (à notre connaissance) alors que la production
conjecturale dans notre région peut paraître
particulièrement faible, du moins sur le plan littéraire.
Alors quoi ? Il n'existerait pas de science-fiction suisse
(romande) et notre dame Helvétie ne serait apte qu'à
procéder à la muséification en bonne
et due forme des idées ?
Loin de nous l'ambition de nous engager sur un terrain aussi
complexe, de tenter de radiographier le paysage SF romand
dans son ensemble puis de le comparer longuement à
ses pendants anglo-saxons ou francophones pour en tirer
de savantes conclusions.
Toutefois, un nouveau coup de sonde s'imposait à
l'aube du xxie siècle: la dernière (qui fut
aussi la première) anthologie de science-fiction
romande remonte à plus de vingt ans (L'Empire du
Milieu: Suisse-Fictions, éditions Nectar), à
laquelle on peut éventuellement ajouter le numéro
spécial - relativement ancien - de la revue québécoise
Imagine... (n°63, mars 1993) dédié à
la SF en Suisse.
Archipel s'est donc associée
à la Maison d'Ailleurs (Musée de la science-fiction,
de l'utopie et des voyages extraordinaires, sis à
Yverdon-les-Bains), pour réaliser ce recueil sous
forme de concours de nouvelles, et ce afin de toucher un
maximum d'auteurs hors du sérail traditionnel des
adeptes de la conjecture romanesque rationnelle (selon les
termes consacrés par Pierre Versins).
Avec plus de quarante textes reçus, notre prise de
température de l'activité d'écriture
de SF en Suisse romande montre clairement que nous sommes
loin de la rémission: le virus s'est bel est bien
installé durablement, même s'il demeure le
plus souvent latent et ne provoque jamais de montées
de fièvres extrapolatoires.
Les auteurs des douze textes retenus
ne sont pas tous des inconnus: certains d'entre eux font
figure d'institutions locales et étaient déjà
présents sur les pages de L'Empire du Milieu en 1982
(François Rouiller et Jean-François Thomas),
tandis que Francis Valéry pourrait passer pour un
vieux routard du domaine (dizaines d'ouvrages publiés,
nombreux articles rédigés, sans compter les
magazines édités, qui font de lui un monument
de la SF francophone, même s'il s'en défendra
sans doute).
Mais, quoique l'on pouvait craindre un manque de renouvellement
dans ce microcosme qu'est le milieu de la SF romande, il
n'en est en fin de compte rien: vu l'âge moyen des
auteurs, on ne peut s'empêcher de penser qu'un souffle
nouveau (ne serait-ce qu'une brise légère)
anime notre genre. Intérêt passager lié
à ce concours uniquement ou lame de fond, l'avenir
le dira.
Quoi qu'il en soit, force est de constater que la majorité
de ces textes sont l'¦uvre de nouveaux venus: on
ne peut qu'espérer que cette publication ne reste
pas lettre morte, mais marque l'avènement d'une nouvelle
génération d'acteurs de la scène SF
locale. Ainsi David Ruzicka, lauréat de notre concours
et dont la nouvelle sombre et mordante ne saura laisser
indifférent, a récemment publié son
premier roman (Personne, Le Presse-Temps 2003), tandis que
Frédéric Jaccaud rédige un mémoire
sur Albert Robida (Université de Fribourg) et Vincent
Gessler anime depuis 2002 une rencontre mensuelle de fans,
les « Mercredis de la SF » à Genève.
De plus, à regarder un peu
plus loin que cette simple anthologie, la SF ne se porte
pas trop mal dans notre pays, merci pour elle.
Plusieurs auteurs romands ont ainsi publié des ouvrages
remarqués ces dernières années (en
France, il est vrai, réalité éditoriale
oblige), tels Olivier Sillig (Bjzeurd, L'Atalante 1995),
Wildy Petoud (Tigre au ralenti, Destination Crépuscule
1997), ou François Rouiller (Après-Demains,
L'Atalante 2002 et Stups et Fictions, Encrage 2002) tandis
que Georges Panchard s'apprête à faire paraître
un roman attendu depuis longtemps (aux éditions Imaginaire
Sans Frontières en 2004). Ces écrivains sont
encore plus nombreux si l'on fait fi de l'étiquette
« Science-Fiction » pour s'intéresser
aux textes eux-mêmes: on notera par exemple Jean-Marc
Pasquet (Le don de Qâ, Jean-Claude Lattès 2001),
Jacques Piccard (Preck, L'Âge d'Homme 2002) ou Jacques
Neyrinck
(La prophétie du Vatican, La Renaissance 2003).
Parallèlement, la science-fiction entre également
à l'université (à Lausanne essentiellement):
tandis que Gianni Haver (Institut d'histoire économique
et sociale) a organisé en 2001 un colloque en sociologie
de l'image ayant fait l'objet d'une publication (De beaux
lendemains ? Histoire, société et politique
dans la science-fiction, Antipodes 2002), le prof. Danielle
Chaperon donne depuis plusieurs années déjà
des cours où l'imaginaire scientifique dans la littérature
française tient une place prépondérante.
Plusieurs mémoires de licence ont par ailleurs d'ores
et déjà été rédigés
sous sa direction dans le domaine (même si, bien sûr,
l'on s'intéresse avant tout à des auteurs
relativement classiques, tels Rosny aîné, Maurice
Renard ou René Barjavel).
Et si l'on s'éloigne du milieu
littéraire, la science-fiction romande semble avoir
sérieusement pris de l'essor du côté
artistique. Il suffit, pour en juger, de voir le nombre
d'artistes suisses ayant récemment exposé
à la Maison d'Ailleurs: Jean-Pierre Vaufrey, François
Junod, Plonk et Replonk, John Howe, François Rouiller
(encore !) ou H. R. Giger (qui, bien que Zurichois, a récemment
ouvert son propre musée à Gruyères).
Donc, la SF suisse romande existe,
même si on peine à nous croire (mais nous l'avons
rencontrée une nuit sombre, le long d'une rue solitaire,
alors que nous cherchions un raccourci que nous n'avons
jamais trouvé). D'une façon ou d'une autre,
présente-t-elle un visage particulier dans le paysage
des littératures conjecturales ? Stéphane
Nicot (actuel rédacteur en chef de Galaxies) n'y
va pas par quatre chemins lorsqu'il écrit (dans Imagine...
n° 63): « La SF de Suisse romande n'a (...) aucune
spécificité littéraire par rapport
à la SF française. » Francis Valéry
fait au moins semblant de partager cet avis dans sa contribution
qui ouvre le présent volume (la nature même
de ce texte soulevant plus d'incertitudes qu'autre chose,
on ne le croira qu'à moitié).
Difficile, en tout cas, sur une douzaine de textes comme
ceux que renferme ce recueil, de voir une véritable
« suissitude » du propos, une trame commune
entre les histoires, même s'il serait tentant d'y
rechercher des thèmes aisément associables
à notre pays, tels que l'isolationnisme ou la bureaucratie
omniprésente.
De fait, dans ses diverses études sur la SF en Suisse
romande (dont son mémoire datant de 1985), Jean-François
Thomas n'a jamais recensé de véritables leitmotivs
dans les ¦uvres conjecturales helvétiques,
sauf peut-être - mais est-ce propre à notre
pays? - une certaine propension à la mise en garde,
telle une écriture fonctionnant comme reflet de nos
angoisses. Par ailleurs, selon lui la SF de Suisse occidentale
« n'a jamais constitué un mouvement d'ensemble
» et n'a même jamais pris conscience d'elle-même.
Ce n'est probablement pas avec cet
ouvrage que les choses vont changer : l'époque n'est
d'ailleurs plus aux grandes déclarations d'intention
ou aux manifestes. Notre seul but étant ici de rappeler
qu'en matière de science-fiction, la Suisse n'est
pas une île déserte à laquelle ne se
prêtent que de rares et vilaines robinsonnades ni
une Atlantide au passé glorieux (de Léon Bopp
à Rolf Kesselring en passant par Yves Velan, en tout
cas), mais depuis longtemps disparue.
C'est peut-être simplement
un territoire encore vierge, composé de très
petits îlots qui, pris séparément, paraissent
presque dérisoires (tellement minuscules, en tout
cas, qu'ils ne sont pas répertoriés sur les
cartes), mais qui, dans leur ensemble, forment comme une
dentelle à la limite de notre perception - un archipel
du rêve.
Bonne promenade sur ces terres nouvellement
émergées.
Patrick J. Gyger
Ailleurs
octobre 2003
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Sommaire |
Patrick Gyger
Préface: un Archipel du rêve ?
Francis Valéry
À propos d'Arthur Rimbaud et de « La Cité
entre les Mondes »
David Ruzicka
[var= ]
François Rouiller
Homo delator
Vincent Gessler
La déesse blanche
André Ourednik
Après
Simon Koch
La machine
Frédéric Jaccaud
L'animal de compagnie
Jean-François Thomas
Le Recruteur
Laurence Scheurer
+d'amour
Laurence Rodriguez
Divergences
Bertrand Graz
Boullotton, âme électronique
Thomas Sandoz
Les instants mathématiques. Feuillets d'un carnet
d'errance
Notices biographiques
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Interview
de Danielle Chaperon |
A
propos de Science-Fiction. Quelques questions à Danielle
Chaperon
Danielle Chaperon, professeur de
littérature française à l'université
de Lausanne, s'est intéressée depuis longtemps
à la SF: ses cours (sur "récit, science
et fiction" ) et ses publications (sur Camille Flammarion)
sont une référence en la matière.
A l'occasion de la parution de l'anthologie de SF de Suisse
Romande dans la revue "Archipel", le Cultur@ctif
lui a posé quelques questions.
LE CULTURACTIF
: Danielle Chaperon, avant même la naissance de la
SF, on pourrait dire que chaque fiction propose un monde
imaginaire: une dose d'imagination de l'impossible est donc
inscrite dans l'activité littéraire?
DANIELLE CHAPERON : Je ne crois pas
qu'il soit utile d'opposer l'impossible au possible dans
le cadre d'une tentative de définition de l'imaginaire
propre à la SF. Il me semble que le genre a une fonction
très spécifique : celle d'interroger les relations
cognitives que l'homme entretient avec le monde qui l'entoure.
La SF explore les conséquences de la maîtrise
intellectuelle et technique que fournit le savoir rationnel.
Cette interrogation sur les conséquences des découvertes
et des inventions a la particularité de ne pas être
menée de manière abstraite ou théorique
: le récit de fiction, en effet, place les personnages
- individuels ou collectifs - dans des situations très
concrètes. Mais ce projet (interroger les relations
entre les sciences et les hommes) et ce moyen (le récit
de fiction) définissent imparfaitement la SF car
on peut "dramatiser" la relation entre l'être
humain et le savoir scientifique en situant celle-ci dans
un cadre réaliste (comme a pu le faire Zola dans
Le Docteur Pascal, par exemple). La SF prend un parti
différent : elle fait varier - de manière
"irréaliste" - l'un ou l'autre pôle
de cette relation. Le personnage peut être un homme
du XIXe ou du XXe siècle, mais ce peut-être
tout aussi bien un Martien, un mutant ou un robot; son savoir
peut être immense ou minuscule et le monde dans lequel
il vit et agit peut être aussi différent de
la Terre que Dune ou Solaris. L'imagination est nécessaire
à l'invention de ces variations des termes de la
relation cognitive (Homme-Savoir-Monde). Elle permet ainsi
d'en dévoiler de nouveaux aspects.
Ne serait-ce que de par sa dénomination,
on pense à la SF comme étant strictement liée
à la modernité, à l'essor scientifique
et à la révolution industrielle (et pourtant
les premières oeuvres SF, dans l'espace francophone
sont celles de Voltaire et De Bergerac). Est-ce que la science
est vraiment indispensable à la SF?
La SF ne se distingue des autres
récits de fiction que par la spécificité
de son interrogation à propos de la rationalité
scientifique. Car tous les romans permettent de mettre les
(soi disant) "vérités générales"
de l'idéologie à l'épreuve de la vie
individuelle, à savoir de celle des personnages.
Ces vérités générales sont tantôt
morales ou religieuses, tantôt politiques, économiques
ou philosophiques. Mais elles peuvent être tout aussi
bien scientifiques. La SF est donc le genre qui se préoccupe
tout spécialement de l'impact de la techno-science
sur les individus et les collectivités humaines.
La SF n'est pas un genre exotique que par rapport à
ce qui est le propre du récit de fiction en général.
La SF peut aussi être considérée
comme une projection en agrandi et en anamorphose des préoccupations,
espoirs et angoisses de l'époque qui la produit.
Est-il pertinent en ce sens de séparer une tendance
technique et scientifique (voyages dans l'espace, mutants)
d'une tendance métaphysique et existentielle (genre
Solaris de Tarkovsky ou La Jetée de Chris Marker
au cinéma)?
A l'aune du projet que j'ai tenté
de définir ci-dessus, je dirais que l'on peut mesurer
la réussite d'un uvre de SF au fait qu'elle
articule sa problématique propre (les conséquences
de la connaissance scientifique et technique pour chaque
être humain) à des enjeux philosophiques larges.
Toute évolution de la connaissance et des techniques
a débouche sur des questions touchant à la
liberté et à la responsabilité. Dans
un "bon"roman de SF, le lecteur est invité
à vivre psychologiquement et intellectuellement les
conséquences d'une telle évolution, mais d'une
évolution qui serait à la fois énorme,
instantanée et surprenante - alors qu'elle est dans
la réalité progressive, lente et annoncée.
Le caractère hyperbolique des propositions scientifiques
et techniques présentées dans les romans de
SF produit un effet de distanciation qui devrait être
propice à la réflexion.
Dans cette même idée,
quels sont les motifs, thèmes, préoccupations
émergents dans la SF des dernières années?
Quels sont les liens directs avec le monde scientifique?
Dans quelle mesure les thèmes nouveaux de la science
ont-ils été intégrés dans la
SF dans le passé et aujourd'hui?
La SF s'est développée
dès que l'activité scientifique et technique
commença à poser, en soi, problème
("en soi", c'est-à-dire plus seulement
par opposition à d'autres savoirs, en particulier
religieux). Très vite, certaines sciences de la nature
sont apparues plus dangereuses que d'autres. Ainsi, depuis
la seconde moitié du XIXe siècle, tout ce
qui a trait à la biologie humaine, à la médecine,
à la chirurgie, effraye manifestement. Pourquoi ?
Il semble que l'on s'inquiète de ce qu'un être
humain puisse être l'objet d'une manipulation (rationnelle)
par un autre être humain. Ce n'est pas un hasard si
les débuts de la SF sont marqués par des noms
de "Docteurs" : Frankenstein, Moreau, Jekyll,
Lerne, Cornelius
Au cur de la SF, il y a peut-être
cette question de l'instrumentalisation de l'homme par lui-même.
Aujourd'hui la génétique a remplacé
la chirurgie, mais ce sont les mêmes questions et
les mêmes inquiétudes qui persistent. D'autres
sciences ont fait et font encore les beaux jours de la SF
: la physique, bien sûr, la physique nucléaire
succédant à la mécanique et à
l'électromagnétisme, mais là aussi,
ce sont des peurs inchangées qui s'expriment face
à la puissance des énergies disponibles. Certains
savoirs, en revanche, semblent demeurer durablement inoffensifs
: l'astronomie semble depuis trois siècles être
peu susceptible d'applications dangereuses et sans doute
peut-on expliquer ainsi l'engouement qu'elle suscite. Tout
cela est très stable, malgré les bouleversements
(physique quantique, relativité, génome
)
que l'histoire des sciences a vécus.
La SF souffre-t-elle de problèmes
de vieillissement spécifiques?
Les nouvelles thématiques
(trous noirs, galaxies, bombe atomique, clonage
) ne
modifient pas les interrogations centrales de la SF : quelle
est la place de l'homme dans l'univers ? quelles conséquences
son activité cognitive a-t-elle sur lui-même
et sur le monde ? quelle liberté doit-il conserver
par rapport à ce qu'il sait et à ce qu'il
peut ? quelle responsabilité a t'il par rapport à
la nature et par rapport à sa propre nature ? La
SF ne se périme pas plus (et pas moins) que les autres
récits de fiction. Nous continuons à lire
La Chartreuse de Parme, même si les murs
sexuelles ont changé; nous continuons à lire
les aventures de Sherlock Holmes, même si les techniques
d'investigation ont progressé. Et nous continuons
à lire Wells ou Asimov, même si les sciences
ont évolué. Car l'essence de ce qui est en
jeu dans ces récits - l'amour, le crime, le savoir
- ne change pas, et continue de nous questionner.
Quelle est la place de la SF dans
la littérature française (et, le cas échéant,
dans la littérature suisse francophone)? A-t-elle
un statut très différent dans d'autres littératures
(on pense en partiuclier à l'anglo-saxonne, "from
H.G. Wells on"?
Le roman français (et anglais)
a eu à l'origine de la SF un rôle pilote .
Le roman scientifique des années 1860-1920 a été
particulièrement novateur. A t'on vraiment fait mieux
en matière d'extra-terrestres que J.-H. Rosny aîné,
j'en doute. La SF américaine a pris le relais après
la seconde guerre mondiale, et l'a sans doute conservé
malgré la rénovation libertaire et écologiste
du genre dans les années 1970 en France. La SF francophone
n'a plus aujourd'hui un rôle de premier plan, mais
la cause n'est sans doute pas à rechercher au sein
de l'histoire interne du genre. La SF francophone européenne
pâtit d'un mal plus général : la "grande"
littérature française n'a toujours pas renoué
avec le romanesque, avec l'aventure, avec l'imagination,
bref avec la Fiction. Les littératures anglo-saxonnes
(et d'autres, très importantes, comme la littérature
hispanophone) ne souffrent à l'évidence pas
du même syndrome.
C@S
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Archipel,
par Pierre Lepori |
La rivista "Archipel",
fucina di giovani talenti afferente alla facoltà
di lettere dell'università di Losanna, prende i suoi
bei rischi, proponendo numeri monografici intesi a sondare
i vari generi di scrittura in Svizzera romanda. Diciamo
rischi, perché il numero precedente all'attuale -
dedicato alla letteratura gay- non aveva dato i risultati
sperati, forse essendo ancora un po' presto per un tal esercizio.
Discorso diverso per questa nuova antologia, dall'allettante
titolo ÎLES SUR LE TOIT DU MONDE, realizzata con la
consueta cura grafica, in collaborazione con la Maison d'Ailleurs,
il museo di fantascienza con sede a Yverdon. E' il suo direttore,
Patrick Gyger, ad introdurre il volume con uno sguardo storico
e territoriale sintetico ma efficace, prima di aprire la
danza dei racconti. Dodici autori, su quaranta che hanno
proposto i loro testi alla redazione sono presentati nel
volume. Ad apertura di partita, François Valéry
costruisce un divertente meta-racconto su se stesso alle
prese con l'antologia in cui si trova e impartisce qualche
colpo preliminare contro la possibilità di una scuola
romanda di SF. Se non c'è forse una scuola romanda,
i racconti che seguono hanno però almeno molti tratti
comuni: predomina una fantascienza dagli spiccati tratti
sociali - tra Bradbury a Sheckley, nelle varianti poetica
ed ironica: si vedano i romantici racconti di Vincent Gessler
e Laurence Scheurer, in cui gli eroi riscoprono l'amore
nel regno delle tecniche più ricercate di simulazione
virtuale, oppure il minimalismo meno ottimista di Frédéric
Jaccaud. Da sottolineare la presenza abbastanza insistita
del cybersex in più di un racconto, ma anche
qualche incursione nella space opera più fantasiosa
con Jean-François Thomas o Thomas Sandoz. La palma
del racconto più "svizzero-plausibile"
potrebbe andare, in questo contesto al riuscitissimo Homo
delator di François Roullier: in un ambiente
automatizzato in cui predomina il cinismo più sofisticato,
un impiegato silurato si vendica e sconvolge la somma pace
del lavoro, prima di essere re-integrato, in un modo davvero
paradossale. Ma quasi tutti i dodici racconti - ed è
caso raro per un'antologia - hanno qualcosa di intrigante
o divertente.
Pierre Lepori
© Rete2 (RSI)
17.12.2003
Page créée le: 31.12.03
Dernière mise à jour le 09.01.04
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© "Le Culturactif
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