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Anne Cuneo
Anne Cuneo, Le maître de Garamond, Editions Bernard Campiche, 2002.

Retrouvez également Anne Cuneo dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.

  Anne Cuneo / Le maître de Garamond
 

ISBN 2-88241-123-5
 

Au crépuscule du 24 décembre 1534, pendant que dans les familles parisiennes on s’apprêtait à fêter Noël, on pendait place Maubert un homme suspecté d’hérésie dont on brûlait ensuite le corps et les livres : Antoine Augereau, imprimeur, éditeur et graveur de caractères typographiques. Il était accusé d’être l’auteur des Placards contre la messe.

Antoine Augereau était une de ces personnalités à l’autorité naturelle qu’on remarque non pas parce qu’elles veulent se faire remarquer, mais parce qu’elles dépassent du moule commun. C’était un homme de lettres, un érudit, probablement un théologien. Il savait non seulement le latin comme tout un chacun, mais aussi le grec, qu’il écrivait, gravait et publiait. C’était un grand imprimeur, et il a sans doute été un grand pédagogue. Il a créé et transmis les caractères typographiques qui ont – directement ou indirectement – modelé ceux dont nous nous servons encore de nos jours. Il était l’imprimeur (c’est-à-dire l’éditeur) de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier.

Les accusations qui lui ont valu d’être condamné étaient infondées, et Antoine Augereau n’était qu’un bouc émissaire.

Comment en était-on arrivé là ?

 

Son histoire est racontée par le plus célèbre de ses apprentis, Claude Garamond (qui, dans un même mouvement, raconte aussi la sienne propre). Il relate la naissance d’Antoine Augereau dans un milieu où se côtoient artisans et quelques-uns des intellectuels les plus brillants des débuts de la Renaissance française, qu’il s’agisse de droit, de médecine ou de mathématiques, son enfance à Fontenay-le-Comte à l’ombre du couvent où a vécu François Rabelais, son apprentissage à Poitiers, son immersion dans le milieu le plus érudit du Paris de son temps, ses discussions avec Geoffroy Tory, Robert Estienne, Clément Marot, avec lesquels il inventera l’usage des accents et de la cédille, ses premiers contacts avec la pensée des humanistes et avec celle de la Réforme naissante. Et enfin, son édition du Miroir de l’âme pécheresse, écrit par la sœur du roi de France, dont les théologiens de la Sorbonne désapprouvent la pensée ; comme la Sorbonne, gardienne jalouse d’une orthodoxie qu’elle voudrait figée et sans faille, ne peut pas condamner la sœur du roi, c’est Augereau qui paiera pour elle.

Mais Le maître de Garamond est aussi autre chose : c’est un voyage aux sources de la typographie, de l’imprimerie et de l’édition modernes. C’est le grouillement de la Grand-Rue Saint-Jacques du temps où elle abritait plusieurs imprimeurs par maison. C’est la pensée la plus moderne en train de se forger, une pensée humaniste, loin de tout fanatisme, ouverte, généreuse, qui rêve d’universalité : des hommes et des femmes lui sont à tel point attachés qu’ils sont prêts à mourir pour la défendre. À Antoine Augereau, elle coûtera la vie.

Anne Cuneo, Le maître de Garamond, Editions Bernard Campiche, 2002.

 

  Extrait

«L’imprimeur est loué pour la précision, la propreté de l’impression, pour la pureté de la correction, et tout ce qui s’ensuit », disait Francesco d’une voix courroucée. « Faut-il encore qu’il s’approprie les louanges qui appartiennent à des hommes qu’on a laissés dans l’oubli, quoiqu’on leur ait l’obligation de ce que l’Imprimerie a de plus beau ? Aujourd’hui, tout le monde admire mon italique, mais moi, on ne sait plus que j’existe. Il y a même des gens pour penser qu’il a été gravé par Alde, comme si ce savant penseur savait faire cela. Je m’étonne que tous ceux qui s’extasient sur le mérite des imprimeurs ne disent mot des graveurs en caractères ; pourtant, l’imprimeur, ou plutôt le typographe, n’est au graveur que ce qu’un habile chanteur est à un bon compositeur de musique.»

Extrait de : Le maître de Garamond

 

  Extraits de presse

Le roman dont le héros est un alphabet

Qui n'a admiré un beau Garamond, ce caractère dont l'élégante netteté confère au texte une lisibilité remarquable ? Mais connaît-on son origine ? Le voici, ce caractère, au coeur d'un roman qui, dans une intrigue à la Dumas, mêle arcanes typographiques, histoire des idées, naissance du protestantisme, la rencontre de Rabelais, Clément Marot, François Ier, Marguerite de Navarre et Jean Calvin... mais sans rien inventer, ou presque Anne Cuneo reconstitue la vie du plus grand créateur de caractères typographiques et la replace dans son foisonnant XVIe siècle.
[...]

Anne Cuneo, Le maître de Garamond, Editions Bernard Campiche, 2002.

Jacques Poget

04.12.02

Un maître envoûtant

On se plonge dans Le maître de Garamond avec délectation, car Anne Cuneo n'a pas son pareil pour envoûter le lecteur dès les premières lignes. Son écriture vivante et extrêmement bien documentée est une invitation au voyage, en l'occurrence dans les imprimeries d'un XVIe siècle fort riche en événement, Nul besoin d'être passionné par l'imprimerie pour se sentir concerné par le destin tragique d'Antoine Augereau, éditeur humaniste et génie dans son genre. Brûlé comme hérétique, ce grand homme ne pouvait rêver plus belle réhabilitation que le livre d'Anne Cuneo.

Anne Cuneo, Le maître de Garamond, Editions Bernard Campiche, 2002.

Didier Walzer

04.12.02

INTERVIEW EXPRESS de la romancière Anne Cuneo
Dumas chez les typographes

- Comment avez-vous découvert Augereau?

- Par hasard, bien sûr. En réalisant un film sur le grand typographe suisse Adrian Frutiger, j'ai interrogé un spécialiste alémanique qui m'a raconté, hors caméra, l'étonnante histoire d'Augereau. Mon cameraman s'est écrié: "Bon Dieu, c'est un film!" et moi "Bon Dieu, c'est un roman!" J'ai commencé des recherches pour un scénario et voilà, quatre ans plus tard, c'est... un roman.

- Qu'est-ce qui vous a passionnée dans cette histoire, la typographie ou la religion?

- Je me suis rendu compte tardivement de ce qui saute aux yeux en lisant ce bouquin: religion, politique et typographie ou imprimerie sont une seule et même chose! J'ai paniqué face aux subtilités du mouvement évangélique - ces gens ne se voulaient pas réformés, pas luthériens - et j'ai arrêté. Puis j'ai découvert une étude sur Augereau, dont l'auteur, une adorable octogénaire, m'a beaucoup aidée dans mes recherches. Je suis ensuite allée sur les lieux de jeunesse d'Augereau et j'ai découvert que Rabelais y vivait exactement aux mêmes années dans une ville pas plus grande que la Cité à Lausanne, du château à la Palud! Ils n'ont pas pu ne pas se connaître.

- Vous prenez-vous pour Dumas?

- Non, mais c'est mon idole. Les trois mousquetaires ont changé ma vie, j'y ai appris le français, et à vingt ans je pouvais terminer n'importe laquelle de ses phrases. J'ai lu absolument tout Dumas et depuis une semaine j'oscille entre indignation - comment a-t-on osé le déranger de sa tombe de Villers-Cotteret, là où il voulait reposer? - et bonheur - enfin on lui donne au Panthéon la place qui lui revient. Car au fond on s'est moqué de lui: il n'y pas longtemps qu'on a enfin établi une édition critique de son oeuvre.

Jacques Poget

04.12.02

 

  Notice biographique

Journaliste à la Télévision Suisse Romande (TSR), Anne Cuneo est née à Paris en 1936, mais elle a effectué ses études secondaires et universitaires à Lausanne. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre Genève et Zurich.

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages à ce jour, l’écrivain a vendu plus de 120 000 exemplaires de Le Trajet d’une Rivière (Prix des Libraires et Prix littéraire «Madame Europe» 1995). A noter que Mortelle maladie (1969), un des livres les plus personnels d’Anne Cuneo, est récemment sorti en édition de poche (Bernard Campiche Editeur)
 

Page créée le 19.12.02
Dernière mise à jour le 06.01.03

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