Hermann Hesse
Feuillets d'album, traduit de l'allemand par
Jacques Duvernet, Editions Metropolis, 2003
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Hermann Hesse
dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Hermann
Hesse / Feuillets d'album |
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Hermann
Hesse est né à Calw dans la Forêt-Noire
en 1877, et est mort au Tessin, en 1962. Jeune homme
révolté contre l'autorité paternelle
(famille de pasteurs-missionnaires piétistes),
ayant fait une tentative de suicide, il entreprend
un apprentissage de libraire, et publie à 22
ans son premier recueil de poèmes, suivi cinq
ans plus tard d'un roman, Peter Camenzind,
qui aura un grand succès. C'est le début
d'une longue carrière. Il entreprendra aussi
plusieurs voyages en Extrême-Orient et suivra
une psychanalyse avec Jung. Son oeuvre aura une seconde
vie après sa mort, redécouverte par
la jeunesse du monde occidental, sans doute en raison
de l'attrait de Hesse pour l'Orient, de sa rébellion
contre toute autorité, à commencer par
celle de la famille, ainsi que son désir d'un
autre monde, son rejet du fascisme et du communisme,
et son attrait pour le pacifisme, qu'il partage avec
son ami Romain Rolland.
Traduite en plus de quarante
langues, son oeuvre comprend entre autres Demian
(1919), Le dernier Eté de Klingsor (1919),
Siddhartha (1922), Le Loup des steppes (1927),
Narcisse et Gooldmund (1930), Le Jeu des
perles de verre (1943). Il reçoit le Prix
Nobel en 1946. Etabli au Tessin dès 1919, il
est mort à Montagnola en 1962.
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Le Mot de l'éditeur
Fidèle à des
valeurs intemporelles, parcouru de tensions et de
contradictions qu'il n'hésite pas à
exprimer, l'écrivain se fait tout simplement
homme. En cultivant la mémoire, Hermann Hesse
ne souligne pas seulement le passage du temps, il
laisse des repères qui participent d'une éthique.
Feuillets d'album, Editions
Metropolis, 2003
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Peintre
et écrivain |
Peintre et écrivain
Il était une fois un peintre,
un homme des couleurs, et un écrivain, un homme des
mots, et depuis de longues années, ces deux hommes
étaient de bons amis. Il avait à quelques
reprises été question que le peintre, à
l'occasion, fasse le portrait de l'écrivain. Mais
vous savez bien comment vont les choses. L'occasion ne se
trouva jamais. D'abord ce fut l'homme des mots, qui avait
dix ans de plus que son ami, qui avait beaucoup trop à
faire et n'avait pas très envie de rester patiemment
assis pour poser. Ensuite ce fut l'autre, l'homme des couleurs,
qui avait rencontré le succès et la célébrité
et connaissait maintenant les joies et les peines d'une
telle situation: emploi du temps trop rempli, sollicitations
constantes, visites et lettres de collègues cherchant
de l'aide, voyages obligés, portraits à exécuter.
Mais le temps passant, l'homme des mots était à
présent devenu vieux et vivait de plus en plus retiré;
il était souvent malade, avait depuis longtemps renoncé
aux voyages et aux visites, et la plupart de ses amis avaient
pris l'habitude de ne plus rien lui demander et de le laisser
désormais à la tranquillité de sa vie
d'ermite. Mais il est un point sur lequel l'homme de lettres,
dans cette amitié, avait beaucoup de chance. Bien
loin d'être analphabète comme tant d'autres
artistes, son ami peintre s'y entendait à merveille
à manier la plume, et plusieurs fois dans l'année,
des lettres étaient échangées; celles
du peintre étaient à la fois plus longues
et plus nourries que celles de l'écrivain, mais celui-ci
avait en contrepartie la possibilité, par les livres
et les essais qu'il lui envoyait, de tenir son ami au courant
de sa vie et de sa pensée. De la sorte, cette amitié
put non seulement continuer à vivre, mais encore
se développer, même sans nouvelle rencontre
pendant de longues années. C'était l'une de
ces amitiés que l'on ne peut pas mettre sur le compte
du hasard ou de la chance, mais que l'on ressent au contraire
comme une composante organique de la vie, une amitié
dont on est sûr et dont on croit pouvoir dire que
même après des années et des décennies
de séparation, elle sera aussitôt là
à la première rencontre, vivante et solide
comme elle l'a toujours été.
Or un jour, à je ne sais quelle
occasion, la question du portrait ressurgit entre les deux
amis, et il se trouva cette fois-là que l'un et l'autre
avaient justement et le temps, et l'envie de se lancer dans
l'entreprise. L'homme des mots, qui voulait faire à
un ami le cadeau de son portrait, invita l'homme des couleurs
à passer quelques semaines d'été chez
lui; il lui laissa le choix d'être son invité
dans sa maison ou bien dans un hôtel voisin, et exprima
l'espoir qu'il en résulterait un tableau qu'il pourrait
lui acheter. Le peintre se déclara volontiers d'accord,
et l'on convint que l'ancien poserait environ deux heures
chaque jour. Mais c'était déjà un effort
assez important, trouva le peintre qui ne voulait pas entendre
parler d'invitation ni d'achat du tableau: il était
content et reconnaissant que son ami veuille bien lui consacrer
tout ce temps, il se sentait depuis longtemps redevable
à son égard pour telle ou telle attention
passée, et s'il pouvait s'acquitter de cette dette
en faisant un tableau acceptable et en l'offrant à
son modèle, il n'en demanderait pas plus et serait
très content.
Le peintre, un dangereux charmeur,
parvint ainsi à retourner l'offre initiale; commença
alors une joute diplomatique pour savoir qui, dans cette
affaire, devait offrir et qui devait recevoir quelque chose
- combat que le peintre gagna sur toute la ligne. De commanditaire,
l'homme des mots devint le bénéficiaire, quelles
que fussent ses protestations. Durant toutes les semaines
où, le matin, son ami le peignait, il s'assit donc
chaque après-midi à sa table pour pouvoir
de son côté, avec du papier et de l'encre,
lui offrir une petite contrepartie.
Chaque matin, le peintre arrivait
donc dans la maison. Dans une pièce avec de grandes
fenêtres baptisée "atelier", on lui
avait attribué un coin pour son matériel.
Deux heures durant, c'était la séance de pose,
de peinture, et l'écrivain qui n'avait plus l'habitude
d'un travail sérieux avait là le sentiment
gratifiant de servir à quelque chose, d'accomplir
chaque jour un petit devoir, de contribuer presque à
la tâche qui s'accomplissait. Il restait patiemment
assis, et malgré la canicule estivale, il n'arriva
que deux ou trois fois qu'il se sente sur le point de s'assoupir;
il se secouait alors vigoureusement, ou bien demandait cinq
minutes de pause. Pendant la pause, le peintre continuait
à étaler les couleurs sur sa toile, ce qui
pouvait donner matière à des taquineries:
il pouvait tout aussi bien continuer à travailler
sans son modèle! Mais parfois, pendant ces pauses,
les deux amis sortaient sur la terrasse inondée de
soleil pour descendre dans le jardin, se mettaient sous
le grand mûrier dont les branches pendaient, lourdement
chargées, et mangeaient les baies juteuses et sucrées.
Puis l'on se remettait au travail, et leurs conversations,
pendant que le peintre travaillait, étaient le plus
souvent chaleureuses et animées.
Elles commençaient généralement
par l'actualité la plus récente, c'est-à-dire
par le tableau commencé, et par des considérations
sur les joies et les peines du portrait; sur ce sujet, l'homme
des couleurs avait souvent un besoin ardent de s'emporter
contre lui-même et de maudire son talent, son destin,
sa nature. Furieux, le sourcil en broussaille, il constatait
que les vieux maîtres avaient la tâche aisée,
ce qui amena l'autre à répondre un jour: "c'est
sûr, d'ailleurs il n'y a qu'à regarder les
autoportraits du vieux Rembrandt
". Mais oui,
répéta le peintre contrarié, ils avaient
la tâche aisée, ces vieux maîtres, et
on a envie de les envoyer au diable, mais malheureusement,
on les aime tellement
Mais lui - pauvre de lui! -
il s'était si souvent entendu dire qu'il était
un amateur incapable! Un jour, quelqu'un le regardait peindre
un paysage; devant la toile qu'il avait bien cochonnée,
puis presque entièrement raclée, le spectateur
avait haussé les épaules et avait tourné
le dos en grommelant: "Eh oui, peindre, ce n'est pas
donné à tout le monde!
" Un autre
jour, deux femmes étaient restées longtemps
debout derrière lui à le regarder, l'une d'elles
ne pouvant pas s'arracher à la vue du peintre rageusement
captivé par son travail, jusqu'à ce que l'autre
la tire par le bras et dise sur un ton agacé: "Allez,
viens donc, Karl fait aussi bien que ça à
la maison! " Et le pire de tout: un jour, alors qu'il
suait sang et eau depuis plusieurs semaines pour exécuter
un portrait, un ami et collègue était arrivé
chez lui et avait contemplé le tableau pendant quelques
instants; sollicité de donner son avis, il avait,
sans dire un mot, sorti son couteau de poche, ouvert la
lame et l'avait tendu, ouvert, au portraitiste. Ah là
là! Le portrait
Comment comprendre que les
virtuoses, ces singes, trouvent souvent dès la première
séance de pose la ressemblance parfaite! Chez lui,
cela venait généralement en tout dernier,
et encore pas toujours! Mais peu importe, le portrait était
malgré tout le travail le plus beau et le plus respectable
que puisse faire un peintre, et dans le fond, il n'enviait
pas ceux qui n'avaient pas le courage de s'y mettre et qui
se défilaient.
Le plus souvent, le peintre était
là l'après-midi également et peignait
sans son modèle, ou avec simplement de très
courtes séances de pose. Parfois, lorsqu'il revenait
après une absence d'une heure, l'homme des mots avait
du mal à reconnaître le tableau. Au bout de
quinze jours, et après que le tableau commencé
eut ressemblé un moment à Hölderlin âgé,
ensuite à Abraham Lincoln, le peintre commença
à raconter des histoires, à citer des propos
de grands artistes sur l'art du portrait. Interrogé
sur le temps dont il avait besoin pour faire un bon portrait,
l'un d'entre eux avait dit: "Une demi-heure. Mais pour
la trouver, cette demi-heure, il me faut quatre-vingt-dix
séances de pose." Et il se mit alors, avec beaucoup
de ménagements, à préparer son modèle
à l'idée que, très vraisemblablement,
il faudrait encore quelques semaines pour terminer le tableau
Mais l'homme de lettres, satisfait des séances de
poses et familier par ailleurs de la sagesse des anciens
Chinois, assurait chaque fois son ami que quelques semaines,
voire quelques mois de plus n'étaient pas un problème,
que c'était un vrai plaisir pour lui de voir naître
ce tableau qui ressemblait tantôt à quelqu'un,
tantôt à un autre, tantôt à un
jeune homme, tantôt à un octogénaire;
il pouvait suivre ce spectacle encore longtemps, et même
les tourments psychologiques du peintre, l'exaltation qu'il
mettait parfois à se déprécier lui-même
lui étaient sympathiques, et il assisterait volontiers
à cela encore tout l'été, et même
jusqu'à l'automne.
Plusieurs fois, dans un moment de
repos, les amis jouèrent aux échecs. Pour
l'homme des mots qui n'avait aucun don pour ce jeu ni aucune
pratique, c'était un grand plaisir. Personne ne perdait,
tout le monde gagnait. Après un coup de débutant
de son adversaire, le peintre disait par exemple: "Oui,
bien joué, les noirs se retrouvent presque dans l'embarras.
Mais évidemment, si les noirs répliquent maintenant
comme ça, et puis comme ça, les blancs sont
mal partis, et au bout de trois coups ils vont perdre au
moins une pièce - il vaut donc mieux que nous jouions
autre chose." Il suggérait donc un autre coup
à son adversaire, et quand celui-ci avait joué,
il pouvait alors se mettre à gémir: "Alors
là, je suis dans une sale situation! Cela va me coûter
au moins ma tour, et mon roi ne sera plus protégé!
" A la fin, c'est toujours celui qui n'y connaissait
rien qui avait gagné, et il avait en plus l'illusion
d'avoir appris beaucoup de choses. Et si le peintre s'accablait
parfois lui-même de blâmes et de reproches pour
son travail et attribuait à son vieil ami une supériorité
imaginaire, il y avait aussi toujours des situations, aux
échecs et ailleurs, où le plus âgé
n'était pas seulement celui qui recevait, mais aussi
celui qui apprenait, le moins solide des deux.
Entre-temps, le peintre avait commencé
un deuxième, puis un troisième tableau auxquels
il travaillait le plus souvent sans son modèle, et
qui n'eurent besoin que de deux séances de pose pour
le premier, d'une seule pour le second avant d'être
achevés. Le travail avançait donc bien, mais
cela n'allait pas sans inconvénients pour l'écrivain
qui se retrouvait souvent dans une situation délicate:
il fallait bien de temps en temps qu'il complimente son
ami pour son beau travail et qu'il combatte l'auto-dénigrement
de l'éternel insatisfait; mais d'un autre côté,
il ne souhaitait absolument pas que le travail se termine
rapidement. Parfois il arrachait au peintre une de ses toiles
et la mettait à l'écart pour que l'artiste
ne détruise pas ce qu'il avait réalisé
là. Ces tableaux étaient étonnamment
différents l'un de l'autre: chacun présentait
un autre aspect du modèle. En même temps qu'il
s'acharnait furieusement à rassembler autant qu'il
le pouvait tous ces aspects dans un seul tableau, le peintre
peignait une toile, puis une autre, et les belles semaines
d'été s'écoulaient, et puis l'on apprit
aussi, par hasard, qu'à côté des portraits,
le peintre avait fait aussi d'autres toiles durant cette
période, des paysages, la plupart depuis la fenêtre
de sa chambre d'hôtel, notamment une vue de nuit.
C'était une véritable ébullition, une
magnifique frénésie créatrice qui s'étaient
emparées de l'artiste - spectacle superbe, émouvant,
qui rendait parfois un peu confus le vieil écrivain
à la retraite.
Les belles semaines passent pour
nous à une vitesse incroyable, rien n'est aussi fugace
que le bonheur. Les tableaux s'achevaient, les uns après
les autres, et les conversations des deux amis s'étaient
transformées en un échange de plus en plus
ouvert, de plus en plus profond. Plus ils sentaient s'approcher
le jour de la fin et des adieux, plus ils prenaient conscience
l'un et l'autre avec émotion et nostalgie qu'ils
avaient vécu une période riche et belle. Une
fête couronna ces semaines de bonheur, et dans la
grande pièce décorée de la maison,
les tableaux étaient dressés à côté
l'un de l'autre, résultat d'un combat mené
avec beaucoup de sérieux, mais aussi d'un échange
mutuel fécond. Ce ne fut d'ailleurs pas un adieu
définitif à ce travail ni à ces retrouvailles.
On était convenu de recommencer un été
prochain, non que la tâche n'eût pas été
accomplie, mais parce que tout travail de ce genre, toute
rencontre semblable entre deux amis est une source inépuisable
d'enrichissements toujours nouveaux.
(1945)
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Extrait
des souvenirs sur Othmar Schoeck |
Extrait des souvenirs sur
Othmar Schoeck
Je réponds volontiers à
la demande qui m'est faite de retracer quelques souvenirs
de mes rencontres avec Othmar Schoeck. Mais je suis un mauvais
mémorialiste, car il me manque l'une des qualités
les plus essentielles pour cette tâche, à savoir
la fiabilité de la mémoire. Celle-ci, chez
moi, conserve sans doute assez bien le détail d'événements
vécus, mais la totalité d'une relation, dans
sa continuité, lui échappe: je garde les images,
mais j'oublie les époques, c'est-à-dire les
dates et leur ordre de succession.
Je dois d'avoir fait la connaissance
de Schoeck à notre ami commun, Alfred Schlenker,
de Constance. Schoeck avait alors à peine plus de
vingt ans et on exécutait à Zurich son "Postillon",
dédié à mon ami Albert Welti. Je me
rappelle encore beaucoup de passages de cette aimable uvre
de jeunesse que je n'ai jamais réentendue depuis
vingt-cinq bonnes années. Les soli étaient
chantés par le ténor Flury, que je vis pour
la première fois à cette occasion et que je
devais rencontrer souvent, quelques années durant,
dans l'entourage immédiat de Schoeck. Il ne me plaisait
que modérément, mais il chantait superbement
le "Postillon" et la douce intimité, la
naïve mélodie de l'uvre, en même
temps que le texte de Lenau et la dédicace à
Welti, gagnèrent immédiatement mon côté
romantique et idyllique. Je me sentais chez moi dans cette
musique, comme chez Schubert; et si je portais en moi, dès
cette époque, une bonne dose de problématique,
la musique n'était précisément pas
l'art dont j'attendais alors qu'elle pût la résoudre.
J'étais plutôt conservateur en la matière,
comme la plupart des poètes ou des écrivains,
et j'avais encore à l'égard de la musique
romantique un rapport d'amour juvénile qui ne devait
se perdre que beaucoup plus tard. Ainsi la première
uvre de Schoeck que je pus entendre agit-elle sur
moi de façon moins problématique encore et
plus intemporelle qu'elle ne l'était en réalité.
A ceci s'ajoutait la dizaine d'années que je comptais
de plus que Schoeck, de sorte que je le considérai
dès l'abord, tout en le trouvant sympathique et en
pressentant sa force, sous cet angle entièrement
inoffensif. Mais cela ne devait pas durer longtemps et après
quelques rencontres surgit dans nos conversations un personnage
central, une figure démonique, que nous aimions tous
deux ardemment et dont nous avons parlé à
d'innombrables reprises, à savoir Hugo Wolf.
Dans ces années que je vécus
à l'écart, en adversaire déclaré
des grandes villes, sur les rives inférieures du
lac de Constance, je n'étais pas sevré de
musique. Ma femme jouait beaucoup du piano et en jouait
bien, mais il me manquait un ami musicien avec lequel je
pusse non seulement parler musique, mais qui eût pu
exécuter pour moi des uvres de toute nature
de façon récapitulative, en les résumant
et le cas échéant en les expliquant. Cela,
Schoeck pouvait le faire et je me liai d'amitié avec
lui d'une façon rapide, cordiale, universelle et
charmante que je n'avais jamais rencontrée auparavant
dans mes nombreuses relations avec des musiciens. Pendant
plusieurs années, il fut pour moi le portier et le
gardien du trésor d'un monde que je n'aurais pu parcourir
autrement de manière aussi immédiate et aussi
libre. Chacun de ses amis se souvient avec gratitude des
heures où Schoeck allait lui jouer chez lui, dans
sa chambre ou sur quelque piano de bar "Figaro"
ou "La Flûte Enchantée", le "Barbier"
de Rossini, le "Corregidor" ou encore "La
Chauve-Souris" ou des lieder de Schubert et de Wolf,
la façon dont il indiquait légèrement
toutes les voix, soulignait les thèmes caractéristiques,
suggérait même l'orchestration, racontant et
expliquant en même temps le cours de l'action par
des paroles, des regards et des gestes. Une grande part
de la bonne musique dont j'ai pris une meilleure connaissance
pendant ces années et qui a formé ma conception
de cet art m'est venue de cette source. Beaucoup d'uvres
que je n'avais pu écouter qu'une ou deux fois dans
ma vie au concert ou au théâtre, il me les
a fait entendre à mainte reprise, notamment le "Corregidor"
qui était alors notre pièce préférée.
Dans ces premières années de notre amitié,
par besoin pour l'obligé d'exprimer sa reconnaissance,
j'écrivis pour un livret un opéra romantique
et je ne regrette ni de l'avoir écrit ni qu'il n'ait
pu s'en servir.
Schoeck est souvent venu me voir
dans mon village des bords de l'Untersee et lorsque, beaucoup
plus tard, nous évoquions ces visites dans une conversation,
il prenait une expression rêveuse et comme transfigurée:
"Tu avais alors, disait-il, dans ta cave un vin de
Merseburg, un vin merveilleux, tu te souviens?" C'était
vrai; nous avons vidé ensemble maint pichet de ce
Merseburger. Je revois Schoeck dans ces soirées de
Gaienhofen, se levant lors d'une pause dans la conversation
et passant dans la pièce voisine pour exécuter
au piano un lied de Wolf, l'un des siens ou encore une valse
de Strauss.
Dans les années d'avant la
Grande Guerre, j'avais coutume d'aller faire au printemps
une courte excursion en Italie et dans plusieurs de ces
voyages, le plus souvent dans des petites villes de Toscane
ou de l'Italie du Nord, Schoeck m'accompagnait. Nous avons
ainsi passé quelques jours (le peintre Fritz Widmann
était de la partie) dans la citta alta de Bergame
et nous allions le soir dans un petit café vétuste
dont le patron avait été musicien. Cette auberge
poussiéreuse possédait un vieux piano à
table horizontale, en fort mauvais état, au son grêle
et voilé, dont plusieurs cordes avaient sauté
et qui était grandement désaccordé.
C'est sur cet instrument que Schoeck nous jouait des moitiés
d'opéras, des opéras entiers, sous l'il
ravi du patron et de sa famille. Une fois, notre camarade
Widmann eut la fantaisie d'essayer, lui aussi, s'assit et
attaqua vigoureusement les touches, mais bondit en arrière,
épouvanté. J'essayai à mon tour quelques
notes: il était parfaitement impossible d'arracher
à cette ruine quelque chose qui ressemblât
à un son. Et cependant Schoeck était parvenu
à en tirer de la musique; il avait ensorcelé
l'objet, il avait évoqué l'esprit des maîtres
et sous ses doigts la bonne vieille guimbarde était
redevenue piano, avait produit du Rossini et du Verdi et
avait même stupéfait et ravi son propriétaire,
l'ancien musicien. C'était un exemple de la puissance
de suggestion qui était propre à Schoeck.
Avait-il jeté un sort au piano ruiné ou aux
auditeurs? Quoi qu'il en soit le miracle s'était
produit.
Dans un autre voyage où nous
accompagnait cette fois Fritz Brun, nous vîmes le
jeune Schoeck charmer victorieusement un tout autre appareil.
C'était à Orvieto. Nous avions rendu visite
à la cathédrale et au Signorelli, avions rôdé
à travers la petite ville, fait la promenade dans
les profondeurs du Pozzo di San Patrizio et nous nous reposions
enfin dans un café sur la Piazza. Il s'y trouvait
une étrange machine, un jeu de hasard mécanique.
Cet automate avait de petites fentes dans lesquelles on
pouvait glisser des piécettes de vingt centimes.
Selon le trou choisi, on pouvait, avec de la chance, obtenir
en retour cinq, dix, ou même vingt, voire quarante
de ces pièces. Bien sûr, ces nombres élevés
sortaient plus rarement que les autres et les habitués
nous assurèrent que plusieurs d'entre eux avaient
gagné les cinq, les dix et même parfois les
vingt, bien que miser dessus fût déjà
bien hasardeux. Les quarante, disaient-ils, étaient
bien sortis aussi une fois ou l'autre, mais aucun homme
raisonnable n'aurait misé dessus. Notre intérêt
s'accrut, nous laissâmes notre vermouth sur la table
et considérâmes l'instrument; puis nous changeâmes
deux ou trois francs et commençâmes à
introduire notre petite monnaie dans les mâchoires
qui l'engloutissaient allègrement, en rendant pourtant
une fois deux ou cinq pièces. Schoeck déclara
alors qu'au jeu il fallait risquer le tout pour le tout,
régla l'appareil sur le quarante, introduisit sa
pièce et poussa le bouton. La machine émit
un violent grognement et dans la cuvette en forme de coquille
à la base de l'appareil, et jusque sur le sol du
café, se mit à ruisseler une cascade de pièces,
quarante en tout. Le patron bondit, les clients ouvrirent
de grands yeux, Schoeck ramassa à deux mains son
tas de monnaie et le mit dans sa poche. Nous rîmes
comme des fous et le félicitâmes, prîmes
un nouveau vermouth et, avant de quitter le café,
Schoeck glissa encore, par manière de plaisanterie,
une pièce dans l'appareil, misant sur le quarante;
et l'appareil, encore une fois, vomit à grand bruit
ses quarante pièces. Le matin suivant, nous repassâmes
et Schoeck fit une troisième fois ce qu'aucun homme
raisonnable n'aurait fait et il gagna de nouveau les quarante.
Il était l'heure de partir. Le patron et les clients
étaient vaguement inquiets. Sur la route de la gare,
un homme me prit courtoisement le bras, montra Schoeck qui
marchait devant nous et il me demanda à voix basse:
"Dites-moi, c'est lui, là, ce jeune homme blond
qui a gagné trois fois les quarante?"
Une fois, Schoeck passait l'été
dans une petite pension de l'Oberland zurichois et je lui
rendis visite. Il pleuvait à verse et l'on ne pouvait
guère sortir. Dans cette maison, il y avait une petite
écolière que Schoeck aimait bien et dont il
s'occupait beaucoup, lui apprenant de ci, de là un
air; je l'entendis répéter à deux voix
avec l'enfant la chanson: "Qui a les plus jolis moutons?"
Nous parlâmes aussi de Meinrad Lienert et Schoeck
me joua et me chanta son lied:
Quand le soir tombe, il n'est rien
de plus beau
Qu'un joli petit lied qui a poussé tout seul.
C'est là aussi que mon ami
me révéla ses talents de peintre. Certes je
savais depuis longtemps qu'il lui arrivait de peindre et
je n'en avais pas été surpris, car dans la
maison de son père cela n'avait rien d'étonnant
et nous avions, dans nos voyages, beaucoup parlé
peinture. Nous en causions maintenant devant la nature elle-même,
c'est-à-dire que nous nous demandions, en considérant
le paysage, comment il faudrait le rendre de façon
pittoresque et là comme ailleurs, Schoeck ne partait
pas d'idées abstraites ni de théorie, mais
de l'aspect sensuel. Il parlait volontiers du plaisir et
du supplice qu'est la recherche d'une teinte. Une fois,
évoquant la volupté sensuelle que devait avoir
donnée aux maîtres italiens de la fresque la
peinture sur l'enduit frais des murs, de la main il faisait
le geste d'appliquer de larges touches avec un pinceau grassement
chargé et des lèvres produisait un bruit de
succion imitant celui du plâtre absorbant goulûment
la couleur. Il est donné aux génies sains
et d'une sensualité heureuse de pouvoir transmettre
par de tels procédés ce qu'ils veulent communiquer;
c'est là une part importante du charme qu'ils exercent;
et chez Schoeck le point culminant d'une conversation était
bien souvent le moment où il exprimait par la mimique
ou par la peinture sonore ce qui ne pouvait être mis
en paroles. Je sais apprécier ce charme, j'y succombe
comme les autres; mais chez Schoeck, ce qu'il y avait de
rare et d'attrayant pour moi ne fut jamais ces dons ou ces
talents en eux-mêmes, mais la modération avec
laquelle il en usait. Ce qui m'a toujours attiré
en lui au-delà de la sympathie initiale, ce n'était
plus cette génialité naïve et sensuelle
de ressentir les choses et sa manière de les exprimer;
d'autres le peuvent, les femmes notamment, de manière
souvent fantastique, et des animaux doués y arrivent
mieux encore. Non, ce qui me charmait chez lui et me le
rendait si précieux, c'était la présence
simultanée de contraires dans son être et la
tension qui en résultait, la coexistence de la robustesse
et de la faculté de souffrir, la compréhension
pour les joies les plus naïves unie à celle
de la spiritualité, la différenciation élevée
de sa personnalité qui n'allait pas sans douleur,
la puissance sensuelle en union ou en lutte avec la puissance
spirituelle. Cet homme n'avait pas seulement la faculté
d'exceller en musique et de s'assimiler comme en jouant
tous les autres arts, il ne se contentait pas de charmer
les femmes et de participer en jouisseur à un banquet
(et même à trois heures du matin après
un souper abondant et force verres de vin de traverser toute
la salle sur les mains, un cigare allumé à
la bouche), non, il était aussi capable de se rendre
un compte précis de ses capacités, de ses
conflits et de ses problèmes et pouvait souvent (cela
peut paraître ridicule et c'est vrai cependant) penser,
chose aussi rare chez les artistes que chez les autres hommes.
Que son côté sensuel, celui de l'âme,
ait été en fin de compte plus fort que le
spirituel, que chez lui la conscience n'ait jamais troublé
sérieusement ou dépassé l'instinct,
c'est une part de ce qui fait sa bonne santé et sa
force: il est musicien après tout et non philosophe.
Mais il avait la faculté qui permet une haute différenciation,
le sens de la solitude, de l'abstraction, de la souffrance
au-dedans de soi-même; il n'était pas seulement
le charmant garçon qu'on aime bien, plutôt
qu'on ne le prend au sérieux, il n'était pas
seulement musicien, mais créateur. Tout cela donnait
une vivacité permanente à nos rapports et
même s'il survenait entre nous quelque brouille, la
force d'attraction retrouvait bien vite ses droits.
Mais je me suis égaré;
je voulais simplement dire un mot de la peinture de Schoeck.
Dans les conversations à ce sujet, il se montrait
partisan de la plus grande délicatesse et du plus
grand soin dans la recherche des tons, rejetant tout recours
brutal, enfantin ou même expressionniste, à
des couleurs violentes et sans nuances. "Regarde, me
disait-il par exemple, là-bas dans le lointain tu
vois les premières montagnes et leurs prairies éclairées.
Elles te semblent vertes, n'est-ce pas? Et elles sont vertes,
mais avec une dilution infinie, et de fait, nous ne les
voyons pas tellement vertes mais nous savons que les prairies
sont vertes et par conséquent nous les voyons ainsi."
Puis il se penchait, cueillait une feuille d'une plante
des champs et la tenait devant le paysage. "Voilà
du vert, s'écriait-il, regarde comme ça jure!
Le lointain, là-bas, est incolore." Il disait
que c'était une grande jouissance que d'assortir
les tons sur la palette jusqu'au moment où ils s'accordent
exactement.
Je possède depuis de longues
années deux paysages de Schoeck, deux petites peintures
à l'huile. Ils n'ont rien perdu de leur grand charme
et de leur valeur pour moi et il est arrivé plus
d'une fois que des peintres venant me rendre visite aient
regardé sans grande curiosité les toiles qui
ornent mes murs, mais se soient soudain animés et
m'aient demandé le nom du peintre lorsqu'ils découvraient
un de ces tableaux
L'un des deux, très ancien,
a une tonalité remarquable et répond à
un but tout particulier. C'est un paysage, une vallée
des Alpes très encaissée, vers le soir; presque
tout est déjà dans l'ombre et une lumière
singulière règne sur ce paysage silencieux;
le soleil éclaire encore quelques cimes et une partie
du premier plan; au ciel, au-dessus des rochers qu'illumine
encore la tiédeur des rayons, une lune plus qu'à
demi pleine; sa blanche fraîcheur s'oppose encore
à toutes les couleurs de la terre, mais refroidit
déjà le ciel et semble en relation avec les
ombres. Ce tout petit tableau, qu'on peut considérer
à son gré comme naïf ou raffiné,
a rendu rêveur plus d'un spectateur. Je suis depuis
nombre d'années séparé de Schoeck par
une longue distance et plus encore par la paresse plus que
géniale qu'il met à écrire; et lorsqu'il
me manque ou que je suis déçu par l'absence
de réponse à mes lettres, j'ai pris l'habitude
de regarder un de ses tableaux afin de me rendre présent
son auteur.
Le deuxième tableau de lui
que je possède provient de cet été
dans l'Oberland zurichois. C'est une vue de cette Suisse
de l'intérieur, sous un ciel gris d'orage, avec cette
atmosphère que Gottfried Keller a rendue dans ces
vers:
Un jour très doux, paisible,
pluvieux,
Si lumineux cependant que, peut-être,
Trouant le clair-obscur si sérieux,
Un soleil blanc, singulier, va paraître.
Derrière la forêt sombre
du premier plan s'élèvent, à grande
distance, des lointains plongés dans une clarté
pâle que répand un soleil blanc et singulier
de manière à la fois brutale et languissante;
à l'arrière-plan, tracés de façon
délicate mais nette sur une bande de ciel clair,
se dessinent les deux Mythes. Ce tableau aussi est un poème;
il est petit comme l'autre, mais bien qu'il soit peint avec
délicatesse du bout d'un pinceau effilé, l'écriture
en est libre, ludique, sans timidité aucune.
Les deux tableaux font partie pour
moi de l'image de mon ami, comme son écriture, comme
beaucoup de mots spirituels ou affectueux jetés sur
une carte postale au cours d'un voyage. De Lucques, il m'envoya
une carte où ne figurait que la première phrase
de la "Statue de Marbre" d'Eichendorff.
Et ceci nous amène aux poètes.
Ce serait un vaste chapitre, mais il m'est impossible d'écrire
là-dessus aujourd'hui. J'ai souvent parlé
de poètes et de poèmes avec Schoeck, surtout
des textes de ses lieder; et je puis dire que son sens de
la poésie et son jugement sur elle m'ont toujours
satisfait, conforté et ne m'ont jamais déçu
sur un point d'importance.
Ajoutons une dernière page
à ces souvenirs. C'était en avril 1915, en
pleine guerre. J'avais accepté une invitation de
conférence à Winterthur et m'étais
mis en route pour m'y rendre. De Berne où j'habitais
alors, j'étais venu par train à Zurich et
voulais continuer, le soir, sur Winterthur pour y passer
la nuit chez des amis avant la conférence du lendemain.
J'avais toutes sortes de courses à faire à
Zurich et n'avais pas le temps, pour une fois, d'aller voir
Schoeck. C'était déjà la période
horrible dans laquelle il m'était devenu presque
impossible de supporter le beau, et notamment la musique.
A Berne, Brun était souvent furieux contre moi quand
il m'invitait à un concert et que je me dérobais.
Mais la musique était alors pour moi ce qui me rappelait
de la manière la plus forte, la plus immédiate
tout ce qu'il y a de tendre, de délicat, de sacré
et dont le monde ne voulait plus rien savoir. Je parvenais
à la rigueur à supporter la guerre elle-même,
m'étant trouvé en elle une niche où
je pouvais m'imaginer pratiquer l'humanité, aider
à panser des blessures; mais je ne pouvais plus qu'à
peine supporter la musique: quelques mesures faisaient s'écrouler
ce semblant d'ordre et de discipline que je m'étais
imposé, éveillaient un désir ardent,
insupportable de fuir loin de ce monde et de la guerre.
Fatigué, peu satisfait et
de mon voyage et de mon projet, je me retrouvai le soir
à la gare de Zurich pour y prendre ma petite valise
et poursuivre mon voyage. Arrivé en avance, j'errai
un moment dans la gare, un peu réconforté
par la perspective d'une soirée passée chez
des amis très chers, mais plus abattu que joyeux.
Tant de choses pesaient sur le monde, sur la Suisse, sur
ma petite existence personnelle! La guerre m'avait si peu
laissé de ce qui faisait le sens de ma vie et de
mon activité; l'air qu'on respirait était
empoisonné, on buvait, au lieu d'eau, de la misère
et de l'angoisse, on mangeait un pain de douleur. J'étais
donc là à brasser des pensées vaines,
lorsque je sentis soudain une main se poser sur mon épaule,
sursautai, et vis Schoeck devant moi. Il me demanda amicalement
si je voulais réellement prendre le train; ne vaudrait-il
pas mieux passer la soirée à Zurich avec lui?
Je ris et dis qu'il n'en était pas question: on m'attendait
à Winterthur et c'était bientôt l'heure
du départ.
Il me considéra d'un air bizarre
et me dit dans un grand mouvement de cordialité pressante:
"Non, non, ne pars pas pour Winterthur; nous avons
à parler."
A cet instant, je compris qu'il fallait
m'attendre à quelque chose de particulier, une mauvaise
nouvelle; je sentis monter en moi un malaise et un frisson
que je ne pouvais m'expliquer et dis: "Que se passe-t-il?
Dis-le moi tout de suite."
Il murmura doucement: "Ton père
est mort."
Je n'en avais rien pressenti; la
nouvelle, inattendue, était arrivée à
Berne juste après mon départ; ma femme l'avait
retransmise à Schoeck et celui-ci, depuis des heures,
était à ma recherche.
C'est ainsi que je ne partis pas
pour Winterthur, mais rentrai d'urgence à Berne,
car se rendre en Allemagne à temps pour assister
à l'enterrement de mon père n'était
pas chose simple à l'époque; la guerre, la
frontière fermée, une foule de petits et grands
obstacles se dressaient en travers. Mais dans cet instant
où j'avais à supporter le choc de la nouvelle
et mon chagrin, un ami était près de moi.
Je lui en étais reconnaissant et je le suis encore.
(1936)
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Extraits
de presse |
[...]
Si sa tentative de suicide avait échoué, celle
de son petit frère Hans qui menaçait depuis
l'enfance avait fini par aboutir. Son souvenir inspire à
l'auteur une réflexion chaleureuse et profonde sur
l'enfance et la famille [...] toute son admiration va au
poète Rilke à une époque où
"nous étouffons dans un air irrespirable, celui
du monde mécanisé... mais nous restons en
contact avec le Tout."
[...]
Il y a des figures de médecins admirables, dont celui
qui soignait la mélancolie par la musique de Bach,
celles de son éditeur juif interdit de métier
et d'un éditeur aryen torturé par la Gestapo
pour l'avoir exercé à sa place. Un document
passionnant sur l'époque, sur l'homme, ses affinités
et ses tourments.
Feuillets d'album, traduit de
l'allemand par Jacques Duvernet, Editions Metropolis, 2003
L.B.
décembre 2003
Page créée le:
24.12.03
Dernière mise à jour le 16.01.03
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